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galité, & que, du côté des talens, ils penfent avoir furpaffé tout ce qu'il y a de plus illuftre. Sur ces deux points, il leur attribue toutes les fottifes qu'il imagine; & il a bien de quoi en être libéral.

Je ne ferois donc pas furpris que, dans un fiècle où les gens de Lettres fe feroient trop répandus, & où cette espèce d'envieux fecrets, & honteux de l'être, se seroit trop multipliée, ce fût la principale cause de l'animofité qu'un certain monde auroit conçue contre les talens littéraires, & de la protection clandeftine & fourde que l'on accorderoit à leurs plus infolens & plus vils détracteurs.

AMENITÉ. C'eft, dans le caractère dans les mœurs, ou dans le langage, une douceur accompagnée de politeffe & de grace. L'aménité prévient, elle attire, elle engage, elle fait fouhaiter de vivre avec celui qui en eft doué,

Un peuple fauvage peut avoir de la douceur; mais l'aménité n'appartient qu'à un peuple civilifé,

La fociété des hommes entre eux, & fans les femmes, auroit trop de rudeffe: ce font elles qui, par l'émulation d'agrémens qu'elles leur inspirent, leur donnent de l'aménité.

Aménité fe dit auffi, & dans le même sens, du flyle d'un écrivain; & cette qualité convient particulièrement au familier noble & aux ouvrages de fentiment. Le flyle d'Ovide, celui d'Anacréon, celui de Fontenelle eft plein d'aménité. On peut auffi le dire du ftyle héroïque ; & c'eft une des qualités de la profe de Télémaque.

Un modèle d'aménité, chez les anciens, ce font les Dialogues de Cicéron fur l'orateur. Il n'y eut jamais d'entretien littéraire plus animé ; il n'y en eut jamais de plus doux : c'eft à la fois un monument d'éloquence & d'urbanité. Qui peut, en lifant ces Dialogues, ne pas fentir un défir très-vif d'être fous ce platane, fous ce portique de Tusculum, où les plus éloquens des romains s'expliquent sur leur art, chacun avec une modestie ai

mable, en parlant d'eux-mêmes, & avec une estime sentie & motivée, quelquefois avec un enthousiasme fincère, quand ils parlent de leurs rivaux? Par-tout de la chaleur, par-tout de la lumière. C'est enfin, ce qui eft fi rare, de la contrariété fans aigreur & fans amertume, de la politeffe fans fard, de la louange fans fadeur. Que n'avons nous fur l'art du théâtre un pareil entretien entre Corneille, Molière, & Racine, compofé par Voltaire! Cet ouvrage apprendroit aux jeunes gens à travailler, & à difputer.

AMPLIFICATION. Manière de s'exprimer qui agrandit les objets ou qui les diminue. Cette définition d'Ifocrate a été contestée, & on la croit défavouée par Cicéron ; mais on se trompe: c'eft dans ce même fens que Cicéron nous dit que l'amplification eft le triomest phe de l'Eloquence. Summa autem laus Eloquentiæ amplificare rem ornando: quod valet non folum ad augendum aliquid & tollendum altius dicendo, fed

etiam ad extenuandum atque abjiciendum. De orat. 1. 3. (a)

Et quoiqu'Ariftote diftingue ces deux effets de l'Eloquence, il les met de pair à côté l'un de l'autre, comme un feul & même fecret de l'art. Mais cet art - là feroit, dit-on, celui d'un sophiste ou d'un déclamateur. Colonia, dans fa Rhétorique, a fait cette obfervation, & on l'a répétée.

Pour y répondre, obfervons d'abord qu'agrandir n'eft pas tout a fait fynonyme d'exagérer. Le développement d'une idée, ou fon accroiffement, par une agrégation d'idées incidentes, une comparaison qui la fortifie, un contrafte qui la rend plus faillante, une gradation qui l'élève; tout cela, dis-je, l'agrandit, fans en exagérer l'objet. Alors amplifier n'est pas donner aux chofes une grandeur fictive, mais toute leur grandeur réelle. On peut

(a) « Le grand mérite de l'Eloquence eft d'amplifier les chofes en les ornant : & cet art d'agrandir un objet & de l'élever au deffus de luimême, fert auffi à le diminuer & à le rabaiffer ».

de même, par la diminution, ne les réduire qu'à leur valeur. L'un & l'autre fera fenfible dans une fable de la Fontaine.

Un mal qui répand la terreur,

Mal que le Ciel, en fa fureur, Inventa pour punir les crimes de la terre, La pefte, &c.

C'eft là ce qu'on appelle amplifier

pour agrandir.

L'âne vint à fon tour, & dit: J'ai fouvenance
Qu'en un pré de moines paffant,

La faim, l'occafion, l'herbe tendre, &, je pense,
Quelque diable auffi me pouffant,

Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.

C'est là ce qu'on appelle diminuer en amplifiant ; & par ces deux exemples, on voit que l'amplification eft fi bien compatible avec la vérité, avec la fincérité même, qu'elle fe trouve dans le récit le plus fimple & le plus naïf.

Obfervons de plus, que, lorfque c'est l'enthousiasme ou la paffion qui exagère, comme fait l'indignation, l'admiration la douleur, l'amplification eft encore

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