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pur amour, qui veut tout pour Dieu, et rien pour | évidente et ridicule contradiction. Chaque mo

la créature. Le péché de l'ange fut un péché de propriété; stetit in se, comme parle saint Augustin. La propriété bien entendue n'est donc que l'amour-propre ou l'orgueil, qui est l'amour de sa propre excellence en tant que propre, et qui, au lieu de rapporter tout et uniquement à Dieu, rapporte encore un peu les dons de Dieu à soi, pour s'y complaire. Cet amour-propre fait, dans l'usage des dons extérieurs, la plupart des défauts sensibles. Dans l'usage des dons intérieurs, il fait une recherche très subtile et presque imperceptible de soi-même dans les plus grandes vertus, et c'est cette dernière purification qui est la plus rare et la plus difficile.

ment d'amour et d'oraison renferme son acte particulier il n'y a que le renouvellement positif d'un acte qui puisse le faire continuer. Il est vrai seulement que quand une personne qui ne connoît point ses opérations intérieures par les vrais principes de philosophie, se trouve dans une paix et une union habituelle avec Dieu, elle croit ou ne faire aucun acte, ou en faire un perpétuel; parce que les actes qu'elle fait sont si simples, si paisibles, et si exempts de tout empressement, que l'uniformité leur ôte une certaine distinction sensible.

J'ai dit que l'amour est un desir, et cela est vrai en un sens, quoiqu'en un autre l'amour pur Les mystiques appellent aussi souvent impu- et paisible ne soit pas un desir empressé. Ce reté les empressements de l'amour intéressé, qui qu'on appelle d'ordinaire un desir est une inquiétroublent la paix d'une ame attirée à la générositétude et un élancement de l'ame pour tendre vers du pur amour. L'amour intéressé n'est point un péché ; et il ne peut être permis, dans ce langage, de l'appeler une impureté, qu'à cause qu'il est différent de l'amour désintéressé que l'on nomme pur. L'amour intéressé se trouve souvent dans de très grands saints, et il est capable de produire d'excellentes vertus.

La désappropriation bien entendue n'est donc que l'abnégation entière de soi-même selon l'Evangile, et la pratique de l'amour désintéressé dans toutes les vertus. La cupidité, qui est opposée à la charité, ne consiste pas seulement dans la concupiscence charnelle et dans tous les vices grossiers, mais encore dans cet amour spirituel et déréglé de soi-même pour s'y complaire.

L'attrait intérieur dont les mystiques ont lant parlé n'est point une inspiration miraculeuse et prophétique, qui rende l'ame infaillible, ni impeccable, ni indépendante de la direction des pasteurs; ce n'est que la grace, qui est sans cesse prévenante dans tous les justes, et qui est plus spéciale dans les ames élevées par l'amour désintéressé, et par la contemplation habituelle, à un état plus parfait. Ces ames peuvent se tromper, pécher, avoir besoin d'être redressées. Elles ne peuvent même marcher sûrement dans leur voie que par l'obéissance.

Les desirs ne cessent point, non plus que les actes, dans cette voie; car l'amour, qui est le fond de la contemplation, est un desir continuel de l'Époux bien aimé, et ce desir continuel est divisé en autant d'actes réels qu'il y a de moments successifs où il continue. Un acte simple, indivisible, toujours subsistant par lui-même s'il n'est révoqué, est une chimère qui porte avec elle une

quelque objet qu'elle n'a pas ; en ce sens, l'amour paisible ne peut être un desir : mais si on entend par le desir la pente habituelle du cœur, et son rapport intime à Dieu, l'amour est un desir; et en effet, quiconque aime Dieu veut tout ce que Dieu veut. Il veut son salut, non pour soi, mais pour Dieu, qui veut être glorifié par-là, et qui nous commande de le vouloir avec lui. L'amour est insatiable d'amour; il cherche sans cesse son propre accroissement par la destruction de tout ce qui n'est pas lui en nous. Quoiqu'il ne dise pas formellement: Je veux croître, qu'il ne sente pas toujours une impatience pour son accroissement, et qu'il ne s'excite pas même par secousses et avec empressement pour faire de nouveaux progrès, il tend néanmoins, par un mouvement paisible et uniforme, à détruire tous les obstacles des plus légères imperfections, et à s'unir de plus en plus à Dieu. Voilà le vrai desir qui fait toute la vie intérieure.

Pour les desirs particuliers sur les moyens qu'on croit les plus propres pour procurer la gloire de Dieu, ils peuvent être bons; mais aussi j'avoue qu'ils me sont suspects lorsqu'ils sont accompagnés, comme vous me le dites, de trouble et d'inquiétude, et qu'ils vous font sortir de votre recueillement ordinaire. Vouloir âprement la gloire de Dieu, et à notre mode, 'c'est moins vouloir sa gloire que notre propre satisfaction. Dieu peut donner aux ames, par sa grace, certains desirs particuliers, ou pour des choses qu'il veut accorder à leurs prières, ou pour les exercer elles-mêmes par ces desirs. Ils peuvent même être très forts, et très puissants sur l'ame. Ce n'est pas leur force qui m'est suspecte; ce que je crains, l'âpreté, c'est l'inquiétude qui fait cesser le re

c'est

cueillement. Je demande donc que, sans combat- | tre le desir, on n'y tienne point, et qu'on ne veuille pas même en juger. Si ces desirs viennent de Dieu, il saura bien les faire fructifier pour vous et pour les autres. S'ils viennent de votre empressement, la plus sûre manière de les faire cesser est de ne vous y arrêter point volontairement. Bornez-vous donc, ma chère sœur, à bien vouloir de tout votre cœur toutes les volontés connues de Dieu par sa loi et par sa providence, et toutes les inconnues qui sont cachées dans ses conseils sur l'avenir.

Voilà les principales choses de la doctrine de la vie intérieure, que je ne puis vous expliquer ici qu'en abrégé et à la bâte, mais qui sont capitales pour vous préserver de l'illusion. Si ces choses ont besoin d'un éclaircissement plus exact et plus étendu, je vous en dirai volontiers ce que j'en connois, qui est conforme aux propositions de messeigneurs de Paris et de Meaux '.

Pour vous, ma chère sœur, ce qui me paroît le plus utile à votre sanctification, c'est que vous fuyiez ce qu'on appelle le goût de l'esprit, et la curiosité: noli altum sapere. Faites taire votre esprit, qui se laisse trop aller au raisonnement. Surtout n'entreprenez jamais de régler votre conduite intérieure, ni celle des sœurs à qui vous pouvez parler suivant l'ordre de vos supérieures, par vos lectures. Les meilleures choses que vous lisez peuvent se tourner en poison, si vous les prenez selon votre propre sens. Lisez donc pour vous édifier, pour vous recueillir, pour vous nourrir intérieurement, pour vous remplir de la vérité, mais non pour juger par vous-même, ni pour trouver votre direction dans vos lectures. Ne lisez rien par curiosité, ni par goût des choses extraordinaires : ne lisez rien que par conseil, et en esprit d'obéissance à vos supérieurs, auxquels il ne faut jamais rien cacher. Souvenez-vous que, si vous n'êtes comme les petits enfants, vous n'entrerez point au royaume du ciel. Desirez le lait comme les petits enfants nouveau-nés; desirez-le sans artifice. Souvenez-vous que Dieu cache ses conseils aux sages et aux prudents, pour les révéler aux petits; sa conversation familière est avec les simples. Il n'est pas question d'une simplicité badine, et qui se relâche sur les vertus : il s'agit d'une simplicité de candeur, d'ingénuité, de rapport unique à Dieu seul, et de défiance sincère de soi-même en tout. Vous avez besoin de devenir plus petite et plus pauvre d'esprit qu'une autre. Après avoir tant tra

Les Articles d'Issy.

vaillé à croître et à orner votre esprit, dépouillez-le de toute parure; ce n'est pas en vain que J.-C. dit : Bienheureux les pauvres d'esprit. Ne parlez jamais aux autres, qu'autant que vos supérieurs vous y obligeront vous avez besoin de ne point épancher au-dehors le don de Dieu qui se tariroit aisément en vous. On se dissipe quelquefois en parlant des meilleures choses; on s'en fait un langage qui amuse, et qui flatte l'imagination, pendant que le cœur se vide et se dessèche insensiblement. Ne vous croyez point avancée, car vous ne l'êtes guère: ne vous comparez jamais à personne; laissez-vous juger par les autres, quoiqu'ils n'aient pas une grande lumière. Ne comptez jamais sur vos expériences, qui peuvent être très défectueuses. Obéissez et aimez : l'amour qui obéit marche dans la voie droite, et Dieu supplée à tout ce qui pourroit lui manquer. Oubliez-vous vous-même, non au préjudice de la vigilance, qui est essentiellement inséparable du véritable amour de Dieu, mais pour les réflexions inquiètes de l'amourpropre.

Vous trouverez peut-être, ma chère sœur, que j'entre bien avant dans les questions de doctrine, en vous écrivant une lettre où je vous exhorte à vous détacher de tout ce qu'on appelle esprit de science mais vous savez que c'est vous qui m'avez questionné. Il s'agit de vous mettre le cœur en paix, de vous montrer les vrais principes et les bornes au-delà desquelles vous ne pourriez aller sans tomber dans l'illusion, et de vous ôter aussi le scrupule sur les véritables voies de Dieu. On ne peut pas vous parler aussi sobrement qu'à une autre, parce que vous avez beaucoup lu et raisonné sur toutes ces matières. Tout ce que je viens de vous dire ne vous apprendra rien de nouveau; il ne fera que vous montrer les bornes, et que vous préserver des piéges à craindre. Après vous avoir parlé, ma chère sœur, avec tant de confiance et d'ouverture, je n'ai garde de finir cette lettre par des compliments. Il me suffit de me recommander à vos prières, et de me souvenir de vous dans les miennes. Je vous supplie que j'ajoute ici une assurance de ma vénération pour la mère prieure, et pour les autres dont je suis connu. Rien n'est plus fort et plus sincère que le zèle avec lequel je vous serai dévoué toute ma vie en notre Seigneur.

14.

15.

Sur la doctrine spirituelle de saint Jean de la Croix; recourir au directeur en esprit de foi et d'obéissance.

30 novembre.

Que direz-vous de moi, ma chère sœur? je n'ai pas encore eu un moment libre pour lire votre Vie du bienheureux Jean de la Croix; mais je m'en vais la lire au plus tôt, et bien exactement. Pour vos lettres où vous me parlez de ses maximes, je les approuve du fond de mon cœur : ces maximes sont de l'esprit de Dieu, et il ne peut jamais y en avoir de contraires qui ne soient pernicieuses. Il y a même, dans ces maximes bien entendues, de grands principes de vie intérieure qui demandent beaucoup d'expérience et de grace. Ce que je souhaite de vous, ma chère sœur, c'est que vous ne vous fassiez jamais un appui des talents humains dans votre obéissance. N'obéissez point à un homme parce qu'il raisonne plus fortement ou parle d'une manière plus touchante qu'un autre, mais parce qu'il est l'homme de Providence pour vous, et qu'il est votre supérieur, ou que vos supérieurs agréent qu'il vous conduise, et que vous éprouvez, indépendamment du raisonnement et du goût humain, qu'il vous aide plus qu'un autre à vous laisser subjuguer par l'esprit de grace, et à mourir à vous-même. Le directeur ne nous sert guère à nous détacher de notre propre sens, quand ce n'est que par notre propre sens que nous tenons à lui. O ma chère sœur, que je voudrois vous appauvrir du côté de l'esprit ! Écoutez saint Paul': Vous êtes prudents en Jésus-Christ; pour nous, nous sommes insensés pour lui. Ne craignez point d'être indiscrète; à Dieu ne plaise que je veuille de vous aucune indiscrétion ! mais je ne voudrois laisser en vous qu'une sagesse de pure grace, qui conduit simplement les ames fidèles, quand elles ne se laissent aller ni à l'humeur, ni aux pas sions, ni à l'amour-propre, ni à aucun mouvement naturel. Alors ce qu'on appelle dans le monde esprit, raisonnement et goût, tombera. Il ne restera qu'une raison simple, docile à l'esprit de Dieu, et une obéissance d'enfant pour vos supérieurs, sans regarder en eux autre chose que Dieu. Je le prie d'être lui seul toutes choses en

vous.

I Cor., IV, 10.

Contre le goût de l'esprit.

10 décembre.

J'ai beaucoup pensé à vous devant Dieu depuis deux ou trois jours. Je ne saurois souffrir votre esprit, ni le goût que vous avez pour celui des autres. Je voudrois vous voir pauvre d'esprit, et ne vous reposant plus que dans le commerce des simples et des petits. Les talents sont de Dieu, et ils sont bons quand on en use sans y tenir; mais quand on les recherche, quand on les préfère à la simplicité, quand on dédaigne tout ce qui en est dépourvu, quand on veut toujours le plus sublime dans les dons de Dieu, on n'est point encore dans le goût de pure grace. Au nom de Dieu, laissez là votre esprit, votre science, votre goût, votre discernement. Le bienheureux Jean de la Croix donnoit bien moins à l'esprit que vous. Plus d'autre esprit que l'esprit de Dieu. La véritable grace nous fait tout à tous indistinctement ; elle rabaisse tous les talents, elle aplanit tout, elle fait qu'on est ravi d'être avec les gens les plus grossiers et les plus idiots, pourvu qu'on y soit pour faire la volonté de Dieu. Pardon, ma chère sœur, de mes indiscrétions. Mille et mille fois tout à vous en notre Seigneur Jésus-Christ.

16.

Précautions à prendre contre l'illusion dans les voies inté

rieures; s'exercer surtout à l'humilité.

J'ai pensé, ma chère sœur, à tout ce que vous m'avez dit en si peu de temps, et Dieu sait combien je m'intéresse à tout ce qui vous touche. Je ne saurois assez vous recommander de compter pour rien toutes les lumières de grace, et les communications intérieures qu'il vous paroît que vous recevez. Vous êtes encore dans un état d'imperfection et de mélange, où de telles lumières sont tout au moins très douteuses et très suspectes d'illusion. Il n'y a que la conduite de foi qui soit assurée, comme le bienheureux Jean de la Croix le dit si souvent. Sainte Thérèse même paroit avoir presque perdu toute lumière miraculeuse dans sa septième demeure du Château de l'Ame. Vous avez un besoin infini de ne compter pour rien tout ce qui paroit le plus graud, et de demeurer dans la voie où l'on ne voit rien que les maximes de la pure foi et de la pratique du parfait amour. Je me souviens de vous avoir écrit autrefois là

de vrai, servez-vous-en comme de ce qui est à Dieu; et si j'y ai mis quelque chose qui soit mauvais, rejetez-le comme mien. J'avoue que je souhaiterois pour votre sûreté, que monsieur votre supérieur, qui est plein de mérite, de science et de vertu, vous tînt aussi bas que vous devez l'être. Il s'en faut beaucoup que vous ne soyez dans la véritable lumière qui vient de l'expérience de la perfection. Vous n'êtes que dans un commencement, où vous prendrez facilement le change avec bonne intention, et où l'approbation de vos supérieurs et de vos anciennes est fort à craindre pour vous. Vous avez une sorte de simplicité que j'aime fort; mais elle ne va qu'à retrancher tout artifice et toute affectation : elle ne va pas encore jusqu'à retrancher les goûts spirituels, et certains petits retours subtils sur vous-même. Vous avez besoin de ne vous arrêter à rien, et de ne compter pour rien tout ce que vous avez, même ce qui vous est donné; car ce qui vous est donné, quoique bon du côté de Dieu, peut être mauvais par l'appui que vous en tirerez en vous-même. Ne tenez qu'aux vérités de la foi, pour crucifier sans réserve encore plus le dedans que le dehors de l'homme. Gardez dans votre cœur l'opération de la grace, et ne l'épanchez jamais sans nécessité. Il y auroit mille choses simples à vous dire sur cette conduite de foi; mais le détail n'en peut être marqué ici, car il seroit trop long, et on ne sauroit tout prévoir. J'espère que Dieu vous conduira lui-même, si vous êtes fidèle à contenter toute la jalousie de sou amour, sans écouter votre amour-propre. Je le prie d'être toutes choses en vous, et de vous préserver de toute illusion; ce qui arrivera si vous allez, comme dit le bienheureux Jean de la Croix, toujours par le non-savoir dans les vérités inépuisables de l'abnégation de vous-même n'en cherchez point d'autres. Tout à vous en Jésus-Christ notre Seigneur. A lui seul gloire à jamais.

dessus une lettre. Si elle contient quelque chose | lecture, avec un esprit accoutumé au raisonnement dès votre enfance. On pourroit même vous croire bien plus avancée que vous ne l'êtes. Voilà ce qui me fait tant desirer que vous marchiez toujours dans la voie de la plus obscure foi et de la plus simple obéissance. Vous ne sauriez trop abattre votre esprit, ni vous défier trop de vos lumières et de toutes les graces sensibles. Il ne faut pas les rejeter, afin que Dieu en fasse en vous tout ce qu'il lui plaira, supposé qu'elles viennent de lui: mais il ne faut pas s'y arrêter un scul instant, et cela n'empêchera point leur effet, si c'est Dieu qui en est la source. Tout ce que vous m'avez écrit me semble bon, et je vous prie de n'aller pas plus loin. Communiquez-vous peu aux autres; ne le faites que par pure obéissance, et d'une manière proportionnée au degré de chaque personne. Il faut que les ames de grace se communiquent comme la grace même, qui prend toutes les formes. Ce n'est pas pour dissimuler, mais seulement pour ne dire à chacun que les vérités qu'il est capable de porter, réservant la nourriture solide aux forts, pendant qu'on donne le lait aux enfants. Le dépôt entier de la vérité est dans la tradition indivisible de l'Église; mais on ne le dispense que par morceaux, suivant que chacun est en état d'en recevoir plus ou moins. Je serai très aise de savoir de vos vues et de vos dispositions tout ce que Dieu vous mettra au cœur de m'en confier; mais je crois que le temps le plus convenable pour cette communication sera celui de mon retour. Alors j'irai vous rendre une visite, où nous pourrons parler ensemble; après quoi vous me confierez par écrit ou de vive voix tout ce que vous voudrez, pourvu que vos supérieurs l'approuvent. En attendant, je prierai notre Seigneur de vous détacher de tous vos proches, pour ne les aimer plus qu'en lui seul, et pour vous faire porter la croix dans l'esprit de Jésus-Christ : tout le zèle empressé que vous avez pour le salut de vos parents leur sera peu utile. On voudroit par principe de nature communiquer la grace: elle ne se communique que par mort à soimême, et à son zèle trop naturel. Attendez en paix les moments de Dieu. Jésus-Christ dit souvent : Mon heure n'est pas encore venue. On voudroit bien la faire venir, mais on la recule en voulant la hàter. L'œuvre de Dieu est une œuvre de mort, et non pas de vie; c'est une œuvre où il faut toujours sentir son inutilité et son impuissance. Telle est la patience et la longanimité des saints. Plus on a de talents, et plus on a besoin d'en éprouver l'impuissance. Il faut être brisé et mis en poudre, pour être digne de devenir l'instrument

17.
Sur le même sujet.

21 août.

Si je vous ai écrit, ma chère sœur, sur les précautions dont vous avez besoin, ce n'est pas que je croic que vous vous trompiez; mais c'est que je voudrois que vous fussiez loin de tous les piéges. Celui de l'approbation de toutes les personnes de votre maison n'est pas médiocre. D'ailleurs vous n'avez point d'expérience; vous n'avez que de la

des desseins de Dieu. Vous m'obligerez sensiblement si vous voulez bien témoigner à la mère prieure et aux autres de votre maison combien je les révère.

18.

Exhortation à l'obéissance et à la simplicité.

Je ne puis assez vous redire ce que j'ai pris la liberté de vous dire tant de fois : Craignez votre esprit, et celui de ceux qui en ont; ne jugez de personne par-là. Dieu, seul bon juge, en juge bien autrement; il ne s'accommode que des enfants et des petits pauvres d'esprit. Ne lisez rien par curiosité, ni pour former aucune décision dans votre tête sur aucune de vos lectures; lisez pour vous nourrir intérieurement dans un esprit de docilité et de dépendance sans réserve. Communiquez-vous peu, et ne le faites jamais que pour obéir à vos supérieures. Soyez ingénue comme un enfant à leur égard. Ne comptez pour rien ni vos lumières ni les graces extraordinaires. Demeurez dans la pure foi, contente d'être fidèle dans cette obscurité, et d'y suivre sans relâche les commandements et les conseils de l'Évangile expliqués par votre règle. Sous prétexte de vous oublier vousmême, et d'agir simplement sans réflexion, ne vous relâchez jamais pour votre régularité, ni pour la correction de vos défauts: demandez à vos supérieurs qu'ils vous en avertissent. Soyez fidèle à tout ce que Dieu vous en fera connoître par autrui, et acquiescez avec candeur et docilité à tout ce qu'on vous en dira, et dont vous n'aurez point la lumière. Il faut s'oublier, pour retrancher les attentions de l'amour-propre, et non pour négliger la vigilance qui est essentielle au véritable amour de Dieu. Plus on l'aime, plus on est jalouse contre soi, pour n'admettre jamais rien qui ne soit des vertus les plus pures que l'amour inspire. Voilà, ma chère sœur, tout ce qui me vient au cœur pour vous recevez-le du même cœur dont je vous le donne. Je prie notre Seigneur qu'il vous fasse entendre mieux que je ne dis, et qu'il soit lui seul toutes choses en vous. Il sait à quel point je suis en lui intimement uni à vous.

19.

Sur le même sujet.

A Cambrai, 25 décembre (1710.)

Je vous envoie, ma chère sœur, une lettre pour M....., et je vous prie de la voir, afin que vous soyez dans la suite de notre commerce, et que vous lui aidiez à se soutenir dans ses bonnes intentions pendant que je ne saurois la voir. J'ai un desir infini que vous soyez simple, et que vous n'ayez plus d'esprit. Je voudrois que Dieu flétrît vos talents, comme la petite vérole efface la beauté des jeunes personnes. Quand vous n'aurez plus aucune parure spirituelle, vous commencerez à goûter ce mais droit selon la pure grace : vous ne déciderez qui est petit, grossier, et disgracié selon la nature, plus, vous ne mépriserez plus rien; vous ne serez oraison ne nourrira plus votre esprit. La converplus amusée par vos idées de perfection; votre sation du Seigneur est avec les simples; ils sont ses bien-aimés et les confidents de ses mystères. Les sages et les prudents n'y auront point de part. L'enfant Jésus se montre aux bergers plus tôt sière, imbécile; mais droite, détachée de vousqu'aux Mages. Devenez bergère ignorante, grosmême, docile, naïve, et inférieure à tout le monde. Oh! que cet état est meilleur que celui d'être sage en soi-même! Pardon, ma chère sœur je prie le saint enfant Jésus de vous mettre son enfance au cœur. Demeurez à la crèche en silence avec lui; demandez pour moi ce que je souhaite tant pour vous. Mille compliments chez vous.

20.

Sur la mort édifiante de l'abbé de Langeron.

A Cambrai, 47 janvier 1741.

Je n'ai point, ma très honorée sœur, la force que vous m'attribuez. J'ai ressenti la perte irréparable que j'ai faite avec un abattement qui montre un cœur très foible. Maintenant mon imagination est un peu apaisée, et il ne me reste qu'une amertume et une espèce de langueur intérieure. Mais l'adoucissement de ma peine ne m'humilie pas moins que ma douleur. Tout ce que j'ai éprouvé dans ces deux états n'est qu'imagination et qu'amour-propre. J'avoue que je me suis pleuré en pleurant un ami qui faisoit la douceur de ma vie, et dont la privation se fait sentir à tout moment. Je me console, comme je me suis affligé, par lassitude de la dou

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