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mort & Alexandre avoit foumis l'Afie; mais, comme je l'ai dit, pour fe juftifier d'avoir confeillé cette guerre); il jure par les mânes des grands hommes qui, pour la défenfe de la liberté, font morts dans les batailles de Marathon, de Platée, de Salamine, & d'Artémife, & qui repofent dans les tombeaux publics; il jure, dis-je, qu'en fe dévouant pour le falut du refle de la Grèce, les athéniens n'ont point failli, & n'ont fait que fuivre en cela les exemples de leurs ancêtres.

C'est là qu'après avoir juflifié & fes confeils dans la tribune, & fa conduite dans les affaires, Démofthène termine ainfi fon éloquente apologie: «Après cela, vous me demandez, Eschine, pour quelles vertus je prétends qu'on me décerne des couronnes. Moi, fans hêfiter, je réponds : Parce qu'au milieu de nos magiftrats & de nos orateurs, que Philippe & Alexandre ont univerfellement corrompus, à commencer par vous, je fuis le feul que ni conjonctures délini paroles engageantes, ni pro

cates,

meffes magnifiques, ni efpérance, ni crainte, ni faveur, ni rien au monde, n'a jamais pu pouffer ni induire à rien relâcher de ce que je croyois favorable aux droits & aux intérêts de la patrie; parce qu'autant de fois que j'expofai mon avis, ce ne fut jamais comme vous, en mercenaire, qui, femblable à une balance, penche du côté qui reçoit le plus; mais qu'éternellement un efprit droit, jufte, & incorruptible dirigea toutes mes démarches ; parce qu'enfin, appelé plus qu'aucun homme de mon temps aux premiers emplois, je les exerçai tous avec une religion fcrupuleufe & une parfaite intégrité c'eft pour cela que je demande : qu'on me décerne des couronnes >>.

La manière dont Démosthène agrandit les objets, ne tient jamais à l'imagination; elle confifte à donner à fes raisonnemens de l'ampleur, de la force, & de la dignité. Il étend moins qu'il n'approfondit; il grave au lieu de peindre ; &, pour changer d'image, il déploie fes bras avec moins de grâce, mais il les ferre avec

une vigueur plus nerveuse que Cicéron.

Parmi les orateurs modernes (j'entends parmi les orateurs chrétiens), les amplifications ne font que trop fréquentes. Mais dans le nombre, il en eft d'admirables. Il s'agit de faire un bon choix. Celles de Bourdaloue, comme celles de Démosthène, font des raifonnemens appuyés & fortifiés ; celles de Maffillon des développemens de penfée, des effufions de fentiment: l'un & l'autre font des modèles.

C'est dans les oraisons funèbres que Pamplification a le plus de luxe & de pompe. Dans Fléchier, l'exorde de Turenne; dans Boffuet, les révolutions de la fortune d'Henriette, l'éloge de Condé, & cent autres morceaux font des chefd'œuvres de ce genre. De tous nos orateurs, Boffuet eft celui qui a le mieux connu l'art d'agrandir: c'étoit le fceau de fon génie.

Mais dans cet art, les poètes, fur-tout, font de grands maîtres d'éloquence : & qui enfeignera mieux à donner de la

grandeur & de la majeflé à un sujet, que l'expofition de Brutus ?

Deftructeurs des tyrans, vous, qui n'avez pour rois,
Que les dieux de Numa, vos vertus, & nos lois;
Enfin votre ennemi commence à vous connoître.
Ce fuperbe tofcan qui nous parloit en maître,
Porfenna, de Tarquin ce formidable appui,
Ce tyran, protecteur d'un tyran comme lui,
Qui couvroit de fon camp les rivages du Tibre
Refpe&te le Sénat & craint un peuple libre. &c.

Qui enfeignera mieux à amplifier action que la harangue de Cinna à fes conjurés ?

Je leur fais le tableau de ces triftes batailles,
Où Rome, par fes mains, déchiroit fes entrailles,
Où l'aigle abattoit l'aigle, &c.

Qui enfeignera mieux à aggraver le malheur par l'accumulation des circonftances, que le monologue de Camille, terminé par ce mouvement d'indignation fi fublime & fi déchirant?

Mais ce n'eft rien encore auprès de ce qui refte.
On demande ma joie en un jour si funefte!
Il me faut applaudir aux exploits du vainqueur,

Et baifer une main qui me perce

le cœur !

En un fujet de pleurs fi grand, fi légitime,
Se plaindre eft une honte, & foupirer un crime.
Leur brutale vertu veut qu'on s'eftime heureux;
Et fi l'on n'eft barbare, on n'eft point généreux.

Qui enfeignera mieux enfin que Phèdre, dans sa jalousie, à tirer des contrastes tout ce qui peut contribuer à rendre une fituation plus cruelle & plus accablante?

Œnone, qui l'eût cru? j'avois une rivale.

Hippolyte aime, & je n'en puis douter. Ce farouche ennemi, qu'on ne pouvoit dompter, Qu'offenfoit le refpe&t, qu'importunoit la plainte, Ce tigre, que jamais je n'abordai fans crainte, Soumis, apprivoifé, reconnoît un vainqueur : Aricie a trouvé le chemin de fon cœur.... Hélas ils fe voyoient avec pleine licence; Le Ciel de leurs foupirs approuvoit l'innocence; Ils fuivoient fans remords leur penchant amoureux; Tous les jours fe levoient clairs & fereins pour eux: Et moi, trifte rebut de la nature entière, Je me cachois au jour, je fuyois la lumière. La mort eft le feul dieu que j'ofois implorer. J'attendois le moment où j'allois expirer. Me nourriffant de fiel, de larmes abreuvée, Encor dans mes malheurs de trop près obfervée, Je n'ofois dans mes pleurs me noyer à loisir:

Je

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