Obrazy na stronie
PDF
ePub

› ma réponse à votre Sommaire. Voici vos pa- | quité, à la justice, et se plaint, non de n'être

» roles sur votre confrère, qui vous a toujours » aimé et respecté singulièrement : ses amis répandent partout que c'est un livre victorieux, » et qu'il y remporte sur moi de grands avan› lages: NOUS VERRONS! Non, monseigneur, je › ne veux rien voir que votre triomphe et ma › confusion, si Dieu en doit être glorifié! A › Dieu ne plaise que je cherche jamais aucune › victoire contre personne, et encore moins » contre vous! Je vous cède tout pour la › science, pour le génie, pour tout ce qui peut » mériter l'estime. Je ne voudrois qu'être vaincu » par vous en cas que je me trompe. Je ne › voudrois que finir le scandale, en montrant » la pureté de ma foi, si je ne me trompe pas. › Il n'est donc pas question de dire : nous ver»rons. Pour moi, je ne veux voir que la vérité » et la paix, la vérité qui doit éclairer les pas»teurs, et la paix qui doit les réunir. Vous › vous récriez : Un chrétien, un évêque, un › homme, a-t-il tant de peine à s'humilier? Le > lecteur jugera de la véhémence de cette fi› gure. Quoi! monseigneur, vous trouvez mau› vais qu'un évêque ne veuille point avouer, › contre sa conscience, qu'il a enseigné l'impiété! Souffrez que je vous dise à mon tour : » Un chrétien, un évêque, un homme, a-t-il › tant de peine à avouer un zèle précipité que l'Église nous montre en plusieurs saints, et › même dans les Pères de l'Eglise?

D

› Vous dites: La nouvelle spiritualité acca› ble l'Église de lettres éblouissantes, d'instruc-> » tions pastorales, de réponses pleines d'er› reurs. De quel droit vous appelez-vous l'É› glise? Elle n'a point parlé jusqu'ici, et c'est › vous qui voulez parler avant elle; ce n'est pas › la nouvelle spiritualité, c'est l'ancienne que je défends mais qu'est-ce qui a écrit le pre> mier ? qui est-ce qui a commencé le scandale? » qui a écrit avec un zèle amer? Vous vous irri› tez de ce que je ne me tais pas, quand vous › intentez contre moi les accusations les plus › atroces;........... vous ne cessez de me déchirer, › sans attendre que l'Église décide. ›

[ocr errors]

Vainement Bossuet affecte dans ses écrits la supériorité d'un juge qui prononce sur le sort d'un coupable; Fénelon se relève avec dignité, et force son adversaire à baisser la tête. D'accusé, il se fait accusateur; il ose donner à Bossuet une leçon de modération, il le rappelle à l'é

pas compris, mais d'être attaqué sur des citations falsifiées et sur des interprétations mensongères! Pour bien juger l'effet d'un pareil langage sur le public, il faut se reporter à l'époque même de cette controverse. Car alors ce n'était pas seulement une lutte d'éloquence entre deux évêques, c'était une affaire d'état, une affaire qui agitait les esprits depuis Paris jusqu'à Rome, et qui tenait en suspens toutes les consciences. Les choses religieuses étaient à cette époque ce que la politique est de nos jours: la nation y mettait son ame et y plaçait son salut. Voyons à présent la réponse de Bossuet :

« Je le dis avec douleur, Dieu le sait, v Vous › avez voulu raffiner sur la piété; vous n'avez > trouvé digne de vous que Dieu beau en soi. › La bonté par laquelle il descend à nous, et > nous fait remonter à lui, vous a paru un objet › peu convenable aux parfaits. Sous le nom › d'amour pur, vous avez établi le désespoir › comme le plus parfait des sacrifices; c'est du › moins de cette erreur qu'on vous accuse ;..... › et vous venez me dire: Prouvez-moi que je › suis un insensé; prouvez-moi que je suis de > mauvaise foi; sinon ma seule réputation me › met à couvert. Non, monseigneur, la vérité › ne le souffre pas; vous serez en votre cœur » ce que vous voudrez, mais vous ne pouvez » vous juger que par vos paroles. Vous me reprochez de m'être récrié : Un chrétien, un évêque, un homme, a-t-il tant de peine à s'humilier? Vous me dites que je trouve › mauvais qu'un évêque ne veuille pas avouer, » contre sa conscience, qu'il a enseigné l'impiété! Oui, monseigneur, sans rien déguiser, je trouve mauvais, et tout le monde avec › moi, que vous vouliez nous persuader qu'on › a mis ce qu'on a voulu dans votre livre, sans › votre participation; que sans vous en être > plaint dans vos errata vous ayez laissé impu› nément cette impiété, comme vous l'appelez vous-même ; qu'au lieu de vous humilier d'une > telle faute, vous la rejetiez sur un autre ; que › vous ayez tant travaillé à y trouver de vaines

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

> excuses.

› Vous vous plaignez de la force de mes › expressions! Il s'agit de dogmes nouveaux > qu'on veut introduire dans l'Église, sous pré> texte de piété, par la bouche d'un évêque. › Si en effet il est vrai que ces dogmes, renou

› vellent les erreurs de Molinos, sera-t-il per- | lettres, il ne renonce pas au combat. Seule>mis de le taire? Voilà pourtant ce que le ment (chose incroyable) la pensée lui est venue › monde appelle excessif, aigre, rigoureux, de combattre seul, de parler seul, d'écrire seul, › emporté, si vous le voulez. Il voudroit qu'on enfin de ne plus avoir à redouter ces réponses , laissât passer un dogme naissant, doucement terribles qui le déconcertent, et qui tournent › et sans l'appeler de son nom, sans exciter contre lui le public. C'est donc au nom du pape › l'horreur des fidèles par des paroles qui ne que le nonce intervient pour engager Fénelon à › sont rudes qu'à cause qu'elles sont propres, garder désormais le silence: mais Fénelon ne › et qui ne sont employées qu'à cause que l'ex- renonce à aucun de ses droits; il répond « que pression est nécessaire.... Si l'auteur de ces » c'est toujours à l'accusé à parler le dernier, nouveaux dogmes les cache, les enveloppe, > surtout quand il s'agit d'accusations horribles › les mitige, si vous voulez, par certains en- » sur la foi, et que l'accusé est un archevêque, › droits, et par-là ne fait autre chose que les » dont la réputation importe à son ministère; › rendre plus coulants, plus insinuants, plus qu'il ne demande lui-même que la paix et le dangereux, faudra-t-il, par des bienséances silence, à être jugé et à obéir; que la réponse › du monde, les laisser glisser sous l'herbe, et » qu'il se voit obligé de faire à la dernière › relâcher les saintes rigueurs du langage théo- > attaque de M. de Meaux sera la dernière, si › logique ? Si j'ai fait autre chose que cela, › ce prélat ne reproduit pas quelque nouvelle › qu'on me le montre. Si c'est là ce que j'ai fait, › accusation. > › Dieu sera mon protecteur contre les mollesses › du monde et ses vaines complaisances. ›

Voilà un bien faible raisonnement en réponse à des reproches si francs et si directs. L'embarras de Bossuet se manifeste jusque dans la faiblesse de sa parole. Il est mécontent de son adversaire, il ne peut lui pardonner ni sa douceur, ni sa vigueur : toute résistance est un outrage à son génie et à ce qu'il croit la vérité. Citons encore un paragraphe :

........

.....

S'il se trouve dans vos écrits quelque chose de considérable qui n'ait pas › encore été repoussé, j'y répondrai par d'au> tres moyens. Pour des lettres, composez-en > tant qu'il vous plaira, divertissez la cour et la ville, faites admirer votre esprit et votre éloquence, et ramenez les graces des Lettres › Provinciales, je ne veux plus avoir de part › au spectacle que vous semblez vouloir don⚫ner au public.

D

[ocr errors]

Fénelon tint parole, et les trois lettres qu'il écrivit alors arrachèrent des cris d'étonnement et presque d'admiration à son superbe adversaire : nous en citerons un seul passage, qui survivra au sujet même de la discussion, comme un modèle de force, d'éloquence et de modération. Quand voulez-vous donc que nous › finissions? Si je pouvois me donner le tort, et › vous laisser un plein triomphe pour finir le › scandale, et pour rendre la paix à l'Église, je le ferois avec joie; mais en voulart m'y réduire › avec tant de véhémence, vous avez fait préci› sément tout ce qu'il falloit pour m'en ôter les › moyens ;.... vous m'attribuez les impiétés les › plus abominables cachées sous des subterfuges › déguisés en correctifs. Malheur à moi si je me > taisois! mes lèvres seroient souillées par ce » lâche silence qui seroit un aveu tacite de l'im> piété... Que le pape condamne mon livre, que › ma personne demeure à jamais flétrie et Que d'amertume dans ces paroles: Pour des > odieuse dans toute l'Église : j'espère que Dieu lettres, composez-en tant qu'il vous plaira, di- › me fera la grace de me taire, d'obéir, et de vertissez la cour et la ville! Dans tout autre que porter ma croix jusqu'à la mort. Mais tandis Bossuet, ces expressions témoigneraient l'envie; que le Saint-Siége me permettra de montrer mais dans Bossuet, on ne peut voir que la lassi- › mon innocence, et qu'il me restera un souffle tude, le dépit, et une colère dédaigneuse con- » de vie, je ne cesserai de prendre le ciel et la tre des écrits qui charment les lecteurs et qui» terre à témoin de l'injustice de vos accusamettent la religion en péril. On trouve dans la » tions. conviction de Bossuet l'origine de sa ténacité et de sa véhémence la petitesse de ses paroles est ici relevée par la grandeur de sa foi.

Au reste, si Bossuet ne veut plus écrire de

[ocr errors]
[ocr errors]

» Il m'est impossible de vous suivre dans > toutes les objections que vous semez sur votre chemin; les difficultés naissent sous vos pas.

» Tout ce que vous touchez de plus pur dans

› mon texte se convertit aussitôt en erreur et › en blasphème ; mais il ne faut pas s'en étonner; › vous exténuez et vous grossissez chaque objet › selon vos besoins, sans vous mettre en peine › de concilier vos expressions. Voulez-vous me › faciliter une rétractation, vous aplanissez la › voie; elle est si douce qu'elle n'effraie plus : › ce n'est, dites-vous, qu'un éblouissement de › peu de durée. Mais si l'on va chercher ce que > vous dites ailleurs pour alarmer toute l'Église, pendant que vous me flattez ainsi, on trouvera › que ce court éblouissement est un malheureux › mystère et un prodige de séduction.

[ocr errors]

> Tout de même, s'agit-il de me faire avouer › des livres et des visions de madame Guyon, › vous rendez la chose si excusable qu'on est › tout étonné que je ne veuille point la confesser › pour vous apaiser. Est-ce un si grand mal› heur, dites-vous, d'avoir été trompé par une > amie? Mais quelle est cette amie? C'est une › Priscille, dont je suis le Montan. Ainsi vous › donnez comme il vous plaît, aux mêmes ob› jets, les formes les plus douces et les plus af› freuses.

D

› Je ne veux pas me juger moi-même : en effet, › je dois craindre que mon esprit ne s'aigrisse › dans une affaire si capable d'user la patience › d'un homme qui seroit moins imparfait que › moi. Quoi qu'il en soit, si j'ai dit quelque chose › qui ne soit pas vrai et essentiel à ma justifica>tion, ou bien si je l'ai dit en des termes qui ne › fussent pas nécessaires pour exprimer toute › la force de vos raisons, j'en demande pardon › à Dicu, à toute l'Église, et à vous. Mais où › sont-ils ces termes que j'eusse pu vous épar› gner? du moins marquez-les-moi ; mais en les › marquant, défiez-vous de votre délicatesse. Après m'avoir si souvent donné des injures › pour des raisons, n'avez-vous point pris mes › raisons pour des injures?

D

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

› Cette douceur dont vous me dites que je › m'étois paré, on la tournoit contre moi; on › dit que je parlois d'un ton si radouci, parce que ceux qui se sentent coupables sont ti› mides et hésitants; peut-être ai-je ensuite un › peu trop élevé la voix; mais le lecteur pourra › observer que j'ai évité beaucoup de termes durs, qui vous sont les plus familiers. Nous › sommes vous et moi l'objet de la dérision des impies, et nous faisons gémir tous les gens › de bien que tous les autres hommes soient

› hommes, c'est ce qui ne doit pas surprendre : > mais que les ministres de Jésus-Christ, ces > anges des églises, donnent au monde profane › et incrédule de telles scènes, c'est ce qui de› mande des larmes de sang. Trop heureux si, » au lieu de ces guerres d'écrits, nous avions » toujours fait nos catéchismes dans nos dio› cèses, pour apprendre aux pauvres villageois › à craindre et à aimer Dieu ! »

Ce dernier trait est sublime! Le catéchisme, voilà la mission du pasteur; instruire et édifier, voilà la mission de l'évêque: tout le reste n'est que vanité et scandale. Combien ces vérités sont simples! mais remarquez aussi quelle grandeur elles tirent de la grandeur de celui qui parle, et des dignités de celui à qui elles s'adressent !

Nous avons vu Bossuet dans les violences publiques de son zèle, nous allons le voir dans les violences cachées où l'entraîne le besoin de la victoire. Combien il serait heureux, si la postérité n'avait à lui reprocher que ses interprétations fausses, que ses citations tronquées et ses vivacités de style, comme les appelait Fénelon! On lui a pardonné ses invectives éloquentes; mais comment lui pardonner ses intrigues et ses calomnies? Comment lui pardonner lorsqu'il se fait persécuteur; lorsque, non content d'employer les armes de la raison, il va chercher celles de la haine et de la persécution ; lorsqu'il frappe son adversaire dans sa fortune, dans son honneur, et jusque dans l'honneur et la fortune de ses amis; lorsqu'enfin, pour décider un triomphe qu'il croit utile à la religion et que cependant il arrache si péniblement à la cour de Rome, il se livre corps et ame aux conseils empoisonnés d'une foule d'agents subalternes au service de sa colère, de ces viles créatures qui embrassent les passions d'une époque pour les employer à leur profit, et qui ne se mêlent aux affaires humaines que pour leur imprimer leur violence et leur déshonneur?

C'est ainsi que l'évêque de Meaux se laissa peu à peu envelopper par son neveu l'abbé Bossuet, homme sans cœur, sans valeur, et qui, envoyé à Rome pour solliciter contre Fénelon, crut devoir à sa cause de se faire espion, délateur et calomniateur. Il faut voir, dans les lettres de cet abbé, comment il envenime les actions les plus naturelles et les plus simples, comment il jette ses soupçons, ses opinions, ses fureurs, toutes les monstruo

sités de son ame étroite, dans l'ame de Bossuet, qui leur donne aussitôt de la puissance et de la grandeur !

Avant de connaître ces circonstances, on s'étonne que Bossuet ait pu tomber si bas. Mais tout s'explique par cette influence irritante et incessante. Un jour, l'abbé Bossuet lui apprend que la commission qui devait juger Fénelon s'est partagée en deux partis égaux ; que sur dix examinateurs, cinq rejettent le livre des Maximes, et cinq l'approuvent. Un autre jour, il lui écrit que le pape a déclaré que l'affaire n'était pas si claire qu'on voulait le faire croire. A ces nouvelles, l'abbé Bossuet joint les conseils les plus violents. Le meilleur moyen de faire condamner Fénelon à Rome, c'est de le persé cuter à Versailles. Qu'est-ce que le roi attend, › écrivait-il à son oncle, pour ôter à M. de › Cambrai le préceptorat? Vous ne sauriez trop › dépêcher ce que vous avez à faire contre › M. de Cambrai. >

[ocr errors]

A peine Bossuet a-t-il reçu cette lettre, que le roi l'exécute. On fait plus, on poursuit Fénelon jusque dans ses amis. L'abbé de Beaumont, son neveu, l'abbé de Langeron, son plus ancien ami, MM. Dupuy et de l'Échelle, que la vue de sa disgrace et le danger d'y être enveloppés n'avaient point ébranlés dans leur attachement pour lui, sont destitués de leurs fonctions auprès du prince, et renvoyés sans récompense. On dispose de l'appartement de Fénelon à Versailles, et lui-même est rayé de l'état de la maison du duc de Bourgogne.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

A cette nouvelle, l'abbé Bossuet pousse un cri de joie. On ne pouvoit nous envoyer de meil› leures pièces et plus persuasives que la disgrace des parents et des amis de M. de Cam› brai, et que celle qu'on reçut hier par un > courrier extraordinaire, que le roi lui avoit › ôté la charge et la pension de précepteur: cela › seul pourra convaincre celle cour que le mal › est grand et réel. ›

Mais toutes ses haines ne sont point encore exercées ; ceci n'est qu'un essai de sa rage, et deja il veut frapper Fénelon dans d'autres victimes: Ne fera-t-on rien à la cour contre le Père Valois (confesseur du prince)? il est plus › méchant que les quatre autres qu'on a ren› voyés. Le Père La Chaise et le Père Dez mériteraient bien qu'on ne les oubliât pas. Ils veulent à présent tout le mal possible au roi, à

[ocr errors]

› madame de Maintenon, à monseigneur l'archevêque de Paris, à vous, à tout ce qui vous › appartient. ›

>

[ocr errors]

Puis, comme si ces paroles eussent déja frappé ses victimes, il déclare publiquement à la cour de Rome que le renvoi des amis et des parents de Fénelon n'est encore qu'un > commencement de tout ce que le roi se propose › de faire contre l'archevêque de Cambrai !> Mais ces destitutions ne produisirent pas à Rome un aussi bon effet qu'on l'avoit espéré : le pape fut scandalisé de cet abus du crédit et de la faveur. Il s'étonna qu'on pût trouver tant de coupables avant le jugement; et dans un entretien avec l'abbé de Chanterac, il répéta souvent, avec un sentiment profond de douleur: Expulerunt nepotem, expulerunt consanguineum, expulerunt amicos: Ils ont chassé son neveu, ses parents, ses amis!

Ce moyen n'ayant pas réussi, il fallut en trouver un autre : l'arme la plus puissante des méchants, c'est la calomnie; l'abbé Bossuet s'en saisit avec fureur. Que lui importe la vertu de Fénelon? il n'a qu'un but, c'est de réussir; la réussite couvrira son infamie. Nous citerons un fragment de la lettre où l'abbé de Chanterac instruit Fénelon des bruits qu'on s'efforce de répandre à Rome : il n'y a que la vertu qui puisse parler à la vertu un langage aussi simple et aussi calme.

[ocr errors]

‹ On tâche ici de faire croire que vous avez > eu une société fort étroite avec madame Guyon, > et qu'il y a du moins un grand sujet de craindre que, votre spiritualité et vos maximes étant les mêmes, vous ne l'ayez suivie dans ses » désordres aussi bien que dans ses erreurs. › Pour faire des impressions plus fortes sur les » esprits, on promet chaque courrier de nou» velles confessions de cette femme, et de nou› velles découvertes de ses abominations : et en > même temps on publie qu'on a ici beaucoup de › lettres originales que vous lui écriviez, qu'on » ne veut montrer que dans l'extrémité, pour › sauver autant qu'on peut votre réputation.

Ces calomnies, répandues à Rome par l'abbé Bossuet, le grand Bossuet se charge de les appuyer à Versailles par un ouvrage. La question de doctrine se transforme en une question de personne. Après avoir perdu Fénelon à la cour, il veut le perdre dans le public, pour forcer sa condamnation à Rome : la Relation sur le

b.

quiétisme paraît, et l'enthousiasme s'en saisit | l'avenir de la France. Oter M. de Beauvilliers

c'est

pour la répandre. Les réticences de cet ouvrage
sont plus perfides encore que ses révélations
tout ce qu'il n'ose dire, il le fait soupçonner.
Bossuet semble ne parler que parce qu'on l'y
force; il semble ne se taire que parce que
un prélat qu'il attaque : le mystère couvre la
moitié de ses paroles. Il s'exprime au sujet du
Père Lacombe et de madame Guyon d'une ma-
nière si sombre, en disant : Le temps est venu où
Dieu veut que cette union soit entièrement décou-
verte, que même les amis de Fénelon com-
mencent à craindre pour sa vertu. Une pro-
fonde et religieuse tristesse s'empare alors du
petit nombre de disciples qui osait encore dé->
fendre sa cause; elle contraste avec la joie de la
cour, où la voix de madame de Maintenon s'é-
lève pour proclamer le triomphe de Bossuet.

« Ce fut un spectacle fort curieux, dit le Père Querbeuf, que de voir pendant plusieurs jours, au milieu des jardins de Marly, les courtisans et les dames réunis par pelotons, lisant cet ouvrage, où M. de Meaux couvrait madame Guyon de ridicule et d'indignation, qu'il faisait retomber sur M. de Cambrai en les confondant ensemble. Chacun faisait des commentaires et les accompagnait de réflexions odieuses que suggérait la matière. Louis XIV ordonna qu'on lût cet écrit à M. le duc de Bourgogne. Rien ne manqua au succès de M. de Meaux.

Au milieu de cette violente tempête, Fénelon reste calme; il se décide même à ne pas répondre. Ses ennemis l'attaquent dans ses mœurs, dans sa religion, dans son honneur; ses ennemis triomphent par la calomnie: n'importe, il se taira. Un motif sublime l'arrête. On a déja sacrifié quatre personnes, pour le punir d'avoir pris la plume; mais il en reste deux, les ducs de Beauvilliers et de Chevreuse, qui sont menacés d'une honteuse disgrace. Il sait qu'on n'attend qu'un prétexte pour les frapper : ce prétexte, il ne le donnera pas. Mais dans le sacrifice qu'il leur fait de sa réputation, ce n'est pas seulement l'intérêt de leur fortune qui l'inspire, c'est

'Plus tard, dans l'assemblée du clergé de 1700, Bossuet déclara solennellement l'innocence et la pureté des mœurs de madame Guyon. Quant aux abominations qu'on regardoit comme la suite de ces principes, dit-il, il n'en a jamais été question; elle en a toujours témoigné de l'horreur. Ainsi Bossuet avait calomnié sciemment, et c'est à une déclaration d'innocence qu'aboutirent ces dénonciations odieuses auxquelles il avait lui-même donné tant de publicité!

au duc de Bourgogne, c'est anéantir toutes les espérances de bonheur qui reposent sur l'éducation du prince, c'est-à-dire sur les vertus de son gouverneur.

[ocr errors]

Telle était en effet la position de M. de Beauvilliers, tels étaient les motifs puissants qui semblaient interdire à Fénelon la liberté de se défendre. Il en écrivit à Rome à l'abbé de Chanterac, en lui recommandant le plus profond secret sur ces causes délicates de son silence. « Je › sens mon innocence, ajoutait-il; je ne crains › rien du fond, mais je vois par expérience que plus je montre l'évidence de mes raisons, plus on s'aigrit pour perdre mes amis..... › On lui répondit en lui montrant l'extrémité où son silence allait le réduire, et on lui peignit avec tant de force les effets hideux de la calomnie et ses suites abominables pour lui et ses amis, que toutes ces craintes firent place à la nécessité de se défendre. Il n'avait eu connaissance de l'ouvrage de Bossuet que le 8 juillet, et sa réponse imprimée arrivait à Rome le 30 août. Ainsi, dans un temps où son cœur était brisé par le sentiment cruel de la disgrace de ses amis et par l'inquiétude d'entraîner dans sa chute le seul qui lui restait à la cour, Fénelon conserva assez de faculté et d'énergie pour composer un ouvrage qu'on peut placer parmi les chefs-d'œuvre de bonne discussion et de haute éloquence. Aussi rien n'égala l'étonnement et l'admiration dont tous les esprits furent frappés à Paris, à Rome, et dans toute l'Europe, en voyant la justification suivre de si près l'accusation. Elle parut au milieu des clameurs de la prévention, au milieu des cris de triomphe d'une cabale acharnée, et son apparition changea tout. Elle rendit comme par enchantement la sérénité à ceux qui n'avaient pas cessé de croire à la vertu de Fénelon, et la confiance à ceux qui avaient eu la faiblesse d'en douter. Toutes les préventions furent détruites, toutes les accusations réfutées', toutes les calomnies réduites à l'absurde. Mais ce qui parut surtout aux courtisans le plus grand effort de l'art et du génie, c'est l'adresse avec laquelle l'auteur avait su repousser son adversaire sans compromettre un seul de ses amis, sans envelopper MM. de Beauvilliers et de Chevreuse dans les difficultés d'une cause qu'on avait voulu leur rendre commune.

« PoprzedniaDalej »