Obrazy na stronie
PDF
ePub

› Ses thêmes sont tirés des Métamorphoses | › jusqu'au temps de saint Louis, dont il a lu la › d'Ovide: le sujet est fort varié ; il lui apprend › vie écrite par M. de La Chaise. Ces auteurs › beaucoup de mots et de tours latins; il le di- › sont assez ridicules pour le divertir, le lecteur › vertit; et, comme les thêmes sont ce qu'il y › sachant choisir et remarquer ce qui est plai›a de plus épineux, il faut y mettre le plus sant et utile. J'ai même fait faire un extrait › d'amusements qu'il sera possible. › de ces auteurs, qu'on peut lire toutes les fois qu'il voudra travailler à son extrait. Il faut

› Les versions sont alternativement d'une

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

ger quelques petites récompenses.

› On peut diversifier ce travail par un autre

› comédie de Térence et d'un livre des odes lui accourcir le temps de l'étude, et lui ména› d'Horace : il s'y plaît beaucoup; rien ne peut > être meilleur ni pour le latin, ni pour former › le goût. Il traduit quelquefois les Fastes, l'His>toire de Sulpice-Sévère, qui lui rappelle les › faits en gros dans l'ordre des temps. Je m'en › tiendrai là jusqu'au retour de Fontainebleau.

» Pour les lectures.-Il sera très utile de lire › les jours de fêtes les livres historiques de l'É

› criture.

› On peut aussi lire le matin, ces jours-là, › l'histoire monastique d'Orient et d'Occident › de M. Bulteau, en choisissant ce qui est le › plus convenable; de même des vies de quel› ques saints particuliers; mais s'ils'en ennuyoit, > il faudroit varier.

[ocr errors]

› On peut aussi, le matin, lui lire, en les lui › expliquant, des endroits choisis des auteurs › de re rustica, comme le vieux Caton et Colu› melle, sans s'assujettir à en faire une version › pénible. On peut faire de même des Jours et des OEuvres d'Hésiode, de l'Economie de Xé › nophon. Il a lu les Géorgiques il n'y a pas long-temps, et les a traduites. Il faut lui montrer › légèrement quelques morceaux de la Maison › rustique et de La Quintinie, mais sobrement, › car il ne saura que trop de tout cela; son na› turel le porte ardemment à tous les détails les plus vétilleux sur les arts et l'agriculture

› même.

> Je ne crois pas qu'il ait l'esprit encore assez › mûr et assez appliqué aux choses de raisonne

› ment pour lire ni avec fruit, ni avec plaisir,

D

[ocr errors]

qu'il a commencé, qui est un abrégé de l'histoire romaine, avec la date des principaux › faits à la marge. Cela l'accoutumera à ranger › les faits, et à se faire une idée de la chronologie.

[ocr errors]

› On peut aussi travailler avec lui comme par

> divertissement à faire diverses tables chronologiques, comme nous nous sommes divertis à › faire des cartes particulières.

[ocr errors]

» Je crois qu'on pourroit, au retour de Fon> tainebleau, commencer la lecture de l'histoire d'Angleterre par le Mémoire de l'abbé Fleu› ry; puis on lui liroit l'histoire de Duchesne. »

Que de traits touchants dans ces notes confidentielles! On y reconnait à chaque ligne la sollicitude d'un père bien plus que celle d'un maître. Vous le porterez doucement à faire

[ocr errors]

> telle ou telle chose; il faut accourcir le temps » de l'étude; il faut lui en faire un amusement. » Vous le divertirez à faire des tables chronologiques, comme nous nous sommes divertis » à faire des cartes particulières. Toute la méthode de Fénelon est exprimée dans ces lignes si simples, qui peignent son ame. On le voit travailler avec son élève, se divertir à faire des cartes, prendre une part active dans toutes ses études, comme s'il s'agissait de partager un de ses plaisirs, et donner ainsi des élans à son cœur et de douces inspirations à son esprit!

Ces notes furent renouvelées plusieurs fois avec les modifications que nécessitaient les pro

› des plaidoyers. Je suis persuadé qu'il faut re-grès et les dispositions du jeune duc. Ainsi s'a

› mettre ces lectures à l'année prochaine.

cheva une éducation qui fut à la fois le chef› Pour l'histoire, on pourroit lire, les après-d'oeuvre de la vertu et du génie, et qui devint › midi, ce qu'il n'a point achevé de lire de l'his>toire de Cordemoi, ou, pour mieux faire, le › porter doucement à continuer, jusqu'à la fin du deuxième volume de cette histoire, l'ex> trait qu'il en a fait lui-même jusqu'au temps de › Charlemagne; ensuite, on peut lui montrer quelque chose des auteurs de notre histoire

[merged small][ocr errors][merged small]

C'est pendant un des fréquents voyages que Fénelon faisait à Paris pour veiller aux progrès de son élève, qu'on lui apprit un jour que le feu avait pris à son palais, et que tous les livres de sa bibliothèque et une partie de ses manuscrits étaient consumés par les flammes. Cette nouvelle lui fut annoncée avec quelques ménagements qui l'étonnèrent. « Pourquoi tant de précautions? dit-il sans s'émouvoir. Je regrette mes livres, mais je pourrai m'en passer, ou en acheter d'autres; j'aime bien mieux que le feu ait brûlé ma maison que s'il avait brûlé la récolte ou les chaumières des malheureux paysans de mon diocèse! >

Pour compléter autant qu'il est en nous cette esquisse trop rapide de l'éducation du duc de Bourgogne, nous citerons un fragment où Fénelon lui-même cherche à se rappeler quelques traits de la vie du prince que la mort venait d'enlever à son amour et à l'amour de la France. Ce fragment devait enrichir une nouvelle édition de la vie du dauphin par le Père Martineau, à qui Fénelon l'avait adressé. Le voici : « Il y avoit si long-temps que j'étois loin du prince, que je n'ai pu être témoin d'aucun des faits arrivés dans son âge mur, où il pouvoit édifier le monde. Je vous dirai seulement pour le temps de son enfance, que je l'ai toujours vu sincère et ingénu, jusqu'au point où nous n'avions besoin que de l'interroger pour apprendre de lui les fautes qu'il avoit faites. Un jour, il étoit en très-mauvaise humeur, et il vouloit cacher dans sa passion ce qu'il avoit fait en désobéissant. Je le pressai de me dire la vérité devant Dieu. Alors il se mit en grande colère, et il s'écria : Pourquoi me le demandez-vous devant Dieu ? Eh bien! puisque vous me le demandez ainsi, je ne puis pas vous désavouer que j'ai fait telle chose. I étoit comme hors de lui par l'excès de la colère, et cependant la religion le dominoit tellement qu'elle lui arrachoit un aveu si pénible. On ne le corrigeoit jamais que dans les besoins essentiels, et on ne le faisoit qu'avec beaucoup

été composé pour l'éducation du duc de Bourgogne; cependant

[ocr errors]

Fénelon dit positivement dans une de ses lettres : « Télémaque

» est une narration fabuleuse, où j'ai mis les principales actions » qui conviennent à un prince que sa naissance destine à ré

» guer........... Je n'ai jamais songé qu'à amuser M. le duc de Bourgogne, et à l'instruire en l'amusant, sans vouloir ja> mais donner ce livre au public. » Ces paroles' sont positives, et ne laissent aucun refug› à ceux qui aiment mieux voir dans le

de ménagement. Dès que sa promptitude étoit passée, il revenoit à ceux qui l'avoient corrigé, il avouoit sa faute; il falloit l'en consoler, et il savoit bon gré à ces personnes de leur travail pour sa correction. Je l'ai vu souvent nous dire, quand il étoit en liberté de conversation : Je laisse derrière la porte le duc de Bourgogne, el je ne suis plus avec vous que le petit Louis. Il parloit ainsi à neuf ans. J'abandonnois l'étude toutes les fois qu'il vouloit commencer une conversation où il pût acquérir des connoissances utiles. C'est ce qui arrivoit assez souvent : l'étude se retrouvoit assez dans la suite; car il en avoit le goût, et je voulois lui donner celui d'une solide conversation, pour le rendre sociable, et pour l'accoutumer à connoître les hommes dans la société. Dans ces conversations, son esprit faisoit un sensible progrès sur les matières de littérature, de politique et même de métaphysique : il y avoit entendu toutes les preuves de la religion. Son humeur s'adoucissoit dans de tels entretiens; il devenoit tranquille, complaisant, gai, aimable; on en étoit charmé. Il n'avoit alors aucune hauteur, et il s'y divertissoit mieux que dans ses jeux d'enfant, où il se fàchoit souvent mal à propos. Je ne l'ai jamais vuaimer les louanges; il les laissoit tomber d'abord, et si on lui en parloit il disoit simplement qu'il connaissoit trop ses défauts pour mériter d'être loué. Il nous a dit souvent qu'il se souviendroit toute sa vie de la douceur qu'il goûtoit en étudiant sans contrainte. Nous l'avons vu demander qu'on lui fît des lectures pendant ses repas et à son lever, tant il aimoit toutes les choses qu'il avoit besoin d'apprendre. Aussi n'ai-je jamais vu aucun enfant entendre de si bonne heure, et avec tant de délicatesse, choses les plus fines de la poésie et de l'éloquence. Il concevoit sans peine les principes abstraits. Dès qu'il me voyoit faire quelque travail pour lui, il entreprenoit d'en faire autant, et travailloit de son côté, sans qu'on lui en parlât. Je ne l'ai jamais vu penser, excepté les moments d'humeur, que selon la plus droite raison, et conformément aux pures maximes de l'Évangile. Il avoit de la complaisance et des égards pour certaines personnes profanes qui en méritoient; mais il n'ouvroit son cœur et ne sc confioit entièrement qu'aux personnes qu'il

les

Télémaque une satire étroite du règne de Louis XIV, qu'un croyoit sincèrement pieuses. On ne lui disoit

livre composé pour le bonheur du genre humain.

rien de ses défauts qu'il ne connût, qu'il ne sen

tit, et qu'il n'écoutât avec reconnoissance. Je | oraisons pieuses, à ces contemplations ascétin'ai jamais vu de personne à qui j'eusse moins ques qui dégageaient l'ame de la terre, et l'écraint de déplaire en lui disant contre lui-même levaient par l'amour jusqu'à Dieu. Une pareille les plus dures vérités. J'en ai fait des expériences nouveauté jeta l'alarme dans l'Église; on la étonnantes. Enfin, sa fermeté étoit à toute traita de fanatisme! On répandit des bruits épreuve sur tout ce qui lui paroissoit intéresser sourds d'une hérésie naissante. On crut même la religion, la justice, l'honneur, la vérité, la y reconnaître les erreurs de Molina, docteur probité, et la fidélité du commerce 1. » espagnol récemment condamné par le SaintSiége. On prétendit qu'abusant de ce qu'il y a de plus saint, les nouveaux disciples de l'hérésie faisaient de la spiritualité un manteau pour couvrir les plus révoltantes abominations, et l'on n'entendit plus que des clameurs sur le péril de l'Église et sur les abominations du molinisme, qui se glissait subtilement dans les consciences.

Ici se termine ce que nous avons à dire de l'éducation du duc de Bourgogne. Nous allons revenir un moment sur nos pas, pour raconter une autre époque non moins intéressante de la vie de Fénelon, époque célèbre par de grandes controverses théologiques, par sa lutte avec Bossuet, et par sa soumission pleine et entière au bref de la cour de Rome qui portait sa condamnation.

Fénelon n'était point encore archevêque de Cambrai lorsqu'il rencontra madame Guyon, à peine échappée aux persécutions de Mgr de Harlay, chez madame de Maintenon, qui s'était déclarée sa protectrice. Née fort riche, mariée très jeune, veuve à l'âge de vingt-huit ans, elle avait abandonné son pays, ses enfants, leur garde noble, qui était de quarante mille livres de rente, enfin sa propre fortune, pour exercer cette espèce d'apostolat de quiétisme qui lui fit bientôt une si grande réputation. Après quelques courses à Genève, à Thonon, à Verseil, à Grenoble, elle était venue à Paris, où elle s'était fait des prosélytes par une façon de s'exprimer vive et touchante, par l'élévation de sa doctrine, et par son abandon total à la Providence. Fénelon, que le genre de vie singulier de madame Guyon, et surtout l'oubli où elle laissait ses enfants, avait mal disposé en sa faveur, ne put l'entendre sans enchantement. Elle eut à vaincre ses préventions, et elle y réussit sans les connaître. Il fut comme saisi en retrouvant dans sa bouche ces expressions affectueuses, ce langage mystérieux et plein d'inspiration des auteurs mystiques, dont il avait fait dans sa jeunesse une étude toute particulière. Ses préjugés contre madame Guyon disparurent, et il se rangea, si ce n'est au nombre de ses disciples, au moins au nombre de ses amis et de ses admirateurs. Entraîné par le même charme, plusieurs dames de la cour renoncèrent tout-à-coup au luxe, à la parure, aux spectacles, pour se livrer à ces

*Lettre au père Martineau, 1719.

Le déchaînement fut tel que, la plupart des amis de madame Guyon en furent ébranlés. Pour les rassurer contre un péril imaginaire, elle remit tous ses papiers entre les mains de Bossuet, qui devait les examiner et en rendre témoignage. Bossuet les lut, et sa première impression fut toute favorable; il dit à M. le duc de Chevreuse qu'il y trouvait une lumière et une onction qu'il n'avait point trouvées ailleurs, et qu'en les lisant il s'était senti dans une présence de Dieu qui avait duré trois jours. Enfin, après cinq mois d'examen, il eut une longue conférence avec madame Guyon, puis il la communia de sa main, et déclara qu'il était prêt à lui donner un certificat de catholicité. Contente de ce témoignage verbal, madame Guyon n'en exigea pas d'autre; mais les accusations continuaient toujours, et le témoignage de Bossuct n'avait rien d'authentique. Le bruit en vint aux oreilles du roi, qui ordonna un nouvel examen. Bossuet, l'évêque de Châlons, et M. Tronçon, supérieur du séminaire de Saint-Sulpice, composèrent ce tribunal. Madame de Maintenon y fit entrer Fénelon, qui, à cette époque, venait d'être nommé à l'archevêché de Cambrai. Les conférences eurent lieu à Issy; et après de longues discussions et l'examen le plus rigoureux, Bossuet, convaincu de l'innocence des intentions de madame Guyon, si ce n'est de l'innocence de ses ouvrages, lui donna un certificat dans lequel il se déclarait satisfait de sa conduite.

Mais quel fut son étonnement lorsqu'en arrivant à la cour, il se vit l'objet du mécontentement de madame de Maintenon! On lui dit que le but de l'examen avait été de détromper les personnes prévenues en faveur de madame

Guyon, et que son certificat allait produire un ❘ se déclarait son complice. Fénelon vit le piége, effet tout contraire. C'était une condamnation et, tout en justifiant son refus dans une lettre qu'on lui avait demandée.

Frappé des reproches de madame de Maintenon, il voulut retirer son attestation; mais pendant qu'il se mettait à l'œuvre, madame Guyon fut arrêtée, et enfermée au château de Vincennes.

Touché de ses malheurs, Fénelon ne faisait même aucune démarche pour les adoucir; seulement, il se plaignait des contradictions de ses adversaires. D'où vient, disait-il, que tant de ́relâchement a précédé tant de rigueurs ? Pour lui, il n'avait jamais trouvé dans cette dame que candeur et docilité, jusqu'à être toujours prête à abandonner aux autres le jugement de ses propres expériences, et à les condamner sur leur foi. Il ne pouvait donc, en conscience, se joindre à ses accusateurs. Les prélats qui la condamnent, disait toujours Fénelon, le font par des écrits qu'ils ont publiés; puis on l'a enfermée et chargée d'ignominie. Je n'ai jamais dit un seul mot pour la justifier, ni pour l'excuser, ni pour adoucir son état : n'est-ce pas beaucoup faire, sachant ce que je sais? Le moins que je puisse donner à une personne malheureuse, et de qui je n'ai jamais reçu que de l'édification, est de me taire pendant que les autres la condamnent'. › Mais ce silence même était une condamnation de tant de violences et de tant d'injustices. Il fallait donc le forcer à le rompre, et ce fut probablement dans ce but que Bossuet lui envoya son instruction manuscrite sur l'état d'oraison, en lui demandant d'approuver ce livre. Il y trouva nombre de passages tirés des ouvrages de madame Guyon, auxquels on donnait le sens le plus affreux. On supposait à cette dame un système lié dans toutes ses parties, « dont le dessein évi» dent était d'établir une indifférence brutale > pour le salut et pour la damnation, pour le › vice et pour la vertu, un oubli de Jésus-Christ » et de tous ses mystères, une indifférence et > une quiétude impies! >

D

Le but d'un livre aussi violent n'était pas douteux; on voulait forcer Fénelon à se déclarer, et c'était lui qu'on poursuivait dans madame Guyon. S'il approuvait le livre, il devenait l'accusateur de cette dame; s'il refusait son approbation, il

Propres paroles de Fénelon rapportées dans la nouvelle histoire de Fénelon, publiée par ordre du marquis de Fénelon, et dont les exemplaires furent presque tous supprimés.

écrite à Bossuet lui-même, il se prépara à combattre. C'est alors que, de l'avis de monseigneur l'archevêque de Paris et de M. l'évêque de Chartres, il résolut de publier un ouvrage pour faire connaître sa doctrine et venger celle des ascétiques, qu'il croyait injustement attaquée. Telle fut l'origine du livre fameux des Maximes des Saints. Il ne s'y montra point l'avocat de madame Guyon, mais le défenseur de la piété et de la perfection chrétienne. Son but était d'établir sur la ruine de nos penchants l'empire et le règne du pur amour; il voulait faire aimer le Créateur comme nous prétendons, comme nous nous vantons souvent d'aimer ses créatures.

Ce livre fut le signal d'une controverse brûlante, dont les deux grands adversaires furent Bossuet et Fénelon. Elle divisa la cour et la ville en deux camps, et fut la source d'une multitude de volumes qui remuaient alors toutes les passions, et qui sont aujourd'hui sans lecteurs, et n'excitent plus même la curiosité. Tant l'indifférence succède vite à la fureur dans les questions dont le résultat est inutile aux hommes !

Louis XIV, voyant qu'on ne réussissait pas à se concilier, et moins favorablement disposé pour Fénelon que pour Bossuet, dont il comprenait mieux le génie sublime et le caractère vigoureux, résolut d'éloigner Fénelon de la cour. Le duc de Bourgogne, informé de cette disgrace, vint de son propre mouvement se jeter aux pieds du roi, offrant de justifier son maître, et de répondre sur la religion qu'il lui avait enseignée. Le roi dit qu'il s'agissait de la pureté de la foi; qu'il n'était pas maître de traiter une question aussi grave comme une affaire de faveur. Cependant, pour ne pas trop affliger le jeune prince, il laissa encore à Fénelon son titre de précepteur, puis il l'exila à Cambrai.

Au moment de partir, Fénelon écrivit à madame de Maintenon ces lignes touchantes : « Je › retourne à Cambrai avec un cœur plein de › soumission, de zèle, de reconnoissance et d'at› tachement pour le roi. Ma plus grande dou› leur est de l'avoir fatigué et de lui déplaire. Je › ne cesserai aucun jour de ma vie de prier Dieu › qu'il le comble de graces. Je consens à être › écrasé de plus en plus. L'unique chose que je › demande à sa majesté, c'est que le diocèse de › Cambrai, qui est innocent, ne souffre pas des

> fautes qu'on m'impute. Je ne demande de pro- | il n'a plus le courage d'entendre les cris qu'il >tection que pour l'Eglise, et je borne même lui arrache. Le grand homme a besoin d'un > cette protection à n'être point troublé dans le peu de repos, et, pour se reposer, il sollicite le › peu de bonnes œuvres que ma situation pré- légat du pape, et lui demande de protéger l'É› sente me permet de faire pour remplir les de- glise en ordonnant le silence à son adversaire. › voirs de prêtre. › Un pareil trait brille dans les destinées de ces deux hommes. Certes, le génie de Bossuet ne redoutait pas le génie de Fénelon! Et il faut bien voir ici l'aveu tacite d'une conscience qui redoute la vérité!

)1

Toutefois son ame fut profondément affectée, non de sa propre disgrace, mais de la disgrace qui menaçait ses amis. « Sacrifiez-moi, écrivait› il au duc de Beauvilliers, et soyez persuadé › que mes intérêts ne sont rien en comparaison › des vôtres! ›— Dans ces mêmes dispositions, si pleines de tendresse, il écrivait à une autre personne: Encore un peu, et le songe trompeur › de cette vie va se dissiper, et nous serons tous › réunis à jamais dans le royaume de la vérité, > où il n'y a plus ni erreur, ni divisions, ni scan› dale. Nous n'y respirerons que l'amour de Dieu; sa paix éternelle sera la nôtre. En attendant, souffrons, taisons-nous, laissons> nous fouler aux pieds, portons l'opprobre de > Jésus-Christ: trop heureux si notre ignomi› nie sert à sa gloire ! »

[ocr errors]

Plus on observe la contenance de ses ennemis, plus on médite leurs actes, et plus on admire le courage de Fénelon! Ce n'est point à égalité de force qu'ils veulent le combattre; avant le combat ils le frappent, ils le désarment, ils l'écrasent par la disgrace, par la perte de ses honneurs et de sa fortune; ils veulent le tuer moralement, en le montrant sous le coup de la persécution, qui a toujours raison devant un certain public.

il ne

Eh bien, contemplez-le dans sa disgrace! Ses adversaires sont appuyés par le roi et par madame de Maintenon; ses adversaires le font exiler, et lui arrachent enfin jusqu'à son titre de précepteur; vous les voyez puissants, considérés, ardents; ils ont des agents à Rome, des agents à la cour, des protecteurs partout: lui, il est seul contre tous, peut leur opposer que sa religion et sa vertu, et c'est avec cela qu'il va les faire trembler. Autant de fois on le frappe, autant de fois il reste vainqueur. Ces ennemis si nombreux, les voilà qui appellent la violence à leur secours; après la violence, le mensonge; après le mensonge, le silence! Oui, le silence! Un jour le grand Bossuet s'arrête éperdu au milieu de ses élans sublimes : l'aigle se sent fatigué d'avoir suivi si long-temps le vol de la colombe;

Notre intention n'est pas de multiplier les citations: toutefois la circonstance est grande, et comme nous venons de prendre parti pour Fénelon contre la violence de son terrible adversaire, il est de notre devoir de les suivre un moment dans la carrière, et de recueillir quelques unes des paroles du persécuteur et de sa victime. Un pareil procès ne doit être jugé que sur les pièces.

Voici le début de la première lettre de Fénelon à Bossuet :

D

Monseigneur, en finissant votre dernier li»vre, je me suis mis devant Dieu comme je » voudrois y être au moment de ma mort. Je > l'ai prié instamment de ne pas permettre que je me séduisisse moi-même. Je n'ai craint, ce › me semble, que de me flatter, que de trom» per les autres, que de ne pas faire valoir as» sez contre moi toutes vos raisons. Plût à › Dieu que je n'eusse qu'à m'humilier, selon › votre desir, pour vous apaiser et finir le scan› dale. Mais jugez vous-même, monseigneur, › si je puis m'humilier contre le témoignage de › ma conscience, en avouant que j'ai voulu en› seigner le désespoir le plus impie, sous le > nom de sacrifice absolu de l'intérêt propre, parceque Dieu, qui sera mon juge, m'est té> moin que je n'ai fait mon livre que pour con> fondre tout ce qui peut favoriser cette doc> trine monstrueuse. »

Fénelon se plaint ensuite du peu de bonne foi de ses adversaires, qui altèrent le texte de ses écrits, et qui l'écrasent en changeant ses expressions, ou en les détournant de leur sens naturel et raisonnable. Puis il s'écrie:

Est-ce donc ainsi qu'on peut s'arroger le › droit de retrancher des mots essentiels qui › changent toute la signification du texte, pour › convaincre un auteur d'impiété et de blas» phème?.... Je ne puis finir sans vous repré» senter la vivacité de votre style, en parlant de

« PoprzedniaDalej »