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cette paix! Mais ce n'est pas assez de me la faire, Sauveur1! Vous êtes déja venu une fois. Les anciens justes ont vu le Desiré des nations; mais les vôtres ne vous ont point connu. La lumière a lui au milieu des ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas comprise 2. Que tardez-vous? Revenez, Seigneur, revenez frapper la terre ingrate, et juger les hommes aveugles. O Roi dont les princes de la terre ne sont qu'une foible image, que votre règne arrive! Quand viendra-t-il d'en-haut sur nous, ce règne de justice, de paix et de vérité? Votre Père vous a donné toutes les nations; il vous a donné toute puissance et dans le ciel et sur la terre; et cependant vous êtes méconnu, méprisé, offensé, trahi! Quand sera donc le jugement du monde endurci, et le jour de votre triomphe? Levez-vous, levez-vous ô Dieu! jugez votre propre cause; brisez l'impie du souffle de vos lèvres: délivrez vos enfants; justifiez-vous en ce grand jour à la face de toutes les nations: c'est votre gloire et non la nôtre que nous cherchons.

aimer et desirer, rendez-m'en digne, en écrasant
mon orgueil. Abattez mon esprit autant que mon
corps. Que mon orgueil ait encore plus d'oppres-
sion et d'accablement que ma poitrine; qu'il ne
puisse plus respirer. Achevez, Seigneur, de m'ar-
racher à la société profane de ceux qui ne vous
connoissent ni ne vous aiment. Etouffez en moi
jusqu'aux derniers restes de la mauvaise honte.
Rompez tous mes liens, et formez-en de nouveaux
qui m'attachent à vous seul inséparablement. '
Que vous ai-je fait pour mériter tant de graces?
J'ai foulé aux pieds les anciennes, j'ai payé d'in-
gratitude toutes vos bontés d'autrefois. Voilà l'u-
nique mérite que j'ai devant vous. Il n'y a que
ma misère qui puisse exciter votre miséricorde.
Après cela, hésiterai-je encore entre le monde et
vous: le monde qui veut me perdre, vous qui
voulez me sauver? Repousserai-je la croix que
vous me présentez avec tant d'amour, pour me
délivrer des maux de mon ame, bien plus terribles
que ceux de mon corps?

O Seigneur! je m'abandonne à votre miséricorde. Je mériterois d'être livré à votre éternelle justice. Frappez; faitse de votre vile créature selon votre bon plaisir. Plus de volonté que la vôtre. Je vous louerai dans toutes mes douleurs, je baiserai la main qui me frappe, je me croirai encore épargné. Je suis prêt à tout, à vivre séparé du monde, confessant hautement votre Évangile, ou à mourir sur la croix avec vous, ô Jésus! qui êtes mon amour et ma vie.

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C'est maintenant, ô mon Dieu! que je veux me recueillir pour adorer en silence les mystères de votre Fils, et pour attendre qu'il naisse au fond de mon cœur. Venez, Seigneur Jésus : venez, Esprit de vérité et d'amour qui le formâtes dans le sein de la sainte Vierge.

Je vous attends, ô Jésus! comme les prophètes et les patriarches vous ont attendu. Que volontiers je dis avec eux : O cieux, répandez votre rosée, et que les nues fassent descendre le Juste! que la terre s'entr'ouvre, et qu'elle germe son

Mon Dieu, je vous aime pour vous, et non pour moi. Je souffre, je sèche de tristesse, voyant prévaloir l'iniquité sur la terre, et votre Évangile foulé aux pieds. Je souffre, me sentant malgré moi assujetti à la vanité. Jusques à quand, Seigneur, laisserez-vous votre héritage désolé? Revenez donc, Seigneur Jésus; rendez-nous la lumière de votre visage. Je ne veux tenir à aucune des choses qui m'environnent ici-bas. Elles menacent toutes ruine prochaine. Ces voûtes immenses des cieux s'écrou`leront dans les abîmes ; cette terre couverte de péchés sera consumée et renouvelée par le feu vengeur. Les astres tomberont, leur lumière s'éteindra; les éléments embrasés se confondront; la nature eutière sera bouleversée. A ce spectacle, que l'impie frémisse! Pour moi, je m'écrie, ô Seigneur! avec amour et confiance: Frappez; glorifiez-vous aux dépens de tout ce qui blesse votre sainteté. Frappez sur moi; ne m'épargnez point pour me purifier et pour me rendre digne de vous. Hélas! ce monde insensé n'est occupé que du moment présent qui échappe. Tout ceci va périr, et on veut en jouir comme s'il devoit être éternel! Le ciel et la terre passeront comme la fumée; votre parole seule demeure éternellement. O vérité, on ne vous connoît point! Le mensonge est adoré; il remplit tout le cœur de l'homme. Tout est faux, tout est trompeur.Tout ce qui se voit, tout ce qui se touche, tout ce qui est sensible, tout ce qui est mesuré par le temps, n'est rien. Faut-il que ce vain fantôme soit cru si solide, et que l'immuable vérité passe pour un songe? Hé! Seigneur, pourquoi souffrez-vous cet

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enchantement? La terre entière est plongée dans | est. Vous vous plaisez à choisir ce qui est le plus

:

le sommeil de la mort réveillez-la par votre lumière. Pour moi, je ne veux que vous ; je n'attends que vous je regarde la foudre prête à partir de votre main pour écraser les hommes superbes, et pour venger votre patience méprisée. Loin de craindre la mort, je la regarde comme la délivrance de vos enfants. Oui, Seigneur, nous mourrons; le charme funeste se rompra tout-à-coup. Vous ne serez plus offensé je vous aimerai, je n'aimerai que vous je ne m'aimerai plus moi-même. Oh! que j'aime votre avénement ! Déja, selon votre précepte, je lève ma tête pour aller au-devant de vous. Par le transport de mon amour, je m'élance audevant du Seigneur, comme votre apôtre Pierre me l'a enseigné. Je suis foible, misérable, fragile, il est vrai; j'ai tout à craindre si vous me jugez dans la rigueur de votre justice, j'en conviens mais plus je suis fragile, plus je conclus que la vie est un danger et que la mort est une grace.

O Seigneur ! ôtez le péché, venez régner en moi; arrachez-moi à moi-même, et je serai pleinement à vous. Eh! qu'ai-je à faire sur la terre? que puisje desirer dans cette vallée de larmes, où le mal est au comble, et où le bien est si imparfait? Rien que votre volonté ne peut m'y retenir. Je n'aime rien de tout ce que je vois; je ne veux point m'aimer moi-même : venez, Seigneur, ô mon amour!

vil, pour faire aux yeux du monde surpris ce qui est le plus grand et le plus impossible. Vous êtes jaloux de la gloire de votre ouvrage, et vous ne le voulez fonder que sur le néant. Vous creusez jusqu'au néant pour le fonder, comme les hommes sages dans leurs bâtiments creusent jusqu'au rocher ferme. Creusez donc en moi, ô mon Dieu ! jusqu'à l'anéantissement de tout moi-même! Esprit destructeur, renversez, mettez tout en désordre, n'épargnez aucun arrangement humain ; défaites tout pour tout refaire. Que votre créature soit toute nouvelle, et qu'il ne reste aucune trace de l'an cien plan. Ayant alors tout effacé, tout défiguré, tout réduit à un pur néant, je deviendrai en vous toutes choses, parce que je ne serai plus en moi rien de fixe. Je n'aurai aucune consistance, mais je prendrai dans votre main toutes les formes qui conviendront à vos desseins. C'est par l'anéantissement de mon être propre et borné, que j'entrerai dans votre immensité divine. Oh! qui le comprendra? Oh! qui me donnera des ames qui aient le goût et l'attrait de la destruction? Si peu que l'on réserve, on demeure borné. Quelque bonne que paroisse la réserve, quand c'est à l'égard de Dieu qu'on la fait, c'est un larcin; car tout lui est dû, puisque tout vient de lui. Plus les dons sont purs, plus il est jaloux de ne nous les point laisser posséder en propre. Il n'y a donc que l'entière destruction qui nous rende ses vrais instrumens.

II. POUR LE JOUR DE SAINT THOMAS. O mon Dieu! ouvrez-moi les yeux; élargissez mon cœur, pour me faire comprendre et sentir les dons que vous avez mis dans cet apôtre. Esprit qui l'avez envoyé, qui l'avez conduit, qui l'avez rempli, remplissez-moi, inspirez-moi, transfor-Il mez-moi en une créature nouvelle. O Père des lumières et des miséricordes, vous faites des hommes ce qu'il vous plaît! Ils semblent n'être plus hommes dès que vous parlez. Quel est donc cet homme foible, timide, vil selon le monde; pauvre, grossier, ignorant? Où va-t-il? Que prétend-il faire? Changer la face des nations les plus éloignées; vaincre par la seule vérité les peuples jusques auxquels les rois conquérants n'ont jamais pénétré par leurs armes ; découvrir un nouveau monde pour y porter une nouvelle loi. Entreprendre de telles choses sur le monde, c'est être bien mort à sa propre sagesse ; c'est être bien | enivré de la folie de la croix. C'est ainsi, Esprit destructeur, que vous anéantissez dans vos parfaits enfants toute sagesse, tout esprit propre, toute règle humaine, tout moyen raisonnable. Vous appelez ce qui n'est pas, pour confondre ce qui

Faites de moi, Seigneur, comme de Thomas votre apôtre. Il étoit de ces hommes anéantis, dont il est dit qu'ils étoient livrés à votre grace. n'étoit rien ni par les richesses, ni par la réputation, ni par les talents, ni même par la vertu. C'étoit l'infirmité même, où vous avez pris plaisir de faire reluire votre force. Il porté votre nom jusqu'au fond de l'Orient à ces peuples qui étoient assis dans la région de l'ombre de la mort, et qui n'avoient pas même des yeux pour voir la lumière. Le monde, tout monde qu'il est, critique, malin, scandalisé de tout; indocile, endurci, faux, et trompeur jusqu'à se tromper luimême; dégoûté de la vérité qui lui est odieuse, amateur insensé du mensonge qui le flatte; ce monde n'a pas pu résister à celui qui n'étoit rien par lui-même, et qui, par cet anéantissement, étoit tout en Dieu. Dieu parle dans sa chétive créature; et cette parole, qui a fait le monde, le renouvelle. O mon Dieu! je l'entends, et je tressaille de joie au Saint-Esprit en le comprenant: vous l'avez caché aux grands et aux sages; ja

mais ils ne l'entendront; mais vous le révélez aux
simples et aux petits. Tout consiste à s'ape-
tisser et à s'anéantir. Tandis qu'on est encore
quelque chose, on n'est encore rien, on n'est
encore propre
à rien; ce qui reste même de plus
caché, même de meilleur en apparence, résiste
à tout ce que Dieu veut faire, et arrête sa main
toute-puissante.

Mais quelle étendue cette vérité n'a-t-elle point! Hélas! où est l'ame courageuse qui veut bien n'être rien, et qui laisse tout tomber, tout perdre, talents, esprit, amitiés, réputation, honneur, vertu propre? Où sont-elles, ces ames de foi? On fait comme Thomas incrédule; on veut voir, on veut toucher, on veut s'assurer des dons de Jésus-Christ et de son avancement; mais bienheureux ceux qui croient sans voir1, et qui adorent Dieu en esprit et en vérité par le sacrifice d'holocauste, qui est la perte totale de tout ce qui est à nous ! Voilà ce qui fait la vie apostolique, transformée en Jésus-Christ.

III. POUR LE JOUR DE NOEL.

et

Je vous adore, enfant Jésus, nu, pleurant, étendu dans la crèche. Je n'aime plus que votre enfance et votre pauvreté. Oh! qui me donnera d'être aussi pauvre et aussi enfant que vous ! 0 Sagesse éternelle, réduite à l'enfance! ôtez-moi ma sagesse vaine et présomptueuse; faites-moi enfant avec vous. Taisez-vous, sages de la terre; je ne veux rien être; je ne veux rien savoir; je

veux tout croire; je veux tout souffrir; je veux tout perdre, jusqu'à mon propre jugement.

daigne point se fier à leur discernement. Le monde sera grand tant qu'il lui plaira; les gens de bien même, à bonne intention et par le zèle des bonnes œuvres, croîtront chaque jour en prudence, en prévoyance, en mesures, en éclat de vertu; pour moi, tout mon plaisir sera de décroitre, de m'apetisser, de m'avilir, de m'obscurcir, de me taire, de consentir à être imbécile et à passer pour tel; de joindre à l'opprobre de Jésus crucifié l'impuissance et le bégaiement de Jésus enfant. On aimeroit mieux mourir avec lui dans les douleurs, que de se voir avec lui emmailloté dans le berceau. La petitesse fait plus d'horreur que la mort, parce que la mort peut être soufferte par un principe de courage et de grandeur; mais n'être plus compté pour rien, comme les enfants, et ne pouvoir plus se compter soi-même; retomber dans l'enfance, comme certains vieillards décrépits dont les enfants dénaturés se jouent, et voir d'une vue claire et pénétrante toute la dérision de cet état; c'est le plus insupportable supplice pour une ame grande et courageuse, qui se consoleroit de tout le reste par son courage et par sa sagesse. O sagesse! ô courage! ô raison! ô vertu propre !

vous êtes la dernière chose dont l'ame mourante à elle-même a plus de peine à se dépouiller. Tout le reste qu'on quitte ne tient presque point; ce sont des habits qui se lèvent du bout du ôter cette sagesse propre qui fait la vie la plus doigt, et qui ne tiennent point à nous; mais nous intime de l'ame, c'est arracher la peau, c'est

nous écorcher tout vifs, c'est nous déchirer jusque dans la moelle des os. Hélas! j'entends ma raison qui me dit : Quoi donc ! faut-il cesser

Bienheureux les pauvres, mais les pauvres d'esprit, que Jésus a faits semblables à lui dans sa crèche, et qu'il a dépouillés de leur propre rai-fous qu'on est contraint de renfermer? Dieu crèche, et qu'il a dépouillés de leur propre rai- d'être raisonnable? Faut-il devenir comme les son! O hommes qui êtes sages dans vos pensées, n'est-il pas la sagesse même? La nôtre ne vientprévoyants dans vos desseins, composés dans vos discours, je vous crains; votre grandeur m'inti-elle pas de la sienne, et par conséquent ne fautmide, comme les enfants ont peur des grandes personnes. Il ne me faut plus que des enfants de la sainte enfance. Le Verbe fait chair, la Parole toute-puissante du Père se tait, bégaie, pleure, pousse des cris enfantins; et moi je me piquerai d'être sage, et je me complairai dans les arran

il pas que nous la suivions? Mais il y a une extrême différence entre être raisonnants et être

raisonnables. Nous ne serons jamais si raisonnables que quand nous cesserons d'être si raisonnants. En nous livrant à la pure raison de Dieu, que la nôtre foible et vaine ne peut comprendre, nous serons délivrés de notre sagesse,

égarée depuis le péché, incertaine, courte et

gements que fait mon esprit, et je craindrai que le monde n'ait point une assez haute idée de ma présomptueuse, ou plutôt nous serons délivrés capacité! Non, non, je serai de ces heureux ende nos erreurs, de nos indiscrétions, de nos enfants qui perdent tout pour tout gagner, qui ne se têtements. Plus une personne est morte à ellesoucient plus de rien pour eux-mêmes, qui comp-même par l'esprit de Dieu, plus elle est discrète tent pour rien qu'on les méprise, et qu'on ne

Joan., x, 29.

sans songer à l'être car on ne tombe dans l'indiscrétion que par vivre encore à son propre

sans

esprit, à ses vues et à ses inclinations naturelles ; | n'est point écouté. On craint de lui ouvrir son c'est qu'on veut, qu'on pense, et qu'on parle cœur, on ne le lui offre qu'avec réserve; on craint encore à sa mode. La mort totale de notre propre qu'il ne parle et ne demande trop. On voudroit sens feroit en nous la vraie et la consommée bien le laisser dire, mais à condition de ne prensagesse du Verbe de Dieu. Ce n'est point par un dre ce qu'il diroit que suivant la mesure réglée effort de raison au-dedans de nous que nous nous par notre sagesse: ainsi ce seroit notre sagesse élèverons au-dessus de nous-mêmes; c'est au qui jugeroit celui qui doit la juger! contraire par l'anéantissement de notre propre être, et surtout de notre propre raison, qui est la partie la plus chère à l'homme, que nous en trerons dans cet être nouveau, où, comme dit saint Paul, Jésus-Christ fait notre vie, notre justice et notre sagesse. Nous ne nous égarons qu'à force de nous conduire par nous-mêmes. Donc nous ne serons à l'abri de l'égarement qu'à force de nous laisser conduire, d'être petits, simples, livrés à l'Esprit de Dieu, souples et prêts à toute sorte de mouvements, n'ayant aucune consistance propre, ne résistant à rien, n'ayant plus de volonté, plus de jugement, disant naïvement ce qui nous vient, et n'aimant qu'à céder après l'avoir dit. C'est ainsi qu'un petit enfant se laisse porter, reporter, lever, coucher; il n'a rien de caché, rien de propre. Alors nous ne serons plus sages, mais Dieu sera sage en nous et pour nous. Jésus-Christ parlera en nous, pendant que nous croirons bégayer. O Jésus enfant! il n'y a que les enfants qui puissent régner avec vous.

IV. POUR LE JOUR DE SAINT JEAN L'ÉVANGÉLISTE.

O Jésus! je desire me reposer avec Jean sur votre poitrine, et me nourrir d'amour en mettant mon cœur sur le vôtre. Je veux être, comme le disciple bien-aimé, instruit par votre amour. Il disoit, ce disciple, pour l'avoir éprouvé, que l'onction enseigne toutes choses. Cette onction intérieure de votre esprit instruit dans le silence. On aime, et on sait tout ce qu'il faut savoir; on goûte, et on n'a besoin de rien entendre. Toute parole humaine est à charge et ne fait que distraire, parce qu'on a au-dedans la parole substantielle qui nourrit le fond de l'ame. On trouve en elle toute vérité. On ne voit plus qu'une seule chose, qui est la vérité simple et universelle; c'est Dieu, devant qui la créature, ce rien trompeur, disparoît et ne laisse aucune trace de son

mensonge.

O Amour, vrai Docteur des ames! on ne veut point vous écouter: on écoute de beaux discours, on écoute sa propre raison; mais le vrai Maître, qui enseigne sans raisonnements et sans paroles,

I. Joan., 11, 27.

O Amour! vous voulez des ames livrées à vos transports; des ames qui ne craignent point, non plus que les apôtres, d'être insensées aux yeux du monde. Il ne suffit pas, ô divin Esprit! de se remplir de vous, il faut en être enivré. Que n'apprendroit-on point sans raisonnement, science, si on ne consultoit plus que le pur amour, qui veut tout pour lui, qui ne laisse rien à la créature, et qui met seul la vérité du règne de Dieu dans le fond de l'ame! L'amour décide dans tous les cas, et ne s'y trompe point; car il ne donne rien à l'homme, et rapporte tout à Dieu seul. C'est un feu consumant, qui embrase tout, qui dévore tout, qui anéantit tout, qui fait de sa victime le parfait holocauste. Oh! qu'il fait bien connoître Dieu! car il ne laisse plus voir que lui; mais d'une vue bien différente de celle des hommes, qui ne le considèrent que dans une froide et sèche spéculation. Alors on aime tout ce qu'on voit, et c'est l'amour qui donne des yeux perçants pour le voir. Un moment de paix et de silence fait voir plus de merveilles que les profondes réflexions de tous les savants.

Mais encore, ô Amour! comment est-ce que vous enseignez toutes choses, vous qui n'en pouvez souffrir qu'une seule; et qui fermez les yeux à tout le reste, pour les attacher immuablement à un seul objet? Oh! j'entends ce secret! c'est que la vraie manière de bien savoir tout le reste, pendant cette vie, est de l'ignorer par mépris. On sait de Dieu ce qu'on en peut savoir, en sachant qu'il est tout on sait de la créature entière tout ce qu'il en faut savoir, en sachant qu'elle n'est rien. Voilà donc la toute-science, inconnue aux savants du siècle, et réservée aux pauvres d'esprit instruits par l'onction du pur amour : ils pénètrent au fond tout ce qui est créé en ne daignant pas même y faire attention, ni ouvrir les yeux pour le voir. Qu'importe qu'ils ne sachent point raisonner sur Dieu! Ils savent l'aimer, c'est assez. Bienheureuse science, qui éteint toute curiosité, qui rassasie l'ame de la vérité pure; qui non seulement lui montre toute la vérité en l'occupant de Dieu, mais qui porte cette vérité simple et unique dans le fond de cette ame, pour n'être plus qu'une même chose avec elle!

Hélas! combien de grands docteurs qui ne voient goutte croyant tout savoir! Ils ne veulent rien ignorer, ni sur la nature des divers êtres, ni sur leurs propriétés, ni sur l'ordre de l'univers, ni sur l'histoire du genre humain, ni sur les ouvrages des hommes, ni sur les arts qu'ils ont inventés, ni sur leurs diverses langues, ni sur les règles de conduite qu'ils ont entre eux. Oh! qu'ils seroient dégoûtés de toutes ces recherches curieuses, s'ils connoissoient bien l'homme ! S'amuse-t-on à un ver de terre? et le néant même, n'est-il pas encore plus indigne de nous occuper? Eh! que peut-on apprendre de ce qui n'est rien? Il n'y a qu'une seule vérité infinie, qui absorbe tout, et qui ne laisse aucune curiosité hors d'elle tout le reste n'est que néant, et par conséquent mensonge. Qu'on s'instruise pour le besoin des conditions, c'est bien fait mais qu'on croie savoir quelque chose quand on ne sait que ce rien, qu'on espère en orner son esprit, qu'on cherche à le nourrir et à le satisfaire en l'occupant de la créature vaine et creuse: folie! ô ignorance de ceux qui veulent tout savoir !

:

O Jésus! je n'ai plus d'autre docteur que vous, plus d'autre livre que votre poitrine. Là, j'apprends tout en ignorant tout, et en m'anéantissant moi-même. Là, je vis de la même vie dont vous vivez dans le sein de votre Père. Je vis d'amour : l'amour fait tout en moi. Ce n'est que pour l'amour que je suis créé; et je ne fais ce que Dieu a prétendu que je fisse en me créant, qu'autant que j'aime. Je sais donc tout, et je ne veux plus savoir que vous. Taisez-vous, monde curieux et sage; j'ai trouvé sur la poitrine de Jésus l'ignorance et la folie de sa croix, en comparaison de laquelle tous vos talents ne sont qu'ordure: méprisez-moi autant que je vous méprise.

V. POUR LE JOUR DE LA CIRCONCISION.

O Jésus, je vous adore sous le couteau de la circoncision. Que je vous aime dans cette abjection et dans cette foiblesse! Je vous vois tout couvert de honte, mis au rang des pécheurs, assujetti à une loi humiliante, souffrant de vives douleurs, et répandant déja, dès les premiers jours de votre enfance, les prémices de ce sang qui sera sur la croix le prix du monde entier.

Vous n'entrez donc dans le monde que pour souffrir. Vous y prenez d'abord le nom de JÉSUS, qui signifie Sauveur; et c'est pour sauver les

pécheurs que vous vous mettez au nombre des pécheurs souffrants. Avec quelle consolation, ó enfant Jésus! vois-je couler vos larmes et votre sang! C'est ici le `commencement du mystère de douleur et d'ignominie. O précieuse victime! Vous croîtrez; mais vous ne croitrez que pour faire croître avec vous les marques de votre amour. Vous ne retardez votre sacrifice que pour le rendre plus grand et plus rigoureux.

Mais, hélas ! ô Jésus! que vois-je dans vos douleurs? Est-ce un objet qui doive exciter en moi une compassion tendre? Non; car c'est sur moi, et non sur vous, que je dois pleurer. Je ne puis considérer vos humiliations et vos souffrances sans apercevoir aussitôt que vous ne vous humiliez et ne souffrez que pour mes besoins, c'est pour expier mes péchés d'orgueil et de mollesse, c'est pour m'enseigner à souffrir et à porter la confusion que je mérite. La nature vaine et lâche frémit à la vue de son Sauveur qui est anéanti et souffrant; elle se sent écrasée par l'autorité de cet exemple; elle demeure sans excuse.

Il faut donc préparer son cœur à la confusion et à l'amertume. Oui, je le veux, ô Jésus! Je prends la croix pour marcher après vous. Qu'on me méprise, on aura raison; le mépris que j'ai pour moi n'est sincère qu'autant qu'il me fait consentir à être méprisé par les autres. Quelle injustice de vouloir que ce qui nous paroît bas et indigne éblouisse notre prochain! Je me livre donc, ô Jésus! à tout opprobre que vous m'enverrez; je n'en refuse aucun, et il n'y en a aucun que je ne mérite. O ver de terre ! est-ce à toi que l'honneur est dû? O ame pécheresse! qu'as-tu mérité sinon d'être la balayure du monde? Puis-je jamais être mis trop bas, moi qui ne suis par ma nature que néant, et par ma propre volonté que péché? Ame vaine, et ingrate à ton Dieu, porte donc sans murmurer la confusion qui est ton partage! Plus d'honneur, plus de bienséance, plus de réputation. Tous ces beaux noms doivent être sacrifiés à un Sauveur rassasié d'opprobres. Qu'as-tu en toi qui ne demande l'humiliation? Est-ce ton orgueil? Eh! c'est ton orgueil même qui te rend encore plus misérable et plus indigne de tout honneur.

Mais, hélas! ô Jésus! qu'il y a loin entre les sentiments généraux d'humiliation et la pratique ! On salue la croix de loin, mais de près on en a horreur. Je vous promets maintenant de marcher sur les traces sanglantes que vous me laissez : mais quand l'opprobre et la douleur de la croix paroîtront, tout mon courage m'abandonnera.

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