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plaire à l'homme, de l'adoucir, de le fixer auprès d'elle & de fes enfans. Je dis de le fixer, car la fidélité eft d'inftitution naturelle: jamais une union fortuite & paffagère n'auroit perpétué l'efpèce: la mère, allaitant fon enfant, ne peut vaquer, dans l'état de nature, ni à fe nourrir elle-même, ni à leur défense commune; & tant que l'enfant a befoin de la mère, l'épouse a besoin de l'époux. Or l'inftinct, qui dans l'homme est foible & peu durable, ne l'auroit pas feul retenu; il falloit à l'homme sauvage & vagabond d'autres liens que ceux du fang: l'amour feul a rempli le vœu de la nature; & le remède à l'inconftance a été le charme attirant & dominant de la beauté.

Si l'on veut donc favoir quel eft le caractère de la beauté de la femme, on n'a qu'à réfléchir à fa destination. La nature l'a faite pour être épouse & mère, pour repos & le plaifir, pour adoucir les mœurs de l'homme, pour l'intéreffer l'attendrir. Tout doit donc annoncer en

le

Tome I.

Y

elle la douceur d'un aimable empire. Deux attraits puiffans de l'amour font le défir & la pudeur le caractère de fa beauté fera donc fenfible & modefte. L'homme veut attacher du prix à fa victoire : ii veut trouver dans sa compagne son amante, & non fon esclave ; & plus il verra de nobleffe dans celle qui lui obéit, plus vivement il jouira de la gloire de commander: la beauté de la femme doit donc être mêlée de modeftie & de fierté. Mais une foibleffe intéreffante attache l'homme, en lui faisant fentir qu'on a besoin de fon appui la beauté de la femme doit donc être craintive; & pour la rendre plus touchante, le fentiment en fera l'ame, il se peindra dans fes regards, il refpirera fur fes lèvres, il attendrira tous fes. traits: l'homme, qui veut tout devoir au penchant, jouira de fes préférences, & dans la foibleffe qui cède, il ne verra que l'amour qui confent. Mais le foupcon de l'artifice détruiroit tout l'air de candeur, d'ingénuité, d'innocence ces grâces fimples & naïves qui se font

voir en fe cachant, ces fecrets du penchant, retenus & trahis par la tendreffe du fourire, par l'éclair échappé d'un timide regard, mille nuances fugitives dans l'expreffion des yeux & des traits du vifage, font l'Eloquence de la beauté : dès qu'elle eft froide, elle est muette.

Le grand afcendant de la femme fur le cœur de l'homme, lui vient de la fecrète intelligence qu'elle fe ménage avec lui & en lui-même, à fon infçu: ce difcernement délicat, cette pénétration vive doit donc auffi se peindre dans les traits d'une belle femme, & fur-tout dans ce coup-d'œil fin, qui va jusqu'aux replis du cœur démêler un foupçon de froideur, de trifteffe, y ranimer la joie, y rallumer l'amour.

Enfin , pour captiver le cœur qu'on a touché & le fauver de l'inconftance il faut le fauver de l'ennui, donner fans ceffe à l'habitude les attraits de la nouveauté, & tous les jours la même aux yeux de fon amant, lui fembler tous les jours nouvelle. C'est là le prodige qu'o

père cette vivacité mobile, qui donne à la beauté tant de vie & d'éclat. Docile à tous les mouvemens de l'imagination, de l'efprit, & de l'ame, la beauté doit, comme un miroir, tout peindre, mais tout embellir.

Pour analyser tous les traits de ce prodige de la nature, il faudroit n'avoir que cet objet, & il le mériteroit bien. Mais j'en ai dit affez pour faire voir que l'intelligence & la fageffe de la première cause ne se manifestent jamais avec plus d'éclat, qu'en formant cet objet divin.

Je fais bien qu'on peut m'oppofer la variété infinie des fentimens fur la beauté humaine; & j'avoue en effet que la vanité, l'opinion, le caprice national ou perfonnel ont trop influé fur les goûts, pour qu'il nous foit poffible, en les analyfant, de les réduire à l'unité. Laiffons là ce qui nous eft propre ; & pour juger plus fainement, cherchons les principes du beau dans ce qui nous eft étranger. Sur quelque espèce d'être que nous jetions les yeux, nous trouverons d'abord

que prefque rien n'eft beau que ce qui eft grand, parce qu'à nos yeux la nature ne paroît déployer fes forces que dans fes grands phénomènes. Nous trouverons pourtant que de petits objets, dans lefquels nous apercevons une magnificence ou une industrie merveilleuse, ne laiffent pas de donner l'idée d'une cause étonnamment intelligente, & prodigue de fes tréfors. Ainfi, comme pour amaffer les eaux d'un fleuve & les répandre, pour jeter dans les airs les rameaux d'un grand chêne, pour entaffer de hautes montagnes chargées de glaces ou de forêts, pour déchaîner les vents, pour foulever les mers, il a fallu des forces. étonnantes; de même pour avoir peint de couleurs fi vives, de nuances fi délicates, la feuille d'une fleur, l'aîle d'un papillon, il a fallu avoir à prodiguer des richeffes inépuifables ; & de l'admiration, que nous cause cette profufion de tréfors, naît le fentiment de beauté dont nous faifit la vue d'une rofe ou d'un papillon.

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