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A force d'art on peut déguifer en termes figurés ou vagues la baffeffe de l'idée fous la nobleffe de l'expreflion; mais ce qui est bas dans les termes auroit beau être fublime & grand, foit dans le fentiment, foit dans la pensée : la délicateffe du goût eft inexorable fur ce point.

La difficulté n'est pourtant pas d'éviter la bassesse dans le genre héroïque, mais dans le familier qui touche au populaire, & qui doit être naturel, fans être jamais trivial. Voyez ANALOGIE.

BEAU. Tout le monde convient que le beau, foit dans la nature ou dans l'art, eft ce qui nous donne une haute idée de l'une ou de l'autre, & nous porte à les admirer. Mais la difficulté eft de déterminer, dans les producions des arts & dans celles de la nature, à quelles qualités ce fentiment d'admiration & de plaifir eft attaché.

La nature & l'art ont trois manières de nous affecter vivement: ou par la

penfée, ou par le fentiment, ou par la feule émotion des organes. Il doit donc y avoir auffi trois espèces de beau dans la nature & dans les arts: le beau intellectuel, le beau moral, le beau matériel ou fenfible. Voyons à quoi l'efprit, l'ame, & les fens peuvent le reconnoître. Ses qualités diftinctives fe réduifent à trois: la force, la richesse, & l'intelligence.

En attendant que, par l'application, le fens que j'attache à ces mots foit bien développé, j'appelle force, l'intensité d'action; richeffe, l'abondance & la fécondité des moyens; intelligence, la manière utile & fage de les appliquer.

La conféquence immédiate de cette définition eft, que fi par tous les fens la nature & l'art ne nous donnent pas également de leur force, de leur richeffe, & de leur intelligence, cette idée qui nous étonne & qui nous fait admirer la caufe dans les effets qu'elle produit, il ne doit pas être également donné à tous les fens de recevoir l'impreffion du beau or il fe trouve qu'en effet l'œil

& l'oreille font exclufivement les deux organes du beau ; & la raifon de cette exclufion, fi fingulière & fi marquée, fe préfente ici d'elle-même: c'est que des impreffions faites fur l'odorat, le goût, & le toucher, il ne réfulte aucune idée, aucun fentiment élevé. La faveur, Podeur, le poli, la folidité, la mollesse, la chaleur, le froid, la rondeur, &c. font des fenfations toutes fimples, & ftériles par elles-mêmes, qui peuvent rappeler à l'ame des fentimens & des idées, mais qui n'en produifent jamais.

L'oeil eft le fens de la beauté phyfique, & l'oreille eft, par excellence, le fens de la beauté intellectuelle & morale. Confulton's-les; & s'il eft vrai que de tous les objets qui frappent ces deux fens, rien n'eft beau qu'autant qu'il annonce, ou dans l'art ou dans la nature, un haut degré de force, de richeffe, ou d'intelligence; fi, dans la même claffe, ce qu'il y a de plus beau, eft ce qui paroît réfulter de leur enfemble & de leur accord; fi, à mesure que l'une de ces qua

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lités manque, ou que chacune eft moindre, l'admiration, &, avec elle, le fentiment du beau s'affoiblit en nous, ce fera la preuve complette qu'elles en font les élémens.

Qu'est-ce qui donne aux deux actions de l'ame, à la penfée & à la volonté, ce caractère qui nous étonne dans le génie & dans la vertu ? Et foit que nous admirions, dans l'une & l'autre, ou l'excellence de l'ouvrage ou l'excellence de l'ouvrier, n'est-ce pas toujours force, richeffe, ou intelligence?

En Morale, c'est la force qui donne à la bonté le caractère de beauté. Quel eft, parmi les fages, le plus beau caractère connu? celui de Socrate; parmi les héros? celui de Céfar; parmi les rois? celui de Marc-Aurèle ; parmi les citoyens? celui de Régulus, Qu'on en retranche ce qui annonce la force avec fes attributs, la conftance, l'élévation, le courage, la grandeur d'ame; la bonté peut s'y trouver encore, mais la beauté s'évanouit.

Qu'on faffe du bien à fon ami, ou à fon ennemi, la bonté de l'action en ellemême est égale. Mais d'un côté facile & fimple, elle eft commune; de l'autre pénible & généreufe, elle fuppofe de la force unie à la bonté ; c'est ce qui la rend belle. Brutus envoie à la mort un citoyen qui a voulu trahir Rome: nulle beauté dans cette action. Mais pour donner un grand exemple, Brutus condamne fon propre fils cela eft beau

l'effort

qu'il en a dû coûter à l'ame d'un père, en fait une action héroïque. Qu'un autre qu'un père eût prononcé le Qu'il mourût du vieil Horace ; qu'un autre qu'une mère eût dit à un jeune homme, en lui donnant un bouclier, Rapportez-le, ou qu'il vous rapporte; plus de beauté dans le fentiment, quoique l'expreffion fût toujours énergique. Alexandre entreprend la conquête du monde, Augufte veut abdiquer l'empire de l'univers ; & de l'un & de l'autre on dit, Cela eft beau, parce qu'en effet il y a beaucoup de force dans P'une & l'autre résolution.

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