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jouent ensemble avec jufteffe & avec grace, dont les rapports font vivement faifis & vivement exprimés, font le brillant de la penfée. Le ftyle eft brillant par la vivacité des pensées, des images des tours, & des expreffions. Le style d'Ovide, celui de l'Ariofte est brillant. Dans Homère, l'allégorie de la ceinture de Vénus eft une peinture brillante. J'ai cité ailleurs la defcription de la beauté du paon, dans la nouvelle Hiftoire Naturelle. La peinture du même oiseau quoique moins détaillée dans les Fables de La Fontaine, n'eft pas moins éblouiffante, lorfque Junon lui dit:

Eft-ce à toi d'envier la voix du roffignol,
Toi que l'on voit porter à l'entour de ton col
Un arc-en-ciel nué de cent fortes de foies,
Qui te panades, qui déploies

Une fi riche queue, & qui femble à nos yeux
La boutique d'un lapidaire ?
Eft-il quelque oiseau fous les cieux
Plus que toi capable de plaire?

Brillant ne fe dit guère que des sujets gracieux ou enjoués. Dans les fujets fé

rieux & fublimes, le style eft riche, écla

tant.

BRUNETTE. On donne ce nom à une espèce de chanson, dont l'air est facile & fimple, & le ftyle galant & naturel, quelquefois tendre, & fouvent enjoué. On les appelle ainfi, parce qu'il eft arrivé souvent que, dans ces chansons, le poète, s'adreffant à une jeune fille, lui a donné le nom de Brunette, petite brune.

Brunette, mes amours,
Languirai-je toujours ?

Un vrai modèle dans ce genre, eft cette chanfon de Dufrefni.

Philis, plus avare que tendre,
Ne gagnant rien à refuser,
Un jour exigea de Silvandre
Trente moutons pour un baiser.

Le lendemain nouvelle affaire:
Pour le berger le troc fut bon;
Car il obtint de la bergère.
Trente baifers pour un mouton.

Le lendemain Philis plus tendre,
Tremblant de fe voir refufer,

Fut trop heureuse de lui rendre

Trente moutons pour un baifer.

Le lendemain Philis peu fage

Auroit donné moutons & chien,
Pour un baifer que le volage

A Lifette donna pour rien.

BURLESQUE. Genre de ftyle ou de Poéfie, qui traveftit les choses les plus nobles & les plus férieufes en plaifan

teries bouffonnes.

Ceux qui fe font élevés férieusement contre le burlesque, ont perdu leur peine

à

prouver ce que tout le monde favoit. Les écrivains mêmes qui fe font égayés dans ce genre, ne doutoient pas qu'il ne fût contraire au bon fens & au bon goût. Mais ne feroit-on pas ridicule de représenter à un homme qui fe déguise grotefquement pour aller au bal, que cet habit n'eft pas à la mode? Affurément l'auteur du Roman comique favoit bien

ce qu'il faifoit en traveftiffant l'Enéide. Mais il y a de bons & de mauvais bouffons; & fous l'enveloppe du burlesque, il peut fe cacher souvent beaucoup de philofophie & d'efprit. Le but moral de ce genre d'écrits eft de faire voir que tous les objets ont deux faces; de déconcerter la vanité humaine, en préfentant les plus grandes chofes & les plus férieufes d'un côté ridicule & bas ; & en prouvant à l'opinion qu'elle tient fouvent à des formes. De ce contrafte du grand au petit, continuellement oppofés l'un à l'autre, naît, pour les ames fufceptibles de l'impreffion du ridicule, un mouvement de furprise & de joie fi vif, si soudain, fi rapide, qu'il arrive fouvent à l'homme le plus mélancolique d'en rire tout feul aux éclats; & c'eft quelquefois l'homme du monde qui a le plus de fens & de goût, mais à qui la folie & la gaieté du poète font oublier pour un moment le férieux des bienféances. La preuve que cette fecouffe, que le burlesque donne à l'ame, vient

du contrafte inattendu dont elle est fortement frappée, c'eft que mieux on connoit Virgile & mieux on en fent les beautés, plus on s'amufe à le voir travelli par l'imagination plaifante & folle

de Scarron.

L'Enéide traveftie n'eft autre chofe qu'une mafcarade, comme Scarron le ditlui-même ; & cette mafcarade n'eft past auffi grotefque qu'on le penfe communément. Ce font des dieux & des héros déguifés en bourgeois de Paris, mais tous avec leur propre caractère, dont Scarron a faifi le côté ridicule avec beaucoup de jufteffe & d'efprit. C'est ainfi que de Jupiter il a fait un bon homme; de Junon, une comère acariâtre ; de Vénus, une mère complaifante & facile; d'Enée, un dévot larmoyant, un peu timide & un peu niais; de Didon, une veuve ennuyée de l'être ; d'Anchife, un vieux bavard; de Calchas un vieux fourbe; de la Sibylle, une devinereffe, une difeufe de logogryphes; & de l'oracle d'Apollon, un faifeur de rébus picards.

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