Alors quels vains prétextes de bienséancel quelles touchés par le fond du ceur. Une lumière intedélicatesses bonteuses ! quelles jalousies diabo- rieure de pure foi les mène plus sûrement que liques ! Mon Dieu , je parle magnifiquement de la celle de l'étoile. Après cela, il ne faut plus s'étoncroix , et je n'en veux connoître que le nom ! je ner s'ils adorent sans peine un pauvre enfant la crains, je la fuis, sa vue seule me désole. dans une crèche. Oh! qu'ils sont devenus petits, Qu'avez-vous, ô mon ame? D'où vient que vous ces grands de la terre! que leur sagesse est confonmurmurez , que vous tombez dans le décourage- due et anéantie! Est-ce donc là, ô Mages, ce que ment, que vous allez mendier chez tous vos amis vous êtes venus adorer du fond de l'Orient? Quoi ! un peu de consolation? Ah ! c'est que Dieu m'hu- un enfant qui tète et qui pleure! Il me semble milie et me charge de croix. Eh! n'est-ce pas ce que je les entends répondre: C'est la sagesse de que vous lui avez promis d'aimer ? Qu'avez-vous Dieu qui aveugle la nôtre. Plus l'objet semble donc ? qu'est-ce qui vous trouble? Le chrétien méprisable, plus il est digue de Dieu de nous doit-il être hors de lui quand il a ce qu'il a voulu, abaisser jusqu'à l'adorer. O Mages ! il faut que et qu'il est fait semblable à Jésus souffrant ? 0 vous soyez devenus vous-mêmes bien enfants pour Jésus enfant! donnez-moi la simplicité de votre trouver le vrai Dieu dans l'enfant Jésus ! enfance dans la douleur. Si je pleure, si je gémis, Mais qui me donnera cette sainte enfance, cette qu'au moins je ne résiste jamais à votre main divine folie des Mages? Loin de moi la sagesse crucifiante. Coupez jusqu'au vif; brûlez, brûlez: impie et maudite d'Hérode et de la ville de Jérusaplus je crains de souffrir , plus j'en ai besoin. lem! On raisonne, on se complaît dans sa sagesse, on se rend juge des conseils de Dieu , on craint VI. POUR LE JOUR DE L'ÉPIPHANIE. même de voir ce qu'on ne peut pas connoître. 0 sagesse hautaine et profane ! je te crains, je Mon Dieu , je viens à vous , et je ne me lasse t’abhorre; je ne veux plus t'écouter. Il n'y a plus point d'y venir; je n'ai rien en moi, et je trouve que l'enfance de Jésus que je prétends suivre. lout en vous seul. Oh ! que je suis pauvre! Oh! Que le monde insensé en dise tout ce qu'il vouque vous êtes riche! Mais qu'ai-je besoin d'être dra; qu'il s'en scandalise même : malheur au riche, puisque vous l'êtes pour moi? J'adore vos monde à cause de ses scandales ! C'est l'opprobre richesses éternelles ; j'aime ma pauvreté; je me et la folie du Sauveur que j'aime. Je ne tiens plus complais à n'être rien devant vous. Donnez-moi à rien. Nul respect humain, nulle crainte des railaujourd'hui votre Esprit pour contempler votre leries et de la censure des faux sages ; les gens de saint fils Jésus adoré par les Mages. Je l'adore bien même, qui sont encore trop humainement avec eux. enfoncés par sagesse en eux-mêmes, ne m'arrêCes Mages suivent l'étoile sans raisonner , eux teront pas. Quand je verrai l'étoile, je leur dirai qui sont si sages; ils cessent de l'être pour se comme saint Paul aux fidèles encore trop attachés soumettre à une lumière qui surpasse la Jeur. Ils aux bienséances mondaines et à leur raison : Vous comptent pour rien leurs commodités, leurs af- éles sages en Jésus-Christ; et nous, nous somfaires , les discours du peuple. Que peut-on pen- mes insensés en lui'. ' ser d'eux? Ils vont sans savoir où. Qu'est devenue lleureux dessein! mais comment l'accompliri la sagesse de ces hommes qui gouvernoient les vous, Seigneur, qui l'inspirez, faites que je le autres ? Quelle crédulité! quelle indiscrétion ! suive, vous qui m'en donnez le desir, donnezquel zèle aveugle et fanatique ! C'est ainsi qu'on moi aussi le courage de l'exécuter. Plus d'autre devoit parler contre eux en les voyant partir. Iumière que celle d'en-haut; plus d'autre raison Mais ils ne comptent pour rien ni le mépris des que celle de sacrifier lous mes raisonnements. hommes , ni leur réputation foulée aux pieds , ni Tais-loi, raison présomptueuse; je ne te puis même le témoignage de leur propre sagesse qui souffrir. 0 Dieu , vérité éternelle, souveraine et lear échappe. Ils veulent bien passer pour fous, pure raison ! venez être l'unique raison qui m'éel n'avoir pas même à leurs propres yeux de quoi claire dans les ténèbres de la foi. se justifier. Ils entreprennent un long et pénible VII. SUR LA CONVERSION DE SAINT PAUL. voyage sans savoir ce qu'ils trouveront. Il est vrai qu'ils voient une étoile extraordinaire; mais combien y a-t-il d'autres hommes instruits du abattu que Saul ne le fut aux portes de Damas. Je viens à vos pieds, ô Scigneur Jésus ! plus cours des astres à qui celle étoile ne paroit avoir rien de surnaturel! Eux seuls sont éclairés et Il, cor., IV, 10. C'est votre main qui me renverse; j'adore cette plaît a éclater dans l'abime de mes misères. Sei. main, c'est elle qui fait tout. O toute-puissante gneur , loin de murmurer dans ma chute , je baise main , ma joie est de me voir à votre discrétion. et j'adore la main qui me frappe. Voulez-vous me Frappez, renversez, écrasez. Je viens, ô mon faire tomber encore plus bas? je le veux si vous le Dieu l sous cette main terrible et miséricordieuse. voulez. Que voulez-vous que je fasse? En me renversant éclairez-moi, touchez-moi, Je sens, ô mon Dieu ! la vérité et la force de convertissez-moi comme Saul. Mon premier cricette parole : Il est dur de regimber contre l'aidans cette chute c'est de dire : Seigneur , que guillon. Oh! qu'il est dur de résister à l'attrait invoulez-vous que je fasse'? Oh! que j'aime ce térieur de votre grace ! Qui est-ce qui vous a jacri! Il comprend tout; il renferme lui seul toutes mais résisté, et qui a pu trouver la paix dans les plus parfaites prières et toutes les plus hautes cette résistance i? Non seulement l'impie et le vertus. Avec le Maître point de conditions ni de mondain ne goûtent aucune paix, jusqu'à ce qu'ils bornes : Que voulez-vous que je fasse ? Je suis se tournent vers vous; mais l'ame que vous avez prêt à tout faire et à ne rien faire, à ne vouloir délivrée des liens du péché ne peut jouir de la rien et à vouloir tout, à souffrir sans consolations paix, si elle résiste encore , par quelque réserve et à goûter les consolations les plus douces. Je ne ou quelque retardement, à cet aiguillon perçant vous dis point : 0 mon Dieu ! je ferai de grandes de votre Esprit qui la pousse au dépouillement, austérités, des renoncements difficiles, des chan. à l'enfance, à la mort intérieure. La prudence gements étonnants dans ma conduite. Ce n'est résiste, elle assemble mille raisons; elle regarde point à moi à décider ce que je ferai. Ce que je comme un égarement la bienheureuse folie de ferai, c'est de vous écouter et d'attendre la loi la croix. Elle aimeroit mieux les plus affreuses de vous. Il n'est plus question de ma volonté; austérités que cette simplicité et cette petitesse des elle est perdue dans la vôtre. Dites seulement enfants de Dieu , qui aiment mieux être enfants ce que vous voulez; car je veux tout ce qu'il vous dans son sein que grands et sages en eux-mêmes. plait de vouloir. Non seulement pénitences cor-Oh! que ce combat est rude! qu'il agite l'ame! porelles , mais humiliations de l'esprit, sacrifices Qu'il lui en coute pour sacrifier sa raison et tous de santé, de repos, d'amitié, de réputation , de ses beaux prétextes! Mais sans ce sacrifice , nulle , consolation intérieure, de paix sensible, de vie paix, nul avancement; il ne reste que le trouble temporelle, et même de ce soutien intérieur qui d'une ame que Dieu presse, et qui craint de voir est un avant-goût de l'éternité, tout cela est jusqu'où Dieu la veut mener pour lui arracher entre vos mains. Donnez , ôtez , qu'importe ? Fai-tout appui d'amour-propre. O Dieu ! je ne veux les, Seigneur, et ne me consultez jamais. Ne me plus vous résister. Je n'hésiterai plus, je craindrai montrez que vosordres, et ne me laissez qu'à obéir. toujours plus de ne pas faire assez que de faire Qu'en quelque épreuve amère et douloureuse trop. Je veux être Saul converti. Après ce que où vous me mettiez, il ne me reste que cette vous avez fait pour ce persécuteur, il n'y a rien seule parole : Que voulez-vous? Renversez-moi, que vous ne puissiez faire d'une ame pécheresse. commc Saul, dans la poussière, à la vue de tout c'est parce que je suis indigne de tout, que le genre humain; mais renversez-moi en sorte vous prendrez plaisir à faire en moi les plus granque je ne puisse merelever. Aveuglez - moi comme des choses. Mais, grandes ou petites, tout m'est lui , reprochez-moi mes infidélités; je veux bien égal, pourvu que je remplisse vos desseins. Je qu'on les sache; et je dirai volontiers, comme suis souple à tout entre les mains de votre proviSaul, à la face de toutes les Églises : J'ai été in-dence. Je finis par où j'ai commencé : Que voufidèle, impie, blasphémateur, persécuteur de lez-vous que je fasse? Point d'autre volonté. GarJésus-Christ. Il m'a converti pour ranimer l'espé- dez-la , Ô Dieu d'Israël ! cette volonté que vous rance des pécheurs les plus endurcis, et pour formez en moi. donner un exemple touchant de la patience avec VIII. SUR LA MÊME FÊTE DE LA CONVERSION DE laquelle il attend les ames les plus égarées. Venez donc me voir, ô vous tous qui oubliez Dieu , qui violez sa loi, qui insultez à la vertu! venez et Mon Dieu, je vous rends mille graces d'avoir voyez cette main charitable qui m'aveugle pour mis devant mes yeux Saul persécuteur que vous m'éclairer, et qui me renverse pour me relever. convertissez, et qui devient l'apôtre des nations. Venez admirer avec moi cette Miséricorde qui se c'est pour la gloire de votre grace que vous l'avez "Act., 1X, 6. Job., IX, 4. ܕ ܕ SAINT PAUL. 1 fait. Vous vous devez à vous-même un si grand Il me semble que je vous entends me réponexemple pour consoler tous les pécheurs. Hélas ! dre : Je veux que tu m'aimes, et que lu sois heuquels châtiments n'ai-je point mérités de votre reux en m'aimant : Aime, et fais ce que lu voujustice? Je vous ai oublié, ô vous qui m'avez fait, dras; car, en aimant véritablement, tu ne seras el à qui je dois tout ce que je suis ! A l'ingra- que ce que le pur amour fait faire aux ames détilude j'ai joint l'endurcissement; j'ai méprisé vos tachées d'elles-mêmes ; tu m'aimeras , tu me feras graces; j'ai été insensible à vos promesses ; j'ai aimer, tu n'auras plus d'autre volonté que la abusé de vos miséricordes; j'ai contristé votre mienne. Par-là s'accomplira mon règne; par-là Esprit saint; j'ai résisté à ses mouvements salu- je serai adoré en esprit et en vérité; par-là lu me taires; j'ai dit dans mon cæur rebelle : Non, je sacrifieras et les délices de la chair corrompue, ne porterai point le joug du Seigneur. J'ai fui et l'orgueil de l'esprit agité par de vajos fanquand vous me poursuiviez ; j'ai cherché des pré- tômes ; le monde entier ne sera plus rien pour lextes pour m'éloigner de vous. J'ai craint de voir toi; tu ne voudras plus être rien, afin que je sois trop clair , et de connoître certaines vérités que je moi seul toutes choses. Voilà ce que je veux que de voulois pas suivre. Je me suis irrité contre les tu fasses. Mais comment le serai-je, Seigneur? croix qui servent à me détacher de la vie. J'ai cri- cette æuvre est au-dessus de l'homme. Ah! vous tiqué la vertu, la supportant impatiemment comme me répondez au fond de mon cour : Homme de étant ma condamnation. J'ai eu honte de paroitre peu de foi, regarde Saul, et ne doute de rien; il bon , et j'ai fait gloire d'être ingrat. J'ai marché te dira : Je puis tout en celui qui me fortifie'. dans mes propres voies , au gré de mes passions et Lui qui ne respiroit que sang et carnage contre de mon orgueil. les Eglises, il ne respire plus que l'amour de JéO mon Dieu! que me resteroit-il à la vue de sus-Christ; c'est Jésus-Christ qui vit triomphant lant d'infidélités, sinon d'être saisi d'horreur dans son apôtre mort à toutes les choses humaines. pour moi-même ? Non, je ne pourrois plus me Le voilà tel que Dieu l'a fait; la même main te fera souffrir ni espérer en vous, si je ne voyois Saul tel que tu dois être. incrédule , blasphémateur, persécutant vos saints, dont vous faites un vase d'élection. Il tombe im IX. POUR LE JOUR DE LA PURIFICATION. pie persécuteur, et il se relève l'homme de Dieu. O Père des miséricordes, que vous êles bon ! La O Jésus ! vous êtes offert aujourd'hui dans le malice de l'homme ne peut égaler votre bonté temple; et la règle, qui n'est faite que pour les paternelle. Il est donc vrai que vous avez encore enfants des hommes , est accomplie par le fils de des trésors de graces et de patience pour moi, Dieu. pauvre pécheur, qui ai tant de fois foulé aux pieds o divin Enfant! souffrez que je me présente le sang de votre Fils ! Vous n'êtes pas encore lassé avec vous. Je veux être, comme vous, dans les de m'attendre, ô Dieu patient, ô Dieu qui crai- mains pures de Marie et de Joseph ; je ne yeux gnez de punir trop tôt, ô Dieu qui ne pouvez plus être qu'un même enfant avec vous, qu'une vous résoudre à frapper ce vase d'argile formé même victime. Mais, que vois-je ! on vous rachète de vos mains ! Cette patience, qui flattoit mon im comme on rachetoit les enfants des pauvres; deux patience et ma lâcheté, m'attendrit. Hélas! se- colombes sont le prix de Jésus. O Roi immortel rai-je donc loujours méchant, parce que vous de tous les siècles! bientôt vous n'aurez pas même èles bon? Est-ce à cause que vous m'aimez tant, de lieu où vous puissiez reposer votre tête; vous que je me croirois dispensé de vous aimer? Non, enrichirez le monde de votre pauvreté, et déja bon, Seigneur, votre patience m'excite : je ne vous paroissez au temple en qualité de pauvre! puis plus me voir un seul moment contraire à Heureux quiconque se fait pauvre avec vous ! celui qui me rend le bien pour le mal: je déteste Heureux qui n'a plus rien, et qui ne veut plus jusqu'aux moindres imperfections ; je n'en ré- rien avoir ! Heureux qui a perdu en vous et au serve rien : périsse tout ce qui retarde mon sa- pied de votre croix toute possession, qui ne poscrifice! Ce n'est plus ce demain d'une ame lâche sède plus même son propre cœur, qui n'a plus de qui suit toujours sa conversion; aujourd'hui, au- volonté propre; qui, loin d'avoir quelque chose , jourd'hui : ce qui me reste de vie n'est pas trop n'est plus à soi-même! O riche et bienheureuse long pour pleurer tant d'années perdues : je dis pauvreté! ô trésor inconnu aux faux sages! ô comme Saul : Seigneur, que voulez-vous que je fasse? · Philip., lk, 15. nudité qui est au-dessus de tous les biens les plus ré. O Jésus , avec qui je m'offro, donnez-moi le éblouissants ! Graces à vous, enfant Jésus , je courage de ne me plus compter pour rien, et de veux tout perdre, jusqu'à mon propre cæur , jus- ne laisser en moi rien de moi-même ! qu'au moindre desir propre, jusqu'aux derniers Vous fûtes racheté par deux colombes ; mais ce restes de ma volonté. Je cours après vous , nu et rachat ne vous délivroit pas du sacrifice de la enfant, comme vous l'étes vous-même. croix où vous deviez mourir : au contraire, votre Je comprends assez, par l'horreur que j'ai de présentation au temple étoit le commencement et moi-même, combien je suis une victime impure les prémices de votre offrande au Calvaire. Ainsi, et indigne de votre Père. Je n'ose donc m'offrir Seigneur, toutes les choses extérieures que je vous qu'autant que je ne suis plus moi-même , et que donne ne pouvant me racheter , il faut que je me je ne fais plus qu'une même chose avec vous. Oh! donne moi-même tout entier, et que je meure sur qui le comprendra? Mais il est pourtant vrai la croix. Perdre le repos, la réputation , les biens, qu'on n'est digne de Dieu qu'autant qu'on est hors la vie, ce n'est encore rien; il faut se perdre de soi, et perda en lui. Arrachez-moi donc à soi-même, ne se plus aimer, se livrer sans pitié moi-même. Plus de retours d'amour-propre, à votre justice , devenir étranger à soi-même, et plus de desirs inquiets , plus de crainte ni d'espé- n'avoir plus d'autre intérêt que celui de Dieu à rance pour mon propre intérêt. Le moi, à qui je qui on appartient. rapportois tout autrefois, doit être anéanti pour jamais. Qu'on me mette baut , qu’on me mette X. POUR LE CARÊME. bas; qu'on se souvienne de moi , qu'on m'oublie; qu'on me loue, qu'on me blâme; qu'on se fie Mon Dieu , voici un temps d'abstinence et de à moi, ou qu'on me soupçonne même injuste- privation. Ce n'est rien de jeûner des viandes tement; qu'on me laisse en paix , ou qu'on me grossières qui nourrissent le corps, si on ne jeûne traverse, qu'importe ? ce n'est plus mon affaire. aussi de tout ce qui sert d'aliment à l'amourJe ne suis plus à moi pour m'intéresser à tout ce propre. Donnez-moi donc , ô Époux des ames ! qu'on me fait; je suis à celui qui fait faire toutes cette virginité intérieure, cette pureté du ceur, ces choses selon son plaisir : sa volonté se fait, et cette séparation de toute créature, cette sobriété c'est assez. S'il y avoit encore un reste du moi pour dont parle votre apôtre, par laquelle on n'use se plaindre et pour murmurer, mon sacrifice seroit d'aucune créature que pour le seul besoin , comimparfait. Cette destruction de la victime , qui doit me les personnes sobres usent des viandes pour la anéantir tout être propre, répond à toutes les nécessité. O bienheureux jeûne, où l'ame jeûne révoltes de la nature. tout entière, et tient tous les sens dans la privaMais ce traitement qu'on me fait est injuste ; tion du superflu! O sainte abstinence, où l'ame, mais cette accusation est fausse et maligne; mais rassasiée de la volonté de Dieu , ne se nourrit jacet ami est infidèle et ingrat; mais cette perte mais de sa volonté propre ! Elle a, comme Jésusde biens m'accable ; mais cette privation de toute Christ, une autre viande dont elle se nourrit. consolation sensible est trop amère ; mais cette Donnez-le-moi, Seigneur, ce pain qui est auépreuve où Dieu me met est trop violente ; mais dessus de toute substance ; ce pain qui apaisera les gens de bien, de qui j'attendois du secours, à jamais la faim de mon cæur; ce pain qui éteint n'ont pour moi que de la sécheresse et de l'in- tous les desirs ; ce pain qui est la vraie manne, différence ; mais Dieu lui-même me rejette, et se et qui tient lieu de tout. retire de moi. Hé bien ! ame foible, ame lâche, O mon Dieu ! que les créatures se taisent donc ame de peu de foi , ne veux-tu pas tout ce que Dieu pour moi, et que je me taise pour elles en ce saint veut? Es-tu à lui ou à toi ? Si tu es encore à toi, temps ! Que mon ame se nourrisse dans le silence tu as raison de te plaindre, et de chercher ce qui en jeûnant de tous les vains discours ! Que je me le convient. Mais si tu ne veux plus être à toi, nourrisse de vous seul, et de la croix de votre pourquoi donc t’écouter encore toi-même? que te fils Jésus ! reste-t-il encore à dire en faveur de ce malheurcux Mais, quoi ! mon Dieu ! faudra-t-il donc que je moi , auquel tu as renoncé sans réserve et pour sois dans une crainte continuelle de rompre ce toujours? Qu'il périsse: que toute ressource lui soit jeûne intérieur par les consolations que je goùarrachée, tant mieux, c'est là le sacrifice de vérité; terai au-dehors? Non, non, mon Dieu, vous ne tout le reste n'en est que l'ombre. C'est par-là que voulez point cette gêne et cette inquiétude. Votre la victime est consommée; et Dieu, dignement ado-Esprit est l'esprit d'amour et de liberté, et non ܐ celui de crainte et de servitude. Je renoncerai du dehors ! O fidélité d'une ame qui se laisse donc à tout ce qui n'est point de votre ordre pour poursuivre sans relâche par l'Amour jaloux, et qui mon état, à tout ce que j'éprouve qui me dissipe souffre que tout lui soit ôté ! Voilà , Seigneur, le trop, à tout ce que les personnes qui me con- sacrifice de ceux qui vous adorent en esprit et en duisent à vous jugent que je dois retrancher; vérité; c'est par ces preuves qu'on devient digne enfin à tout ce que vous retrancherez vous-même de vous. Faites, Seigneur; rendez mon ame' vide, par les événements de votre providence. Je por- affamée , défaillante; faites selon votre bon plaiterai paisiblement toutes ces privations. Voici sir. Je me tais; j'adore; je dis sans cesse : Que encore ce que j'ajouterai; c'est que, dans les con- votre volonté se fasse , et non la mienne !' versations innocentes et nécessaires, je retrancherai ce que vous me ferez sentir intérieurement XI. POOR LE JEUDI SAINT. qui n'est qu'une recherche de moi-même. Quand je me sentirai porté à faire là-dessus quelque sa Jésus, sagesse éternelle, vous êtes caché dans crifice , je le ferai gaiement. Mais d'ailleurs, ô le sacrement, et c'est là que je vous adore aujourmon Dieu ! je sais que vous voulez qu'un cæur d'hui. Oh ! que j'aime ce jour, où vous vous donqui vous aime soit au large. J'agirai avec con- nâtes vous-même tout entier aux apôtres ! que fiance, comme un enfant qui joue entre les bras dis-je, aux apôtres ? vous ne vous êtes pas moins de sa mère; je me réjouirai devant le Seigneur; donné à nous qu'à eux. Précieux don, qui se reje lâcherai de réjouir les autres; j'épancherai nouvelle de jour en jour depuis tant de siècles, et mon caur sans crainte dans l'assemblée des en- qui durera sans interruption autant que le monde ! fants de Dieu. Je ne veux que candeur, innocence, O gage des bontés du Père de miséricorde ! ô sajoie du Saint-Esprit. Loin, loin, ô mon Dieu ! crement de l'amour ! ô pain au-dessus de toute cette sagesse triste et craintive qui se ronge tou- substance ! Comme mon corps se nourrit du pain jours elle-même, qui tient toujours la balance grossier et corruptible, ainsi mon ame doit se en main pour peser des atomes , de peur nourrir chaque jour de l'éternelle Vérité qui s'est pre ce jeûne intérieur ! C'est vous faire injure que faite non seulement chair pour être vue, mais ende n’agir pas avec vous avec plus de simplicité : core pain pour être mangée et pour nourrir les cette rigueur est indigne de vos entrailles pater- enfants de Dieu. nelles. Vous voulez qu'on vous aime uniquement; Hélas ! où êtes-vous donc , ô Sagesse profonde voilà sur quoi tombe votre jalousie : mais quand qui avez formé l'univers ! qui pourroit croire que on vous aime, vous laissez agir librement l'a- | vous sussiez sous cette vile apparence ? On ne voit mour, et vous voyez bien ce qui vient véritable- qu’un peu de pain, et on reçoit vec la chair viment de lui. vifiante du Sauveur tous les trésors de la Divinité ! Je jeûnerai donc, ô mon Dieu! de toute vo O sagesse, ô amour infini ! Pour qui faites-vous de lonté qui n'est point la vôtre; mais je jeûnerai si grandes choses? pour des hommes grossiers, aveupar amour, dans la liberté et dans l'abondance gles, stupides, ingrals, insensibles, incapables de de mon cæur. Malheur à l'ame rétrécie et dessé- goûter votre don! Où sont les ames qui se nourchée en elle-même, qui craint tout; et qui, à rissent de votre pure vérité, qui vivent de vous seul, force de craindre, n'a pas le temps d'aimer et de qui vous laissent vivre en elles et qui se transforcourir généreusement après l'Époux ! menten vous? Je le comprends; vous voulez faire en Oh! que le jeûne que vous faites faire à l'ame sorte que parce sacrement nous n'ayons plus d'autre sans la gêner est un jeûne exact ! Il ne reste rien sagesse que la vôtre, ni d'autre volonté que votre au cæur que le Bien-Aimé; et encore il cache volonté même, qui doit vouloir en nous. Celte sasouvent le Bien-Aimé, pour laisser l'ame défail- gesse divine doit être cachée en nous, comme elle lante et prête à expirer faute de soutien. Voilà le l’est sous les voiles du sacrement. Le dehors doit grand jeûne , où l'homme voit sa pauvreté toute être simple, foible, méprisable à l'orgueilleuse sanue, où il sent un vide affreux qui le dévore ; et gesse des hommes ; le dedans doit être tout mort où Dicu même semble lui manquer, pour lui ar- à soi, tout transformé, tout divin. racher jusqu'aux moindres restes de vie en lui Jusqu'ici , ô mon Sauveur ! je ne me suis point même. O grand jeûne de la pure foi , qui vous nourri de votre vérité : je me suis nourri des cécomprendra? où est l'ame assez courageuse pour rémonies de la religion, de l'éclat de certaines vous accomplir! O privation universelle! ô renoncement à soi comme aux choses les plus vaines ' Luc. XI, 12. |