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par exemple, u-, le pied tragique, est, dans nos vaudevilles & dans nos airs de danfe, auffi fautillant que le chorée le dadyle, le pied favori de l'Epopée, imite, quand on veut, tout auffi bien que l'anapeste, une galop rapide, & d'autant plus léger que les derniers temps font en l'air; & au contraire l'anapefte exprime, quand on veut, la langueur & l'abattement, en gliffant mollement fur les deux premières fyllabes, & en appuyant fur la dernière, comme dans ces vers:

N'allons point plus avant: demeurons, chère none."

Le rhythme est donc un moyen d'expreffion, changeant selon le mouvement & l'inflexion de la voix; & lorfqu'on lui attribue un caractère inaltérable, on eft préocupé de quelque exemple particulier, que mille autres exemples démen

tent.

ANCIENS. Il fe dit particulièrement des écrivains & des artistes de l'ancienne Grèce & de l'ancienne Rome.

Dans les dialogues de Perrault, intitulés, Parallèle des anciens & des Modernes, l'un des interlocuteurs prétend que c'eft nous qui fommes les Anciens. «N'est-il pas vrai, dit-il, que la durée du monde eft communément regardée comme celle de la vie d'un homme; qu'il a eu fon enfance, fa jeuneffe, & son âge parfait; & qu'il efl préfentement dans la vieilleffe? Figurons-nous de même que la nature humaine n'eft qu'un feul homme. Il eft certain que cet homme auroit été enfant dans l'enfance du monde, adolefcent dans fon adolefcence, homme parfait dans la force de fon âge, & que préfentement le monde & lui feroient dans leur vieilleffe. Cela fuppofé, nos premiers pères ne doivent-ils pas être regardés comme les enfans; & nous, comme les vieillards & les véritables Anciens du monde»?

Ce fophifme ingénieux, d'après lequel on a dit plaisamment, Le monde eft fi vieux qu'il radote, a été pris un peu

trop à la lettre par l'auteur du Parallèle. Il peut s'appliquer avec quelque justesse aux connoiffances humaines, au progrès des fciences & des arts, à tout ce qui ne reçoit fon accroiffement & fa maturité que du temps. Mais qu'il en foit de même du goût & du génie, c'eft ce que Perrault n'a pu férieufement penser & dire. Ici les caprices de la nature, les circonftances combinées des lieux, des hommes, & des chofes, ont tout fait, fans aucune règle de fucceffion & de progrès. Où les caufes ne font pas conftantes, les effets doivent être bizarrement di

vers.

L'avantage que Fontenelle attribue aux Modernes, d'être montés fur les épaules des Anciens, eft donc bien réel du côté des connoiffances progreffives, comme la Phyfique, l'Aftronomie, les Mécaniques: la mémoire & l'expérience du paffé, les vérités qu'on aura faifies, les erreurs où l'on fera tombé, les faits qu'on aura recueillis, les fecrets qu'on aura furpris & dérobés à la nature, les foup

çons même qu'aura fait naître l'induction ou l'analogie, feront des richesses acquifes; & quoique, pour paffer d'un fiècle à l'autre, il leur ait fallu franchir d'immenfes déferts d'ignorance, il s'est encore échappé, à travers la nuit des temps, affez de rayons de lumière, pour que les obfervations, les découvertes, les travaux des Anciens aient aidé les Modernes à pénétrer plus avant qu'eux dans l'étude de la nature & dans l'invention des arts.

Mais en fait de talens, de génie, & de goût, la fucceffion n'est pas la même. La raifon & la vérité fe tranfimettent Pindustrie peut s'imiter; mais le génie ne s'imite point, l'imagination & le fentiment ne paffent point en héritage. Quand même les facultés naturelles feroient égales dans tous les fiècles, les circonftances qui développent ou qui étouffent les germes de ces facultés, fe varient à l'infini: un feul homme changé, tout change. Qu'importe que, fous Attila & fous Mahomet, la nature eût produit les mêmes

talens que fous Alexandre & fous Auguste?

Il y a plus après deux mille ans, la vérité ensevelie fe retrouve dans sa pu

reté, comme l'or & ; la décou pour vrir, il ne faut qu'un feul homme. Copernic a vu le fyftême du monde, comme s'il fût forti tout récemment de l'école de Pythagore. Combien d'arts & combien de fciences, après dix fiècles de barbarie, ont repris leurs recherches au même point ou l'antiquité les avoit laiffées ?

Mais quand le flambleau du génie est éteint ; quand le goût, ce fentiment fi délicat, s'eft dépravé ; quand l'idée essentielle du Beau, dans la nature & dans les arts, a fait place à des conceptions puériles & fantafques, ou abfurdes & monstrueuses; quand toute la maffe des efprits eft corrompue dans un fiècle, & depuis des fiècles; quels lents efforts ne. faut-il pas à la raifon & au génie même, pour se dégager de la rouille de l'ignorance & de l'habitude; pour difcerner,

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