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celles-là: il en eft ainfi des parties purement matérielles de l'univers, relativement à fes parties intelligentes & fenfibles; ce qui réduit la question de l'optimifine à une grande fimplicité.

Dans les arts, on a fouvent dit : Tout ce qui plaît eft bon. Cela eft vrai dans un fens étendu, comme on vient de le voir; & dans ce fens-là tous les vins font bons, celui dont le manant s'enivre, comme celui que favoure l'homme voluptueux, le gourmet délicat. Mais dans un fens plus rigoureux cela feul eft réellement bon qui caufe un plaifir falutaire, ou du moins innocent, à l'homme dont l'organe elt doué d'une fenfibilité fine & jufte : je dis un plaifir falutaire ou innocent; car, dans le phyfique, ce qui eft bon pour l'agrément, peut être mauvais pour la fanté ; & dans le moral, ce qui eft bon pour l'efprit peut être mauvais pour le

cœur.

Dans la nature, la même cause peut être mauvaise dans fon effet immédiat, & excellente dans fon effet éloigné, comme

une potion amère, une amputation douloureuse. Il n'en eft pas de même dans les arts d'agrément: leur effet le plus effentiel eft de plaire, & ce n'eft que par-là qu'ils fe rendent utiles; car toute leur puiffance eft fondée fur leur charme & fur leur attrait.

L'objet immédiat des arts eft donc une jouiffance agréable, ou par les commodités de la vie, ou par les impreffions que reçoivent les fens, ou par les plaifirs de l'efprit & de l'ame ; & c'eft ici le genre de bonté qui caractérise les beaux arts.

Mais les plaifirs de l'efprit & de l'ame peuvent être trompeurs, comme celui que fait un poifon agréable. C'est donc l'innocence de ces plaifirs & plus encore leur utilité, ou, s'il m'eft permis de le dire, leur falubrité, qui donne aux moyens de l'art une bonté réelle. Le plaifir eft fans doute une excellente chofe ;

mais le plaifir ne peut être pour l'homme

un état habituel & conftant. Le bonheur, c'est-à-dire, une état doux & calme, la paix & la tranquillité avec foi-même &

avec les autres, voilà le but univerfel où doit tendre un être fenfible & raisonna→ ble. Les ennemis de ce repos font les paffions & les vices; fes deux génies tutélaires font l'innocence & la vertu : ainfi, le plaifir ne doit être lui-même pour les beaux arts qu'un moyen, & leur fin ultérieure doit être le bonheur de P'homme. C'est ainsi que la bonté de la Comédie confifte à corriger les vices, & celle de la Tragédie, à intimider les paffions, & à les réprimer par des exemples effrayans. Voyez MaURS

Ce qu'on doit entendre par la bonté poétique fe trouve par-là décidé. Ce qui produit l'effet immédiat que le poète se propofe, eft poétiquement bon ; & toutes les règles de l'art fe réduisent à bien choisir & à bien employer les moyens propres à cette fin. Le premier de ces moyens est l'illufion, & par conféquent la vraisemblance; le fecond est l'attrait, & par conféquent le choix de ce qui peut le mieux intéreffer, attacher, émouvoir, captiver l'efprit, gagner l'ame, dominer l'imagina

tion,

tion, produire enfin la forte d'émotion & de délectation que la Poéfie a deffein de caufer,

la

Dans le gracieux, choififfez ce que nature a de plus riant; dans le naïf, cè qu'elle a de plus fimple; dans le pathétique, ce qu'elle a de plus terrible & de plus touchant. Voilà ce qu'on appelle la bonté poétique. Ainfi, ce qui feroit excellent à fa place, devient mauvais quand il est déplacé.

Mais la bonté morale doit fe concilier avec la bonté poétique ; & la bonté morale n'eft pas la bonté des mœurs qu'on fe propose d'imiter. La peinture des plus mauvaises mœurs peut avoir fa bonté morale, fi elle attache à ces mœurs la honte, l'averfion, & le mépris. De même l'imitation des mœurs les plus innocentes & les plus vertueufes feroit mauvaise, fi on y jetoit du ridicule, & fi, en les aviliffant, on vouloit nous en dégoûter.

La bonté morale, en Poéfie, est dans l'utilité attachée à l'imitation; comme en Eloquence elle eft dans la justice Tome I. Bb

de la caufe que l'on embraffe, & dans la légitimité des moyens que l'on emploie à perfuader.

Ainfi, quand on parle des mœurs théâtrales, par exemple, on ne doit pas confondre les moeurs bonnes en elles-mêmes, & les mœurs bonnes dans leur rapport avec l'effet falutaire qu'on veut produire. Narciffe & Mahomet font des perfonnages auffi utilement employés que Burrhus & Zopire, par la raifon qu'ils contribuent de même à l'impreffion falutaire qui réfulte de l'action à laquelle ils ont concouru. Tout ce qu'on doit exiger du poète pour que l'imitation ait fa bonté morale, c'eft qu'il faffe craindre de reffembler aux méchans qu'il met fur la fcène, & fouhaiter de reffembler aux gens de bien qu'il oppofe aux méchans.

Il y a cependant certains vices qu'il n'eft pas permis d'expofer fur le théâtre, parce que leur image blefferoit la pudeur; mais en cela même il me femble qu'on eft devenu trop févère. En prenant foin de voiler ces vices avec toute la dé

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