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ges honteux d'une Eloquence corruptrice, il ne plaidera devant ceux qui doivent être la loi vivante, que comme il plaideroit devant la loi, fi, telle que l'imagination se la peint, incorruptible & inaltérable, elle réfidoit dans fon temple. Or on voit bien qu'il feroit abfurde d'employer devant elle les mouvemens paffionnés.

Le principe de l'Eloquence du barreau eft donc que le juge a befoin d'être éclairé, non d'être ému.

Cette règle a pourtant quelques exceptions. La première, lorfqu'il s'agit d'apprécier la moralité des actions, d'en eftimer le tort, l'injure, le dommage, de déterminer leur degré d'iniquité ou de malice, & de décider à quel point elles font dignes devant la loi de févérité ou d'indulgence, de châtiment ou de pardon. Dans ces causes, la loi, qui n'a pu tout prévoir, laisse l'homme juge de l'homme ; & les faits étant du reffort du fentiment, le cœur doit les juger. Alors il est permis, fans doute, à l'orateur de parler au

cœur son langage; de folliciter la pitié en faveur de ce qui en éft digne, l'indulgence en faveur de la fragilité; de faire fervir la foibleffe d'excufe à la foibleffe mêine, & l'attrait naturel d'une paffion douce, d'excuse à ses égaremens; & au contraire, de préfenter les faits odieux dans toute la noirceur qui les caractérise; de développer les replis de l'artifice & du menfonge; de peindre fans ménagement la fraude ou l'ufurpation, l'ame d'un fourbe démafqué, ou d'un fcélérat confondu.,

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Mais alors même, en tirant de sa cause les preuves, les moyens preffans, qui la rendent victorieuse, on doit éviter le ridicule d'en exagérer l'importance, & d'y employer des mouvemens outrés, ou des fecours empruntés de trop loin.

Lifez dans le plaidoyer de Le Maître, pour une fille défavouée, le parallèle d'Andromaque avec Marie Cognot. Dans le plaidoyer de ce même avocat pour une fervante féduite par un clerc, parce que le clerc a voulu fe piquer avec fon

canif, pour figner de fon fang une promeffe de mariage, vous attendez-vous à le voir comparé à Catilina, qui fit boire du fang humain à fes complices?

Mais que Le Maître fe réduife aux moyens propres à fa cause, vous allez voir comme il est éloquent.

Une femme qui, dans fa fervante, cachoit fa fille, la défavoue; mais il lui est échappé de dire qu'elle voudroit que fût fa fille, & qu'elle fe propofe de lui faire du bien.

Qu'ici l'on fe demande quelle induction l'avocat de la fille a pu tirer de ces paroles; & après y avoir bien penfé, on fera étonné encore de l'éloquence de Le Maître dans cet endroit de fon plaidoyer. «Quoi, dit-il à la mère, feroit-il bien possible que vous défiraffiez d'avoir pour fille celle qui vous auroit accufée de défavouer votre fille ? défireriez-vous d'avoir donné la vie à celle qui auroit voulu vous ôter l'honneur; & d'être mère d'une perfonne qui auroit voulu vous rendre odieuse à toute les mères ? défireriez

vous que Dieu eût béni votre mariage, de la naiffance d'une créature à qui vous auriez fujet de défirer toutes les malédictions du monde ? défireriez-vous d'avoir enfanté un monitre d'impofture, & qui auroit voulu vous faire paffer pour un monftre d'inhumanité ? Mais vous n'avez pas dit feulement que vous défireriez qu'elle fût votre fille, vous avez encore ajouté, dans votre interrogatoire, que vous lui aviez toujours promis de la récompenfer en mourant.... De récompenfer! qui? une perfonne, laquelle, à votre compte, vous a des obligations infinies, envers qui vous avez été plutôt magnifique que libérale.... Mais quoi! vous lui réservez encore, dites-vous, votre bonne volonté ! Et ne l'avez-vous point perdue après ce qui s'eft paffé, entre vous deux, devant la justice ? Sans doute vous aviez oublié, lorfqu'on vous interrogea, qu'elle vous accufoit de défavouer votre fille. Car fi vous vous en fuffiez souvenue, vous n'auriez eu garde de dire que vous lui réferviez votre bonne volonté. Vous

croyiez être encore en particulier avec elle, & non pas en la présence d'un juge. Vous parliez comme fa mère, fans penfer que vous étiez fa partie. Rendez les armes en cet endroit à la force de la vérité. Quoi, vous voulez encore du bien à celle que vous croyez vous accuser à tort d'une barbarie honteuse à notre fiècle & injurieuse à la nature! Elle feroit digne d'un fupplice très-rigoureux ; & vous la jugez digne de recevoir de nouvelles gratifications de vous ! Elle auroit mérité la haîne de tout le monde ; & yous lui renouvelez encore les affuránces de votre affection! C'est, dites-vous maintenant, la plus ingrate fervante de la terre; & toutefois vous défireriez qu'elle fût votre fille ! C'est tout le mal que vous lui fouhaitez! C'est la plus grande de vos ennemies ; & nonobftant cela, vous lui promettez de la récompenfer à la mort! Ce font les feules menaces que vous lui faites! C'est la plus infame calomniatrice qui fût jamais ; & toutefois vous lui réservez votre bonne volonté ! C'est

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