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beau, par exemple, que d'avoir fait Cérès l'inventrice des lois & la fondatrice. des villes? Quoi de plus fage, dans les mœurs des spartiates, que de facrifier à Vénus armée ?

Quoique l'allégorie femble être une façon de s'exprimer artificielle & recherchée, cependant elle eft ufitée même chez les fauvages. Quand ceux de l'Orénoque veulent témoigner à un étranger que fon arrivée leur est agréable, le chef lui dit dans fa harangue, qu'il a vu passer fur fa cabane un oiseau remarquable par la beauté de ses couleurs ; ou qu'il a fongé la nuit que les fruits de la terre périffoient par la féchereffe, & qu'il eft furvenu une pluie abondante qui les a ranimés.

Rien de plus naturel en effet, chez tous les peuples & dans toutes les langues, que d'emprunter ainfi les couleurs des chofes fenfibles, pour exprimer, par analogie, des idées qui, fans cela, feroient vagues, foibles, confuses. Ce qui ne se peint point à l'imagination, échappe aifément à l'efprit. Voyez IMAGE.

ALLEGORIQUE. Un personnage allégorique eft une paffion, une qualité de l'ame, un accident de la nature, une idée abftraite perfonnifiée. Prefque toutes les divinités de la fable font allégoriques dans leur origine, la Beauté, l'Amour, la Sageffe, le Temps, les Saifons, les Elémens, la Paix, la Guerre, &c. Mais lorfque ces idées abftraites personnifiées ont été réellement l'objet du culte d'une nation, & que dans fa croyance elles ont eu une existence idéale, elles font mises, dans l'ordre du merveilleux, au nombre des réalités ; & ce n'eft plus ce qu'on appelle des Personnages allégoriques.

Il est vraisemblable que, dans le langage des premiers poètes, l'allégorie fut la pépinière des dieux: l'opinion en prit ce qu'elle voulut pour former la mytho❤ logie, & laiffa le refte au nombre des fictions.

Le même perfonnage eft employé comme réel dans un poème, & comme allégorique dans un autre,

felon que

le.

fyftême religieux dans lequel ce perfonnage eft réalifé, convient, out non, au fujet du poème. Ainfi, par exemple, dans P'Enéïde l'Amour eft pris pour un être réel; & dans la Henriade ce n'est qu'un être allégorique, de la même claffe que la Politique & la Difcorde.

Nos anciens poètes ont porté à l'excès l'abus des personnages allégoriques. Le Roman de la Rofe les avoit mis en vogue. Dans ce roman, l'on voit en fcène, Jaloufie, Bel-accueil, Faux-femblant,&c. &, d'après cet exemple, on mettoit fur le théâtre, dans les fotties & les mystères, le tien, le mien, le bien, le mal, l'esprit, la chair, le péché, honte, bonne com→ pagnie, pale-temps, je bois à vous, &c. & tout cela étoit charmant ; &, dans ce temps-là, on auroit juré que de fi heureuses fictions réuffiroient dans tous les fiècles.

Non feulement on faifoit des perfon-. nages, mais encore des mondes allégo-.. riques; & l'on traçoit fur des cartes, de pofte en pofte, la route du Bonheur,

le chemin de l'Amour : par exemple, on partoit du port d'Indifférence, on s'embarquoit fur le fleuve d'Espérance, on paffoit le détroit de Rigueur, on s'arrê toit à Perfévérance, d'où l'on découvroit l'île de Faveur, où faifoit naufrage Innocence. Ces curieufes puérilités ont été à la mode dans le fiècle du bel-efprit & du précieux ridicule. Le bon esprit les a réduites à leur juste valeur ; & on n'en voit plus que fur des écrans, où dans quelques livres myftiques. C'est-là que peut être placée l'allégorie du Temps & de la Fortune, jouant au ballon avec le globe du monde.

ALLUSION. Application perfonnelle d'un trait de louange ou de blâme.

Diogène reprochoit à Platon de n'avoir jamais offensé perfonne. Grâce aux allufions, il est peu d'écrivains célèbres de nos jours qui aient le même reproche à craindre.

Rien de plus odieux fans doute que la fatire perfonnelle ; & quoiqu'on puiffe

imaginer un degré de dépravation des moeurs publiques, où le vice impuni, toléré, allant par-tout la tête haute, feroit fouhaiter qu'il s'élevât un homme pour l'infulter en face & le flétrir, ce vengeur ne laifferoit pas d'être encore un perfonnage déteftable.

Que chacun dans la fociété fe faffe raifon par le mépris, & par un mépris éclatant, du vice infolent qui le bleffe; rien de plus noble & de plus jufte. Mais le métier d'exécuteur, quoique très-utile, eft infâme; & s'il fe trouvoit un homme doué d'un génie ardent, d'une éloquence impétueufe, du don de peindre avec vigueur, & que cet homme eût commis un crime digne de la rigueur des lois, c'eft lui qu'il faudroit condamner à la fatire perfonnelle. Voyez SATIRE.

Mais autant la fatire perfonnelle eft odieuse, autant la fatire générale des mauvaises mœurs eft honnête. Celle-ci diffère de l'autre à peu près comme le miroir diffère du portrait : dans le miroir malheur à celui qui fe reconnoît; la honte n'en eft qu'à lui feul.

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