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l'abandon est la source de la vraie paix ; et sans la La sentence de mort est prononcée contre l'esprit, paix, l'abandon est très imparfait.

Si vous demandez une ressource dans l'abandon, vous demandez de mourir sans perdre la vie. Tout est à recommencer. Rien ne prépare à s'abandonner jusqu'au bout, que l'abandon actuel en chaque moment. Préparer et abandonner sont deux choses qui s'entredétruisent. L'abandon n'est abandon qu'en ne préparant rien. Il faut tout abandonner à Dieu, jusqu'à l'abandon même. Quand les Juifs furent scandalisés de la promesse que Jésus-Christ faisoit de donner sa chair à manger, il dit à ses disciples': Ne voulez-vous pas aussi vous en aller? Il met le marché à la main de ceux qui tâtonnent. Dites-lui donc, comme saint Pierre Seigneur, à qui irions-nous? vous avez les paroles de vie éternelle.

175.

Croix et morts journalières.

comme la sentence de justice contre le corps. Le grand point est que l'esprit meure avant le corps; alors la mort corporelle ne sera qu'un sommeil. Bienheureux ceux qui dorment du sommeil de paix!

Quand vous vous abandonnez à Dieu, ne le faites point en raisonnant et en recherchant une certitude intérieure, qui seroit une possession imaginaire contre le véritable abandon; mais sans présumer aucune inspiration ni certitude, agissez sans retour, suivant votre cœur. Ce qu'on mesure pour se contenter, ou pour s'assurer secrètement sous de beaux prétextes, est un effet de sagesse et d'arrangement; c'est une borne qu'on se marque pour s'épargner; et en se la marquant, on la marque à Dieu. Plus vous voudrez faire marché avec lui, et en être quitte à moindre prix, plus il vous en coûtera. Au contraire, laissez-lui tout sans réserve; il vous laissera en paix. De sûreté sensible, il n'y en a dans aucune voie, encore bien Portons la croix : la plus grande est nous-mêmes. moins dans celle de la pure foi. Il faut aller, comme Nous ne serons point hors de nous, pendant que Abraham, sans savoir où. L'épreuve connue pour nous ne nous regarderons pas simplement comme simple épreuve n'est plus une épreuve véritable. un prochain qu'il faut supporter avec patience. L'abandon mesuré et exercé comme abandon Si nous nous laissons mourir tous les jours de la n'est plus abandon; cette perte n'est qu'une posvie, nous n'aurons pas beaucoup à mourir le der- session infinie de soi-même. En voulant éviter l'ilnier; et ce qui nous fait tant de peur de loin ne nous lusion, on tombe dans la plus dangereuse des ilen fera guère de près, pourvu que nous ne l'exa-lusions, qui est celle de se reprendre contre sa gérions point par nos prévoyances inquiètes d'amour-propre. Supportez-vous vous-même, et consentez petitement à être supportée par autrui. O que les petites morts journalières ôtent de force à la grande mort !

176.

Les douleurs dans la mort à soi-même ne viennent que de nos résistances. L'abandon, pour être véritable, ne doit point être aperçu.

On se trompe sur la mort à soi-même; on s'imagine que c'est elle qui cause toutes les douleurs qu'on souffre. Non, il n'y a que les restes de vie secrète qui font souffrir. La douleur est dans le vif, et non dans le mort. Plus on meurt soudainement et sans résistance, moins on a de peine. La mort n'est pénible qu'à ce qui la repousse; c'est l'imagination qui l'exagère, et qui en ahorreur; c'est l'esprit qui raisonne sans fin, pour autoriser les propriétés ou vies cachées; c'est l'amour-propre qui vit et qui combat contre la mort, comme un malade a des mouvements convulsifs à l'agonie. Mais il faut mourir intérieurement comme dans l'extérieur.

Joan., VI. 68, 69.

grace.

Là où est la paix pour votre cœur, là est Dieu pour vous. Ne vous mettez donc en peine de rien. Vivez sans aliment. Ce jour plein de nuages sera suivi du jour sans ombre et sans fin. O que le déclin du jour nous doit donner une pure lumière!

177.

Se délaisser à Dieu, sans retour inquiet sur soi-même; éviter la dissipation; agir sans rien présumer de son travail.

N... n'aura jamais de repos qu'autant qu'elle renoncera à s'en procurer. La paix de cette vie ne peut se trouver que dans l'incertitude. L'amour pur ne s'exerce que dans cette privation de toute assurance. Le moindre regard inquiet est une reprise de soi, et une infidélité contre la grace de l'abandon. Laissons faire de nous à Dieu ce qu'il

lui plaira: après que nous l'aurons laissé faire, point de soutien. Quand on ne veut point se voir soutenu, il faut être fidèle à l'attrait de la grace, et puis s'abandonner.

Il faut qu'elle se délaisse dans les mains de Dieu.

Soit que nous vivions, soit que nous mourions, toute occasion votre imagination. Laissez tout tomber. Ce n'est point par l'empressement que vous cesserez d'être empressé. Je ne vous demande point un recueillement de travail et d'industrie; je vous demande un recueillement qui ne consiste qu'à laisser tomber tout ce qui vous dissipe et qui excite votre activité.

nous sommes à lui, dit saint Paul 1. L'abandon n'est réel que dans les occasions de s'abandonner. Dieu est le même pour l'autre vie que pour celleci, également digne qu'on le serve pour sa gloire et pour son bon plaisir. Dans les deux cas, il veut également tout pour lui, et sa jalousie crible partout les ames qui veulent le suivre. Le paradis, l'enfer et le purgatoire ont une espèce de commen

cement dès cette vie.

Je demande pour cette chère sœur une paix de pure foi et d'abnégation. On ne perd point cette paix, qui n'est exposée à aucun mécompte, parce qu'elle n'est fondée sur aucune propriété, sûreté, ni consolation. Je souhaite qu'elle ait le cœur en paix et en simplicité. J'ajoute en simplicité, parce que la simplicité est la vraie source de la paix. Quand on n'est pas simple, on n'est pas encore véritablement enfant de la paix: aussi n'en goûtet-on point les fruits. On mérite l'inquiétude qu'on se donne par les retours inutiles sur soi contre l'attrait intérieur. L'esprit de paix repose sur celui qui ne trouble point ce repos en s'écoutant soimême, au lieu d'écouter Dieu. Le repos, qui est un essai et un avant-goût du sabbat éternel, est bien doux ; mais le chemin qui y mène est un rude martyre. Il est temps (je dis ceci pour N......) de laisser achever Dieu après tant d'années: Dieu lui demande bien plus qu'aux commençants.

Je prie de tout mon cœur pour votre malade, dont les croix sont précieuses à Dieu. Plus elle souffre, plus je la révère en celui qui la crucifie pour la rendre digue de lui. Les grandes souffrances montrent tout ensemble et la profondeur des plaies qu'il faut guérir en nous, et la sublimité des dons auxquels Dieu nous prépare.

Je me réjouis de tout ce que vous trouvez de bon dans N..... J'espère que vous la rendrez encore meilleure, en lui faisant connoître, par une pratique simple et uniforme, combien la vraie piété est aimable et différente de ce que le monde s'en imagine; mais il ne faut pas que M. son mari la gâte par une passion aveugle: en la gâtant, il se gâteroit aussi ; cet excès d'union causeroit même, dans la suite, une lassitude dangereuse, et peutêtre une désunion. Laissez un peu le torrent s'écouler; mais profitez des occasions de providence, pour lui insinuer la modération, le recueillement, et le desir de préférer l'attrait de la grace au goût de la nature. Attendez les moments de Dieu, et ne les perdez pas; N....... vous aidera à ne faire ni trop ni trop peu.

Dieu veut que, dans les œuvres dont il nous charge, nous accordions ensemble deux choses très propres à nous faire mourir à nous-mêmes : l'une est d'agir comme si tout dépendoit de l'assiduité de notre travail; l'autre est de nous désabuser de notre travail, et de compter qu'après qu'il est fait, il n'y a encore rien de commencé. Après que nous avons bien travaillé, Dieu se plaît à emporter tout notre travail sous nos yeux, comme un coup de balai emporte une toile d'araignée; après quoi il fait, s'il lui plaît, sans que nous puissions dire comment, l'ouvrage pour lequel il nous avoit fait prendre tant de peine, ce semble, inutile. Faites donc des toiles d'araignée; Dieu les enlèvera, et après vous avoir confondu, il travaillera tout seul à sa mode.

Je ne suis point surpris de vos misères; vous les mériterez tandis que vous en serez encore surpris. C'est attendre arrogamment quelque chose de soi, que d'être surpris de se trouver en faute. La surprise ne vient que d'un reste de confiance.

Pour vous, monsieur, évitez la dissipation; craignez votre vivacité. Cette activité naturelle, que vous entretenez au lieu de l'amortir, fait tarir insensiblement la grace de la vie intérieure. On ne conserve plus que des règles et des motifs sensibles; mais la vie cachée avec Jésus-Christ en Dieu 2 s'altère, se mélange, et s'éteint faute de l'aliment nécessaire, qui est le silence du fond de l'ame. J'ai été affligé de ce que vous ne serviez pas; mais c'est un dessein de pure miséricorde pour vous détacher du monde, et pour vous ramener à une vie de pure foi, qui est une mort sans relâche. Extinction de la vie propre. Agir par grace. Attendre tout

Ne donnez donc au monde que le temps de nécessité et de bienséance. Ne vous amusez point à des vétilles. Ne parlez que pour le besoin. Calmez en

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178.

de Dieu.

Mon état ne se peut expliquer, car je le comprends moins que personne. Dès que je veux dire quelque chose de moi en bien ou en mal, en

Ne lui dites que deux mots de grace, sans y mêler rien de la nature.

179.

épreuve ou en consolation, je le trouve faux en le disant, parce que je n'ai aucune consistance en aucun sens. Je vois seulement que la croix me répugne toujours, et qu'elle m'est nécessaire. Je souhaite fort que vous soyez simple, droite, ferme, Dieu proportionne les souffrances et l'épreuve aux forces sans vous écouter, sans chercher aucun tour dans les choses que vous voudriez mener à votre mode, et que vous laissiez faire Dieu pour achever son

œuvre en vous.

Ce que je souhaite pour vous comme pour moi est que nous n'apercevions jamais en nous aucun reste de vie, sans le laisser éteindre. Quand je suis à l'office de notre chœur, je vois la main d'un de nos chapelains qui promène un grand éteignoir qui éteint tous les cierges par-derrière l'un après l'autre; s'il ne les éteint pas entièrement, il reste un lumignon fumant qui dure long-temps, et qui consume le cierge. La grace vient de même éteindre la vie de la nature; mais cette vie opiniâtre fume encore long-temps, et nous consume par un feu secret, à moins que l'éteignoir ne soit bien appuyé, et qu'il n'étouffe absolument jusqu'aux moin

dres restes de ce feu caché.

Je veux que vous ayez le goût de ma destruction comme j'ai celui de la vôtre. Finissons, il est bien temps, une vieille vie languissante qui chicane toujours pour échapper à la main de Dieu. Nous vivons encore ayant reçu cent coups mortels.

Assurez-vous que je ne flatterai en rien M... et que je chercherai même à aller jusqu'au fond. Dieu fera le reste par vous. Votre patience, votre égalité, votre fidélité à n'agir avec lui que par grace, sans prévenir, par activité ni par industric, les moments de Dieu; en un mot, la mort continuelle à vous-même vous mettra en état de faire peu à peu mourir ce cher fils à tout ce qui vous paroît l'arrêter dans la voie de la perfection. Si vous êtes bien petite et bien dénuée de toute sagesse propre, Dieu vous donnera la sienne pour vaincre tous les obstacles.

N'agissez point avec lui par sagesse précautionnée, mais par pure foi et par simple abandon. Gardez le silence, pour le ramener au recueillement et à la fidélité, quand vous verrez que les paroles ne seront pas de saison. Souffrez ce que vous ne pourrez pas empêcher. Espérez, comme Abraham, contre l'espérance, c'est-à-dire attendez en paix que Dieu fasse ce qu'il lui plaira, lors même que vous ne pourrez plus espérer. Une telle espérance est un abandon; un tel état sera votre épreuve très douloureuse, et l'œuvre de Dieu en lui. Ne lui parlez que quand vous aurez au cœur de le faire, sans écouter la prudence humaine.

qu'il donne.

Je prends toujours grande part aux souffrances de votre chère malade, et aux peines de ceux que Dieu a mis si près d'elle pour lui aider à porter sa croix. Qu'elle ne se défie point de Dieu, et il saura mesurer ses douleurs avec la patience qu'il lui donnera. Il n'y a que celui qui a fait les cœurs, et qui les refait par sa grace, qui sache ces justes proportions. L'homme en qui il les observe les ignore; et ne connoissant ni l'étendue de l'épreuve future, ni celle du don de Dieu préparé pour la soutenir, il est dans une tentation de découragement et de désespoir. C'est comme un homme qui n'auroit jamais vu la mer, et qui, étant sur un rivage sans pouvoir fuir à cause d'un rocher escarpé, s'imagineroit que la mer, qui, remontant, pousseroit ses vagues vers lui, l'engloutiroit bientôt. Il ne verroit pas qu'elle doit s'arrêter à une certaine borne précise que le doigt de Dieu lui a marquée, et il auroit plus de peur que de mal.

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Dieu fait de l'épreuve du juste comme de la mer; il l'enfle, il la grossit, il nous en menace, mais il borne la tentation. Fidelis Deus, qui non patietur vos tentari supra id quod potestis '. Il daigne s'appeler lui-même fidèle. O qu'elle est aimable cette fidélité! Dites-en un mot à votre malade, et dites-lui que, sans regarder plus loin que le jour présent, elle laisse faire Dieu. Souvent ce qui paroît le plus lassant et le plus terrible se trouve adouci. L'excès vient, non de Dieu, qui ne donne rien de trop, mais de notre imagination, qui veut percer l'avenir, et de notre amour-propre, qui s'exagère ce qu'il souffre.

Ceci ne sera pas inutile à N........., qui se trouble quelquefois par la crainte de se troubler un jour. Tous les moments sont également dans la main de Dieu, celui de la mort comme celui de la vie. D'une parole il commande aux vents et à la mer ; ils lui obéissent et se calment. Que craiguez-vous, ô homme de peu de foi? Dieu n'est-il pas encore plus puissant que vous n'êtes foible?

180.

En venir enfin à la pratique. Simplicité et ses effets.

Vos dispositions sont bonnes; mais il faut réduire à une pratique constante et uniforme tout ce

i Cor.. x. 15.

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qu'on a en spéculation et en desir. Il est vrai qu'il faut avoir patience avec soi-même comme avec autrui, et qu'on ne doit ni se décourager ni s'impatienter à la vue de ses fautes: mais enfin il faut se corriger; et nous en viendrons à bout, pourvu que nous soyons simples et petits dans la main toute puissante qui veut nous façonner à sa mode, qui n'est pas la nôtre. Le vrai moyen de couper jusques à la racine du mal en vous, est d'amortir sans cesse votre excessive activité par le recucillement, et de laisser tout tomber pour n'agir qu'en paix, et par pure dépendance de la grace.

Soyez toujours petit à l'égard de N..........., et ne laissez jamais fermer votre cœur. C'est quand on sent qu'il se resserre qu'il faut l'ouvrir. La tentation de rejeter le remède en augmente la nécessité. N..... a de l'expérience: elle vous aime; elle vous soutiendra dans vos peines. Chacun a son ange gardien; elle sera le vôtre au besoin mais il faut une simplicité entière. La simplicité ne rend pas seulement droit et sincère, elle rend encore ouvert et ingénu jusqu'à la naïveté; elle ne rend pas seulement naïf et ingénu, elle rend encore confiant et docile.

181.

Suivre Dieu sans égard aux sentiments. Avantages des croix, et fruits qu'ou doit tirer de ses fautes.

car on ne devient parfait qu'en communiant, et il faut manger le pain descendu du ciel pour parvenir peu à peu à une vie toute céleste.

Pour vos croix, il faut les prendre comme la pénitence de vos péchés, et comme l'exercice de mort à vous-même qui vous mènera à la perfection. O que les croix sont bonnes! O que nous en avons besoin! Eh! que ferions-nous sans croix ? nous serions livrés à nous-mêmes, et enivrés d'amourpropre. Il faut des croix, et même des fautes, que Dieu permet pour nous humilier. Il faut mettre tout à profit, éviter les fautes dans l'occasion, et s'en servir pour se confondre dès qu'elles sont faites. Il faut porter les croix avec foi, et les regarder comme des remèdes très salutaires.

Craignez la hauteur; défiez-vous de ce que le monde appelle la bonne gloire; elle est cent fois plus dangereuse que la plus sotte. Le plus subtil poison est le plus mortel. Soyez douce, patiente, compatissante aux foiblesses d'autrui, incapable de toute moquerie et de toute critique. La charité croit tout le bien qu'elle peut croire, et supporte tout le mal qu'elle ne peut s'empêcher de voir dans le prochain. Mais, pour être ainsi morte au monde, il faut vivre à Dieu; et cette vie intérieure ne se puise que dans l'oraison. Le silence et la présence de Dieu sont la nourriture de l'ame.

182.

Je m'en tiens à ce que vous dites, qui est que vous résistez sans cesse à la volonté de Dieu. L'impression D'où vient la diminution des consolations et du recueille

ment. Renoncer à soi mème et aux créatures.

J'ai reçu votre dernière lettre. Il m'y paroît que Dieu vous fait de grandes graces, car il vous éclaire et poursuit beaucoup; c'est à vous à y correspondre. Plus il donne, plus il demande; et plus il demande, plus il est juste de lui donner.

Vous voyez qu'il retire ses consolations et l'attrait du recueillement, dès que vous vous laissez aller au goût des créatures qui vous dissipent. Jugez par là de la jalousie de Dieu, et de celle que vous devez avoir contre vous-même, pour n'être plus à vous, et pour vous livrer toute à lui sans réserve.

qu'il vous donne est d'être occupée de lui; mais les réflexions de votre amour-propre ne vous occupent que de vous-même. Puisque vous connoissez que vous seriez plus en repos si vous ne vouliez pas sans cesse, par vos efforts, atteindre à une oraison élevée, et briller dans la dévotion, pourquoi ne cherchez-vous pas ce repos? Contentez-vous de suivre Dieu, et ne prétendez pas que Dieu suive vos goûts pour vous flatter. Faites l'oraison comme les commençants les plus grossiers et les plus imparfaits, s'il le faut : accommodez-vous à l'attrait de Dieu et à votre besoin. H est vrai qu'il ne faut pas se troubler quand on sent en soi les goûts corrompus de l'amour-propre. Il ne dépend pas de nous de ne les sentir point; mais il n'y faut donner aucun consentement de la volonté, et laisser tomber ces sentiments involontaires, en se tour-sées et de tous les mouvements de notre cœur. Le nant d'abord simplement vers Dieu. Moyennant cette conduite, il faut communier, et il faut même communier pour la pouvoir tenir. Si vous attendiez à communier que vous fussiez parfaite, vous n'auriez jamais ni la communion ni la perfection;

Vous aviez bien raison de croire que le renoncement à soi-même, qui est demandé dans l'Évangile, consiste dans le sacrifice de toutes nos pen

moi, auquel il faut renoncer, n'est pas un je ne sais quoi ou un fantôme en l'air; c'est notre entendement qui pense, c'est notre volonté qui veut à sa mode par amour-propre. Pour rétablir le véritable ordre de Dieu, il faut renoncer à ce moi dé

réglé, en ne pensant et en ne voulant plus que selon l'impression de l'esprit de grace.

Yoilà l'état où Dieu se communique familièrement. Dès qu'on sort de cet état, on résiste à l'esprit de Dieu, on le contriste, et on se rend indigne de son commerce. C'est par miséricorde que Dieu vous rebute, et vous fait sentir sa privation dès que vous vous tournez vers les créatures: c'est qu'il veut vous reprocher votre faute, et vous en humilier, pour vous en corriger et pour vous rendre plus précautionnée. Alors il faut revenir humblement et patiemment à lui. Ne vous dépitez jamais, c'est votre écueil; mais comptez que le silence, le recueillement, la simplicité et l'éloignement du monde, sont pour vous ce que la mamelle de la nourrice est pour l'enfant.

185.

Patience envers soi-même et envers les autres.

Je suis véritablement attristé d'avoir vu hier votre cœur si malade. Il me semble que vous devez faire également deux choses: l'une est de ne suivre jamais volontairement les délicatesses de votre amour-propre; l'autre est de ne vous décourager jamais en éprouvant dans votre cœur ces dépits si déraisonnables. Voulez-vous bien faire? demandez à Dieu qu'il vous rende patiente avec les autres et avec vous-même. Si vous n'aviez que les autres à supporter, et si vous ne trouviez de misères qu'en eux, vous seriez violemment tentée de vous croire au-dessus de votre prochain. Dieu veut vous réduire, par une expérience presque continuelle de vos défauts, à reconnoître combien il est juste de supporter doucement ceux d'autrui. Eh! que serions-nous, si nous ne trouvions rien à supporter en nous, puisque nous avons tant de peine à supporter les autres, lors même que nous avons besoin d'un continuel support?

blesses qu'afin que vous recouriez plus vivement à lui. Il vous délivrera peu à peu de vous-même. O l'heureuse délivrance!

184.

Se supporter soi-même avec patience.

Vous vous réjouissez par jalousie des défauts de M...., que vous supportez le plus impatiemment: vous êtes plus choquée de ses bonnes qualités que de ses défauts. Tout cela est bien laid et bien honteux. Voilà ce qui sort de votre cœur, tant il en est plein, voilà ce que Dieu vous fait sentir, pour vous apprendre à vous mépriser, et à ne compter jamais sur la bonté de votre cœur. Votre amour-propre est au désespoir quand, d'un côté, vous sentez au-dedans de vous une jalousie si vive et si indigne, et quand, d'un autre côté, vous ne sentez que distraction, que sécheresse, qu'ennui, que dégoût pour Dieu. Mais l'œuvre de Dieu ne se fait en nous qu'en nous dépossédant de nous-mêmes, à force d'ôter toute ressource de confiance et de complaisance à l'amour-propre. Vous voudriez vous sentir bonne, droite, forte, et incapable de tout mal. Si vous vous trouviez ainsi, vous seriez d'autant plus mal que vous vous croiriez assurée d'être bien. Il faut se voir pauvre, se sentir corrompue et injuste, ne trouver en soi que misère, en avoir horreur, désespérer de soi, n'espérer plus qu'en Dieu, et se supporter soi-même avec une humble patience sans se flatter. Au reste, comme ces choses ne sont que des sentiments involontaires, il suffit que la volonté n'y consente point. Par là vous en tirerez le profit de l'humiliation, sans avoir l'infidélité d'adhérer à des sentiments si corrompus.

Ne cessez point de communier : la communion est le remède à la foiblesse des ames tentées qui veulent vivre de Jésus-Christ, malgré tous les soulèvements de leur amour-propre. Communiez, et travaillez à vous corriger. Vivez de Jésus-Christ, et vivez pour lui. Le point le plus capital pour vous n'est point la force, c'est la petitesse. Laissez-vous donc apetisser; ne réservez rien par courage et par sagesse humaine. Soyez docile, sans écouter votre propre raison. Apprenez à supporter autrui à force d'être réduite à vous supporter vous-même. Vous pensiez vous posséder; mais l'expérience vous montrera que c'est un amour-propre ombrageux, dépiteux et bizarre qui vous possède. J'espère que, dans la suite, vous ne songerez plus à vous posséder vous-même, et que vous vous laisserez pos

Tournez à profit toutes vos foiblesses en les acceptant, en les disant avec une humble ingénuité, et en vous accoutumant à ne compter plus sur vous. Quand vous serez bien sans ressource, et bien dépossédée de vous-même par un absolu désespoir de vos propres forces, Dieu vous apprendra à travailler dans une entière dépendance de sa grace pour votre correction. Ayez patience avec vous-même ; rabaissez-vous; rapetissez-vous; demeurez dans la boue de vos imperfections, non pour les aimer ni pour négliger leur correction, mais pour en tirer la défiance de votre cœur et l'humiliation profonde, comme on tire les plus grands remèdes des poisons mêmes. Dieu ne vous fait éprouver ces foi-séder de Dieu.

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