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fincère, quoiqu'elle excède la vérité: car l'orateur s'exprime comme il fent ; & fi le fentiment qui l'anime est louable, fon éloquence eft fans reproche. Il n'est pas obligé d'être calme, impaffible, & modéré comme le juge: c'est à celuici à réduire l'amplification aux termes de la vérité.

Obfervons enfin, que lors même que de propos délibéré l'orateur groffit ou atténue, relève ou rabaiffe l'objet de l'amplification, comme fait Cicéron pour aggraver le crime de Verrès: Facinus eft vincire civem romanum ; propè parricidium, necare; quid dicam, in crucem tollere (a)? ou pour laver Milon & fes efclaves du meurtre de Clodius: Fecerunt id fervi Milonis, neque imperante, neque fciente, neque præfente domino, quod fuos quifque fervos in tali

(a) « C'est un crime que de charger de fers un citoyen Romain; c'est presque un parricide que de le mettre à mort: qu'est-ce donc que de le mettre en croix »> ?

re voluiffet (a); obfervons, dis - je, qu'alors même, fi l'on garde la vrailemblance, on manquera aux règles de la bonne foi, mais non à celles de l'Eloquence; & fans parler des avocats modernes, il faut avouer que c'étoit là toute la religion des anciens, le fuccès, le gain de leur caufe, & le falut de leur client. Voyez ORATEUR & BARREAU.

Le grand vice de l'amplification, dú côté de l'art, c'eft d'en dire plus que P'orateur n'en peut lui-même penser & croire. En perdant jufqu'à l'apparence de la fincérité, il perd l'eftime de fes juges, fouvent même, comme Longin Pobferve, il les bleffe & les indispose; car ils prennent fon impudence pour une marque de mépris.

Réduifons

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nous donc à diftinguer deux fortes d'amplification: l'une décla matoire & mauvaise, qui outrepaffe vi

(a) «Les efclaves de Milon firent, fans l'ordre de leur maître, à fon infçu, en fon abfence, ce que chacun auroit voulu qu'en pareille rencontre eussent fait ses esclaves ».

fiblement les bornes de la vérité; l'autre qui fe renferme dans celles de la vraifemblance, & qui eft la feule oratoire. Voyez VÉRITÉ RELATIVE, Hy

PERBOLE.

Ainfi, pour l'orateur, amplifier, ce n'eft qu'expofer amplement la vérité, ou ce qui lui reffemble: foit pour frapper plus vivement l'efprit ou l'ame de l'auditeur d'une impreffion qui nous eft fa vorable; foit pour y affoiblir, ou pour en effacer une impreffion qui nous eft

contraire.

«En divifant une chofe, dit Ariftote, on l'agrandit par le feul développement de fes parties (& il le dit encore des circonftances qui la diftinguent). « Plus une action est difficile & rare, plus elle eft grande. Comme fi quelqu'un a exécuté une entreprise au deffus de fes forces, au deffus de fon âge, au deffus de fes pareils, feul, ou le premier, ou avec peu de fecours, & fur-tout s'il a fait ce qu'il y avoit de plus important, & s'il l'a fait fouvent de même ». Voilà

des formules d'amplification que la vé→ rité même avoue.

C'étoit là le grand art des anciens orateurs; & ils en convenoient eux-mêmes: Summa laus Eloquentiæ amplificare rem ornando. (De orat. l. 3.) C'étoit là qu'ils Le permettoient les expreffions les plus hardies, & presque celles des poètes: Verba propè poëtarum. ( Ibid. l. 1.) C’étoit à ce grand caractère que l'homme éloquent fe diftinguoit de l'homme fimplement difert (a).

C'étoit par cette plénitude, par cette abondance de pensées & d'expreffions, que le ftyle de l'orateur s'élevoit au deffus du ftyle fubtil, aigu, mais effilé, mince, concis, aride, exténué, des philofophes. C'étoit enfin par-là que l'Elo

(a) Difertum, qui poffet fatis acutè ac dilucidé, apud mediocres homines, ex communi quâdam hominum opinione dicere; eloquentem verò, qui mirabiliùs & magnificentiùs augere poffet atque ornare quæ vellet, omnefque omnium rerum quæ ad dicendam pertinerent fontes animo ac memoria contineret. Ibid 1. 1.

quence

quence différoit de cette plaidoirie aigre & litigieufe, dont le langage étoit trivial, fec, & pauvre, tandis que celui de l'Eloquence étoit enrichi d'une foule de connoiffances, & d'une affluence de chofes, pareille à l'abondance qu'on faifoit arriver des extrémités de l'empire, pour nourrir le peuple romain (a).

Telles étoient, pour l'Eloquence grèque & romaine, les fources de l'amplification. C'étoit à des hommes à qui les monumens de l'antiquité, fes exemples, fes mœurs, fes lois, fes ufages étoient connus ; à qui l'histoire de leurs ancêtres étoit préfente à la pensée; qui fortoient des écoles de la Philofophie, pleins des idées les plus profondes de Morale & de Politique, analyfées, difcutées, agitées dans tous les fens; qui s'étoient nourris

(a) Inftrumentum hoc forenfe litigiofum, acre, tractum ex vulgi opinionibus, exiguum fanè atque mendicum eft..... Apparatu nobis opus eft, & rebus exquifitis undique & collectis, accerfitis, comparatis, ut tibi, Cæfar, faciendum eft ad annum. Ibid 1. 3.

Tome I.

L

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