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une vaine oftentation avec une sage magnificence celle-ci donne à chaque chose la richeffe qui lui convient; celle-là s'empreffe à montrer tout le peu qu'elle a de richeffes, fans difcernement ni réferve, & dans fa prodigalité décèle fon épuisement.

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Ces colifichets dont l'Architecture gothique eft chargée, reffemblent aux colliers & aux bracelets qu'un mauvais peintre avoit mis aux Grâces. Ce n'est point là de la richeffe, c'elt de l'indigente vanité. Ce qui eft riche en Architecture c'est le mélange harmonieux des formes, des faillies, & des contours ; c'est une fymétrie en grand, mêlée de variété ; c'eft cette belle touffe d'acanthe qui entoure le vase de Callimaque ; c'est une frife, où rampe une vigne abondante ou qu'embraffe un faisceau de chêne ou de laurier. Ainfi, l'air de fimplicité & d'économie ajoute à l'idée de force & de richesse, parce qu'il en exclut l'idée d'effort & d'épuisement. Il donne encore aux ouvrages de l'art, comme aux effets

de la nature, le caractère d'intelligence. Un amas d'ornemens confus ne peut avoir de raifon apparente; une variété bizarre, & fans rapport ni fymétrie, comme dans l'arabesque ou dans le goût chinois, n'annonce aucun deffein.

L'intention d'un ouvrage, pour être fentie, doit être fimple; & indépendamment de l'harmonie, qui plaît aux yeux comme à l'oreille fans qu'on en fache la raison, une difcordance fenfible entre les parties d'un édifice, annonce dans l'artifte du délire & non du génie. Ce que nous admirons dans un beau deffin, c'est cette imagination réglée & féconde, qui conçoit un enfemble vaste, & le réduit à l'unité.

On voit par-là rentrer dans l'idée du beau celle de régularité, d'ordre de fymétrie, d'unité, de proportion, de rapports, de convenance, d'harmonie ; mais on voit auffi qu'elles ne font relatives qu'à l'intelligence, qui n'eft pas la feule ni la première caufe de l'admiration que le beau nous fait éprouver.

Ce que j'ai dit de l'Architecture, doit s'appliquer à l'Eloquence, à la Mufique, à tous les arts qui déploient de grandes forces & de prodigieux moyens. Qu'un orateur, par la puiffance de la parole, bouleverse tous les esprits, rempliffe tous les coeurs de la paffion qui l'anime, entraîne tout un peuple, l'irrite, le foulève, l'arme & le défarme à fon gré; voilà, dans le génie & dans Part, une force qui nous étonne, une industrie qui nous confond. Qu'un Muficien, par le charme des fons, produife des effets femblables; l'empire que fon art lui donne fur nos fens, nous paroît tenir du prodige; & de là cette admiration dont les grecs étoient tranfportés aux chants d'Epimenide ou de Tyrtée, & que les beautés de leur art nous font éprouver quelquefois.

Si au contraire l'impreffion eft trop foible, quoique très-agréable, pour exciter en nous ce raviffement, ce tranfport, comme il arrive dans les morceaux d'un genre tempéré, nous donnons des

éloges au talent de l'artiste & au doux prestige de l'art; mais ces éloges ne font pas le cri d'admiration qu'excite en nous un trait fublime, un coup de force & de génie.

Paffons aux arts d'imitation. Ceux-ci ont deux grandes idées à donner, au lieu d'une; celle de la nature imitée, & celle du génie imitateur.

En Sculpture, l'Apollon, l'Hercule, l'Antinous, le Gladiateur, la Vénus, la Diane antique; en Peinture, les tableaux de Raphaël, du Corrège, & du Guide, réuniffent les deux beautés. Il en eft de même en Poéfie, quand la nature du côté du modèle, & l'imitation du côté de l'art, portent le caractère de force, de richesse, ou d'intelligence, au plus haut degré. On dit à la fois, du modèle & de l'imitation, Cela eft beau ! & l'étonnement fe partage entre les prodiges de l'art & les prodiges de la nature.

On doit fe rappeler ce que nous avons dit du beau moral: la force en fait le caractère. Ainsi, le crime même tient du

caractère du beau, lorfqu'il fuppofe dans Pame une vigueur, un courage, une audace, une profondeur, une élévation qui nous frappe d'étonnement & de terreur. C'est ainfi que le rôle de Cléopatre dans Rodogune, & celui de Mahomet, font beaux, confidérés dans la nature, abstraction faite du génie du peintre & de la beauté du pinceau.

Une idée inféparable de celle du beau moral & phyfique, eft celle de la liberté, parce que le premier ufage que la nature fait de fes forces, eft de fe rendre libre. Tout ce qui fent l'esclavage, même dans les chofes inanimées, a je ne fais quoi de trifte & de rampant, qui l'obfcurcit & le dégrade. La mode, l'opinion, l'habitude ont beau vouloir altérer en nous ce fentiment inné, ce goût dominant de l'indépendance; la nature à nos yeux n'a toute fa grandeur, toute fa majefté, qu'autant qu'elle eft libre, ou qu'elle femble l'être. Recueillez les voix fur la comparaifon d'un parc magnifique & d'une belle forêt: l'un eft

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