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des archevêques. Cateau-Cambrésis était rempli des grains de toutes les campagnes voisines, qui les y avaient déposés pour ainsi dire à l'abri du nom de Fénelon. Marlborough y envoya un détachement pour les protéger; mais quand il prévit que la rareté des subsistances, dont son armée commençait à manquer, ne lui permettrait pas toujours de maîtriser ses soldats, il en fit avertir Fénelon. Alors on chargea sur des chariots tous les grains qui s'y trouvaient, et Marlborough les fit escorter par ses propres troupes jusque sur la place d'armes de Cambrai, devenu le quartier-général de l'armée française.

Cet hommage rendu à la vertu du pasteur par des ennemis acharnés à la ruine de la France servit à sauver la France elle-même. Fénelon livra toutes ses récoltes aux ministres de la guerre; il ne se réserva que ce qui était sculement nécessaire pour sa consommation, et celle de la petite armée qu'il logeait dans son propre palais. Le contrôleur l'invita à fixer luimême le prix des grains qu'il venait de fournir avec tant de générosité. Fénelon lui répondit: Je vous ai abandonné mes blés, monsieur; ordonnez tout ce qu'il vous plaira, tout sera

› bon. ›

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L'approche des troupes ennemies, dit un témoin oculaire, avoit obligé les paysans à se réfugier dans la ville avec leurs bestiaux et leurs effets les plus précieux. La situation de ces pauvres gens qui fuyoient le pillage, le renversement de leur fortune, la dispersion de leurs familles, la désolation peinte sur leur visage, leur air consterné, étoient un spectacle pitoyable qui excitoit dans le cœur du saint prélat les mouvements de la plus tendre charité. Ce fut alors qu'on le vit empressé à recueillir le troupeau dispersé, à faire entrer les brebis effrayées dans la bergerie, je veux dire dans son palais épiscopal, dans lequel il logea tout autant de monde qu'il en put contenir. Il ne lui suffit pas d'avoir logé les hommes, il voulut de plus retirer les animaux qui leur appartenoient. Si d'une part les corridors, les chambres, si les degrés étoient remplis de personnes qui y accouroient en foule, d'un autre côté les cours, les jardins, les vestibules regorgeoient des animaux qui y étoient pressés et comme entassés ; on auroit cru voir l'arche antique dans laquelle se rendoit à la hâte tout ce qui devoit échapper au naufrage. ▸

Le saint prélat ne borna pas là ses bons offices; il en ajouta d'autres pour le moins aussi essentiels. Il ordonna à son maître-d'hôtel de donner à manger à tous ceux qui en demanderoient, lui défendant, sous peine d'encourir son indignation, de rien refuser ou de faire mauvaise mine à qui que ce fùt. On se hasarda de lui représenter qu'une telle dépense n'alloit à rien moins qu'à le ruiner totalement. Dieu nous aidera, dit-il; la Providence a des ressources infinies, sur lesquelles je compte sans nulle défiance. Donnons seulement tant que nous aurons de quoi donner; c'est mon devoir, et c'est aussi ma volonté '. »

Cependant la France semblait toucher à sa ruine. Enveloppée de toutes parts, battue sur tous les points, elle n'avait plus ni ressources, ni espérance. Le roi avait déclaré qu'il mourrait à la tête de sa noblesse. Sublime résolution, mais qui ne pouvait sauver le pays. Fénelon, en jetant les yeux sur le peuple, eut une pensée plus grande que celle de Louis XIV; c'est à la tête de la nation qu'il voulut le placer. Il lui semblait bien qu'à ce degré d'élévation il n'y avait plus de péril, ni pour le pays, ni pour le

trône.

Rien, suivant nous, n'est aussi remarquable dans la vie de Fénelon que ce trait de son génie ! Dans une lettre au duc de Chevreuse, restée inédite jusqu'au commencement de ce siècle, le grand homme ose déclarer que, parvenu au point où des maux extrêmes exigent des remèdes extrêmes, on doit renoncer avec courage aux formes accoutumées d'un gouvernement qui ne peut plus se soutenir ni se défendre; en un mot, il déclare que le moment est venu d'associer la nation elle-même à l'administration de l'état.

Nous citerons cette lettre, qui sans doute alors ne fut pas comprise, et qui est aujourd'hui le plus beau titre de gloire de son auteur:

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› deux premiers mois; mais quand on verra le
› roi accabler les peuples, rechercher les aisés,
› ne payer point ce qu'il doit, continuer ses dé-»
› penses superflues, hasarder la France sans la
› consulter, et ruiner le royaume pour faire mal
› la guerre, le public recommencera à crier
plus haut que jamais. Il est impossible que le
› roi paie ses dettes, il est impossible que les
› peuples paient le roi, si les choses sont au point
› d'extrémité qu'on nous représente; la France
› est comme une place assiégée; le refus d'une
› capitulation irrite le peuple et la garnison;
> on fait un nouvel effort pour quatre ou cinq
› jours, après quoi le peuple et la garnison af-
> famés crient qu'il faut se rendre, et acceptent
› les plus honteuses conditions. Tout est fait pri-
› sonnier de guerre: ce sont les fourches cau-
› dines.

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› pêcher une totale invasion. En un mot, je vou> drois qu'on laissât aux hommes les plus sages et les plus considérables de la nation à chercher les resscurces nécessaires pour sauver la nation même. Ils ne seroient peut-être pas d'a> bord au fait ; aussi seroit-ce pour les y mettre que je voudrois les faire entrer dans cet exa› men. Alors chacun diroit en soi-même : Il n'est plus question du passé, il s'agit de l'avenir; c'est la nation qui doit se sauver elle› même ; c'est à elle à trouver des fonds partout où il y en a pour le salut commun. Il seroit › mème nécessaire que tout le monde sût à quoi > l'on destineroit les fonds préparés, en sorte que chacun fût convaincu que rien n'en seroit employé aux dépenses de la cour. J'avoue qu'un › tel changement pourroit émouvoir trop les esprits, et les faire passer tout à coup d'une › extrême dépendance à un dangereux excès de > liberté. C'est par la crainte de cet inconvé› nient que je ne propose point d'assembler les états-généraux, qui, sans cette raison, seroient > très necessaires, et qu'il seroit capital de réta> blir. Mais comme la trace en est presque perdue, et que le pas à faire est très glissant dans

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› Je ne vois aucune solide ressource que celle › que vous ne ferez point entrer dans la tête du › roi. Notre mal vient de ce que cette guerre › n'a été jusqu'ici que l'affaire du roi; il faudroit › en faire l'affaire véritable de tout le corps de › la nation; elle ne l'est que trop devenue; car › la paix étant rompue, le corps de la nation se › voit dans un péril prochain d'être subjugué. › De ce côté-là, vous avez un intérêt clair et sen>sible à mettre la vérité devant les yeux de tous > les François; mais pour le faire, il faut au moins l'autre. Je voudrois consulter les principaux

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‣ leur parler et les mettre au fait. D'un autre › côté, la persuasion est difficile; car il s'agit ⚫ de persuader à toute la nation qu'il faut pren› dre de l'argent partout où il en reste, et que chacun doit s'exécuter rigoureusement pour ‣ empêcher l'invasion prochaine du royaume. › Pour parvenir à ce point, il faut que le roi › entre en matière avec un certain nombre › de notables des diverses conditions et des di› vers pays; il faut prendre leurs conseils, et leur faire chercher en détail les moyens les › moins durs de soutenir la cause commune. Il › faudroit qu'il se répandît dans toute notre na>tion une persuasion intime et constante que > c'est la nation entière elle-même qui soutient › pour son propre intérêt le poids de cette › guerre; il faudroit que chacun crût que, supposé même qu'elle ait été entreprise mal à ⚫ propos, le roi a fait dans la suite, pour la finir › et pour débarrasser le royaume, tout ce qui › dépendoit de lui; mais qu'on ne peut plus re› culer, et qu'il ne s'agit de rien moins que d'em

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la conjoncture presente, j'y craindrois de la > confusion. Je me bornerois donc d'abord à des notables que le roi consulteroit l'un après

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évêques et seigneurs, les plus célèbres magistrats, les plus puissants et expérimentés mar> chands, les plus riches financiers même, non› seulement pour en tirer des lumières, mais › encore pour les rendre responsables du gou› vernement, et pour faire sentir au royaume >> entier que les plus sages têtes qu'on peut y > trouver ont part à ce qu'on fait pour la cause publique..... Pendant que le despotisme est » dans l'abondance, il s'agite avec plus de promp> titude et d'efficacité qu'aucun gouvernement › modéré; mais quand il tombe dans l'épuise›ment, sans crédit, il tombe tout à coup sans › ressource: il n'agissoit que par pure auto› rité; le ressort manque, il ne peut plus qu'a› chever de faire mourir de faim une populace > à demi morte; encore même doit-il craindre › le désespoir. Quand le despotisme est notoi› rement obéré et banqueroutier, comment » voulez-vous que les ames vénales qu'il a en› graissées du sang du peuple se ruinent pour » le soutenir? C'est vouloir que les hommes

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et leur portée. Devant Louis XIV, elles n'eussent jamais pu être une réaction contre le passé, car son passé à lui était glorieux, et c'était alors le seul passé dont se souvînt le peuple. Ainsi la liberté serait entrée peu à peu dans la foule sans violence et sans vengeance. On l'aurait vue jaillir de la volonté d'un grand roi, et non d'un siècle de corruption et de philosophisme. Nous n'aurions eu ni Voltaire, ni Diderot, ni Helvétius! ces hommes de réaction contre les préjugés des castes et les avilissements de la superstition, ou ne seraient pas nés, ou se seraient développés sous une meilleure influence. Ils auraient travaillé à construire, et non à détruire ; enfin Louis XIV, se servant de la liberté pour sauver son empire, en aurait prévenu tous les excès par la force de son caractère et par la hauteur de son génie; et nous, peuple de 89 et de 93, nous aurions eu un réveil moins terrible : tous les bénéfices de notre révolution nous se

> intéressés soient sans intérêt... C'est le temps » où il faudroit que le duc de Bourgogne dît › au roi et à Monseigneur, avec respect, avec force, et peu à peu, d'une manière insinuante, tout ce que d'autres n'oseront leur dire; il > faudroit qu'il le dit à madame de Maintenon, › il faudroit qu'il mît dans sa confidence madame › la duchesse de Bourgogne; il faudroit qu'il > protestât, qu'il parlât sans être poussé par d'au> tres; il faudroit qu'il fit sentir que tout perit » si l'argent manque, que l'argent manquera > si le crédit ne se relève, et que le crédit ne » peut se relever que par un changement de > conduite qui mette tout le corps de la nation » dans la persuasion que c'est à elle à soutenir » la monarchie penchant à sa ruine, parce que > le roi veut agir de concert avec elle. Le prince » pourra être blâmé, critiqué, rejeté avec indignation; mais ses raisons seront évidentes; › elles prévaudront peu à peu, et il sauvera le ‣ trône de ses pères. Il doit au roi et à Mon-raient arrivés sans révolution! › seigneur de leur déplaire pour les empêcher › de se perdre. En même temps, il pourra de› mander avec les plus vives instances d'aller » à l'armée comme volontaire; c'est le vrai › moyen de relever sa réputation, et de lui at› tirer l'amour et le respect de tous les François.... Dieu sait avec quelle tendresse j'aime > ma patrie, avec quelle reconnoissance et quel › attachement respectueux je donnerois ma vie » pour la personne du roi, avec quelle affec» tion je suis attaché à la maison royale, et sur-la terre. M. l'abbé de Langeron fut le premier , tout à M. le duc de Bourgogne; mais je ne puis vous cacher mon cœur : c'est par cette » affection vive, tendre et constante que je » souhaite que nos maux extrêmes nous prépa» rent une vraie guérison, et que cette violente » crise ne soit pas sans fruit, etc.... »

La nation est en péril, donc la nation doit être consultée; la nation paie les impôts, donc elle doit être appelée à les consentir; la nation a été mal gouvernée, donc elle doit prendre part à son gouvernement. Ces idées, qui sont vulgaires aujourd'hui, étaient nouvelles alors: c'est l'Évangile dans toute sa pureté, dans toute sa gloire. Le roi les regardait comme une injure faite à son pouvoir; le peuple même, dont les yeux n'étaient point encore ouverts à la Jiberté, les traitait de chimères; et cependant elles arrivaient à temps pour son bonheur, car il les aurait reçues avant de connaitre sa force

Mais pendant que Fénelon cherchait au cœur même de la nation la puissance qui devait la sauver, la mort de l'empereur Joseph, la disgrace de Marlborough, puis la victoire de Villars à Denain, changeaient tout-à-coup la face de l'Europe. La paix fut signée à Utrecht en 1713.

C'est pendant ces dernières années de guerre que Fénelon, déja frappé au cœur par les désastres de sa patrie, perdit successivement le petit nombre d'amis qui l'attachaient encore à

qu'il eut à pleurer, et celui peut-être qui lui avait donné les marques les plus tendres d'attachement. Retiré à Cambrai, il mourut dans les bras de Fénelon. «Oh! que je souffre, écrivit › ce prélat, et que j'aime la volonté, qui me fait » souffrir! Nous avons perdu notre cher abbé, > et je suis accablé de douleur. Peu de temps après il eut à pleurer le grand dauphin, puis madame la duchesse de Bourgogne, à laquelle le jeune prince survécut à peine quelques jours'.

Mes liens sont rompus, s'écria Fénelon en › apprenant cette affreuse nouvelle rien ne › sauroit plus m'attacher à la terre! »

La mort du prince fit couler les larmes de toute la France, et aujourd'hui encore le regret de sa perte a survécu au siècle qui le pleura.

Cette princesse mourut le 12 février 1712, et le duc de Bourgogne le 18 du même mois.

Grand Dieu, quel spectacle vous donnâtes › en lui! Quelle charité pure, quelle invincible patience! quelle douceur ! quelle constante > bonté pour tout ce qui l'approchoit! La › France enfin tomba sous ce dernier châti› ment. Dieu lui montra un prince qu'elle ne › méritoit pas ; la terre n'en étoit pas digne; il › étoit mûr pour l'éternité. ' »

Au milieu de sa douleur, Fénelon réclama les mémoires et les papiers secrets de sa correspondance avec le duc de Bourgogne. M. le duc de Beauvilliers fit à ce sujet toutes les démarches nécessaires, et madame de Maintenon lui répondit de Saint-Cyr, le 15 mars 1712 : « Je voulois vous renvoyer tout ce qui s'est trouvé de vous et de M. de Cambrai; mais le roi a voulu le brûler lui-même. Je vous avoue que j'y ai eu grand regret, car jamais on ne peut écrire rien de si beau et de si bon et si le prince que nous pleurons a eu des défauts, ce n'est point pour avoir reçu des conseils trop timides, ni qu'on l'ait trop flatté.

Ainsi le roi rendait probablement justice à la franchise de Fénelon et à la bonté de ses principes, mais il brùlait ses papiers; il les brûlait, parce qu'il croyait y voir une critique téméraire de son règne, et ce qu'il appelait les idées inutiles d'une perfection chimérique. Heureusement sa toute-puissance ne s'étendait que sur les papiers du jeune prince, et il ignorait que le duc de Beauvilliers en avait des copies de la main même de Fénelon. C'est sur cette copie que fut publié plus tard ce qui nous reste de la correspondance du duc de Bourgogne et le bel ouvrage de la Direction pour la conscience d'un roi. Cependant un ami restait encore à Fénelon: c'était celui qui lui avait ouvert la carrière des honneurs et de la fortune, si les honneurs, si la fortune pouvaient être comptés pour quelque chose entre deux hommes tels que le duc de Beauvilliers et Fénelon. C'était celui dont l'amitié ferme et courageuse avait bravé les orages de la cour, et résisté à la puissance de Louis XIV, pour rester fidèle à Fénelon proscrit et malheureux. Ils étaient séparés depuis dix-sept ans, lorsque le duc de Beauvilliers succomba loin de son ami, le 31 août 1714, à l'âge de 66 ans. Cette mort fut le dernier coup qui frappa l'ame de Fénelon. Nous retrouverons bientôt ce que > nous n'avons point perdu, écrivait-il à madame

■ Mémoires de Saint-Simon.

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› de Beauvilliers; nous en approchons tous les › jours à grands pas encore un peu, il n'y > aura plus de quoi pleurer. Trois jours après la date de cette lettre, le 1er janvier 1715, Fénelon tomba malade et mourut. Il n'avait survécu que quatre mois à son dernier ami.

« Dès le premier jour qu'il fut attaqué de la maladie qui l'enleva de ce monde, dit un témoin oculaire', il se prépara à la mort : « Je n'en échapperai pas, dit-il à un ecclésiastique de sa maison; je ne dois plus que songer à mourir. » Le lendemain, il voulut se confesser ; il demanda le troisième jour, dans une sainte impatience, le viatique, auquel il se disposa avec une ferveur inexprimable; après quoi on lui administra l'extrême-onction. On le vit en ce moment recueillir toute son attention pour donner au roi les dernières preuves de son respect et de sa parfaite soumission à l'Église. La lettre qu'il dicta à son secrétaire pour le confesseur du roi en est un monument authentique. Cela étant fait, il ne pensa plus qu'à souffrir et à mourir. Dans ce douloureux état, la lecture de l'Écriture sainte faisoit toute sa consolation; il prenoit plaisir surtout à entendre lire les endroits où saint Paul parle avec éloge des souffrances; il se les faisoit répéter, il les prononçoit lui-même avec une satisfaction qui éclatoit en soupirs.

Cependant sa fièvre redoubloit par intervalle, et lui causoit des transports dont il s'aperçut lui-même et dont il étoit peiné, quoiqu'il ne lui échappât jamais rien de violent ni de peu convenable. Lorsque le redoublement cessoit, on le voyoit aussitôt joindre les mains, lever les yeux vers le ciel, se soumettre avec abandon, et s'unir à Dieu dans une grande paix.

Je suis encore attendri quand je pense au spectacle touchant de cette dernière nuit. Toutes les personnes de sa pieuse famille qui étoient réunies à Cambrai3 vinrent l'une après l'autre, dans ces intervalles de pleine liberté d'esprit, demander à recevoir sa bénédiction, lui donner le crucifix à baiser, et lui adresser quelques mots d'édification. Quelques autres personnes de la ville, qu'il dirigeoit, se présentèrent aussi

L'abbé Galet, Principales vertus de Fénelon.

2 Extrait de la relation de la maladie et de la mort de Fénelon, par son aumônier.

3 M. l'abbé de Beaumont, le marquis de Fénelon, l'abbé de

Fénelon, les chevaliers de Fénelon, M. de L'Eschelle, autrefois attaché à l'éducation de M. le duc de Bourgogne, l'abbé de L'Eschelle son frère, et l'abbé de Vesse leur neveu.

pour recevoir sa bénédiction. Ses domestiques | involontaire par rapport à Jésus-Christ, lesquels

vinrent ensuite tous ensemble, en fondant en n'étoient point dans le corps de mon texte orilarmes, la demander, et il la leur donna avec ginal, comme certains témoins oculaires d'un amitié. M. l'abbé Le Vayer, supérieur du sémi- très grand mérite l'ont certifié, et qui avoient naire de Cambrai, qui l'assista particulièrement été mis à la marge, seulement pour marquer à la mort cette dernière nuit, la reçut aussi pour une petite addition qu'on me conseilloit de faire le séminaire et pour le diocèse. M. l'abbé Le en cet endroit-là, pour une plus grande précauVayer récita ensuite les prières des agonisants, tion. D'ailleurs il me sembloit, sur l'avis des exaen y mêlant de temps en temps des paroles minateurs, que les correctifs inculqués dans courtes et touchantes de l'Écriture, les plus toutes les pages de ce petit livre, écartoient avec convenables à la situation du malade, qui fut évidence tous les sens faux ou dangereux. C'est environ une demi-heure sans donner aucun si- suivant ces correctifs que j'ai voulu soutenir et gne de connoissance; après quoi il expira dou-justifier ce livre pendant qu'il m'a été libre de le cement à cinq heures et quart du matin, le 7 jan

vier 1715. »

On ne trouva pas chez lui d'argent comptant. Il avait tout consommé en bonnes œuvres ! Voici les dispositions les plus importantes de son testament; elles ont un caractère de modestie et de simplicité qui fait encore mieux connaître l'ame de Fénelon, que tant d'ouvrages qui honorent sa mémoire. La tendre affection avec laquelle il s'exprime sur l'abbé Langeron et sur les amis vertueux qui préférèrent la gloire de partager ses malheurs et sa disgrace à tous les avantages de la fortune et de l'ambition, ajoutent je ne sais quelle onction à l'intérêt qu'inspirent toujours les dernières paroles d'un mou

rant.

TESTAMENT DE FÉNELON,

du 5 mai 1705.

Je déclare que je veux mourir entre les bras de l'Eglise catholique, apostolique et romaine, ma mère. Dieu, qui lit dans les cœurs et qui me jugera, sait qu'il n'y a aucun moment de ma vie où je n'aie conservé pour elle une soumission et une docilité de petit enfant, et que je n'ai jamais eu aucune des erreurs qu'on a voulu m'imputer. Quand j'écrivis le livre intitulé Explication des Maximes des Saints, je ne 'songeai qu'à séparer les véritables expériences des saints approuvées de toute l'Église, d'avec les illusions des faux mystiques, pour justifier les unes et pour rejeter les autres. Je ne fis cet ouvrage que par le conseil des personnes les plus opposées à l'illusion, et je ne le fis imprimer qu'après qu'ils l'eurent examiné. Comme cet ouvrage fut imprimé en mon absence, on y mit les termes de trouble

faire; mais je n'ai jamais voulu favoriser aucune des erreurs en question, ni flatter aucune personne que je connusse en être prévenue. Dès que le pape Innocent XII a eu condamné cet ouvrage, j'ai adhéré à ce jugement du fond de mon cœur et sans restriction, comme j'avois d'abord promis de le faire. Depuis le moment de la condamnation, je n'ai jamais dit un seul mot pour justifier ce livre. Je n'ai songé à ceux qui l'avoient attaqué que pour prier avec un zele sincère pour eux, et que pour demeurer uni à eux dans la charité fraternelle.

> Je souhaite que mon enterrement se fasse dans l'église métropolitaine de Cambrai, en la manière la plus simple et avec le moins de dépense qu'il se pourra. Ce n'est point un discours modeste que je fasse ici pour la forme; c'est que je crois que les fonds qu'on pourroit employer à des funérailles moins simples doivent être réservés pour des usages plus utiles, et que la modestie des funérailles des évêques doit apprendre aux laïques à modérer les dépenses qu'on fait dans les leurs.

› Je nomme et constitue pour mon héritier universel Léon de Beaumont, mon neveu, fils d'une de mes sœurs, en qui j'ai reconnu, dès son enfance, des sentiments dignes d'une sincère amitié, et qui n'a jamais cessé pendant tant d'années d'être pour moi comme le meilleur des fils pour son père. Je ne lui marque rien, et je laisse tout à sa dévotion, parce que je suis pleinement persuadé qu'il fera, de concert avec mes deux exécuteurs testamentaires, le meilleur usage qu'il pourra de ce qu'il trouvera de liquide dans ma succession.

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