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manfuetudinis), focium habes neminem: totum hoc, quantumcumque eft, quod certè maximum eft, totum eft, inquam, tuum ; nihil fibi ex iftâ laude centurio, nihil præfedus, nihil cohors, nihil turma decerpit. Quin etiam, illa ipfa rerum humanarum domina, Fortuna, in iftius fe focietatem gloria non offert: tibi cedit; tuam esse totam & propriam fatetur (a).

L'abondance du fentiment n'eft pas

(a) « Dans les combats, la valeur des troupes, l'avantage du lieu, le fecours des alliés, les flottes, les convois fervent beaucoup à celui qui commande. La Fortune, de plein droit, s'attribue la plus grande part au fuccès ; & presque tout ce qui s'est fait d'heureux, elle s'en empare comme de fon bien. Mais la gloire, Céfar, que tu viens d'acquérir par la douceur & la clémence, tu net la partages avec nul autre. Quelque grand que foit ce triomphe, & il eft très-grand en effet, il t'appartient dans fon entier ; & de la louange qui t'en revient, tu n'as rien à reftituer au centurion, rien au préfet, rien aux cohortes, rien à la multitude. La Fortune elle-même, ce grand arbitre des chofes humaines, n'a rien à prétendre à ta gloire. Elle te la cède : elle avoue qu'elle eft à toi en propre & fans partage ».

fatigante, comme celle de l'efprit; auffi n'y a-t-il que les fujets pathétiques fur lefquels il foit possible de parler d'abondance expreffion qui peint vivement cette forte d'éloquence, où, fans préparation, comme fans ordre & fans fuite, une ame, pleine d'un grand fujet & profondément pénétrée, répand avec impétuofité les fentimens dont elle eft remplie, & fait paffer dans toutes les ames fes rapides émotions.

On a vu dans nos chaires des effets furprenans du pouvoir de cette éloquence le véhément Bridaine a déchiré plus de cœurs & fait couler plus de larmes, que le favant & profond Bourdaloue, &, fi j'ose le dire, que le fublime Boffuet.

Mais lorsque la force de l'éloquence doit réfulter de l'ordre & de l'enchaînement des idées, c'eft une imprudence de fe livrer à l'infpiration du moment ;-à moins qu'une longue habitude de l'élocution n'ait mis l'orateur en état de s'abandonner à fa véhémence, fans jamais s'oublier

s'oublier ni fe détourner de fon but. Ce font des exceptions rares à ce que Plutarque avoit obfervé des oraifons faites à l'imprévu. « Elles font pleines, ditil, de grande nonchalance & de beaucoup de légèreté; car ceux qui parlent ainfi à l'étourdi, ne favent là où il faut commencer, ni là où ils doivent achever; & ceux qui s'accoutument ainfi à parler à la volée, outre les autres fautes qu'ils commettent, ils ne favent garder mesure ni moyen en leurs propos, & tombent dans une merveilleufe fuperfluité de langage». Amiot.

On raconte, à ce propos, qu'en Italie, où les prédicateurs parlent affez communément d'abondance, l'un d'eux, prêchant fur le pardon des ennemis, après s'être efforcé de perfuader à fes auditeurs, qu'il falloit non feulement pardonner à fes ennemis & ne pas leur vouloir du mal, mais encore les aimer & leur faire du bien, emporté par fa véhémence, reprit ainfi: Mais, me direz-vous, je n'ai point d'ennemis. Vous n'avez point d'enTome I

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nemis, mes freres! & le monde, le péché, la chair ne font-ils pas vos ennemis ?

C'est ainsi qu'un orateur, dont la marche n'eft point réglée, rifque fouvent de s'égarer Un prédicateur, après avoir battu la campagne en préchant devant le cardinal de Richelieu, lui dit: « Je demande pardon à Votre Eminence : je me suis abandonné au faint Esprit : une autre fois je me préparerai, & j'espère que je ferai mieux.

α

Il faut avouer cependant qu'il n'y a que cette façon de produire les grands effets de l'éloquence, & de faifir tous les avantages du lieu, du moment, de fon émotion propre, & de celle des auditeurs ; & voilà pourquoi Bourdaloue difoit d'un miffionnaire de fon temps: On rend à fes fermons les bourfes que l'on vole aux miens. Les miffionnaires ont en effet cet avantage ineflimable fur les prédicateurs étudiés. Il eft le même. au Barreau, pour les avocats qui parlent d'abondance, fur ceux qui froidement récitent le plaidoyer qu'ils ont écrit. Ce

19 talent rare, que Fénelon vouloit que l'on acquît, demande un grand travail, & fuppofe les dons les plus précieux de la nature: il est cependant quelquefois porté fi loin par l'habitude, qu'il y a des orateurs dont l'élocution même gagne à n'être point travaillée, & qui parlent mieux d'abondance qu'ils n'écrivent en compofant.

Dans les écoles de rhétorique, la jeuneffe romaine s'exerçoit à parler ainfi ; & Craffus, qui, en reconnoiffant l'utilité de cet ufage, trouvoit cependant préférable celui de s'appliquer à écrire avec réflexion (a); Craffus étoit lui-même de tous les orateurs le plus en état de parler d'abondance, par les études infatigables qu'il avoit faites, par l'immenfe tréfor de connoiffances & de pensées qu'il avoit amaffé, mais fur-tout par les exercices habituels de fa jeuneffe. Voyez l'article RHÉTHORIQUE.

(a) Etfi utile etiam fubitò fæpe dicere; ta men illud utilius, fumpto fpatio ad cogitandum,paratiùs atque accuratiùs dicere. De orat.

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