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moi à Dieu : alors paix, liberté et vie, malgré la 'trui, si poltron à la vue de l'ombre d'une croix, et douleur, la foiblesse et la mort même. si léger pour secouer tout à la première lueur flatteuse. Mais tout est bon. Dieu nous ouvre un étrange livre pour nous instruire, quand il nous fait lire dans notre propre cœur.

Ménagez vos forces d'esprit et de corps. Supportez-vous avec petitesse. M..... est votre bâton: on porte le bâton dont on est soutenu. Que ne puis-je vous aller voir! Mais que dis-je ? Dieu nous rapproche et nous unit; je suis en esprit au milieu de vous tous. Je prie Jésus enfant de vous apetisser de plus en plus. La force cachée de Jésus n'est que dans son enfance toute nue, toute pauvre d'esprit, tout abandonnée.

152.

Changer les maux en biens par la patience.

On change tous les maux en biens quand on les souffre en patience par amour pour Dieu. Au contraire, on change tous les biens en maux quand on s'y attache pour flatter son amour-propre. Le vrai bien n'est que dans le détachement et l'abandon à Dieu. Voici le temps de l'épreuve. C'est dans cette occasion qu'il faut se tenir dans les mains de Dieu avec confiance et union sans réserve. Que ne voudrois-je point donner pour vous voir au plus tôt parfaitement guérie de votre maladie, et plus encore de l'amour de ce monde? L'attachement à soi a cent fois plus de venin que la petite vérole. Le venin de l'amour-propre demeure au-dedans. Je prie de tout mon cœur pour vous.

153.

Dieu humilie l'ame par le sentiment de sa foiblesse.

Je suis dans une honteuse lassitude des croix. Il me semble qu'il ne me reste plus ni force ni haleine pour respirer dans la souffrance. La croix me fait horreur, et ma lâcheté m'en fait aussi. Je suis, entre ces deux horreurs, à charge à moimême. Je frémis toujours par la crainte de quelque nouvelle occasion de souffrance. Ce n'est pas vivre que de vivre ainsi : mais qu'importe? Notre vie, ne doit être qu'une mort lente. Il n'y a qu'à se délaisser à la volonté toute puissante qui nous crucifie peu à peu.

Mon cœur souffre dans ce moment sur ce que vous m'avez mandé, et votre souffrance augmente la mienne: mais il y a en moi, ce me semble, un fond d'intérêt propre et une légèreté dont je suis honteux. La moindre chose triste pour moi m'accable; la moindre qui me flatte un peu me relève sans mesure. Rien n'est si humiliant que de se trouver si tendre pour soi, si dur pour au

154.

Sur le même sujet.

Cette tristesse, qui vous fait languir, m'alarme et me serre le cœur. Je la crains plus pour vous que toutes les douleurs sensibles. Je sais par expérience ce que c'est que d'avoir le cœur flétri et dégoûté de tout ce qui pourroit lui donner du soulagement. Je suis encore à certaines heures dans cette disposition d'amertume générale, et je sens bien que si elle étoit sans intervalle, je ne pourrois y résister long-temps.

Je viens de faire une mission à Tournay : tout cela s'est assez bien passé, et l'amour-propre même y pourroit avoir quelque petite douceur; mais dans le fond le bien que nous faisons est peu de chose. Si on n'étoit soutenu par l'esprit de foi, pour travailler sans voir le fruit de son travail, on se décourageroit; car on ne gagne presque rien, ni sur les hommes pour les persuader, ni sur soi-même pour se corriger. Oh! qu'il y a loin depuis le mépris et la lassitude de soi-même jusqu'à la véritable correction! Je suis à moi-même tout un grand diocèse, plus accablant que celui du dehors, et que je ne saurois réformer. Mais il faut se supporter sans se flatter, comme on doit le faire pour le prochain.

155.

Souffrir sans perdre courage et avec fidélité, sous la main de Dieu, les opérations douloureuses qui nous rapetissent.

C'est dans la peine et dans l'amertume que je vous goûte davantage. J'ai vu de la candeur et de la petitesse dans vos lettres, et j'en remercie Dieu avec attendrissement. Il faut aimer ce que Dieu ¦aime, et je ne doute point qu'il ne nous aime davantage quand il nous rapetisse en nous rabaissant. Pendant que cette opération vous est douloureuse, comptez qu'elle vous est utile et nécessaire. Le chirurgien ne nous fait du mal qu'autant qu'il coupe dans le vif. Le malade ne sent rien quand on ne coupe que la chair déja morte. Si vous étiez mort aux choses dont il s'agit, leur retranchement ne vous causeroit aucune douleur.

Détachez-vous absolument, si vous voulez être en | fidélité à l'attrait de chaque moment,

paix et mourir à vous-même. Ne vous contentez pas de faire certains efforts, et d'être petit par secousses : délaissez-vous sans aucune réserve à Dieu, pour mourir à vous-même dans toute l'étendue de ses desseins. Courage sans courage humain : ne perdez pas les grands fruits de cette croix. Soumettezvous non-seulement à N..... pour vous laisser re

sans former

des projets ni employer certains moyens. Il suffit de demeurer dans une certaine paix où l'esprit de grace fait sentir ce qui seroit d'un mouvement propre, et d'une recherche secrète de sa satisfaction.

157.

dresser, mais encore aux plus petits qui se mêleront Sacrifice absolu de l'amour-propre par un continuel aban

de vous donner des avis à propos ou hors de propos. S'ils ne sont pas bons pour ceux qui les donneront par une critique indiscrète, ils seront excellents pour vous qui les recevrez en esprit de désappropriation et de mort.

:

Pour vos défauts, supportez-les avec patience, comme ceux du prochain, sans les flatter ni excuser. Il ne faut pas les vouloir garder, puisqu'ils déplaisent à Dieu mais il faut sentir votre impuissance de les vaincre, et profiter de l'abjection qu'ils vous causent à vos propres yeux pour désespérer de vous-même. Jusqu'à ce désespoir de la nature, il n'y a rien de fait. Mais il ne faut jamais désespérer des bontés de Dieu sur nous, et ne nous défier que de nous-mêmes. Plus on désespère de soi pour n'espérer qu'en Dieu sur la correction de ses défauts, plus l'œuvre de la correction est avancée. Mais aussi il ne faut pas que l'on compte sur Dieu sans travailler fortement de notre part. La grace ne travaille avec fruit en nous qu'autant qu'elle nous fait travailler sans relâche avec elle. Il faut veiller, se faire violence, craindre de se flatter, écouter avec docilité les avis les plus humiliants, et ne se croire fidèle à Dieu qu'à proportion des sacrifices qu'on fait tous les jours pour mourir à soi-même.

156.

don de soi-même entre les mains de Dieu.

N..... vous dira combien je suis occupé de vous, et avec quel plaisir j'apprends que vous êtes en paix. O le grand sacrifice que la simplicité! c'est le martyre de l'amour-propre. Ne plus écouter, c'est la véritable abnégation. On aimeroit mieux souffrir les plus cruels tourments. Dix ans d'austérités corporelles ne seroient rien en comparaison de ce retranchement des jalousies et des délicatesses de l'amour-propre, toujours curieux sur soi.

Cet abandon seroit le plus grand de tous les soutiens, s'il étoit aperçu avec certitude : mais il ne seroit plus abandon, si on le possédoit; il seroit la plus riche et la plus flatteuse possession de nous-mêmes. Il faut donc que l'abandon qui nous donne tout nous cache tout, et qu'il soit lui-même caché. Alors ce dépouillement total nous donne en réalité toutes les choses qu'il dérobe à notre amour-propre. C'est que l'unique trésor du cœur est le détachement. Quiconque est détaché de tout et de soi retrouve tout et soi-même en Dicu. L'amour de Dieu s'enrichit de tout ce que l'amourpropre avare a perdu.

Vivez donc et mourez tous les jours sur le fumier de Job. Jésus-Christ nous a enrichis, comme parle saint Paul', non de ses richesses visibles et éclatantes, mais de sa seule pauvreté. Nous voudrions des étoffes d'or; mais il ne nous faut que

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Se laisser juger, et se corriger en suivant l'esprit de grace. la nudité de Jésus-Christ sur la croix, ou ses vê

moi

tements déchirés en plusieurs morceaux, et abanC'est à N..... à se laisser juger par les person- donnés à ceux qui le crucifient. Je dis tout bien à nes qui le connoissent, et qui sont unies avec lui mon aise, moi qui cherche le repos et la consoladans la même voie. Ce n'est pas assez de croiretion, moi qui crains la peine et la douleur, ce dont nous avons l'expérience; il faut croire qui crie les hauts cris dès que Dieu coupe dans le tout, quoiqu'on ne le voie pas, et le supposer vif; mais enfin c'est la vérité qui me condamne, vrai. Je compte que c'est faute d'attention que et à la condamnation de laquelle je souscris au N..... ne l'a pas vu. Il reste le point principal, fond de mon cœur, si je ne me trompe. Faites de qui est de se corriger ; c'est à quoi il faut travailler en la manière qui convient: il faut le faire avec paix, simplicité et petitesse. Dieu veuille qu'il le fasse comme je le dis!

Je crois qu'il ne doit point avoir d'activité pour sa correction, et qu'elle doit venir par une simple

même.

II Cor., VIII, 9.

158.

son Fils. Les croix font partie du pain quotidien. Dieu en règle la mesure selon nos vrais besoins.

Abandon à la seule volonté de Dieu; détachement de tout qu'il connoît, et que nous ignorons. Laissons-le

le reste.

J'entre dans vos peines. Que ne puis-je faire quelque chose de plus! Il faut imiter la foi d'Abraham, et aller toujours sans savoir où. On ne s'égare que par se proposer un but de son propre choix. Quiconque ne veut rien que la seule volonté de Dieu la trouve partout, de quelque côté que la Providence le tourne; et par conséquent il ne s'égare jamais. Le véritable abandon n'ayant aucun chemin propre, ni dessein de se contenter, va toujours droit comme il plaît à Dieu. La voie droite est de se renoncer, afin que Dieu seul soit tout, et que nous ne soyons rien. J'espère que celui qui nourrit les petits oiseaux aura soin de vous. Heureux celui qui, comme Jésus-Christ, n'a pas de quoi reposer sa tête! Quand on s'est livré à la pauvreté intérieure même, doit-on craindre l'extérieure? Soyez fidèle à Dieu, et Dieu le sera à ses promesses. Faites honneur à la religion qui est si méprisée, et elle vous le rendra avec usure. Montrez au monde un courtisan qui vit de pure foi.

Craignez votre vivacité empressée, votre goût pour le monde, votre ambition secrète qui se glisse sans que vous l'aperceviez. Ne vous engouez point de certaines conversations de politique ou de joli badinage, qui vous dissipent, qui vous indisposent au recueillement et à l'oraison. Parlez peu; coupez court; ménagez votre temps; travaillez avec ordre et de suite; mettez les œuvres en la place des beaux discours. Encore une fois, l'avenir n'est point encore à vous; il n'y sera peutêtre jamais. Bornez-vous au présent; mangez le pain quotitien. Demain aura soin de lui-même : à chaque jour suffit son mal'. C'est tenter Dieu que de faire provision de manne pour deux jours; elle se corrompt. Vous n'avez point aujourd'hui la grace de demain : elle ne viendra qu'avec demain lui-même. Moment présent, petite éternité

pour nous.

159.

Porter la croix, et s'abandonner à la Providence.

On ne peut être plus vivement touché que je le suis de tout ce qui vous est arrivé. Il faut porter la croix comme un trésor; c'est par elle que nous sommes rendus dignes de Dieu, et conformes à

Matth., VI, 54.

faire, et abandonnons-nous à sa main. Soyez enfant de la Providence. Laissez raisonner vos parents et amis. Ne pensez point de loin à l'avenir. La manne se corrompoit quand on vouloit par précaution en faire provision pour plus d'un jour. Ne dites point: Qu'est-ce que nous ferons demain? Le jour de demain aura soin de luimême. Bornez-vous aujourd'hui au besoin présent; Dieu vous donnera en chaque jour les secours proportionnés à ce besoin-là. Inquirentes autem Dominum non minuentur omni bono 1. La Providence feroit des miracles pour nous; mais nous empêchons ces miracles à force de les prévenir. Nous nous faisons nous-mêmes, par une industrie inquiète, une providence aussi fautive que celle de Dieu seroit assurée.

Quant à N...., il aime la religion et a des principes de vertu; mais il a besoin d'être nourri et soutenu. Il faut le secourir sans le gêner. Vous connoissez son esprit vif et ses longues habitudes; il faut lui passer bien des choses que je ne vous passerois pas. Dieu sait mieux que nous ce qu'il a mis dans chaque homme, et ce qu'il doit exiger de lui. Ménagez, supportez, respectez, espérez, fiez-vous au maître des cœurs, qui est fidèle à ses promesses. Soyez fidèle et docile vous-même. Mettez à profit vos foiblesses par une défiance infinie de vous-même, et par une souplesse enfantine pour vous laisser corriger. La petitesse sera votre force dans la foiblesse même.

160.

Sur le même sujet.

Je ne doute point que notre Seigneur ne vous traite toujours comme l'un de ses amis, c'est-àdire avec des croix, des souffrances et des humiliations. Ces voies et ces moyens, dont Dieu se sert pour attirer à soi les ames, font bien mieux et plus vite cette affaire, que non pas les propres efforts de la créature; car cela détruit de soimême et arrache les racines de l'amour-propre, que nous ne pourrions pas même découvrir qu'à grande peine; mais Dieu, qui connoît ses tanières, le va attaquer dans son fort et sur son fonds.

Si nous étions assez forts et fidèles pour nous confier tout-à-fait à Dieu, et le suivre simplement par où il voudroit nous mener, nous n'aurions pas

Ps. XXXII, 11.

besoin de grandes applications d'esprit pour travailler à la perfection; mais parce que nous sommes si foibles dans la foi que nous voulons savoir partout où nous allons, sans nous en fier à Dieu, c'est ce qui alonge notre chemin, et qui gâte nos affaires spirituelles. Abandonnez-vous tant que vous pourrez à Dieu, et jusques au dernier respir; et il ne vous délaissera pas.

161.

Ne point agir par naturel, et amortir sa vivacité.

Suivez la voie de mort dans laquelle notre Seigueur vous a mis, et travaillez à amortir cette vivacité de votre naturel qui vous entraîne dans ce que vous faites. Soyez persuadé que tout ce que nous faisons par ce que nous sommes, je veux dire selon notre humeur et tempérament, n'ayant rien de surnaturel, nous rend ce que nous faisons inutile pour nous avancer en Dieu; et parce que sa divine majesté demande des ames qu'elle attire à soi un retour ou recoulement perpétuel dans notre fin dernière, et dans la plénitude du vrai bien; lorsque nous agissons par nous-mêmes et selon notre humeur, tout ce que nous faisons se réfléchit sur nous-mêmes et en demeure là, et Dieu n'y a point de part.

Vous voyez donc de quelle importance il vous est de réprimer la vivacité de vos humeurs et passions, et que c'est très peu de chose de voir et pénétrer les secrets de la vie spirituelle, si on ne met point en exécution les moyens qui sont nécessaires pour parvenir à sa fin, qui est l'union réelle et véritable avec Dieu. Ceci ne demande point d'occupation de tête ni d'esprit, mais bonne volonté dans les occasions qui se présentent.

162.

Souffrir avec abandon, et boire le calice d'amertume jusqu'à la dernière goutte.

J'espère, monsieur, que, dans cet état de séparation et d'amertume, vous trouverez, loin des créatures, la plus puissante consolation. Dieu vous fera goûter ce qu'il est par lui-même quand tout le reste manque. La longueur de cette épreuve servira à vous endurcir contre vous-même, et à pousser sans bornes votre abandon. Quand on se livre à Dieu pendant le temps de paix et de calme, on ne sait ni ce qu'on veut ni ce qu'on promet : quoique l'abandon soit sincère, il est encore bien superficiel; mais quand le calice plein d'amertume

se présente, alors la nature frémit, on est triste et craintif jusqu'à la mort, comme Jésus-Christ au jardin des Oliviers; on sue sang et eau; on dit : Que ce calice soit éloigné de moi ' ! Heureux qui étouffe cette répugnance et ce soulèvement de la nature, pour ajouter, comme le Fils de Dieu : Cependant que votre volonté se fasse, et non pas la mienne. En vérité, monsieur, je serois bien fàché que vous perdissiez la moindre goutte du calice que Dieu vous présente. C'est maintenant qu'il faut exercer votre foi et votre amour. Oh! que Dieu vous aime, puisqu'il vous frappe sans pitié! Quelque sacrifice qu'il vous demande, n'hésitez jamais. L'état de tristesse qui serre votre cœur, et la vue d'un objet affligeant qui est à toute heure devant vos yeux, me fait craindre pour votre santé. Ménagez-la, profitez des petits soulagements qui se présenteront; faites-le avec simplicité.

163.

La volonté de Dieu doit être notre tout.

Je vous souhaite la paix du cœur et la joie du Saint-Esprit, qui se trouve au milieu de toutes les croix et de toutes les tentations de la vie. C'est la différence essentielle entre la Babylone et la cité de Dieu. Un habitant de Babylone, quelque prospérité mondaine qui l'enivre, a un je ne sais quoi qui dit au fond du cœur : Ce n'est pas assez; je n'ai pas tout ce que je voudrois, et j'ai encore ce que je ne voudrois pas. Au contraire, l'habitant de la cité sainte porte au fond de son cœur un fiat et un amen continuel. Il veut toutes ses peines, et il ne veut aucune des consolations dont Dieu le prive. Demandez-lui ce qu'il veut, il vous répondra que c'est précisément ce qu'il a. La volonté de Dieu, dans le moment présent, est le pain quotidien qui est au-dessus de toute substance. Il veut tout ce que Dieu veut en lui et pour lui. Cette volonté fait le rassasiement de son cœur; c'est la manne de tous les goûts. Glorificaveris eum, dit Isaïe 2, dum non facis vias tuas, et non invenitur voluntas tua ut loquaris sermonem. Aussi est-il dit de la nouvelle Jérusalem: Vocaberis voluntas mea in ea 3. Elle n'aura plus d'autre nom; on n'en pourra plus avoir d'autre idée; elle ne sera plus rien d'elle-même. Comme saint Jean n'étoit qu'une voix annonçant Jésus-Christ, Jérusalem n'est plus que la seule volonté de Dieu en elle. Ce n'est plus elle qui vit

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et qui veut; c'est l'époux vivant et voulant dans l'épouse. Quelle est donc sa volonté sur vous? c'est que vous n'en ayez plus aucune, que vous ne trouviez plus en vous de quoi vouloir, que vous laissiez Dieu vouloir en vous tout ce qui est selon son esprit. Qui autem scrutatur corda, scit quid desideret Spiritus; quia secundum Deum postulat pro sanctis'. Soyez donc l'homme de la volonté de Dieu, virum voluntatis meæ2. Ne la gênez en vous par aucune borne de volonté et de pensée propre, par aucun arrangement à votre mode.

La plupart des gens de bien, sous de beaux prétextes, font ce que saint Augustin reprochoit aux demi-pélagiens, qui étoit de vouloir que les mérites naturels précédassent, et que la grace suivit la nature gratia pedissequa. On veut que Dieu veuille ce que nous voulons, afin que nous voulions notre propre volonté dans la sienne. Il faut que la volonté de Dieu démonte la nôtre, et qu'il soit lui seul toutes choses en nous.

164.

Manière de bien porter sa croix.

Portez en paix vos croix intérieures. Les extérieures sans celles de l'intérieur ne seroient point des croix; elles ne seroient que des victoires continuelles, avec une flatteuse expérience de notre force invincible. De telles croix empoisonneroient le cœur, et charmeroient notre amour-propre. Pour bien souffrir, il faut souffrir foiblement et sentant sa foiblesse ; il faut se voir sans ressource au-dedans de soi; il faut être sur la croix avec Jésus-Christ, et dire comme lui: Mon Dieu, mon Dieu, combien m'avez-vous abandonné! Oh! que la paix de la volonté, dans ce désespoir de l'amourpropre, est précieuse aux yeux de celui qui la fait en nous sans nous la montrer ! Nourrissez-vous de cette parole de saint Augustin, qui est d'autant plus vivifiante qu'elle porte au cœur une mort totale de l'amour-propre : « Qu'il ne soit laissé en moi » rien de moi-même, ni de quoi jeter encore un » regard sur moi ; » nihil in me relinquatur mihi, nec quo respiciam ad me ipsum. N'écoutez point votre imagination, ni les réflexions d'une sagesse humaine : laissez tomber tout, et soyez dans les mains du bien-aimé. C'est sa volonté et sa gloire qui doivent nous occuper.

Rom., VIII. 27. • Isai.. XLVI, 11.

165.

Consentir à n'être rien, et se laisser consumer par une mort entière.

Soyez un vrai rien en tout et partout; mais il ne faut rien ajouter à ce pur rien. C'est sur le rien qu'il n'y a aucune prise. Il ne peut rien perdre. Le vrai rien ne résiste jamais, et il n'a point un moi dont il s'occupe. Soyez donc rien, et rien au-delà; et vous serez tout sans songer à l'être. Souffrez en paix ; abandonnez-vous; allez, comme Abraham, sans savoir où. Recevez des hommes le soulagement que Dieu vous donnera par eux. Ce n'est pas d'eux, mais de lui par eux, qu'il faut le recevoir. Ne mêlez rien à l'abandon, non plus qu'au rien. Un tel vin doit être bu tout pur et sans mélange; une goutte d'eau lui ôte toute sa vertu. On perd infiniment à vouloir retenir la moindre ressource propre. Nulle réserve, je vous conjure.

Il faut aimer la main de Dieu qui nous frappe et qui nous détruit. La créature n'a été faite que pour être détruite au bon plaisir de celui qui ne l'a faite que pour lui. O heureux usage de notre substance! Notre rien glorifie l'Être éternel et le tout Dieu. Périsse donc ce que l'amour-propre vou droit tant conserver! Soyons l'holocauste que le feu de l'amour réduit en cendres. Le trouble ne vient jamais que d'amour-propre; l'amour divin n'est que paix et abandon. Il n'y a qu'à souffrir, qu'à laisser tomber, qu'à perdre, qu'à ne retenir rien, qu'à n'arrêter jamais un seul moment la main crucifiante. Cette non-résistance est horrible à la nature: mais Dieu la donne; le bien-aimé l'adoucit, il mesure toute tentation.

Mon Dieu, qu'il est beau de faire son purgatoire en ce monde ! La nature voudroit ne le faire ni en cette vie ni en l'autre; mais Dieu le prépare en ce monde, et c'est nous qui, par nos chicanes, en faisons deux au lieu d'un. Nous rendons celui-ci tellement inutile par nos résistances, que tout est encore à recommencer après la mort. Il faudroit être dès cette vie comme les ames du purgatoire, paisibles et souples dans la main de Dieu, pour s'y abandonner, et pour se laisser détruire par le feu vengeur de l'amour. Heureux qui souffre ainsi!

Je vous aime et vous respecte de plus en plus sous la main qui vous brise pour vous purifier. Oh! que cet état est précieux! Plus vous vous y trouverez vide et privée de tout, plus vous m'y paroitrez pleine de Dieu et l'objet de ses complaisances. Quand on est attaché sur la croix avec Jésus-Christ. on dit comme lui : O Dieu, ô mon Dieu, combien

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