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de la lecture, non feulement des orateurs célèbres, mais des poètes éloquens; qui avoient traduit, commenté de mémoire ou par écrit, dans leur jeuneffe, les plus beaux modèles de l'Elocution ou oratoire ou poétique ; c'étoit à de tels hommes, dis-je, que l'art d'étendre, d'agrandir, d'élever les idées, devenoit comme naturel. Ils l'employoient dans l'exorde, pour fe concilier les efprits; dans l'expofition & la preuve, pour fortifier leurs moyens & affoiblir ceux de l'adversaire; dans la narration, pour la rendre intéressante & perfuafive à leur avantage; dans la définition, pour la graver plus avant dans l'efprit des juges, & la fouftraire à la difcuffion d'une logique rigoureufe: Etenim definitio, primùm reprehenfo verbo uno, aut addito, aut dempto, fæpe extorquetur è manibus (a). Ibid. 1. 2. Ils l'employoient fur

(a) « Car il ne faut fouvent que reprendre un mot dans la définition, ou en ajouter, ou en retrancher un, pour nous arracher cette arme de la main ».

tout quand il s'agiffoit d'émouvoir. Eaque caufæ funt ad augendum & ad ornandum graviffimæ atque pleniffimæ, quæ plurimos exitus dant morum impetus

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aut impellantur aut

refiedantur (a). Ibid. 1. 2. Et pour la louange & le blâme, ils la regardoient comme le don fuprême, le talent propre de l'orateur: Nihil eft enim ad exage randam & amplificandam orationem accommodatiùs, quam utrumque horum (laudandi & vituperandi) cumulatiffimè facere poffe (b). Ibid. 1. 2.

Or qu'on me dise comment cet art, le triomphe de l'Eloquence, una laus &

(a) « Les causes dans lesquelles l'art d'agrandir & d'orner trouve le plus de gravité & de plénitude, sont celles qui préfentent le plus d'événemens propres à exciter les paffions ou à les réprimer >>.

(b) « Rien n'est fi favorable à l'amplification que ces deux genres d'éloquence, la louange & 1 blâme, lorsqu'on eft en état d'en accumuler les moyens ».

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propria oratoris maxima, peut être à la portée des écoliers de nos colléges. Qu'on me dife quels font les faits, quelle est l'espèce de queftions politiques ou morales, dont un rhétoricien foit affez pleinement inftruit, pour l'amplifier de luimême, par l'accumulation des circonftances, des accidens, des conféquences, des exemples, des causes, des effets, des reffemblances, des contraftes; par les comparaifons & les gradations du plus au moins, du moins au plus; par l'énumération des parties, & par ces développemens de qualités & de rapports, que les rhéteurs ont appelé un amas de définitions.

La bonne manière, je crois, d'exercercer à l'amplification les difciples, de P'Eloquence, c'eft d'abord de leur en faire lire les modèles à haute voix, & de les laiffer, après la lecture, fe retracer de fouvenir, par écrit, dans une autre langue, ce qu'ils en auront retenu. Que fi l'on veut, fur un fujet donné, qu'ils compo

fent d'après eux-mêmes, au moins fautil les y avoir préparés par des études préliminaires & relatives au fujet.

Mais avant que d'en venir là, & tandis qu'ils feront encore attachés au modèle, qu'on prenne foin de le choifir; qu'on fe fouvienne qu'il s'agit de la partie la plus développée, la plus majeftueufe de l'Eloquence; & qu'on n'en donne pas pour exemple un mot de Sénèque, ou une épigramme de Martial.

Eft-ce une amplification que ce vers de Virgile, où il peint en deux mots les chevaux de Turnus?

Qui candore nives anteirent, curfibus auras (a).

En eft-ce une que cette métaphore, prise des flots, pour exprimer le trouble du cœur de Didon?

Magnoque irarum fluctuat æftu (b).

Quoi qu'en dife Quintilien, ce n'eft

(a) « Qui surpaffoient la neige en blancheur, & les vents en vîteffe ».

(b) « Son cœur eft agité du grand orage de fa

colère ».

point, dans Homère, amplifier l'idée de la force de fes héros, que d'exagérer le poids de leurs armes ; ce n'eft point amplifier l'idée de la beauté d'Hélène, que de faire changer, à fa vue, l'indignation des vieillards troyens en une tendre admiration. Cette manière d'agrandir eft une hyperbole paffagère ; l'amplification demande un développement

orné.

Une amplification poétique eft cette peinture fublime de l'état de Didon, lorfqu'elle a réfolu fa mort:

At trepida, & cæptis immanibus effera Dido, Sanguineam volvens aciem, maculifque trementes Interfufa genas, & pallida morte futurâ, Interiora domús irrumpit limina, & altos Confcendit furibunda rogos, enfemque recludit Dardanium, non hos quæfitum munus in ufus (a). Une amplification poétique, dans

(a) «Didon tremblante, & l'efprit troublé de fon effroyable deffein, roulant des yeux rougis de fang, tout le vifage frémiffant & femé de taches livides, & portant fur le front la pâleur de fa

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