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lon commença ses fonctions de précepteur ; il vine, pleine de douceur et de charité. Par la

; avait alors trente-huit ans. Tout ce qui concou- grace de Fénelon, les vices les plus redoutarait avec lui à l'éducation du jeune duc était bles devinrent les vertus les plus touchantes, d'un mérite distingué. M. l'abbé de Fleury, et de cet abime de colère et de méchanceté aussi célèbre par ses vertus que par ses ouvra- on vit sortir un prince affable, doux, humain, ges, le secondait en qualité de sous-précepteur. patient, modeste, sévère pour lui seul, et in

Le premier soin de Fénelon fut d'étudier dulgent pour tous les autres. La révolution était son élève, de démêler ses inclinations, de s'as- complète; on reconnaissait un ange où l'on surer de la portée et de l'étendue de ses fa- n'avait vu qu'un démon. cultés, et d'y proportionner ses enseignements. De tous les vices du jeune duc, celui qui le Il s'attacha ensuite à gagner sa confiance, faisait le plus redouter était cette fierté dure sans recourir à de basses flatteries, ou à de lå- et hautaine qui bravait les menaces , et querien ches complaisances, mais en ne le trompant n'avait pu dompter. Fénelon ne crut pas dejamais sur rien, en lui résistant quelquefois, voir attaquer ce vice par des privations; il se et en lui montrant toujours la vérité, non contenta d'abord de douces remontrances, de comme un obstacle à ses caprices, mais comme railleries fines, et de ces réflexions simples le seul objet digne de ses recherches, et le et naturelles que les enfants d'esprit saisissent seul qui pût le conduire au bonheur.

facilement; il parut même céder quelquefois, Des difficultés qui auraient paru insurmon- et n'usa de fermeté que lorsqu'il se fut bien astables à toutautre que lui s'offrirent dès l'abord. suré de son influence, ou, pour mieux dire,

Le duc de Bourgogne, dit Saint-Simon, na- de son autorité. quit terrible, et dans sa première jeunesse Pour bien connaitre la méthode de Fénelon,

fit trembler : dur, colère jusqu'aux derniers il suffit de lire ses Fables; elles furent toutes > emportements contre les choses inanimées, composées pour rappeler au duc de Bourgogne » impétueux avec fureur, incapable de souffrir une faute qu'il venait de commettre, ou pour lui , la moindre résistance sans entrer dans des inculquer d'une manière plus précise la leçon » fougues à faire craindre pour sa vie (c'est ce qui devait l'instruire. On remarque d'abord que » dont j'ai été souvent témoin); opiniâtre à ces fables ne conviennent qu'à un prince, et à » l'excès, passionné pour tous les plaisirs, la un prince destiné à régner. Tout se rapporte à , bonne chère, la chasse avec fureur, la musi- cet objet, et on y suit, pour ainsi dire, les pro» que avec une sorte de ravissement, et le jeu grès de l'élève dans les développements de la

encore, où il ne pouvoit supporter d'être pensée du maitre. vaincu, et où le danger avec lui étoit extrême; « Qu'est-il donc arrivé de funeste à Mélan

enfin livré à toutes les passions, et transporté » the? rien au-dehors, tout au-dedans; il se ► de tous les plaisirs; souvent farouche, nalu

, coucha hier les délices du genre humain : ce » rellement porté à la cruauté, barbare en rail- , matin on est honteux pour lui, il faut le ca» lerie, saisissant les ridicules avec unejustesse > cher. En se levant, le pli d'un chausson lui a

qui assommoit; de la hauteur des cieux, il » déplu; toute la journée sera orageuse, et tout » ne regardoit les hommes que comme des ato

le monde en souffrira : il fait peur, il fait » mes avec qui il n'avoit aucune ressemblance, > pitié; il pleure comme un enfant, il rugit » quels qu'ils fussent. A peine les princes ses > comme un lion. Une vapeur maligne et farou

frères lui paroissoient intermédiaires entre lui che trouble et noircit son imagination, comme » et le genre humain, quoiqu'on eût toujours , l'encre de son écritoire barbouille ses doigts. » affecté de les élever tous trois dans une éga- · Nallez pas lui parler des choses qu'il aimoit le lité parfaite. )

e mieux il n'y a qu'un moment; par la raison Tel était le prince qui fut confié à la sagesse · qu'il les a aimées, il ne les sauroit plus soufde Fénelon; et le prodige est qu'en très peu

frir. Les parties de divertissements qu'il a tant de temps cet enfant terriblejusqu'aux derniers · desirées lui deviennent ennuyeuses; il faut les emportements, cet enfant farouche, cruel, in- » rompre: il cherche à contredire, à se plaincapable de souffrir la moindre contradiction, , dre, à piquer les autres ; il s'irrite de voir se transforma tout-à-coup en une créature di- qu'ils ne veulent point se fàcher. Quand il

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de

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► manque de prétexte pour attaquer les autres, aime les doux jeux de l'esprit ! Que les gra, il se tourne contre lui-même, il ne se trouve , ces soient sur ses lèvres ! Que la sagesse , bon à rien, il se décourage; iltrouve fort mau- , Minerve règne dans son cæur !

vais qu'on veuille le consoler; il veut être seul, · Qu'il égale Orphée par les charmes de sa

et il ne peut supporter la solitude; il revient à > voix, et Hercule par ses hauts faits! Qu'il , la société, et s'aigrit contre elle. On se tait, ce · porte dans son coeur l'audace d'Achille, sans

silence affecté le choque; on parle tout bas, , en avoir la fierté! Qu'il soit bon, qu'il soit , il s'imagine que c'est contre lui; on parle tout > sage, bienfaisant, tendre pour les hommes,

haut, il trouve qu'on parle trop et qu'on est , et aimé d'eux! Que les Muses fassent naître trop gai pendant qu'il est triste, cette tristesse ► en lui toutes les vertus. , lui paroit un reproche de ses fautes; on rit, il » Il aime nos douces chansons; elles entrent • soupçonne qu'on se moque de lui. Que faire ? » dans son coeur, comme la rosée tombe sur , » Etre aussi ferme et aussi patient qu'ilestinsup- nos gazons brûlés par le soleil. Que les dieux

» portable, et attendre en paix qu'il revienne , le modèrent, et le rendent toujours fortuné! » demain aussi sage qu'il étoit hier. Cette hu- » Qu'il tienne en sa main la corne d'abondance! » meur étrange s'en va comme elle vient: quand · Que l'âge d'or revienne par lui! Que la sa

elle le prend, on diroit que c'est un ressort de > gesse se répande de son cæur sur tous les mor, machine qui se démonte tout-à-coup; il est > tels, et que les fleurs naissent sur ses pas! » » comme on dépeint les possédės, sa raison est Remarquez que jamais Fénelon ne flatte dans » comme à l'envers ; c'est la déraison elle-même le prince que les qualités qu'il lui souhaite, que en personne : poussez-le, vous lui ferez dire les vertus qui peuvent lui mériter un jour la reen plein jour qu'il est nuit, car il n'y a plus ni connaissance du genre humain. jour ni nuit pour une tête démontée...... Il Toutefois il n'était pas toujours au pouvoir · pleure, il rit, il badine, il est furieux. Dans sa du précepteur de maîtriser le caractère impé, fureur la plus bizarre et la plus insensée, il est tueux de l'élève. Mais ce cas mêmeétait prévu: à · plaisant, éloquent, subtil, plein de tours nou- peine le prince dans ses fureurs s'était-il dé· veaux, quoiqu'il ne lui reste pas seulement une claré en état de rebellion que tout s'attristait

ombre de raison. Prenez bien garde de ne lui autour de lui. Le gouverneur, les instituteurs, , rien dire qui ne soit juste, précis, et exacte- les officiers, et jusqu'aux domestiques, gar· ment raisonnable: il sauroit bien en prendre daient un morne silence; tous le fuyaient avec » avantage, et vous donner adroitement le un air d'effroi comme s'ils eussent craint de · change; il passeroit d'abord de son tort au s'approcher d'un être privé de raison. On > vôtre, et deviendroit raisonnable pour vous paraissait ne s'occuper de lui que par cette > convaincre que vous ne l'êtes pas. )

espèce de compassion humiliante que l'on acCe portrait du fantasque fut un jour composé corde à un malheureux atteint de folie. On le en présence du prince, qui venoit d'en repré-traitait comme un malade digne de pitié, et non senter les scènes les plus saillantes. Qu'on juge plus comme un prince digne d'amour. Enfin on de l'effet d'une pareille leçon sur un coeur plein lui retirait ses livres, on lui refusait l'instrucde fiertó! il croyait paraitre redoutable, et il ne tion, comme si ces choses lui fussent devenues s'était montré qu'insensé et ridicule. La vanité inutiles dans l'état déplorable où il se trouvait blessée est quelquefois aussi puissante pour réduit. Ainsi isolé, abandonné, l'enfant comramener au bien, que la vanité flattée et satis- mençait à reconnaître son impuissance, et bienfaite : et Fénelon sut se servir habilement de ces tôt il venait implorer son pardon en faisant l'adeux mobiles pour dompter ce caractère, et le veu de ses fautes, et en jurant sur l'honneur de rendre sensible aux douceurs de la vertu. n'y plus retomber. Nous avons recueilli un de

Quel est donc ce berger qu ce dieu inconnu ces engagements d'honneur, écrit de la main du • qui vient orner notre bocage? Ilest sensible à prince, et dont l'original fut découvert il y a peu » nos chansons; ilaime la poésie, elleadoucira son de temps dans les papiers de Fénelon. » caur, et le rendra aussi aimable qu'il est fier. » Je promets, foi de prince, à M. l'abbé de

· Que ce jeune héros croisse en vertu , comme » Fénelon, de faire sur-le-champ ce qu'il m'orune fleur que le printemps fait éclore! Qu'il ► donnera, et de lui obéir dans le moment qu'il

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, me défendra quelque chose ; et si j'y manque, » peut-être que je m'estime fort heureux d'être

je me soumets à toutes sortes de punitions et pourvu de l'emploi que j'exerce auprès de ► de deshonneur. Fait à Versailles, le 29 no- vous ? Désabusez-vous encore, monsieur; jene vembre 1689. Signé Louis. )

» m'en suis chargé que pour obéir au roi et faire Il est impossible de lire sans émotion cet en- plaisir à Monseigneur, et nullement pour le gagement d'honneur d'un enfant de huit ans, pénible avantage d'être votre précepteur; et dont jusqu'à cette époque le caractère avait , afin que vous n'en doutiez pas, je vais vous paru indomptable. Mais ce qui accroîtra encore > conduire chez sa majesté, pour la supplier de l'admiration, c'est que lorsque ce billet fut écrit, , vous en nommer un autre, dont je souhaite que l'éducation du prince n'était commencée que

► les soins soient plus heureux que les miens! » depuis trois mois.

Cette déclaration inattendue jeta le prince Un jour que Fénelon s'était vu forcé de par- dans les anxiétés les plus douloureuses. «Ah! ler à son élève avec beaucoup de sévérité, le monsieur, s'écria-t-il en pleurant, je suis

» jeune duc vivement blessé lui répondit : « Non, ► désespéré de ce qui s'est passé hier. Si vous non, monsieur, je ne me laisse point comman- > parlez au roi, vous me ferez perdre son amider; je sais qui je suis et qui vous êles. » Fénelon » tie!..... Si vous m'abandonnez, que penserane répondit pas un seul mot. Il sentit que, dans » t-on de moi ?.... Au nom de Dieu, ayez pitié la disposition où se trouvait son élève, la raison » de moi! je vous promets de vous satisfaire à n'arriverait pas jusqu'à lui. Voulant lui donner l'avenir, 1 une leçon dont le souvenir füt ineffaçable, il af- Fénelon ne céda point de suite à ses prières ; fecta de ne plus lui parler de la journée, et son il le laissa un jour entier dans l'inquiétude, et air de tristesse témoignait assez son méconten- ne se rendit qu'aux instances de Mme de Maintement.

tenon, qu'on avait fait intervenir pour accroître Le lendemain, Fénélon entra dans la chambre l'effet de cette scène. du duc au moment de son réveil, et avec une Cependant les accès de colère du jeune prince gravité froide et respectueuse il lui dit : « Je ne revenaient à chaque instant. Fénelon ne les com

sais, monsieur, si vous vous rappelez ce que battit d'abord que par sa douceur insinuante, » vous m'avez dit hier, que vous saviez qui vous mais il sentit enfin la nécessité de les soumettreou » éles et qui je suis. Il est de mon devoir de vous de les vaincre. Dans ce but il imagina d'opposer apprendre que vous ignorez l'un et l'autre. colère à colère, fureur à fureur; de frapper l'iVous vous imaginez donc, monsieur, étre plus magination tendre de son élève en lui offrant le que moi ? Quelques valets, sans doute, vous tableau d'un homme dont la violence dominerait » l'auront dit; et moi je ne crains pas de vous la sienne. Un matindoncque le jeuneducs'arrêtait dire, puisque vous m'y forcez, que je suis à considérer les outils d'un menuisier qui travail

plus que vous. Vous comprenez assez qu'il lait dans son appartement, l'ouvrier, à qui Fene» n'est pas question ici de la naissance. Vous re- lon avait fait la leçon, lui dit du ton le plus absolu

garderiez comme un insensé celui qui préten- de passer son chemin. Le prince, peu accoutume • drait se faire un mérite de ce que la pluie du à de pareilles brusqueries, se ficha; mais l'ou

ciel a fertilisé sa moisson sans arroser celle de vrier haussant la voix, et comme hors de lui» ses voisins : vous ne seriez pas plus sage, si même, lui cria « : Retirez-vous mon prince! car » vous vouliez tirer vanité de votre naissance, quand je suis en fureur, je casse bras et jambes à

qui n'ajoute rien à votre mérite personnel. tous ceux que je rencontre. » Effrayé, le duc de » Vous ne sauriez douter que je suis au-dessus Bourgogne courut avertir son précepteur qu'on

de vous pour les lumières et les connoissances; avait introduit chez lui le plus méchant homme , vous ne savez que ce que je vous ai appris, et de la terre. « C'est un bon ouvrier, dit froide» ce que je vous ai appris n'est rien, compare ment Fénelon; son unique défaut est de se livrer » à ce qui me restait à vous apprendre. Quant aux emportements de la colère. — Il faut le » à l'autorité, vous n'en avez aucune sur moi, renvoyer, dit le prince; c'est un méchant » et je l'ai moi-même, au contraire, pleine et homme. — Je le crois plus digne de pitié que > entière sur vous. Le roi et Monseigneur de châtiment, reprit Fenelon ; vous l'appelez un » vous l'ont dit assez souvent. Vous croyez l méchant homme parce qu'il a fait ure inenace,

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lorsque vous l'interrompez dans son travail : et beau, et Fénelon avait toujours soin de le lui quel nom donnerez-vous à un prince qui bat montrer comme le résultat de ses études. Les son valet de chambre dans le temps même que connaissances des langues antiques devaient le celui-ci lui rend des services? ,

conduire à la connaissance de Virgile, d'Horace, Fénelon se gardait bien toutefois de trop d'Homère et de Platon. Aussi les progrès fumultiplier ces leçons. Elles naissaient des circon- rent-ils rapides; la perspective du point d'arristances, toujours naturellement, et sans aucun vée fit franchir les distances. Pour faciliter ces apprêt qui pùt les rendre suspectes au jeune duc. travaux , Fénelon composait lui-même les théMais ce qui contribua le plus efficacement à mes et les versions de son élève. Il rédigea l'amélioration de son caractère, ce furent les même un Dictionnaire de la langue latine, où les sentiments de piété qu'on eut soin de lui inspi- acceptions différentes, où la valeur poétique de rer; les images touchantes et majestueuses sous chaque mot se trouvaient indiquées et appuyées lesquelles Fénelon lui montrait la divinité pé par des exemples. Ce travail se faisait pendant netraient à la fois son esprit et son caur, et lui la leçon, en sorte que le joune duc lui-même y inspiraient le desir de remplir tous ses devoirs. participait, et que les découvertes qu'on lui préC'était sous les yeux de Dieu, c'était pour Dieu parait adroitement servaient à mieux fixer son qu'on lui demandait l'obéissance et l'étude. attention. Fénelon lui apprenait à bénir Dieu bien plus « Il nous a dit souvent, continue Fénelon, qu'à le craindre; et ces leçons délicieuses, adres- » dans la lettre déja citée, qu'il se souviendroit sées à l'ame de l'élève, étaient le délassement » toute sa vie de la douceur qu'il goûtoit en des travaux de son esprit ; elles se faisaient sans ► étudiant sans contrainte. Nous l'avons vu delivres, sans apprêts, dans des conversations in- ► mander qu'on lui fit des lectures pendant ses times, où le maitre et le disciple portaient, l'un - repas et à son lever, tant il aimoit toute chose toute l'ardeur de la curiosité, et l'autre toute qu'il avoit besoin d'apprendre. Aussi n'ai-je l'onction de l'amour.

» jamais vu aucun enfant entendre de si bonne Fenelon rapporte lui-même, dans une de ses » heure et avec autant de délicatesse les choses lettres, « qu'il avait soin de lui faire abandonner » les plus fines de la poésie et de l'éloquence. l'étude toutes les fois qu'il voulait commencer ►ll concevoit sans peine les principes les plus une conversation où il pùt acquérir des con- > abstraits; dès qu'il me voyait faire quelque naissances utiles : c'est ce qui arrivait souvent. ► travail pour lui, il entreprenoit d'en faire auL'étude se retrouvait assez dans la suite, car il » tant, et travaillait de son côté sans qu'on lui en avait le goût; mais son précepteur voulait , en parlåt. ) aussi lui donner le goût d'une conversation so- A dix ans, M. le duc de Bourgogne écrivait lide, pour le rendre sociable, et l'accoutumer à élégamment en latin, et traduisait les anteurs les connaitre les hommes dans la société. Dans ces plus difficiles avec une exactitude, une finesse conversations, son esprit faisait un sensible de style qui surprenaient les connaisseurs ; il progrès sur les matières de littérature , de avait lu les plus belles Oraisons de Cicéron el politique et même de métaphysique. On y Tite-Live tout entier; il avait expliqué Horace, faisait également entrer, sans affectation, Virgile, les Métamorphoses d'Ovide, traduit toutes les preuves de la religion. Son humeur les Commentaires de César et commencé la tras'adoucissait dans de tels entretiens; il deve- duction de Tacite, qu'il acheva dans la suite, et nait tranquille, complaisant, gai, aimable; on qui ne fut pas retrouvée après sa mort. en était charmé; il n'avait alors aucune hau-Au milieu de toutes ces études, celle de l'hislcur, et il s'y divertissait mieux que dans ses toire ne fut point négligée. Les progrès du jeux d'enfants, où il se fåchait souvent mal à jeune prince furent si rapides, que Fénelon conpropos'. ,

çut le projet de faire passer sous ses yeux tous L'éducation morale et religieuse du jeune les personnages qui ont influé sur les destinées prince ne fit point négliger son éducation lit- des peuples par de beaux ouvrages ou par des léraire et classique. Il était passionné pour le actions mémorables. Son but était moins de re

tracer des événements deja copnns de son élève, 'Leitre au Père Martineau, 1712.

que de fixer son opinion sur le mérite récl des

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hommes célèbres. Il s'agissait de réduire à leur pêcher de temoigner sa surprise et son admirajuste valeur les réputations usurpées, et aussi de tion : il prédit dès lors qu'il n'en serait pas de rétablir dans leur gloire les réputations calom- la réputation du duc de Bourgogne comme de niées. La connaissance des hommes n'était pas celle que la flatterie fait quelquefois aux enfants moins utile que celle de l'histoire, pour compo- des rois, et qui s'évanouit dès qu'ils paraissent ser un pareil ouvrage: Fénelon l'entreprit sous sur le théâtre du monde. les yeux de son élève. Les Dialogues furent C'est pendant l'exercice de ces hautes foncpresque toujours inspirés par les circonstances : tions, en 1693, que Fénelon fut appelé d'une ils arrivaient comme une leçon ou comme un voix unanime à l'Académie française, où la exemple ; ils étaient à la fois une récompense, mort de Pelisson laissait une place vacante. Les une instruction, un délassement et une lumière. suffrages qui l’y portèrent ne furent donnés ni à Tous les hommes que Fénelon fait revivre sont l'illustre noblesse de sa maison, ni à la dignité obligés de dire la vérité sur eux-mêmes et sur et à l'importance de son emploi, mais seulement les autres. Il met ainsi à découvert les petits aux grandes qualités qui l'y avaient fait apperessorts qui les ont fait agir, et les petites pas- | ler. sions qui les ont séduits ou égarés ; il fait ressor

Cette faveur de la fortune fut long-temps la tir par leurs propres aveux, ou par les combats seule dont on récompensa ses services. Pendant de leur vanité, tous les torts de leur conduite et six ans, personne ne songea à lui dans la distous les crimes de leur ambition; et il annonce tribution des graces ecclesiastiques. Le public ainsi au jeune prince comment l'histoire doit le lui donnait toutes les grandes places qui vejuger un jour. Les lecteurs attentifs reconnaî- naient à vaquer, et il n'arrivait pas mème aux tront dans ces Dialogues les mêmes pensées, plus médiocres. La longue habitude de borner les mêmes sentiments, les mêmes opinions sur ses desirs, jointe à son caractère de modestie le bonheur des peuples, sur les devoirs des rois, et de désintéressement, lui ôtaient jusqu'à la que l'auteur développa plus tard dans le Télé- pensée de s'élever. Enfin, le roi, étonné de l'amaque.

voir oublié pendant tant d'années, le nomma à Ainsi la religion, la morale , la philosophie, l'abbaye de Saint-Valery, et voulut le lui annonl'histoire, les langues , les belles-lettres, la po- cer lui - même, en s'excusant de lui donner litique, tout ce qui peut contribuer à faire ai- si peu après un si long oubli. Puis, quelques mer et respecter un prince, fut enseigné au mois s'étant écoulés, il fut nommé à l'archeveduc de Bourgogne avec succès. Ce jeune prince che de Cambrai. En recevant cette seconde faconnaissait la France comme le parc de Ver- veur, il crut devoir renoncer à la première, et sailles; il n'eût été étranger dans aucun pays; rendit son abbaye au roi, qui lui en exprima sa les temps passés lui étaient présents comme les surprise, peu accoutumé qu'il était à trouver événements du jour. Toute la suite des siècles, dans sa cour un pareil désintéressement. dit l'abbé Fleury, était rangée nettement dans A cette époque, l'éducation du prince était sa mémoire : il étudiait l'histoire des pays voi- presque terminée ; toutefois Fénelon voulut sins dans les auteurs originaux, les lisant cha- achever son ouvrage. Forcé à une résidence de cun en sa langue, et il savait l'histoire de l'É- neuf mois dans son archevêché, il surveillait et glise jusqu'à étonner les prélats les plus sa- dirigeait de Cambrai les travaux de son élève, vants.

comme le témoignent plusieurs instructions maRien ne devait manquer à la gloire de Fene- nuscrites adressecs à l'abbé de Fleury, et dont il lon, et le suffrage de Bossuet lui-même allait est indispensable de citer ici au moins un fragconsacrer le double suffrage de la cour et de la ment. nation. Ce grand prélat, étonné de tout ce qu'on racontait de l'instruction du duc de Bourgogne, Projet d'étude pour M. le duc de Bourgogne, ne voulut s'en rapporter qu'à son propre juge

fin de l'année 1699. ment; il demanda et on lui ménagea une entre- « Je crois qu'il faut, le reste de celle année, yue particulière avec le jeune prince; et après un , laisser M. le duc de Bourgogne continuer ses long entretien sur toutes les inatières religicu- » thèmes et ses versions comme il le fait actuelses, politiques et scientifiques, il ne put s'em- \ » lement.

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