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mauvais, on femble s'être fait au barreau un fyftême de probabilisme, tout à fait commode pour la mauvaise foi des plaideurs. Vous vous êtes chargé là d'une bien mauvaise cause! difoit un juge à un avocat célèbre. J'en ai tant perdu de bonnes, répondit l'avocat, que j'ai pris le parti de les plaider fans choix & telles qu'elles fe présentent.

Ce n'est donc pas à la bonté réelle & abfolue d'une cause, mais à fa bonté apparente & relative à l'esprit des juges, qu'on voit fi l'on peut s'en charger; & ceci est bien plus à la honte de la jurifprudence qu'à la honte du barreau.

Ne feroit-il pas effroyable que l'incertitude, ou plutôt la contrariété constante des jugemens, fût fi bien reconnue, qu'un habile avocat pût dire avec affurance, Telle caufe que j'ai perdue à ce Tribunal, je vais la gagner à cet autre? eft-il croyable qu'on ait laiffé les lois dans cet état d'aviliffement? & des juges qui n'ont aucun intérêt de compliquer, d'accumuler, de perpétuer les procès,

peuvent-ils ne pas recourir au Souve rain, pour demander une légiflation fimple & conftante, qui les fauve du péril d'être eux-mêmes les jouets de la mauvaife foi?

Concluons que rien n'eft plus gliffant que la carrière de l'avocat, que rien n'est plus difficile à marquer que les limites de fon devoir & les bornes où fe renferme une défenfe légitime, & que pour fui l'abus du talent eft un écueil inévitable, fi la droiture de fon cœur & fon intégrité naturelle ne l'éclaire & ne le conduit. «L'Eloquence n'eft pas feulement une production de l'esprit, dit M. d'Agueffeau en s'adreffant aux avocats, c'est un ouvrage du cœur ; c'est là que se forme cet amour intrépide de la vérité, ce zèle ardent de la juftice, cette vertueuse indépendance dont vous êtes fi jaloux, ces grands, ces généreux sentimens qui élèvent l'homme, qui le rempliffent d'une noble fierté & d'une confiance magnanime, & qui, portant encore votre gloire plus loin que l'Elo-.

quence même, font admirer l'homme de bien en vous, beaucoup plus que l'ora

teur ».

- Les bonnes mœurs d'un avocat feront toujours fa première éloquence. Un fripon, connu pour tel, peut plaider une bonne caufe; mais fes moyens auroient befoin de l'expédient qu'on prenoit à Lacédémone, de faire paffer l'opinion d'un mauvais citoyen, lorfqu'elle étoit falutaire, par la bouche d'un homme de bien, comme pour la purifier.

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BAS. Ce mot, appliqué au caractère des idées, des fentimens, des expreffions, ne fignifie pas la même chose.

La baffeffe des idées & des expreffions tient absolument à l'opinion & à l'habitude; & bas, dans cette acception, est fynonyme de trivial. La baffeffe des fentimens eft plus réelle: elle fuppofe dans l'ame l'un de ces caractères, fauffeté, lâcheté, noirceur, abjection, &c.

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Ce qui étonnera peut-être, c'eft que

le genre noble, foit d'Eloquence, foit

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de Poéfie n'exclut que la baffeffe de convention, & admet, comme fufceptible d'ennobliffement, ce qui n'eft bas que de fa nature.

ame,

Félix, dans Polyeucte, dit en parlant des fentimens qui s'élèvent dans fon J'en ai même de bas, & qui me font rougir; & ces fentimens de crainte, d'intérêt, de baffe politique, développés en beaux vers, ne font pas indignes de la Tragédie. Rien de plus bas moralement que le caractère de Narciffe ; & poétiquement il a autant de nobleffe que celui d'Agrippine, & que celui de Néron.

Que l'on nous préfente au contraire ou une image ou une idée, à laquelle la mode & l'opinion ait attaché le caractère de baffeffe; elle nous choquera : qui pourroit entendre aujourd'hui, fur nos théâtres, la fille d'Alcinous dire qu'Ulyffe l'a trouvée lavant la lesfive? qui pourroit entendre Achille dire qu'il va mettre à la broche les viandes de fon fouper; ou Agamemnon dire

que, lorf

que Brifeis fera vieille, il l'emploiera à lui faire fon lit?

Boileau, dans fes remarques fur Longin, s'évertue à prouver qu'il n'est pas vrai qu'Homère ait comparé Ulyffe, dans fon inquiétude, à du boudin qu'on fait griller & qu'on roule fur des charbons. Il faut avouer cependant que des inteftins farcis de fang & de graiffe, comme le dit Homère, ne font autre chofe que du boudin. Mais chez les grecs, les entrailles de la vidime étant un refte du facrifice, l'idée en étoit confacrée. Voilà pourquoi le même poète qui vient de dire d'Ulyffe, que fon cœur rugiffoit comme un lion qui rode autour d'une bergerie où il ne peut pénétrer, ne craint pas de le dégrader en difant de lui, que dans l'irréfolution qui le tourmente, il ressemble à ce qu'aujourd'hui nous appelons du boudin. L'habitude, l'opinion, l'alliance des idées aviliffent tout, ou ennobliffent tout, felon les temps & les mœurs.

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