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AVIS DE L'ÉDITEUR.

La vie de Fénelon, quoique dégagée de presque | ques longueurs, qui affaiblissent considérablement

toutes les passions humaines, fut très agitée. Elle peut se diviser en plusieurs époques bien distinctes: l'éducation du duc de Bourgogne, suivie de la disgrace et de l'exil; les discussions publiques sur le quiétisme, suivies du jugement de la cour de Rome; enfin les désastres de la France et l'envahissement de son territoire par les étrangers, où la charité du prélat sembla croître avec nos malheurs. Là se renferme toute la vie politique et chrétienne de Fénelon, vie sublime qui se résume dans ces trois pensées donner un bon roi à la France, de bonnes institutions aux peuples, et une religion éclairée et désintéressée au monde.

Nous avons essayé l'esquisse de cet immense tableau, en prenant pour base de notre travail :

4° La Correspondance de Fénelon; qui forme aujourd'hui 12 vol. in-8°;

2o La nouvelle Histoire de Fénélon, publiée à la tête de Télémaque par les soins du marquis de Fénelon, pendant son séjour en Angleterre, et dont deux ou trois exemplaires seulement existent aujourd'hui dans les bibliothèques des amateurs;

5o L'Histoire de la vie et des ouvrages de Fénelon, par Ramsai;

4o Le Recueil des principales vertus de Fénelon, par l'abbé Galet, ouvrage touchant, et que M. de Bausset n'a pas connu;

5° L'Histoire de Fénelon, par le P. Querbeuf, ouvrage estimable, et que M. de Bausset a fondu entièrement dans le sien;

6o Enfin l'Histoire de Fénelon, composée sur les manuscrits originaux par le cardinal de Bausset. Ce livre, élégamment écrit, plein de recherches et d'érudition, est le meilleur qu'on ait publié sur la matière; mais on peut lui reprocher quel

l'intérêt. L'auteur a trop prodigué dans son texte les richesses littéraires que le hasard avait fait tomber dans ses mains.

Telles sont les sources où nous avons puisé abondamment; notre but a été de réunir dans un seul ouvrage, réduit aux proportions que comporte le sujet, tout ce qu'il y a de vraiment utile, de vraiment intéressant dans les ouvrages que nous venons de citer.

Quant aux œuvres de Fénelon, notre recueil renferme plus de vingt volumes, c'est-à-dire tous les écrits relatifs à l'éducation; plus, tous les ouvrages littéraires, politiques, historiques et purement religieux. Sous ce rapport, les œuvres de Fénelon sont complètes.

Nous y avons joint les principaux ouvrages de théologie, et entre autres le livre si célèbre des Maximes des Saints, qui, jusqu'à ce jour, n'a trouvé place dans aucune édition de Fénelon.

Enfin nous avons terminé notre collection par un choix fait avec le plus grand soin dans toutes les correspondances de l'auteur. Ces correspondances avaient toujours été séparées, ou classées d'après les matières qui y sont traitées. Nous les avons réunies, en ayant soin de replacer chaque lettre à sa date, en sorte que cette partie des œuvres est comme une suite non interrompue de tableaux délicieux, où l'on voit se reproduire successivement toute la vie intellectuelle, religieuse, morale et politique de l'écrivain et du pasteur : monument divin de sa vertu, et qui, en ne le considérant que sous le rapport littéraire, peut encore servir à sa gloire!

31 mars 1833.

L. A.-M.

a.

ÉTUDES

SUR

LA VIE DE FÉNELON.

Sa mémoire doit avoir le même avantage que sa vie : celui de faire aimer la religion.

LA HARPE.

avait beaucoup, crut pouvoir les relever. Le domestique insista; l'enfant ne se laissa pas convaincre; et le domestique, emporté par la mauvaise humeur, le saisit avec violence, et le

François de Salignac de La Mothe-Fénelon naquit au château de Fénelon, en Périgord, d'un second mariage du marquis de Fénelon avec Louise de La Cropte, sœur du marquis de Saint-Abre. Mademoiselle de La Cropte joi-jeta par terre. Il se fit mal en tombant; mais gnait à beaucoup d'esprit tous les avantages de la beauté et de la naissance; mais elle avait peu de fortune, et le marquis de Fénelon était déja père de plusieurs enfants. Aussi la famille dans laquelle elle entrait blama-t-elle cette alliance, qui plus tard devait lui ètre si glorieuse, puisque Fénelon en fut le fruit.

la crainte de faire chasser le domestique l'engagea au silence, et il laissa croire à sa mère que le hasard seul avait causé sa chute. Fénelon avait alors six ans.

Déja son éducation classique était commencée; on l'avait confiée à un précepteur habile, mais dont le principal mérite était de faire aiLa première éducation de Fénelon fut toute mer l'étude. L'aimable enfant fut nourri, pour chrétienne. Le marquis de Fénelon prodigua ainsi dire, du miel de l'antiquité; en sorte qu'à ses soins à l'enfant de sa vieillesse. Le moral, l'âge de douze ans, lorsque son père l'envoya le physique furent également soignés et culti- à l'université de Cahors, alors très florissante, vés. L'enfant était délicat : à force de ménage-il savait parfaitement le grec, et écrivait en ment, d'exercice et de sobriété, on le rendit capable de soutenir la fatigue et le travail. Il avait l'esprit vif et l'ame tendre; on alimenta cette double flamme par les exemples de la tendresse et par les conversations les plus instructives. Les historiens ont peu parlé de l'influence de la mère sur l'enfant; mais il est impossible que cette influence n'ait pas été largement exercée, puisque Fénelon fut élevé dans sa famille jusqu'à l'âge de douze ans.

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français et en latin avec elégance et facilité. Enfin, il avait lu les poëtes, les philosophes et les orateurs qui ont illustré ces trois langues; il en connaissait les beautés, et déja même il s'était essayé à les reproduire.

Ainsi se formait dans la famille cet homme dont les écrits devaient adoucir le sort des peuples. Loin du fracas des villes, loin du tumulte des passions, son ame paisible recueillait avidement et conservait avec soin les impressions du beau et du bon; et nul doute que ces premières études si bien faites, que cette éducation à la fois grecque et chrétienne, n'aient exercé la plus heureuse influence sur ses ouvrages et sur son caractère.

Il avait dix-huit ans lorsque le marquis de

a.

Fénelon, son oncle, le fit venir à Paris, et le plaça au collège du Plessis, puis au séminaire de Saint-Sulpice, où le jeune Fénelon termina ses études théologiques. Cet oncle était un homme de beaucoup de mérite et d'une grande piété. Le grand Condé, qui l'honorait de son estime, disait de lui qu'il était également propre pour la conversation, pour la guerre et pour le cabinet. Après cinq ans de recueillement et d'instruction, Fénelon reçut les ordres à l'âge de vingtquatre ans. Sa vocation fut pleine et entière. On raconte même que, malgré sa jeunesse et sa faible santé, il voulait se consacrer aux missions du Canada; mais son oncle refusa son consentement, et ce fut dans la paroisse même de Saint-Sulpice que Fénelon exerça, pour la première fois, les fonctions de son saint ministère.

Le soin des pauvres, la visite des malades, le confessionnal, le catéchisme, les prônes, les exhortations familières, tous ces travaux obscurs et pénibles, qui n'en sont que plus méritoires, l'abbé de Fénelon s'y livra avec ferveur. On le vit alors commencer cette vie de bienfaits, d'aumônes, de charités, de consolations, pour laquelle il était né. Au lieu de rechercher les riches, il recherchait les pauvres : il descendait aux dernières classes, et c'est là qu'il s'exerçait à soulager les maux qui ne peuvent avoir que Dieu ou ses ministres pour consolateurs.

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› nèse respire en liberté, et l'Église de Corinthe va refleurir la voix de l'Apôtre s'y fera › encore entendre. Je me sens transporté dans ces beaux lieux et parmi ces ruines précieu» ses, pour y recueillir, avec les plus curieux » monuments, l'esprit même de l'antiquité. Je › cherche cet aréopage où saint Paul annonça › aux sages du monde le Dieu inconnu. Mais le » profane vient après le sacré, et je ne dédai

gne pas de descendre au Pirée, où Socrate » fait le plan de sa république. Je monte au > double sommet du Parnasse; je recueille les › lauriers de Delphes, et je goûte les délices de Tempé.

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» Je ne t'oublierai pas, ô île consacrée par › les célestes visions du disciple bien aimé! ò › heureuse Pathmos! j'irai baiser sur la terre › les pas de l'apôtre, et je croirai voir les cieux > ouverts. Là, je me sentirai saisi d'indignation > contre le faux prophète qui a voulu dévelop> per les oracles du véritable, et je bénirai le › Tout-Puissant, qui, bien loin de précipiter l'Église comme Babylone, enchaîne le draToutefois il nourrissait encore le desir de se gon, et la rend victorieuse. Je vois déja le consacrer aux missions étrangères; mais con- > schisme qui tombe, l'Orient et l'Occident qui vaincu, avec raison, que sa santé ne lui per- › se réunissent, et l'Asie qui voit renaître le mettrait jamais de résister au climat du Cana-› jour après une si longue nuit; la terre, sanc

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tifiée par les pas du Sauveur et arrosée de son sang, délivrée de ses profanations, et re› vêtue d'une nouvelle gloire; enfin, les enfants d'Abraham, épars sur la face de toute la terre » et plus nombreux que les étoiles du firma» ment, qui, rassemblés des quatre vents, » viendront en foule reconnoître le Christ qu'ils

da, il porta toutes ses pensées vers les missions du Levant. Une lettre délicieuse, trouvée dans ses papiers, et publiée pour la première fois il y a peu d'années, nous a révélé cette pensée secrète du jeune ecclésiastique. La lettre est datée de Sarlat, 9 octobre, mais sans indication d'année. Le grand écrivain s'y révèle pour la première fois, et les souvenirs de l'antiquité» ont percé, et montrer à la fin des temps une s'y mêlent poétiquement aux souvenirs du chrétien. Voici cette lettre, adressée probablement au duc de Beauvilliers:

Divers petits accidents ont toujours retardé jusqu'ici mon retour à Paris; mais enfin, monseigneur, je pars, et peu s'en faut que je» › ne vole. A la vue de ce voyage, j'en médite » un plus grand. La Grèce entière s'ouvre à moi, le sultan effrayé recule; deja le Pélopo

› résurrection. En voilà assez, monseigneur, et » vous serez bien aise d'apprendre que c'est ici » ma dernière lettre, et la fin de mes enthou› siasmes, qui vous importuneront peut-être. › Pardonnez-les à ma passion de vous entretenir de loin, en attendant que je puisse le faire › de près. ›

Ce projet n'eut aucune suite à peine de retour à Paris, Fénelon fut placé à la tête de la

maison des Nouvelles Catholiques. C'était une association de filles éclairées, pieuses, bien nées, qui se dévouaient librement, et sans prononcer de vœux à l'instruction, des jeunes protestantes. Louis XIV protégeait cette institution; il la comblait de biens et la remplissait de proselytes; rien n'était donc plus important que de lui donner un chef qui pût répandre la lumière sur les institutrices et sur les élèves. Dix années de la vie de Fénelon furent consacrées à ce saint ministère.

C'est là, au milieu d'un cercle de jeunes personnes dont il était obligé d'étudier le caractère et d'éclairer les consciences, qu'il recueillit cette multitude d'observations à la fois profondes et délicates, qui devinrent la base du traité de l'Education des Filles. Il sut lire dans le cœur de ces tendres enfants tous les secrets d'un autre age; il apprit de leur innocence l'art de diriger leurs passions, et de leur naïveté l'art de les prévenir. Cette étude charmante, en lui montrant les femmes dans leur caractère natif, lui fit sentir le besoin de les fortifier, parce qu'elles sont faibles, et de les éclairer, parce qu'elles sont puissantes. Ainsi fut composé, en présence de la nature, le livre de l'Éducation des Filles, ce chef-d'œuvre de délicatesse, de grace et de génie, où la vertu est douce comme la bonté, et dont la doctrine simple et maternelle n'est que l'amour de Jésus-Christ pour les petits enfants.

Une chose fort remarquable, c'est que ce livre ne fut pas composé pour le public. Fénelon l'écrivit pour répondre aux pieuses intentions de madame la duchesse de Beauvilliers. Cette femme, aussi remarquable par son esprit que par sa piété, était mère de huit filles qui, grace aux bons exemples qu'elles eurent sous les yeux pendant leur jeunesse, et aux principes qu'elles puisèrent dans les leçons de Fénelon, conservèrent au milieu du monde la pureté et toutes les vertus chrétiennes. Telle fut l'origine de ce petit ouvrage, le plus court, le plus complet et le plus utile qui ait encore été composé sur la matière. Heureusement il avait été remis en des mains généreuses. Le duc de Beauvilliers ne voulut pas jouir seul d'un pareil trésor. Il sentit que ce livre, fait pour une seule famille, pouvait devenir un livre élémentaire pour toutes les familles, et il se hâta de le rendre public. Le traité de l'Education des Filles,

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imprimé pour la première fois en 1687, fut accueilli avec une grande faveur, et il acquit à Fénelon cette haute réputation qui le fit appeler, deux ans plus tard, à l'éducation de l'héritier du trône.

Déja le bruit de ses travaux apostoliques avait porté son nom aux oreilles de Louis XIV. Ce roi, qui venait de révoquer l'édit de Nantes, arracha pour un moment Fénelon à ses travaux obscurs, pour le charger d'une mission dans la Saintonge et dans l'Aunis; mission de prosélytisme, mission terrible qui devait être soutenue, comme toutes les autres, par le fer des soldats. Mais l'ame du pasteur se refusa à toutes les violences; il voulut partir seul, comme les apôtres ; et, grace à ses vertus évangéliques, deux provinces furent préservées du fléau de la persécution.

Ces missions heureusement terminées, il vint en rendre compte au roi; puis il reprit tranquillement ses fonctions de supérieur des Nouvelles Catholiques. C'est alors que le distributeur des graces ecclésiastiques le proposa pour l'évêché de Poitiers; mais Mår de Harlay, choqué de l'attachement que Fénelon témoignait à Bossuet, et de sa grande confiance en ce prélat, le fit effacer de la liste.

La Providence lui réservait de plus hautes destinées, et cette fois la haine se trompa. Depuis long-temps Louis XIV cherchait autour de lui des instituteurs dignes d'élever son petit-fils, de donner un bon roi à la France. Son choix tomba sur le duc de Beauvilliers, dont il connaissait l'élévation d'ame et la piété. Il le nomma gouverneur ; puis, l'ayant consulté sur le choix d'un précepteur, il se décida pour l'abbé de Fénelon, qui se vit tout-à-coup appelé à la cour, et qui vint y occuper une place à laquelle on attachait les destinées de la France.

Cette époque de la vie de Fénelon doit fixer toute notre attention. Nous tàcherons de n'oublier aucun détail. L'éducation du duc de Bourgogne va mettre en jeu tous les talents de cet esprit si fin, si délicat, si élevé, et de cette intelligence qui s'est développée dans la triple étude d'Homère, de Platon et de l'Evangile. La carrière religieuse, philosophique et politique de Fénelon commence; et cette ame, enflammée de l'amour des hommes, va enfin travailler à leur bonheur !

Ce fut au mois de septembre 1689 que Féne

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