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fon fils? Tartuffe fera-t-il confondu & démafqué aux yeux d'Orgon, ou jouirat-il de fa fourberie? Voilà le problême à réfoudre. Au lieu du trouble & du danger qui règne dans la Tragédie, c'est l'agitation des querelles domelliques ; au lieu des revers, ce font les méprises; au lieu du pathétique, c'eft le ridicule : mais le combat des intérêts, le choc des incidens eft le même dans les deux genres, pour amener, en fens contraire, deux événemens oppofés. Obfervons feulement que, dans le comique, fi le malheur est grave, il ne doit être craint que par les perfonnages les fpectateurs doivent au moins fe douter qu'il n'en fera rien: c'est une différence effentielle entre les deux genres, & peut-être le feul artifice qui manque à l'intrigue du Tartuffe, dont le dénouement n'eût rien perdu à être un peu plus annoncé.

L'intérêt du poète, en effet, n'est pas, dans le comique, de tenir le spectateur en peine, mais bien les perfonnages: car il s'agit de divertir les témoins aux

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dépens des acteurs ; & à moins d'être de la confidence, il n'eft guère poffible de fe divertir d'une fituation auffi affligeante que celle qui précède la révolution du cinquième acte du tartuffe. Peut-être Molière a-t-il voulu que le fpectateur, faifi de crainte fût férieufement indigné contre le fourbe hypocrite mais ce trait de force, placé dans une pièce où le vice le plus odieux eft démafqué, ne tire point à conféquence; & en général, dans le vrai comique, un danger qui feroit frémir, s'il étoit réel, ne doit pas être férieux il faut au moins laiffer prévoir que celui qui en eft menacé, en fera quitte pour la peur.

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Si la définition que je viens de donner de l'adion, foit épique, foit dramatique, eft jufte, comme je le crois, on a eu tort de dire que l'action du poëme de Lucain manque d'unité; on a eu plus grand tort de dire que les poèmes d'Homère n'ont que l'importance des perfonnages, & non pas celle de l'ađion.

Il n'y a pas de problême plus fimple

que celui-ci : A qui reftera l'empire du monde? Sera-ce au parti de Pompée & du Sénat ? fera-ce au parti de Céfar? Or, dans le poème de la Pharsale, tout se réduit à cette alternative; & jamais action n'a tendu plus directement à fon but. On a déjà vu qu'un modèle admirable de l'action épique eft le fujet de l'Odiffée. Celui de l'Iliade eft moins intéreffant; mais par fon influence & comme événement, il eft d'une extrême importance. La colère d'Achille va-t-elle fauver Troye, & forcer les grecs à lever le fiège & à s'en retourner honteufement dans leur pays? ou, par quelque révolution imprévue, Achille, appaisé & rendu à la Grèce, va-t-il précipiter la perte des troyens & la vengeance des Atrides ? Voilà le problême de l'Iliade ; & la mort de Patrocle en eft la folution.

Qu'est-ce donc qu'on a voulu dire en reprochant à l'action de ce poème & à celle de l'Odiffé, de manquer d'importance? & qu'a-t-on voulu dire encore, en donnant pour des différences, entre

l'action épique & l'action dramatique, ce qui convient également à toutes les deux? La folution des obftacles eft, dit-on, ce qui fait le dénouement ; & le dénouement peut fe pratiquer de deux manières: ou par une reconnoiffance, ou fans reconnoiffance; ce qui n'a lieu que dans la Tragédie. Et pourquoi pas dans le poème épique? Celui-ci, comme l'a très-bien vu Ariftote, n'eft que la Tragédie en récit.

L'action de l'Epopée eft fans doute un exemple, mais non pas un exemple à fuivre : &, comme celle de la Tragédie, elle est tantôt l'exemple du malheur attaché au crime, à l'imprudence, aux paffions humaines; tantôt l'exemple des vertus, & du fuccès qui les couronne, ou de la gloire qui les fuit.

L'Epopée est une tragédie, dont l'action se paffe dans l'imagination du lecteur. Ainfi, tout ce qui, dans la Tragédie, est préfent aux yeux, doit être préfent à l'efprit dans l'Épopée. Le poète eft luimême le décorateur & le machinifte; &

non feulement il doit retracer dans fes vers le lieu de la fcène, mais le tableau, le mouvement, la pantomime de l'action, en un mot, tout ce qui tomberoit fous les fens, fi le poème étoit dramatique.

Il y a fans doute, pour cette imitation en récit, du défavantage du côté de la chaleur & de la vérité; mais il y a de l'avantage du côté de la grandeur & de la magnificence du fpectacle, du côté de l'étendue & de la durée de l'action, du côté de l'abondance & de la variété des incidens & des peintures.

Dans la Tragédie, le lieu phyfique du fpectacle oppose fes limites à l'effor de l'imagination; elle y eft comme empri→ fonnée : dans le poème épique, la pensée du lecteur s'étend au gré du génie du poète, & embraffe tout ce qu'il peint: mille tableaux qui fe fuccèdent dans les descriptions de Virgile, fe fuccèdent aussi dans ma pensée ; & en les lifant, je les vois.

Le poëte épique, à cet égard, eft bien plus heureux que le poëte dramatique.

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