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démontré dans fon Iphigénie en Tauride, fa Didon, & fa Pénélope, favoir, que l'expreffion la plus tragique fe concilie parfaitement avec la mélodie, & le deffin d'un chant régulier & fini.

J'ai dit que l'égalité des vers n'étoit pas effentielle à la fymétrie du chant: foit parce que deux vers inégaux peuvent avoir des mefures égales, & que le fpondée, par exemple, qui n'a que deux fyllables, eft l'équivalent du daɩtyle, qui en a trois; foit qu'il arrive auffi que le muficien, par des filences ou par des prolations, fupplée au pied qui manque à un vers, pour égaler la longueur d'un autre; foit enfin parce que les phrases de chant qui ne font pas correfpondantes, n'ont pas befoin d'avoir entre elles une parfaite égalité. Mais entre les membres fymétriquement oppofés d'une période, c'est une chofe précieuse que l'égalité du mètre & que l'identité des nombres; & l'auteur qui me fert de guide, en fait, avec raison, un mérite à Métastase, à l'exclufion d'Apoftolo Zéno.

Voici l'exemple qu'il en cite; & cet exemple eft une leçon.

L'onda che mormora
Fra fponda e fponda,
L'aura che tremola
Tra fionda e fronda,
E meno inftabile

Del veftro cor.
Pur l'alme fimplici
Dei folli amanti

Sol per voi fpargono
Sospiri e pianti,

E da voi fperano,
Fede in amor.

Notre langue, il faut l'avouer, n'eft pas affez dactylique pour imiter une pareille harmonie ; mais avec une oreille jufte & long-temps exercée aux formules du chant, un poète françois, qui voudra bien fe donner un peu de peine en compofant les paroles d'un air, y obfervera un rhythme affez fenfible, une correspondance affez marquée d'un nombre à l'autre dans les parties fymétriques & affez d'analogie entre le mouvement du vers & le caractère du fentiment ou

de l'image, pour donner lieu au mu→ ficien de concilier dans fon chant l'unité du deffin, la vérité de l'expreffion, la précifion des mouvemens, & cette jufteffe des rapports qui dans les fons plaît à l'oreille, comme dans les idées elle plaît à l'efprit.

Je ne dois pourtant pas diffimuler l'avantage que les italiens ont fur nous à cet égard; & le voici. Plus une nation est paffionnée pour un art, plus elle lui donne de licences de là vient que la Mufique italienne fait de la langue tout ce qu'elle veut; qu'elle combine les paroles d'un air comme bon lui semble, & les répète tant qu'il lui plaît. Notre langue est moins indulgente, & le fentiment de la mélodie n'a pas encore tellement féduit & préoccupé nos oreilles, que tout le refte

y

foit facrifié. Nous voulons que la profodie & le fens foient refpectés dans le plus bel air une fyncope, une prolation, une inverfion forcée altérent en nous l'impreffion de la Mufique la plus touchante ; & des paroles trop répétées

nous fatiguent, quelque facilité qu'elles donnent aux modulations du chant. De là vient que l'air françois, dans un petit cercle de paroles, peut difficilement avoir la même liberté, la même variété, la même étendue que l'air italien. Que faire donc ? laiffer la Mufique à la gêne dans l'étroit efpace de huit petits vers, à la fimple expreffion defquels le chant fera fervilement réduit? c'est lui ôter beaucoup trop & de fa force & de fa grâce. La Mufique, pour émouvoir profondément l'oreille & l'ame, a besoin, comme l'Eloquence, de graduer, de redoubler, de graver fes impreffions : à la première, ce n'eft fouvent qu'une émotion légère; à la feconde, l'ame & l'oreille, plus attentives, feront auffi plus vivement émues; à la troifième, leur fenfibilité, déjà fortement ébranlée, produit l'ivreffe & le tranfport. Voilà pourquoi dans les fymphonies, comme dans la Musique vocale, le retour du motif a tant de charme & de pouvoir. Le vrai moyen de fuppléer à la liberté que les italiens

donnent au chant de fe jouer des paroles, eft donc de lui donner, dans les paroles mêmes, des deffins plus développés, & plus d'espace à parcourir. L'art du poète confifte alors à faire de toutes les parties de l'air, par leur liaison, leur enchaînement, leur mutuelle dépendance, & par la facilité des paffages & des retours d'une partie à l'autre, un ensemble bien afforti.

Les exemples que j'ai indiqués de l'alternative des paffions dans un air à plufieurs defsins, font entendre ce que je veux dire. Les modèles que M. Piccini nous a en a donnés, nous l'ont fait fentir encore mieux.

Mais je perfifte à représenter que nous nous rendons beaucoup trop févères à l'égard des répétitions, & qu'en réduifant la Mufique à une expreffion fimple & fugitive, nous lui ôterions une grande partie de fa force & de fa beauté. La Mufique a fon éloquence, & cette éloquence consiste non feulement à exprimer, comme la parole & mieux que la

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