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les unes regardent les ufages, les mœurs du temps & du lieu de l'action; les autres regardent l'opinion & les mœurs du pays & du fiècle où l'action eft reprefentée. Lorfqu'on à fait parler & agir un perfonnage comme il auroit agi & parlé dans fon temps, on a obfervé les convenances: mais fi les mœurs de ce temps - là étoient choquantes pour le nôtre, en les peignant fans les adoucir, on aura manqué aux bienféances; & fi une imitation trop fidèle bleffe, non feulement la délicateffe, mais la pudeur, on aura manqué à la décence. Ainfi pour mieux obferver la décence & les bienséances actuelles, on est souvent obligé de s'éloigner des convenances, en altérant la vérité. Celle-ci eft toujours la même & les convenances font invariables dans leur rapport avec elle; mais les bienséances varient felon les lieux & les temps on en voit la preuve frappante dans l'hiftoire de notre théâtre.

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Il fut un temps où, fur la scène françoise, les amantes & les princeffes mêmes

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déclaroient leur paffion avec une liberté, fouvent avec une licence qui révolteroit aujourd'hui tout le monde. L'action n'étoit pas plus décente que les paroles. Des bailers fréquens, dérobés, faifoient le comique de la fcène. Dans le Clitandre de Corneille, Caliste alloit trouver au lit fon amant Rofidor. Dans la Céliante de Rotrou, Nise étoit couchée, & Pamphile alloit la furprendre ; & le public étoit témoin de cet amoureux tête-à-tête. Rien n'étoit plus commun que de tels rendez-vous; & la Tragédie ne violoit pas moins toutes les bienféances que la Comédie. Voyez, dans P'Histoire du Théâtre François, tom. 3, ann. 1580, la fcène de Clytemnestre avec fa nourrice.

Eh bien, ce beau palais fera-ce une prison?
Perdrai-je de mes ans, fans plaifir, la saison ?
Il faudra que toujours je bourelle mon ame,
Sans jouir, comme il fait, de la cyprine flâme?
Egifte, mon fouci, plantera le premier
Sur fon front, &c.

Voyez dans l'Agamemnon de Briffette ce dialogue entre Electre & sa mère.

ELECTRE.

ELECTR E.

C'eft chofe fort féante,

En la main d'une femme une dague sanglante!

CLYTEM NESTRE.

Babouine, ofes-tu bien t'accomparer à nous?

ELECTR E.

A nous? Mais quel eft-il ce beau nouvel époux?
CLYTEM NESTRE.

Que j'abaifferai bien l'arrogante parole
Dont tu use envers moi, audacieuse folle!

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Veuve, parlez plus bas, votre mari est mort.

Tel étoit, moins de cinquante ans avant le Cid & Cinna, le ftyle de la Tragédie.

Ce n'eft pas le progrès des mœurs, mais le progrès du goût, de la culture de l'efprit, de la politeffe d'un peuple, qui décide des bienséances. C'est à mesure que les idées de nobleffe, de dignité, d'honnêteté, fe purifient, & que la Morale théorique fe perfectionne, qu'on devient plus févère & plus dé licat.

Tome 1.

A a

Chaftes font les oreilles,
Encor que le cœur foit fripon,

dit la Fontaine. On va plus loin, & on prétend que, plus le cœur eft corrompu, & plus les oreilles font chaftes : mais ce n'est qu'une façon ingénieuse de faire la fatire des fiècles polis. L'innocence, il eft vrai, n'entend malice à rien, & à fes yeux rien n'a besoin de voile mais le monde ne peut pas tou-, jours être innocent & naïf, comme dans fon enfance; & les fiècles comme les personnes, peuvent, en s'éclairant, devenir à la fois, & plus décens dans le langage, & plus févères dans les mœurs.

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Quoi qu'il en foit, ce ne fut qu'à l'époque du Cid qu'on parut devenir délicat fur les bienféances, lorfqu'on fit un crime à Corneille d'avoir fait paroître Rodrigue dans la maifon de Chimène après la mort du comte, & d'avoir fait dominer l'amour dans la conduite qu'elle tient. Ce furent les yeux de l'Envie qui les premiers s'ouvrirent fur cette faute, fi c'en eft une. Ainfi, l'on dut peut-être

alors à l'envieufe malignité la réforme de notre théâtre fur l'article des bienféances, & cette lévérité de goût qui depuis en a fi fort épuré les mœurs.

Dans l'art oratoire, comme dans l'art dramatique, les bienséances du langage & de l'action deviennent plus délicates & plus difficiles à obferver, à mesure que le monde s'éclaire & fe polit davantage. «Le comble de l'art, disoit Roscius, c'est d'observer la décence, & c'est la seule chofe qu'on ne peut enfeigner». Ce que Rofcius difoit de fon art, Cicéron l'appliquoit au fien. Caput artis decere ; & tamen unum id effe quod tradi arte non poffit. (De orat.)

BLANCS (VERS). Dans la Poéfie moderne, on appelle vers blancs des vers non rimés. Plufieurs poètes anglois & allemands fe font affranchis de la rime. Mais les allemands ont prétendu y fuppléer en compofant des vers métriques, à la manière des latins; les anglois fe font contentés de leur vers rhythmique,

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