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& par cette illufion fi douce que nous fait sa naïveté, il a paffé de très - loin Efope & Phèdre fes modèles, n'ont-ils pas, comme lui, le mérite effentiel à l'apologue, le naturel, la grace, & la fimplicité ?

Quel avantage du côté d'Ovide, de Tibulle, & de Properce, fur la froide galanterie du bel efprit de Rambouillet, fur les Voiture, les Benferade, les Sarazins, &c Quel avantage que celui d'Horace fur Boileau, fon foible & froid copiste! Quelle philofophie dans l'un, quelle abondance de penfées ! Et dans Pautre, quelle ftérilité dans les fujets les plus riches! combien peu de profondeur dans fes vues & d'imagination dans fes plans!

En général, rien de plus imprudemment engagé que cette fameufe difpute. On ne conçoit pas même aujourd'hui comment elle put s'élever. N'avoit - on pas vu du premier coup-d'œil l'avantage prodigieux que l'un des deux partis devoit avoir fur l'autre ? qu'en oppofant

toute l'antiquité depuis Homère jusqu'à Tacite, au nouveau règne des Lettres, depuis le Dante jufqu'à Defpréaux, on embraffoit mille ans d'un côté, & tout au plus quatre cents ans de l'autre ? Et que pouvoit - on comparer?

Les orateurs? Mais Rome & Athènes avoient des tribunes: les droits des nations, leur falut, les intérêts de la patrie & de la liberté, la grande caufe du bien public & quelquefois du falut commun, étoient confiés à un homme; & le fort d'un Etat, celui des nations dépendoit de fon éloquence. Qu'a de commun cet emploi fublime avec celui de nos avocats? Où étoit, dans l'Europe moderne, la place d'un homme éloquent? Etoit-ce dans notre Barreau que devoient naître des Démosthène? Y a-t-il d'éloquence fans paffions? Et ne fait-on pas que le langage des paffions eft prefque toujours déplacé par-tout où la loi feule eft juge? Voyez BARREAU, ORATEUR.

Rien de plus important, fans doute, que l'objet de l'éloquence de la Chaire.

Mais la feule paffion qu'on y excite eft la crainte, quelquefois la pitié. La haîne, l'orgueil, la vengeance, l'ambition, l'envie, la rivalité des partis, les difcordes publiques, les mouvemens du fang & de la nature, le fanatifme de la patrie & de la liberté, tous les grands mobiles du cœur humain, tous ces grands refforts de l'Eloquence républicaine, n'ont point paffé de la tribune dans la Chaire. Voyez CHAIRE.

Les hiftoriens? Mais, de bonne foi, quelque talent que la nature eût accordé à ceux de nos temps de ténèbres, de barbarie, & de fervitude, auroient-ils pu donner au fer le prix de l'or? D'un côté, le tableau des républiques les plus floriffantes, des plus fuperbes monarchies, des plus merveilleufes conquêtes, des plus grands hommes de l'univers, étoient fous les yeux de l'Hifloire. De l'autre, qu'avoit - elle à peindre ? Des incurfions, des brigandages, des esclaves, & des tyrans. Exceptez-en quelques règnes; & dites-moi ce qu'auroient fait

de nos miférables annales les Tite-Live, les Tacite, les Thucidide, les Xénophon? Quand le génie n'auroit pas manqué à l'Histoire moderne, l'Hiftoire ellemême, cet amas de crimes fans nobleffe, de nations fans moeurs, d'événemens fans gloire, de perfonnages fans caractère, fans vertu ni talent que la férocité, n'auroit-elle pas rebuté le génie? Des hommes éclairés, fenfibles, éloquens, fe 'feroient-ils donné la peine d'écrire des faits indignes d'être lus?

Les poètes? Mais a-t-on pu prétendre que deux règnes, celui de Léon X & celui de Louis XIV, puffent entrer dans la balance avec toute l'antiquité? Ce font les fiècles de Périclès, d'Alexandre, & d'Augufte, & tous les règnes des empereurs, que l'on réunit contre le premier âge de la renaiffance des Lettres. Mais pour juger combien le temps fait à la chofe, on n'a qu'à joindre cinquante ans au fiècle de Louis XIV, & l'on a de plus du côté des modernes, qui ? Pope, Addiffon, Métaftafe, nombre de

poètes françois eftimés & dignes de l'être, & cet homme prodigieux, qui peferoit lui feul dans la balance dix anciens des plus admirés.

Cette réflexion nous ramène aux moyens qu'on auroit encore de réclamer en faveur des modernes, contre l'injuste parallèle qu'on a fait d'eux & des anciens. Ce feroit d'abord, comme nous l'avons dit, de comparer les efpaces des temps, de faire voir d'un côté mille ans écoulés, feulement depuis Homère jusqu'à Tacite, & de l'autre côté, tout, au plus un ou deux fiècles de culture; d'obferver enfuite ce qu'un demi-fiècle a mis depuis dans la balance. On pourroit dire alors: Voilà ce qu'a donné l'espace de foixante années. Qu'on attende encore quelques fiècles ; & quand les temps feront égaux, on aura droit de comparer les hommes.

On rapprocheroit enfuite les circonftances locales, celles des hommes & des temps. Et combien, du côté de la Poéfie, comme de l'Eloquence & de l'Hiftoire, les modernes n'auroient-ils pas de gloire,

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