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qui est le même que celui des italiens.

Le vers peut avoir trois fortes d'agrémens qui le diftinguent de la profe : une harmonie plus fenfible; une difficulté de plus, qu'on a le mérite de vaincre ; & un moyen pour la mémoire de retenir plus aifément la penfée & les mots dont le vers eft formé. Le vers blanc peut être auffi harmonieux que le vers rimé, à la confonnance près, dont l'habitude a fait un plaifir pour l'oreille; & fi dans les vers blancs le poète a mis à profit la liberté qu'il s'eft donnée, pour en mieux affortir les nombres & les fons, le foible plaifir de la rime sera aifément compenfé. Mais la difficulté vaincue, & la furprise agréable qu'elle nous cause, fur-tout lorfque la néceffité de la rime produit une penfée inattendue & heureusement amenée, une expreffion fingulière & jufte, &, dans l'une ou dans l'autre, un tour ingénieux ; ce mérite de l'art, qui se renouvelle à chaque instant dans les vers rimés, & qui, par une alternative continuelle, excite & fatisfait la cu

riofité de l'efprit & l'impatience de l'oreille, n'existe plus dans les vers blancs. Ils n'ont pas non plus l'avantage de donner à la mémoire, dans l'uniffon des définences, des points d'appui, & comme des fignaux qui l'empêchent de s'égarer; & à ces deux égards les vers blancs font inférieurs aux vers rimés.

J'ajouterai que, dans toutes les langues, les vers les plus difficiles à bien faire ont été les mieux faits. De tous les vers métriques, l'hexamètre eft celui qui admet le moins de licences ; & c'eft en hexamètres que font écrits les plus beaux poèmes anciens. Notre vers de douze fyllabes eft le plus difficile des vers rhythmiques; & c'eft en vers de douze fyllabes que nos plus beaux poèmes font écrits. La contention de l'efprit en multiplie les forces, la néceffité en accroît les reffources; & le plus grand défaut dont il ait à fe préferver, c'eft la molleffe & la nonchalance. Or la difficulté de l'expreffion à vaincre à chaque inftant, fi elle n'est pas désespérante, &

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fi on a devant foi des hommes de génie qui l'ont vaincue avec grâce & nobleffe, eft un aiguillon qui réveille à chaque inftant l'émulation, & qui excite la pareffe. L'homme qui fe fent du talent preffé d'un côté par le défi que lui donnent l'art & l'exemple, & de l'autre côté par le goût qui ne lui paffe aucune incorrection de ftyle, rien de lâche, rien de diffus, rien d'obscur, & rien de pénible, raffemblera tous fes moyens : ceux de la mémoire, pour la recherche des mots & des tours de la langue; ceux de l'imagination, pour le choix des images; ceux de la penfée, pour l'invention de ces idées acceffoires qui doivent enrichir le ftyle, en même temps qu'elles viennent remplir les temps & les nombres du vers. Voilà, je crois, ce qui se passe dans l'efprit du poète qui travaille férieufement; & fon fecret, pour paroître avoir la plume abondante & facile c'est de plier & de replier fon expreffion dans tous les fens, d'en effayer toutes les formes, jusqu'à ce qu'il ait réuni la régu

larité, la précision, l'élégance, l'harmonie, & le coloris, & que dans les gênes. du vers il ait acquis l'aifance de la prose.. C'est ce que Defpréaux se vantoit d'avoir appris à Racine, & ce que Racine bientôt fut mieux que Despréaux lui-même ; car il s'en faut bien que le travail se cache dans les vers de l'Art poétique, comme dans les vers d'Andromaque, de Phèdre, & de Britannicus.

Mais, dans ces vers, qui peut calculer toutes les beautés dont la Poéfie eft redevable à la contrainte de la mefure & de la rime? Dans les fables de la Fontaine, dont le genre a permis un ftyle plus concis & moins artistement lié, c'est un plaifir de voir combien de vers heureux la rime femble avoir fait naître, & avec quelle facilité.

Par exemple, dans ce récit,

Un vieux renard, mais des plus fins, Grand croqueur de poulets, grand preneur de lapins,.. Fut enfin au piége attrapé:

rien ne manquoit au fens ; mais il falloit

une rime à queue, & cette rime étoit unique l'amener étoit une chofe très-difficile ; & quand on lit le vers qui réfout le problême, rien ne paroît plus naturel :

Grand croqueur de poulets, grand preneur de lapins, Sentant fon renard d'une lieue.

Dans la fable du Loup berger, que le poète eût dit feulement;

Il s'habille en berger, endoffe un hoqueton,
Fait fa houlette d'un bâton;

:

c'étoit affez mais rufe, qui venoit au bout d'un vers fuivant, demandoit une rime; & pour la rime s'eft présenté ce vers naïf qui achève le tableau:

Sans oublier fa cornemufe.

Il en eft de même de l'hémistiche, comme auffi fa mufette, que l'efprit ne demandoit pas, & que la néceffité de la rime & de la mesure a fait trouver :

Son chien dormoit auffi, comme auffi fa mufette.

De même, dans la fable du Chêne & du Roseau :

Tout vous eft Aquilon, tout me femble Zéphyr.

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