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celle-ci confiste à nous frapper de mille traits intéreffans qui nous avoient échappé: or c'est l'attention qui les faifit, & qui, changée en habitude, diftingue le regard pénétrant de l'artifte, du regard diftrait, vague, & confus, de la multitude.

Il n'eft pas bien décidé que le poète, dont les peintures vous raviffent par la nouveauté des détails & leur vérité fingulière, foit né avec plus de talent que vous pour imiter la nature: vous l'auriez peinte comme lui, fi vous l'aviez étudiée avec la même attention que lui. Mais tandis que vos yeux fe promènent fans. réflexion, comme fans deffein, fur ce qui fe paffe autour de vous; les frens. ne ceffent d'épier la nature, & d'obferver ce qui lui échappe de fingulier & de piquant.

Lorsque l'attention fe porte fur ce qui fe paffe au dedans de nous-mêmes, elle s'appelle réflexion ; & lorfque la réflexion et profonde & long-temps fixe, elle s'appelle méditation c'est la fource

des grandes pensées. Rien de fuperficiel n'eft rare; rien de commun n'est précieux. C'eft en creufant, que le génie s'enrichit des tréfors cachés dans les entrailles de la nature, femblable au chêne que nous peint Virgile, qui, plus il étend fes racines, plus il élève ses ra

meaux.

B.

BALLADE. ALLADE. Petit poème régulier compofé de trois couplets & d'un envoi, en vers égaux, avec un refrein, c'est-àdire, avec le retour du même vers à la fin des couplets, ainfi qu'à la fin de l'envoi.

le

Dans la Ballade, les trois couplets font fymétriquement égaux, foit pour nombre des vers, foit pour l'enlacement des rimes. C'est une stance de huit, de dix, de douze vers, en deux parties. L'envoi n'en eft qu'une moitié, & il répond communément à la feconde partie de la flance.

ftance. Les parties correspondantes des trois couplets font fur les mêmes rimes; & l'envoi conferve les rimes de la partie à laquelle il répond.

Ce petit poème a de la grâce & de la régularité dans fa forme; & quand le refrein en eft heureusement amené à la fin des couplets, il leur donne un tour très - piquant.

Nos anciens poètes, comme Villon & Marot, n'y ont employé que les vers de dix & de huit fyllabes: celui de douze n'étoit guère en ufage; & fa gravité fembleroit déplacée dans un poème qui doit garder la naïveté du vieux temps.

La Ballade a paffé de mode depuis Mme Deshoulières ; mais fi quelqu'un veut s'y amufer encore, il fera bien de lui conferver le tour du ftyle de Marot, fans trop affecter fon langage. La Fontaine est un excellent maître dans l'art de rajeunir cette ancienne naïveté.

Comme la forme de la Ballade eft difficile à décrire avec précision, en voici

Tome I.

T

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un modèle, pris de Marot, & dans lequel on remarquera, comme une fingularité, qu'il y a deux refreins au lieu d'un.

BALLADE du frère Lubin.

Pour courir en pofte à la ville,
Vingt fois, cent fois, ne fais combien;
Pour faire quelque chofe vile;
Frère Lubin le fera bien.

Mais d'avoir honnête entretien,

Ou mener vie falutaire,

C'est à faire à un bon chrétien :
Frère Lubin ne le peut faire.

Pour mettre (comme un homme habile)

Le bien d'autrui avec le fien,

Et vous laiffer fans croix ne pile;
Frère Lubin le fera bien.

On a beau dire, je le tien,
Et le preffer de fatisfaire;
Jamais ne vous en rendra rien :
Frère Lubin ne le peut faire.

Pour débaucher, par un doux ftyle,
Quelque fille de bon maintien,
Point ne faut de vieille fubtile;
Frère Lubin le fera bien.
Il prêche en théologien ;

Mais pour boire de belle eau claire,

Faites la boire à notre chien:

Frère Lubin ne le peut faire.

Envoi.

Pour faire plutôt mal que bien,

Frère Lubin le fera bien;

Mais fi c'eft quelque bonne affaire,
Frère Lubin ne le peut faire.

Le temps de la galanterie fut celui de la Ballade, ainfi que de tous ces petits poèmes qui compofoient, nous dit Marot, le Bréviaire du temple de l'amour.

Ce font Rondeaux, Ballades, Virelais,
Mots à plaifir, Rimes & Triolets,
Lefquels Vénus apprend à retenir
A un grand tas d'amoureux nouvelets,
Pour mieux favoir dames entretenir.

La régularité févère de ces petites pièces de poéfie en a fait abandonner le genre, & c'est ce qui auroit dû le rendre intéreffant.

Le fentiment de la difficulté vaincue entre plus qu'on ne pense dans le plaifir que nous font les arts; & lorfque cette

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