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Combien voit-on de fidèles scrupuleux, qui, faute de cet aliment, ne font que languir! Ils se consument en réflexions et en efforts stériles : ils craignent, ils tremblent. Ils sont toujours en doute, et cherchent en vain une certitude qu'ils ne peuvent trouver en cette vie. L'onction n'est point en eux. Ils veulent vivre pour Jésus-Christ, sans vivre de lui. Ils sont desséchés, languissants, épuisés, et ils tombent en défaillance. Ils sont auprès de la fontaine d'eau vive, et se laissent mourir de soif. Ils veulent tout faire au-dehors, et n'osent se nourrir au-dedans. Ils veulent porter le pesant fardeau de la loi, sans en puiser l'esprit et la consolation dans l'oraison et dans la communion fréquente.

XIV. J'avoue qu'un sage et pieux directeur peut priver un fidèle de la communion pour un temps court, soit pour éprouver sa docilité et son humilité quand il a quelque sujet d'en douter, soit pour le préserver des piéges de quelque illusion, et de quelque attachement secret à lui-même. Mais ces épreuves ne doivent être faites que dans un vrai besoin, et doivent durer peu; il faut revenir au plus tôt à la nourriture de l'ame. On nous objecte que chacun doit faire pénitence. Mais distinguons la pénitence des justes d'avec celle des hommes coupables de péchés mortels. La pénitence est nécessaire aux justes mêmes, il est vrai; mais cette pénitence s'accorde très bien avec la communion. Les prêtres font pénitence, en disant la messe tous les jours. Les plus grands saints, en communiant de même, sont dans une pénitence continuelle. Les saints de l'antiquité faisoient pénitence, et pratiquoient la communion quotidienne.

Ne soyez donc point troublé, monsieur, par les raisonnements qu'on vous fait sur la discipline de l'ancienne Église. Laissez parler ceux qui méprisent toutes les dévotions de notre temps, et qui ne veulent suivre que les premiers siècles. Les voilà les premiers siècles. Vous venez de les voir d'accord avec le concile de Trente. Ce concile devroit suffire pour décider, puisque l'Église est toujours la même selon les promesses. Mais enfin je vous mets l'antiquité devant les yeux. Communiez donc comme les apôtres ont fait communier les premiers fidèles, et comme les Pères ont fait communier les chrétiens des siècles suivants. Laissez raisonner ceux qui veulent tout réformer, et mangez le pain quotidien, afin que vivant de Jésus-Christ vous viviez pour lui. Laissez-vous juger, non par des réformateurs toujours prêts à se scandaliser et à critiquer tout, mais par vos pasteurs, ou par un

directeur modéré et expérimenté, qui vous conduise selon l'esprit de l'Eglise.

Je suis, etc.

LETTRE

SUB

LE FRÉQUENT USAGE DES SACREMENTS
DE PÉNITENCE ET D'EUCHARISTIE.

Vous m'avez fait, madame, une question à laquelle il me semble que je n'ai répondu qu'à demi, sur les confessions et sur les communions.

L'eucharistie a été instituée comme un pain, c'est-à-dire comme l'aliment le plus familier; et les Pères l'appellent le pain quotidien. Les premiers siècles rompoient tous les jours ce pain sacré avec joie et simplicité de cœur. En vain, dit saint Chrysostome, célébrons-nous les mystères, si personne n'y participe. Assister à la messe sans y participer par la communion est une action comme estropiée; c'est ne remplir qu'à demi l'intention de Jésus-Christ quand il a institué ce sacrement. Il n'y a que notre indignité qui doive nous exclure de cette communion du pain quotidien. Tous les chrétiens y sont appelés; ils font violence au sacrement quand ils s'en privent. Toute notre vie doit donc tendre à nous rendre dignes de recevoir ce pain de vie le plus souvent que nous pouvons. Il ne faut point croire avoir rempli notre devoir à cet égard, jusqu'à ce que nous puissions atteindre à la communion de tous les jours. L'eucharistie n'est offerte par le prêtre qu'afin que le fidèle en vive: ces deux actions se rapportent l'une à l'autre; et il manque quelque chose au sacrifice quand le laïque se tient comme interdit loin des autels, n'osant manger la victime offerte pour lui.

Cependant les idées présentes sont bien éloignées de ces idées pures: on est presque mal édifié d'un prêtre qui ne dit point la messe tous les jours, et on seroit surpris de voir un laïque qui communieroit tous les jours de la semaine. Pourvu que le laïque vive en bon laïque, il peut et doit communier tous les jours, s'il est libre; comme le bon prêtre, s'il est libre, peut et doit offrir tous les jours. J'excepte seulement les personnes qui sont assujetties ou à des règles de communauté, où tout tire à conséquence, ou à des engagements du monde dans lesquels il faut garder des me

sures. J'avoue aussi que les gens qui aiment leurs imperfections, et qui sont volontairement dans des péchés véniels, sont indignes de cette communion quotidienne. Mais pour les ames simples, droites, prêtes à tout pour se corriger, dociles et humbles, c'est à elles qu'appartient le pain quotidien; leurs infirmités involontaires, loin de les exclure, augmentent leur besoin de se nourrir du pain des forts.

Rien n'est donc plus contraire à l'institution du sacrement et à l'esprit de l'Église, que de vouloir respecter l'eucharistie en la recevant rarement: pourvu qu'on soit pur, le vrai respect est de la recevoir fréquemment. On ne peut point se dire: Je suis pur; mais il ne faut jamais se juger soimême; il faut se laisser juger par un conseil pieux et modéré.

La règle pour la confession est contraire à celle de la communion. La communion est un aliment de vie; plus on peut le prendre, plus on se nourrit et on se fortifie. Au contraire, la confession est un remède; il faut tendre à en diminuer le besoin. Je sais bien que le besoin ne cessera jamais entièrement, car nous commettrons toujours des fautes en cette vie; mais du moins il faut tâcher de diminuer un besoin que nous ne pouvons faire cesser absolument.

Le pouvoir que Jésus-Christ a donné à ses ministres de lier et de délier, de remettre et de retenir les péchés, est absolu et sans restriction. Ils ne sauroient remettre les péchés secrets qu'on ne leur découvre point. Ce ministère suppose donc la déclaration des péchés, ou publique, ou du moins secrète. Voilà la confession. Quand elle n'est qu'auriculaire, c'est le moins que l'Église puisse demander; mais enfin il faut que le pécheur s'accuse. Pour le ministre, il a une puissance sans restriction pour remettre tous les péchés mortels, à plus forte raison les véniels. Il ne paroît point dans l'antiquité qu'on se confessât aussi fréquemment qu'on le fait parmi nous de ces péchés véniels. Les Pères, surtout saint Augustin, assurent qu'ils sont remis par l'Oraison Dominicale, par les jeûnes de l'Église, et par les aumônes. Principalement ces péchés sont effacés par l'amour de Dieu; ce feu consume nos imperfections comme la paille beaucoup de péchés légers sont remis à l'ame qui aime beaucoup. Nous lisons les vies de ces anciens Pères de l'Église, et leurs historiens nous racontent leur mort avec un grand détail, sans parler des fréquentes confessions de nos jours. C'est qu'ils vivoient très purement, et qu'il ne paroît pas qu'on se confessât régulièrement en

ce temps-là, quand on n'avoit à s'accuser que de ces fautes légères et vénielles qu'on n'aime point quand on aime Dieu bien sincèrement.

J'avoue que l'usage présent de l'Église est bien différent; mais ce changement de discipline ne doit pas étonner. La puissance de remettre les péchés véniels est constamment donnée au prêtre : le fidèle peut donc y avoir recours quand cet usage lui devient salutaire. Beaucoup de grands saints l'ont pratiqué avec fruit. Il y a des ames qui se purifient admirablement par cette voie. Ce seroit une indiscrétion scandaleuse que d'ôter cette consolation et cette source de grace à quantité de consciences délicates qui en ont besoin. Il est vrai qu'il faut craindre d'en faire une pure habitude, un appui sensible et trompeur, une décharge de cœur, sans se corriger. On croit souvent avoir tout fait en disant ses péchés; on se confie avec excès à l'efficace de l'absolution; on trouve un amusement et un ragoût d'amour-propre à parler si souvent de soi: celui à qui on parle est un confesseur qu'on a choisi, et dont on est quelquefois entêté. Autant que la confession est amère aux grands pécheurs qui la pratiquent rarement, autant devient-elle douce et commode à ces personnes dévotes qui s'y apprivoisent, et qui y cherchent une certaine routine de dévotion qui tient lieu de tout.

Les confesseurs sages et fermes doivent done discerner le besoin de leurs pénitents, et l'usage qu'ils font de leurs confessions, pour les rendre plus ou moins fréquentes. J'ose dire en général que la matière fort souvent n'est pas traitée avec assez de sérieux et de sobriété. Pour les personnes droites et éclairées, elles doivent, ce me semble, faire deux choses : l'une, de se confesser autant qu'il le faut, même au-delà de leur besoin, pour le bon exemple; l'autre, de se conformer avec respect à la discipline présente, qui est très sainte, et de tâcher d'en tirer du fruit en se confessant avec un cœur abaissé et docile.

LETTRE

SUR LA DIRECTION.

Les meilleures choses sont les plus gâtées, parce que leur abus est pire que celui des choses moins bonnes. Voilà ce qui fait que la direction est si décriée. Le monde la regarde comme un art de mener les esprits foibles et d'en tirer parti. Le directeur passe pour un homme qui se sert de la re

ligion pour s'insinuer, pour gouverner, pour con- | pourtant, pourvu qu'on le cherche bien. Voici la tenter son ambition; et souvent on soupçonne dans manière de le chercher : la direction, si elle regarde le sexe, beaucoup d'amusement et de misère. Tant de gens, sans être ni choisis ni éprouvés, se mêlent de conduire les ames, qu'il ne faut pas s'étonner qu'il en arrive assez souvent des choses irrégulières et peu édifiantes.

Il faut premièrement avoir égard à la réputation publique, pour éviter ce qui n'est point approuvé. Ce n'est pas qu'il faille aller chercher les gens qui sont à la mode, et qu'on voit en estime parmi les grands; mais il faut éviter ce qui est suspect ou désapprouvé par le commun des personnes sages. Les mauvaises réputations ainsi que les bonnes, quand elles sont fort répandues, ont souvent quelque fondement. Pour les gens qui ont une certaine vogue, il est ridicule de les chercher, c'est

dans les choses les plus sérieuses de la religion; c'est vouloir être remarqué, se mettre au rang des personnages considérables, s'intriguer, se donner de l'appui et des liaisons; en un mot, c'est une espèce de vanité hypocrite qui éloigne de Dieu, et qui éteint l'esprit de grace. Cherchez donc un directeur loin du monde, et à qui le monde ne soit rien; qui, loin de vous en pouvoir enivrer, vous en désabuse.

Pour le trouver, informez-vous des personnes les plus simples, les plus solides, les plus éloignées des vaines apparences, et qui, par leur conduite, vous fassent espérer que leurs conseils seront bons ; qu'à voir la manière dont ces personnes profitent des soins d'un directeur, vous ayez sujet de croire qu'elles l'ont bien choisi, et qu'elles sauront bien vous le dépeindre.

Cependant il sera toujours vrai de dire, au milieu de toutes ces choses déplorables, que la fonction de mener les ames à Dieu est le ministère de vie confié aux apôtres de Jésus-Christ. La direction est donc une fonction toute divine qu'il n'est ja-porter le goût du monde et de la vanité jusque mais permis de mépriser, quoique les hommes indignes d'une si haute fonction l'avilissent et la déshonorent. Quelle folie de mépriser un diamant, parce qu'on l'a vu enfoncé dans la boue! Après tout, Jésus-Christ n'a rien fait en vain : il a donné des pasteurs à son troupeau; et ces pasteurs doivent diriger; car le devoir du pasteur est de conduire les brebis, de les connoître, comme dit Jésus-Christ, chacune en particulier; de discerner leurs besoins, d'étudier leurs maladies, de chercher les remèdes, de supporter leurs foiblesses, de redresser celles qui s'égarent, de les rapporter sur ses épaules au bercail, de conduire les saines dans les bons pâturages, et de les défendre du loup ravisseur. Voilà le vrai directeur ; et il n'en faudroit point d'autre que le pasteur même, si les pasteurs chargés de troupeaux innombrables, et quelquefois peu appliqués au travail pastoral, ne manIl faut même voir plusieurs fois le directeur quoient ni de temps, ni de zèle, ni d'expérience, qu'on veut choisir, et l'éprouver en le consultant, pour mener les ames jusqu'à la perfection de l'É- pour voir si on pourra avoir l'ouverture qui est vangile. Ils manquent souvent de quelqu'une de nécessaire, et si on trouvera en lui tout ce qu'on a ces trois choses: c'est pourquoi on choisit, parmi besoin d'y trouver. Je dis qu'il faut faire cette exles plus saints prêtres qui peuvent travailler au périence avant que de choisir, pour ne s'exposer nom du pasteur et avec son autorité, celui qui pas à une inconstance après un choix. Il faut donc paroît le plus propre à être l'homme de Dieu pour bien se garder de choisir jamais un directeur ni chacun de nous. C'est le supplément au défaut du par complaisance, ni par politique, ni par un pasteur. Voilà l'idée qu'on doit, ce me semble, embarquement insensible, ni par aucune autre avoir de la direction. Ce directeur, comme dit raison que celle de trouver l'homme de Dieu. Un saint François de Sales, doit être choisi entre mille, choix fait par des vues humaines seroit capable de et même entre dix mille. Il faut le chercher sage, tout ruiner pour le salut. Si on étoit assez maléclairé, mortifié, expérimenté, détaché de tout, heureux pour être tombé dans cette faute, l'uincapable de nous flatter, exempt de tout soupçonnique remède seroit de rompre courageusement, de nouveauté sur la doctrine, et de tout excès dans ses maximes; mais pourtant droit, ferme, prêt à compter pour rien le monde et les grandeurs les plus éblouissantes; en un mot, qui, étant le vrai homme de Dieu, ne cherche que lui seul dans tous les conseils qu'il donne. Il est, me direz-vous, plus aisé de peindre cet homme merveilleux que de le trouver. Il est vrai; mais on le trouvera

et de mettre sa conscience en liberté, pour chercher ailleurs un secours selon son besoin.

Mais, direz-vous, à quoi sert tout cet examen pour une personne qui n'est point capable de discerner les qualités d'un directeur? J'avoue que la plupart des gens ne sont guère capables de faire ce discernement, et il faudroit désespérer pour eux d'un bon choix, si on ne comptoit que sur

leurs talents naturels mais Dieu infiniment bon | pre à être le pasteur de tout le troupeau, et à

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supplée, quand il s'agit du choix des moyens pour aller à lui, ce qui manque dans l'esprit des hommes. Suivez simplement ce que Dieu vous mettra au cœur, après que vous vous serez humilié sous sa main et abandonné à sa conduite paternelle. La bonne volonté, la simplicité, le détachement de tout intérêt propre, la crainte de tomber dans les mains qui ne sont pas les plus propres aux desseins de Dieu, enfin la confiance en la grace, seront vos guides: Dieu verra votre cœur, et vous donnera suivant la mesure de votre foi. Ne cherchez donc un directeur que pour mourir à vousmême sans réserve, que pour ne tenir à rien; Dieu, qui ne manque point à ceux qui ont le cœur droit, vous donnera la demande de votre cœur; l'ange Raphaël vous sera envoyé. Ce n'est point sur votre esprit que je compte; c'est sur celui de Dieu : priez sans cesse, humiliez-vous, détachezvous de tout intérêt propre; ne laissez rien en vous qui vous rende indigne du secours que vous attendez; arrachez de votre cœur tout ce qui vous empêcheroit d'être docile à celui qui doit vous conduire, et ce conducteur ne vous sera point refusé il viendra je ne sais comment; mais il viendra. Une conversation, un hasard, un rien vous ouvrira les yeux, et vous verrez celui que vous

attendez.

compatir à l'infirmité de chacune de ses brebis. Pour la perfection du directeur, il est juste sans doute de la chercher; mais on ne peut ni comparer les perfections des hommes, ni connoître même le fond de leur intérieur : ainsi il faut se borner aux principales marques extérieures, telles que le détachement, la vie retirée, la conduite constante dans les divers emplois, la patience, la douceur, l'égalité, la franchise, l'éloignement de tout amusement et de toute mollesse, la fermeté dans les bonnes maximes sans âpreté et sans excès, l'expérience de l'oraison et des choses intérieures, enfin une certaine retenue pour donner le secours nécessaire aux personnes qu'il conduit, sans tomber néanmoins dans des conversations inutiles. Il ne doit jamais y avoir rien que de sérieux, de modeste et d'édifiant dans ces entretiens où il s'agit purement de la vie éternelle. Le directeur perd son autorité, avilit son ministère, s'en rend indigne, et nuit mortellement aux ames, quand il a une conduite moins grave et moins réservée. Cette réserve n'empêche point l'ouverture de cœur, la condescendance paternelle, et la simplicité avec laquelle il doit agir pour attirer les ames; car la véritable gravité est simple, douce, accommodante, et même pleine d'une gaieté modeste. Elle est bien éloignée d'une austérité farouche ou affectée qu'on n'ose aborder. Le malheur est que les personnes lâches et molles, telles que sont souvent les femmes, trouvent trop froid et trop sec tout ce qui est sérieux et éloigné de l'amusement: elles croient qu'on ne les écoute point, si on ne leur laisse dire cent choses inutiles avant que de venir à celle dont il est question. Ainsi elles se rebutent des directeurs qui leur seroient les plus utiles, et elles en cherchent qui veuillent bien perdre du temps avec elles. Oh ! si elles savoient ce que c'est que le temps d'un prêtre chargé de prier pour soi-même et pour toute l'Église, de méditer profondément la loi de Dieu, et de travailler pour ramener tant de pécheurs, elles craindroient de profaner un temps si précieux, et de l'user en discours superflus. Il faut parler à l'homme de

Il aura ses défauts comme un autre homme; je dis des défauts naturels qui pourront rebuter, et tenter contre l'obéissance : mais il faudroit n'obéir jamais aux hommes, si on vouloit attendre qu'ils fussent parfaits. Il aura aussi des imperfections par rapport à la grace: ces imperfections feront encore plus de peine; mais elles ne gâteront rien, pourvu que le directeur ne les conserve point volontairement, en résistant à l'esprit de grace. Mais si ses intentions cessoient d'être pures et droites, Dieu ne permettroit pas qu'il continuât de conduire les ames simples et recueillies qui se seroient mises de bonne foi sous sa conduite. A l'égard des légères imperfections qui restent dans les plus saints directeurs, pour les humilier, il est très important de ne s'en scandaliser pas. Ces imperfections sont souvent très utiles; car el-Dieu d'une manière simple, ingénue, précise et les rendent un homme doux, humble, petit, compatissant par sa propre expérience aux foiblesses de ceux qu'il conduit, patient pour attendre l'opération lente de la grace, attentif aux moments de Dieu, incapable d'être surpris quand il trouve de l'infirmité, enfin modéré dans son zèle. C'est par le reniement exécrable de Jésus-Christ que saint Pierre, comme remarquent les Pères, devint pro

courte, songeant qu'il doit son temps à beaucoup d'autres œuvres. C'est parce qu'on n'est ni humble ni simple, qu'on n'entre point d'abord en matière, et qu'on fait de si longs détours avant que de venir au but. D'ailleurs on cherche plus un commerce de vaine consolation, qu'un conseil droit et vigoureux pour aller à Dieu en mourant à soi.

Si on ne cherchoit que des conseils évangéliques, il faudroit peu de temps dans la direction. Quand il n'est question que de se taire, d'obéir, de souffrir, de se cacher, de supporter les autres sans vouloir être supporté, de résister à ses inclinations et à ses habitudes, de se conformer au cours de la Providence sur nous, de compter pour rien ses jalousies et ses délicatesses, il ne faut point tant de consultations. Peu parler et faire beaucoup, voilà le partage des ames droites. Il y a encore moins à consulter quand on est dans une communauté régulière; alors tout est presque réglé par les constitutions, par les exercices journaliers, et par les ordres des supérieurs. La volonté de Dieu est dans la leur : quand même ils se tromperoient, ou décideroient avec passion, leurs ordres, quoique mauvais pour eux, ne laisseroient pas d'être bons pour nous; et leurs défauts nous servent souvent, d'une manière plus efficace que leurs vertus, à mourir à notre propre volonté. Dieu met tout en œuvre pour sanctifier ses enfants, quand ils tendent à lui avec un cœur droit.

bon directeur, mais avec toute la sobriété que nous avons déja marquée.

On me dira peut-être : Quelle nécessité de prendre un directeur, puisque la règle est un directeur par écrit, et qu'on a remis sa volonté dans les mains de ses supérieurs? Je réponds que les supérieurs ne peuvent pas toujours avoir toute l'attention nécessaire à vos besoins intérieurs : cependant il est capital de ne vous conduire pas vous-même; vous serez aveuglé sur votre intérêt, ou sur une passion déguisée qui trouble votre paix. Vous ne connoissez point la source de certaines peines qui vous dégoûtent de vos devoirs, et qui vous rendent lâche dans votre état; vous avez besoin d'être soutenu et encouragé dans une croix qui vous surmonte; vous vous trouvez dans des tentations pénibles et dangereuses: dans tous ces cas, rien n'est plus dangereux que de n'écouter que soi-même. Il faut, comme je l'ai déja remarqué, un homme de Dieu qui supplée au défaut du pasteur, et qui s'applique à vous conduire au milieu de tant de précipices. Qui est-ce qui vous conduira et vous soutiendra? Sera-ce vous-même ? Eh! c'est vous qui avez besoin de conduite, qui êtes tenté, foible, aveugle, découragé, aux prises avec vous-même; c'est de vous que vous viennent vos plus subtiles tentations; vous êtes votre plus cruel ennemi; il vous faut quelqu'un qui n'ait ni vos erreurs, ni vos passions, ni les penchants de votre amour-propre ; quelqu'un qui soit hors de vous, qui vous aide à en sortir, et qui ait autant de zèle pour vous corriger que vous avez d'inclination secrète à vous flatter vous-même.

D'ailleurs l'oraison, qui est le canal des graces, et le commerce d'union avec Dieu, est exposée à toutes sortes de chimères et d'illusions : si vous n'y êtes conduit par une personne qui connoisse par expérience les voies de Dieu, le remède qui doit guérir toutes vos misères se changera en

J'ajoute que quand le supérieur ou la supérieure d'une communauté ont les qualités, la vertu et l'expérience nécessaires pour nous conduire, ils sont préférables aux gens du dehors; comme le pasteur, à choses égales, devroit être préféré à l'étranger. Il ne faut point faire un si grand mystère de la direction: c'est un conseil qu'on prend pour tendre à la perfection. Une supérieure bien morte à elle-même, et d'une expérience consommée, verra de plus près ce qu'il y a à corriger dans son inférieure; elle étudiera mieux son naturel et ses habitudes; elle lui dira des choses plus convenables à ses besoins dans ses fonctions journalières, qu'une personne de dehors qui ne la voit point agir, et qui ne sait que ce qu'elle lui dit de soi-même, suivant ses préventions. Cela n'empêche point qu'on ne demeure toujours in-poison mortel. Il vous faut une direction douce et violablement attaché au ministère des prêtres pour les sacrements, pour la doctrine, et pour tous les cas difficiles. Je ne parle ici que des conseils de perfection, qu'une supérieure bien sainte et bien expérimentée peut quelquefois donner, comme saint François de Sales a jugé nécessaire de l'établir chez les filles de la Visitation, pour éviter la multitude des directeurs de dehors, auxquels on s'attache trop quelquefois. Mais com me il arrive fort souvent qu'une supérieure, quoique excellente, n'ait point encore ce parfait détachement et cette expérience foncière dont nous parlons, il faut en ce cas avoir recours à quelque

modérée, mais droite et ferme, qui vous arrache à tous vos desirs, qui rabaisse votre esprit, qui vous ête toute confiance en vous et en votre vertu; qui vous ôte toute volonté propre, et qui vous désabuse même de votre sagesse; qui vous empêche de vous arrêter aux dons de Dieu pour ne chercher que Dieu seul. Bien loin qu'un tel secours ne soit pas nécessaire, il faut s'écrier: Hélas! que ferois-je sans lui? mais où pourrai-je le trouver? est-il sur la terre? Dieu l'y mettra pour vous, et vous le fera trouver, si vous le méritez par la droiture de votre volonté.

O mon Dieu! si j'osois me plaindre de vous,

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