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La fociété, après avoir pourvu à ses befoins, s'eft occupée de fes plaisirs ; &

le plaifir, une fois fenti, eft devenu un befoin lui-même. Les jouiffances font le prix de la vie ; & on a reconnu, dans les arts d'agrément, le don de les multiplier. Alors, regardant tous les arts comme utiles, & fans distinction des gen‐ res de bonté, on n'a confidéré que l'encouragement qu'exigeoient les uns & les autres ; & on leur a propofé des récompenfes relatives aux facultés & aux inclinations de ceux qui devoient s'y exercer.

Le premier objet des récompenfes est d'encourager les travaux. Or des travaux qui ne demandent que des facultés communes, telles que la force du corps, l'adreffe de la main, la fagacité des or ganes, & une industrie facile à acquérir par l'exercice & l'habitude, n'ont befoin, , pour être excités, que de l'appât d'un bon falaire. On trouvera par-tout des hommes robustes, laborieux, agiles, adroits de la main, qui feront fatisfaits

de vivre à l'aise en travaillant, & qui travailleront pour vivre.

A ces arts, même aux plus utiles & de première néceffité, on a donc pu ne propofer qu'une vie aifée & commode; & les qualités naturelles qu'ils fuppofent, ne font pas fufceptibles de plus d'ambition. L'ame d'un artifan, celle d'un laboureur, ne fe repaît point de chimères; & une exiftence idéale l'intérefferoit foiblement.

Mais

pour

les arts dont le fuccès dépend de la penfée, des talens de l'efprit, des facultés de l'ame, fur-tout de l'imagination, il a fallu non feulement l'émulation de l'intérêt, mais celle de la vanité; il a fallu des récompenfes analogues à leur génie, & dignes de l'encourager, une eftime flatteufe aux uns, une efpèce de gloire aux autres, & à tous des diflinctions proportionnées aux moyens & aux facultés qu'ils demandent.

Ainfi s'eft établie dans l'opinion la prééminence des arts libéraux fur les

arts méchaniques, fans égard à l'utilité, ou plutôt en les fuppofant diversement utiles, les uns aux befoins de la vie, les autres à fon agrément.

Cette diftinction a été fi précise, que, dans le même art, ce qui exige un degré peu commun d'intelligence & de génie, a été mis au rang des arts libéraux ; tandis qu'on a laiffé au nombre des arts méchaniques, ce qui ne fuppofe que des moyens phyfiques, ou les facultés de l'efprit données à la multitude. Telle est, par exemple, la différence de l'architecte & du maçon, du ftatuaire & du fondeur, &c. Quelquefois même on a féparé la partie fpéculative & inventive d'un art méchanique, pour l'élever au rang des fciences, tandis que la partie exécutive eft restée dans la foule des arts obfcurs. Ainfi, l'Agriculture, la Navigation l'Optique, la Statique tiennent par une extrémité aux connoiffances les plus fublimes, & par l'autre à des arts qu'on n'a point ennoblis.

Les arts libéraux le réduifent donc à ceux-ci : l'Eloquence, la Poéfie, la Mufique, la Peinture, la Sculpture, l'Architedure, la Gravure confidérée dans la partie du Deffin.

&

par

Par un renversement affez fingulier on voit que les plus honorés des arts, & ceux en effet qui méritent le plus de l'être, par les facultés qu'ils demandent les talens qu'ils fuppofent, que les feuls même d'entre les arts qui exigent une intelligence, une imagination, un génie rare, & une délicateffe d'organes dont peu d'hommes ont été doués, font prefque tous des arts de luxe, des arts fans lefquels la fociété pourroit être heureufe, & qui ne lui ont apporté que des plaifirs de fantaisie, d'habitude, & d'opinion, ou d'une néceffité très-éloignée de l'état naturel de l'homme. Mais ce qui nous paroît un caprice, une erreur, un défordre de la nature, ne laiffe pas d'être conforme à fes deffeins: car ce qui eft vraiment néceffaire à l'homme, a dû être

facile à tous; & ce qui n'eft poffible qu'au plus petit nombre, a dû être inutile au plus grand.

Parmi les arts libéraux, les uns s'adreffent plus directement à l'ame, comme L'Eloquence & la Poéfie ; les autres plus particulièrement aux fens, comme la Mufique & la Peinture : les uns emploient, pour s'exprimer, des fignes fictifs & changeans, les fons articulés ; un autre emploie des fignes naturels, & & partout les mêmes, les accens de la voix, le bruit des corps fonores ; les autres emploient, non pas des fignes, mais l'apparence même des objets qu'ils expriment, les furfaces & les contours, les couleurs, l'ombre, & la lumière; un autre enfin n'exprime rien (je parle de l'Architecture), mais son étude est d'obferver ce qui plaît au fens de la vue, foit dans le rapport des grandeurs, foit dans le mélange des formes; & fon mérite est de réunir l'agrément & l'utilité.

Enfin parmi ces arts, les uns ont la nature pour modèle ; & leur excel

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