Obrazy na stronie
PDF
ePub

du tout de Dieu. Cette vue décide tout, elle entraîne tout, elle ne laisse plus rien à l'esprit : on ne voit qu'une seule vérité, et tout le reste disparoît.

O monde insensé et scandaleux ! on ne peut plus vous voir ni vous entendre. O amour-propre ! vous faites horreur; on se supporte patiemment, comme Jésus-Christ supportoit Judas. Tout passe de devant mes yeux; mais rien ne m'importe, rien n'est mon affaire, sinon l'affaire unique de faire la volonté de Dieu dans le moment présent, et de vouloir sa volonté sur la terre comme on la veut dans le ciel.

O Jésus! voilà le vrai culte que vous attendez. Qu'il est aisé de vous adorer par des cérémonies et des louanges! mais qu'il y a peu d'ames qui vous rendent ce culte intérieur! Hélas! on ne voit partout qu'une religion en figure, qu'une religion judaïque. On voudroit par l'esprit posséder votre vérité, mais on ne veut point se laisser posséder par elle on veut participer à votre sacrifice, et jamais se sacrifier avec vous. A moins qu'on ne se perde en vous, jamais on ne sera fait une même chose avec vous. O Dieu caché ! que Vous êtes inconnu aux hommes! O Amour! on ne sait ce que c'est que d'aimer. Enseignez-le-moi, et ce sera m'enseigner toutes les vérités en une seule.

de ce tombeau. Je ne trouve plus, ô Sauveur ! aucun reste sensible de votre présence, aucune trace de vos dons. L'Époux s'est enfui, tout est perdu; il ne reste ni Époux, ni amour, ni lumière: Jésus est enlevé. O douleur! ô tentation! ô désespoir ! Perdre jusqu'à mon amour même ! Jésus caché et enseveli au fond de mon cœur ne s'y trouve plus ! Où est-il? qu'est-il devenu? Je le demande à toute la nature, et toute la nature est muette; il ne me reste de mon amour, que le trouble de l'avoir perdu. Où est-il ? Donnez-le-moi, ôtez-moi tout le reste, je l'emporterai. Pauvre ame, qui ne sais rien de ce que tu dis; mais trop heureuse, puisque tu aimes sans savoir que c'est l'amour qui te fait parler!

O amour! vous voulez des ames qui osent tout, et qui ne se promettent rien; qui ne disent jamais: Je le puis, ou je ne le puis pas. On peut tout en vous; on ne peut rien sans vous. Quiconque aime parfaitement ne se mesure plus sur soi; il est prêt à tout, et ne tient plus à rien.

XVIII. POUR LE JOUR DE L'ASSOMPTION.

O mon Dieu! je me présente aujourd'hui à vous avec Marie, mère de votre Fils. Donnezmoi des pensées, donnez-moi un cœur qui répondent aux pensées et au cœur de Marie. O Jésus! voilà votre mère qui quitte la terre pour se réunir

XVII. POUR LA FÊTE DE SAINTE MAGDELEINE. à jamais à vous. Je la quitte avec elle; avec elle

mon cœur s'élève vers le ciel pour n'aimer que

Je voudrois, mon Sauveur, comme sainte Mag-vous. O Esprit qui descendîtes sur cette Vierge deleine, vous suivre par amour jusque dans la pour la rendre féconde! descendez sur moi pour poussière du tombeau. C'étoit d'elle, Seigneur, me purifier! que vous fites sortir sept démons. Que j'aime à voir que les saints que vous avez tirés de l'état le plus affreux sont ceux qui vous cherchent avec plus de courage et de tendresse ! Tous vos disciples, Seigneur, s'enfuient; Magdeleine seule, qui a été la proie de tant de démons, arrose votre tombeau de ses larmes : elle est inconsolable de ne plus trouver votre corps; elle le demande à tout ce qu'elle trouve dans le transport de sa douleur, elle ne mesure point ce qu'elle dit, elle ne sait pas même les paroles qu'elle prononce. Quand l'amour parle, il ne consulte point la raison.

Je cours en pleine liberté, comme vos vrais enfants, à l'odeur de vos parfums : je cours, ô mon Dieu avec Magdeleine vers votre tombeau; je cours sans m'arrêter à la mort entière de tout moi-même; je descends jusque dans la poussière; je m'enfonce dans les ténèbres et dans l'horreur

Que vois-je dans Marie pendant les derniers temps de sa vie? Elle persévéroit, dit saint Luc1, dans la prière avec les autres femmes; c'est-àdire qu'elle ne faisoit au-dehors que ce que les autres faisoient. La perfection, qui étoit sans doute dans la mère du Fils de Dieu, ne consiste donc pas dans des actions extraordinaires et éclatantes. Nous ne voyons ni prophétie, ni miracles, ni instruction des peuples, ni extases; rien que de simple et de commun. Sa vie étoit intérieure : elle prioit avec persévérance; voilà son occupation et où elle se bornoit: mais, sans se distinguer, elle prioit avec les autres femmes. Oh! combien sa prière devoit-elle être plus pure et plus divine! Mais ces trésors demeuroient cachés. Audehors on ne voyoit que recueillement, simplicité, vie commune.

Act., 1, 24.

XIX. POUR LE JOUR DE SAINT AUGUSTIN.

Adoration en esprit et en vérité, dont Marie | O sacrifice de vérité! vous êtes dans la bouche, et point dans le cœur. O mon ame! je ne me fie est le modèle, quand est-ce que les hommes vous connoîtront? Ils vous cherchent où vous n'êtes plus à vous: je ne me fie qu'à Dieu seul, qui m'arpas; dans les grands projets, dans les conduites rachera à moi-même. O Marie, mère de Jésus! pleines d'austérité. Toutes ces choses ont leur je veux vivre et mourir avec vous dans le pur temps, et Dieu y appelle quand il lui plaît. Mais amour. le vrai culte, le pur amour ne dépend point de toutes ces choses. Aimer en silence, ne vouloir que Dieu seul, ne tenir à rien, pas même à ses dons pour se les approprier avec complaisance; souffrir tout en esprit d'amour; souffrir la vie comme les maux dont elle est pleine, par abandon à Dieu, et dans le dépouillement intérieur comme Marie vivoit dans cette amère séparation d'avec son Fils; ne se compter plus pour rien dans toutes les choses qu'on a à faire ou à souffrir; ne se croire ni capable ni incapable d'aucune chose, mais se laisser mener comme un petit enfant, ou comme Marie se laisse donner par son Fils à Jean pour être conduite par lui; n'avoir plus rien à soi, et n'être plus à soi-même ; vivre, mourir avec un cœur égal, ou plutôt n'avoir ni cœur ni volonté, mais laisser Dieu uniquement vouloir et s'aimer soi-même sans mesure au-dedans de nous: oh! vous voilà, adoration pure, simple et parfaite! c'est de tels adorateurs que le Père cherche.

Que vois-je, Seigneur, en saint Augustin? le comble de la misère, et puis une miséricorde qui la surpasse. Oh! qu'une ame foible et misérable est consolée à la vue d'un tel exemple ! C'est ainsi, ô mon Dieu ! que vous aimez à sauver ce qui étoit perdu, à redresser ce qui étoit égaré, à remettre dans votre sein tendre et paternel ce qui étoit loin de vous et livré à ses passions. O aimable saint! vous m'êtes mis devant les yeux pour m'apprendre, dans l'abîme de mes ténèbres, à espérer età ne me décourager jamais, puisque la source des miséricordes ne tarit point pour les cœurs pénitents; enfin, à me supporter moi-même en tout ce que je vois en moi de plus humiliant.

O amour de mon Dieu! que n'avez-vous pas fait dans le cœur d'Augustin? En lui on avoit vu l'amour aveugle, l'amour égaré, l'amour insensé; mais, ô amour! vous êtes retourné à votre centre vers la vérité et la beauté éternelle cet amour Mais, hélas! où les trouvera-t-il? On craint toujours d'aller trop loin, et de se perdre en se qui avoit si long-temps couru après le mensonge donnant à Dieu. La pure foi ne suffit point aux est devenu amour parfait c'est l'amour humble, ames timides et intéressées. Elles veulent voir et c'est l'amour qui s'anéantit pour mieux aimer. posséder des dons sensibles; s'appuyer, comme Augustin ne s'aime plus lui-même, tant il aime dit l'Écriture, sur un bras de chair ou sur la Dieu! il ne voit plus rien par son propre esprit : force de leur sagesse. Marcher, comme Abraham, il est abattu, ce grand génie si fécond, si vif, si sans savoir où l'on va, est une chose qui révolte étendu, si élevé, si bardi pour contempler les les sens et la raison défiante. Hélas! on veut ser- plus hautes vérités. Qu'est-il donc devenu, cet vir Dieu, mais à condition de régler tous ses pas, homme qui perçoit les plus grandes difficultés, d'arranger ses affaires, de se faire un genre de qui raisonnoit si subtilement; qui parloit, qui vie doux et commode. On ne veut rien, dit-on. décidoit avec tant d'assurance? qu'en reste-t-il? Eh! ne veut-on pas les commodités de la vie, la Hélas! je ne vois plus que la simplicité d'un enconsolation de l'amitié, le succès des choses qu'on fant: il suit sans voir, il croit sans comprendre; croit bonnes, la conservation d'une réputation l'amour simple et anéanti est devenu son unique avantageuse? O Dieu de vérité! faites luire vos lumière; il ne cherche plus à connoître par ses plus purs rayons de grace dans ces ames timides propres lumières, mais l'onction de l'amour lui et mercenaires. Montrez-leur qu'elles veulent apprend toute vérité; il la trouve renfermée dans tout, quoiqu'elles ne croient rien vouloir. Pous- le mépris de tout lui-même, et dans l'amour de sez-les sans relâche de sacrifice en sacrifice. Elles Dieu qui est l'unique bien. Qui suis-je? s'écriereconnoîtront, à chaque chose qu'il faudra sacri-t-il. Rien qu'une voix qui crie: Dieu est tout, et il

fier, qu'il n'y en avoit aucune à laquelle elles ne tinssent fortement. Quelles agonies quand Dieu nous prend au mot, et ne fait que prendre ce que nous lui avons tant de fois abandonné! O abandon! on parle de vous sans vous connoître.

n'y a que lui.

O profonde doctrine! la lumière la plus précieuse est cette lumière éternelle qui anéantit les lumières humaines: c'est cet état d'obscurité, où, sans rien voir en l'homme, l'amour parfait

voit tout d'une manière divine: c'est ce goût intime de la vérité qui ne la met plus devant des yeux de la chair et du sang, mais qui la fait habiter au fond de nous-mêmes. O chère science de Jésus, en comparaison de laquelle tout n'est rien, qui vous donnera à moi ? qui me donnera à vous? Enseignez-moi, Seigneur, à aimer, et je saurai toutes vos Écritures. Toutes leurs pages m'enseignent que l'ame qui aime sait tout ce que vous voulez qu'on sache. O amour, instruisez-moi par le cœur, et non par l'esprit. Désabusez-moi de ma vaine raison, de ma prudence aveugle, de tous desirs indignes d'une ame qui vous aime. Que je meure, comme Augustin, à tout ce qui n'est

pas vous.

XX. POUR LA FÊTE DE TOUS LES SAINTS.

L'intention de l'Église est d'honorer aujourd'hui tous les saints ensemble. Je les aime, je les invoque; je m'unis à eux, je joins ma voix aux leurs pour louer celui qui les a faits saints que volontiers je m'écrie avec cette Église céleste: Saint! saint! saint! à Dieu seul la gloire! que tout s'anéantisse devant lui!

Je vois des saints de tous les âges, de tous les tempéraments, de toutes les conditions: il n'y a donc ni âge, ni tempérament, ni condition qui exclue de la sainteté. Ils ont eu au-dehors les mêmes obstacles, les mêmes combats que nous; ils ont eu au-dedans les mêmes répugnances, les mêmes sensibilités, les mêmes tentations, les mêmes révoltes de la nature corrompue; ils ont eu des habitudes tyranniques à détruire, des rechutes à réparer, des illusions à craindre, des relàchements flatteurs à rejeter, des prétextes plausibles à surmonter, des amis à craindre, des ennemis à aimer, un orgueil à saper par le fondement, une humeur à réprimer, un amour-propre à poursuivre sans relâche jusque dans les derniers replis du cœur.

Ah! que j'aime à voir les saints foibles comme moi, toujours aux prises avec eux-mêmes, n'ayant jamais un seul moment d'assuré! J'en vois dans la retraite livrés aux plus cruelles tentations; j'en vois dans les prospérités les plus redoutables et dans le commerce du siècle le plus empesté. O grace du Sauveur, vous éclatez partout, pour mieux montrer votre puissanee, et pour ôter toute excuse à ceux qui vous résistent! Il n'y a ni habitude enracinée, ni tempérament, ou violent ou fragile, ni croix accablante, ni prospérités empoisonnées, qui puissent nous excuser si nous

ne pratiquons pas l'Évangile. Cette foule d'exemples décide: la grace prend toutes les formes les plus diverses, suivant les divers besoins : elle fait aussi aisément des rois humbles que des solitaires pénitents et recueillis : tout lui est facile quand nous ne résistons pas à son attrait. J'entends la voix du Sauveur qui dit que Dieu sait changer les pierres mêmes en enfants d'Abraham. O Jésus! ô parole du Père! mais parole d'éternelle vérité ! accomplissez donc cette parole en moi, moi, pierre dure et insensible; moi qui ne puis être taillé que sous les coups redoublés du marteau; moi, rebelle, indocile, et incapable de tout bien. O Seigneur! prenez cette pierre; glorifiez-vous, amollissez mon cœur ; animez-le de votre Esprit, rendez-le sensible à vos vérités éternelles; formez en moi un enfant d'Abraham, qui marche sur les vestiges de sa foi.

Dirai-je avec le monde insensé : Je veux bien me sauver; mais je ne prétends pas être un saint? Ah! qui peut espérer son salut sans la sainteté ? Rien d'impur n'entrera au royaume des cieux; aucune tache n'y peut entrer; si légère qu'elle puisse être, il faut qu'elle soit effacée, et que tout soit purifié jusque dans le fond par le feu vengeur de la justice divine, ou en ce monde, ou en l'autre: tout ce qui n'est pas dans l'entier renoncement à soi, et dans le pur amour qui rapporte tout à Dieu sans retour, est encore souillé. O sainteté de mon Dieu, aux yeux duquel les astres mêmes ne sont pas assez purs! O Dieu juste, qui jugerez toutes nos imparfaites justices! mettez la vôtre audedans de mes entrailles pour me renouveler; ne laissez rien en moi de moi-même.

XXI. POUR LA COMMEMORATION DES MORTS.

Mon Dieu, je regarde avec consolation cette cérémonie de votre Église qui met la mort devant uos yeux. Hélas! faut-il que nous ayons besoin qu'on nous en rappelle le souvenir? tout n'est que mort ici-bas; le genre humain tombe en ruine de tous côtés à nos yeux; il s'est élevé un monde nouveau sur les ruines de celui qui nous a vus naître; et ce nouveau monde, déja vieilli, est prêt à disparoître chacun de nous meurt insensiblement tous les jours; l'homme, comme l'herbe des champs, fleurit le matin; le soir, il languit, il se dessèche, il est flétri, et il est foulé aux pieds. Le passé n'est qu'un songe; le présent nous échappe dans le clin d'œil où nous voulons le voir; l'avenir n'est point à nous, peut-être n'y sera-t-il jamais; et quand il y seroit, qu'en faudroit-il croire? il vient,

:

il s'approche, le voilà; il n'est déja plus, il est tombé dans cet abîme du passé où tout s'engouffre et s'anéantit.

O Dieu! il n'y a que vous, vous seul êtes l'être véritable; tout le reste n'est qu'une image trompeuse de l'être, qu'une ombre qui s'enfuit. O vérité! ô tout! je me réjouis de ce que je ne suis rien à vous seul appartient d'être toujours : vous êtes le vivant au siècle des siècles. O hommes aveugles, qui croyez vivre, et qui ne faites que mourir !

MEDITATIONS

POUR UN MALADE.

I.

Je me suis tu, Seigneur, parce que c'est vous qui l'avez fait. Ps. XXXVm, 40.

Est-ce à moi à me plaindre quand mon Dieu me frappe, et qu'il me frappe par amonr, afin de me guérir? Frappez donc, Seigneur, j'y consens. Que vos coups les plus rigoureux sont doux, puisqu'ils cachent tant de miséricordes! Hélas! si vous n'aviez point frappé mon corps, mon ame n'auroit point cessé de se donner à elle-même le coup de la mort. Elle étoit couverte d'ulcères horribles.

Mais cette mort, qui fait frémir toute la nature, la craindrai-je lâchement? Non, non; pour les enfants de Dieu elle est le passage à la vie; elle ne nous dépouille que de la vanité et de la corruption; c'est elle qui doit nous revêtir des dons éternels. O mort! ô bonne mort! quand voudras-tu me réunir à ce que j'aime unique-Vous l'avez vue, vous en avez eu pitié. Vous abatment? Quand viendras-tu me donner le baiser de l'époux? Quand est-ce que les liens de ma servitude seront rompus? O amour éternel! ô vérité qui ferez luire un jour sans fin! O paix du royaume de Dieu, où Dieu lui-même sera tout en tous! O céleste patrie! ô aimable Sion, où mon cœur enivré se perdra en Dieu ! qui ne vous desire, que desirera-t-il ?

Mais, ô mon Dieu et mon amour! c'est votre gloire, et non mon bonheur, après quoi je soupire; j'aime mieux votre volonté que ma béatitude je consens donc, pour l'amour de vous, à demeurer encore loin de vous dans ce lieu d'exil, dans cette vallée de larmes, autant que vous le voudrez. Vous savez que ce n'est point par attachement à la terre ni à ce corps de boue, ce misérable corps de péché, mais par un sacrifice de tout moi-même à votre bon plaisir, que je consens à languir encore ici-bas; mais faites que je meure à tout avant que de mourir : éteignez en moi tout desir; déracinez toute volonté; arrachez tout intérêt propre : alors je serai mort, et vous

vivrez, vous, en moi : alors je ne serai plus moi

même.

O précieuse mort, qui doit précéder la naturelle! O mort, qui est une mort divine et transformée en Jésus-Christ, en sorte que notre vie est cachée avec lui dans le sein du Père céleste! 0 mort, après laquelle on est également prêt à mourir ou à vivre! O mort qui commence sur la terre le royaume du ciel! O germe de l'être nouveau ! Alors, mon Dieu, je serai dans le monde comme n'y étant pas ; j'y paroîtrai comme ces morts sortis du tombeau, que vous ressusciterez au dernier

tour.

tez ce corps de péché; vous renversez mes ambitieux projets; vous me rendez le goût de votre éternelle vérité, que j'avois perdu depuis si long-temps. Soyez donc à jamais béni ! Je baise la main qui m'écrase, et j'adore le bras qui me frappe.

II.

Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que je suis infirme.
Ps. VI, 3.

O mon Dieu, je n'ai point d'autre raison que ma misère pour exciter votre miséricorde. Voyez le besoin que j'ai de votre secours, et donnezle-moi. J'en sens le besoin, Seigneur : heureux de le sentir, si ce sentiment me tient dans la dé

fiance de moi-même ! Vous avez frappé ma chair

pour la purifier; vous avez brisé mon corps pour guérir mon ame. C'est par la douleur salutaire que vous m'arrachez aux plaisirs corrompus. L'in

firmité de ma chair m'afflige, moi qui n'avois point

d'horreur de l'infirmité de mon esprit. Il étoit en proie à la vaine ambition, à la fièvre ardente

de toutes les passions furieuses. J'étois malade,

et

je ne croyois pas l'être; mon mal étoit si grand que je ne le sentois pas. Je ressemblois à un homme qui a une fièvre chaude, et qui prend l'ardeur de la fièvre pour la force d'une pleine santé. O heureuse maladie, qui m'ouvre les yeux et qui change mon cœur!

III.

Il vous a été donné non seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui. Philip., 1, 29.

O don précieux, qu'on ne connoît point! La douleur n'est pas moins précieuse que la foi répandue

dans les ames par le Saint-Esprit. Bienheureuse

marque de miséricorde, quand Dieu nous fait souf

VI.

gerai. S. Matth., XI, 28.

frir ! Mais sera-ce une souffrance forcée et pleine Venez à moi, vous tous qui êtes chargés, et je vous soulad'impatience? Non; les démons souffrent ainsi. Celui qui souffre sans vouloir souffrir ne trouve dans ses peines qu'un commencement des éternelles douleurs. Quiconque se soumet dans sa souffrance la change en un bien infini. Je veux donc, ô mon Dieu, souffrir en paix et avec amour. Ce n'est pas assez de croire vos saintes vérités, il faut les suivre elles nous condamnent à la douleur, mais elles nous en découvrent le prix. O Seigneur, ranimez ma foi languissante. Qu'on voie reluire en moila foi et la patience de vossaints! S'il m'échappe quelque impatience, du moins que je m'en humilie aussitôt, et que je la répare par ma douleur!

IV.

Seigneur, je souffre violence, répondez pour moi.
Cant. d'Ezech. Is. xxxvi, 14.

Douce parole de Jésus-Christ, qui prend sur lui tous les travaux, toutes les lassitudes et toutes les douleurs des hommes! O mon Sauveur, vous voulez donc porter tous mes maux ! Vous m'incitez à m'en décharger sur vous. Tout ce que je souffre doit trouver en vous du soulagement. Je joins donc ma croix à la vôtre; portez-la pour moi. Je suis, comme vous étiez, tombant en défaillance, quand après vous, Seigneur, vers le Calvaire, pour y on fit porter votre croix par un autre. Je marche être crucifié. Je veux, quand vous le voudrez, mourir entre vos bras; mais la pesanteur de ma croix m'accable. Je manque de patience : soyez ma patience vous-même; je vous en conjure par votre promesse. Je viens à vous; je n'en puis plus ; c'est assez pour mériter votre compassion et votre se

cours.

VII.

Parlez, Seigneur; votre serviteur vous écoute.
I Rois, 111, 10.

Vous voyez les maux qui m'accablent. La nature se plaint; que lui répondrai-je? Le monde cherche à m'amuser et à me flatter: comment faut-il que je le repousse? Que dirai-je, Seigneur? Hélas! il ne me reste de force que pour souffrir et pour me taire. Répondez vous-même : par votre parole toute puissante écartez le monde trompeur qui m'a déja séduit une fois. Soutenez mon cœur, malgré les défaillances de la nature. Je souffre violence par les maux dont vous m'accablez, et par mes passions qui ne sont point encore éteintes. Je souffre; hâtez-me frappez. Je me tais; je souffre, et j'adore en vous de me secourir. Délivrez-moi du monde et de moi-même. Délivrez-moi de mes maux, par la patience à les souffrir.

V.

Le Seigneur me l'a donné, le Seigneur me l'a ôté.
Job, I, 12.

Voilà, Seigneur, ce que vous faisiez dire à votre serviteur Job dans l'excès de ses maux. Oh! que vous êtes bon de mettre encore ces paroles dans la bouche et dans le cœur d'un pécheur tel que moi! Vous m'aviez donné la santé, et je vous oubliois; vous me l'ôtez, et je reviens à vous. Précieuse miséricorde, qui m'arrachez les dons de Dieu qui m'éloignoient de lui, pour me donner Dieu même! Seigneur, ôtez tout ce qui n'est point vous, pourvu que je vous aie. Tout est à vous; vous êtes le Seigneur; disposez de tout: biens, honneurs, santé, vie, arrachez tout ce qui me tiendroit lieu

de vous.

Je me tais, Seigneur, dans mon affliction; je me tais, mais je vous écoute avec le silence d'une ame contrite et humiliée, à qui il ne reste rien à dire dans sa douleur. Mon Dieu, vous voyez mes plaies; c'est vous qui les avez faites, c'est vous qui

silence: mais vous entendez mes soupirs, et les gémissements de mon cœur ne vous sont point cachés. Je ne veux point m'écouter moi-même; je ne veux écouter que vous, et vous suivre.

VIII.

Mon père, délivrez-moi de cette heure. S. Jean, xn, 72.

Quoique vous me menaciez et me frappiez, ô mon Dieu, vous êtes mon père; vous le serez toujours. Délivrez-moi de cette heure terrible, de ce temps d'amertume et d'accablement. Laissezmoi respirer dans votre sein, et mourir entre vos bras. Délivrez-moi, ou par la diminution de mes maux, ou par l'accroissement de ma patience. Coupez jusqu'au vif, brûlez; mais faites miséricorde; ayez pitié de ma foiblesse. Si vous ne voulez pas me délivrer de ma douleur, délivrez-moi de moi-même, de ma foiblesse, de ma sensibilité et de mon impatience.

« PoprzedniaDalej »