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qui étoient disposés au christianisme; le péril de voir les esprits du peuple, et celui du roi même, changer avant que les prêtres de l'empire arrivassent, tout cela devoit presser cette femme, et l'engager à faire des pasteurs du pays. Cependant rien ne l'ébranle; elle envoie demander des prêtres, et il paroît qu'on ne pensoit seulement pas qu'on en pût avoir autrement que par l'imposition des mains des anciens pasteurs.

cution, et ensuite combattu pour réparer leur faute, conservent leur honneur, excepté qu'ils s'abstiendront de tout sacré ministère, ou (si on veut le traduire ainsi ) de tout ministère sacerdotal, d'offrir le pain ou le calice, ou de précher.

Il est manifeste que ce ministère sacré ou sacerdotal n'est que celui de servir le prêtre à l'autel. Le diacre est le ministre sacerdotal, c'est-à-dire du prêtre ou du pontife. Nous avons vu, par saint Cyprien, que le diacre offroit au peuple le pain et le calice. Ainsi il faut conclure que ce terme d'offrir signifie souvent la simple distribution de l'eucharistie. Voilà des diacres auxquels, après leur chute, on conserve leur rang, à condition néanmoins qu'ils ne serviront à l'autel ni ne prêcheront.

Tout le monde comprendra facilement qu'il faut entendre de même ce que firent l'armurier Maturien et l'esclave Saturnien', qui annoncèrent l'Évangile aux Maures pendant leur captivité. Du Moulin avoue qu'après avoir avancé l'ouvrage, ils firent venir à leur secours des prêtres du territoire de l'empire romain. Tout cela montre seulement qu'ils parlèrent de Jésus-Christ aux Barbares, qu'ils leur inspirèrent la foi par leurs Grotius ajoute un canon du premier concile conversations et par leurs exemples, chose que d'Arles, qui dit : « Pour les diacres que nous nos laïques doivent toujours s'efforcer de faire » avons appris qui offrent en plusieurs lieux, il a dans les occasions. Mais je prie tous les protes-» été jugé que cela ne se doit nullement faire'. » tants équitables de comparer ces deux artisans que du Moulin nous objecte, avec les deux laïques qui fondèrent, au siècle passé, leurs deux églises de Paris et de Meaux 2. Les uns font connoître Jésus-Christ au peuple barbare qui les tient captifs, et il ne paroît point qu'ils aient prêché solennellement ni administré les sacrements; au contraire, quand les Maures sont disposés à croire, ces deux laïques appellent des prêtres pour dresser l'Église, et pour exercer le ministère; au lieu que les deux laïques de la réforme protestante, non seulement instruisent et préparent les esprits, mais encore prêchent, administrent les sacrements, s'érigent ouvertement en pasteurs, et dressent leurs églises.

N'est-il pas étonnant que parmi tant d'exemples de l'antiquité que la Réforme emploie il ne s'en trouve aucun qui attribue aux laïques dans les cas extrêmes, aucune fonction au-delà de celles que nous permettons nous-mêmes tous les jours aux laïques, et qu'il ne paroisse jamais de pasteur reconnu pour tel en aucun lieu sans ordination? Grotius, écrivant sur cette matière contre M. de l'Aubépine, évêque d'Orléans, allègue quelques autres monuments de l'antiquité : il rapporte le premier canon du concile d'Ancyre, qui veut que les diacres qui ont sacrifié dans la persé

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Je veux bien supposer avec cet auteur, contre toute vraisemblance, qu'il s'agit dans ce canon de la consécration réservée au seul prêtre. Si quelques diacres avoient commencé à se l'attribuer témérairement, s'ensuit-il qu'ils pussent le faire? La défense expresse du concile, qui condamne sans modification cette entreprise, servira-t-elle de titre pour l'autoriser?

Il rapporte encore un canon de Laodicée, qui assure qu'il ne faut pas que les sous-diacres donnent le pain ou bénissent le calice; c'est-à-dire qu'ils ne doivent usurper ni la fonction des diacres pour distribuer l'eucharistie, ni celle de donner des bénédictions, qui est une action de supériorité. Si on veut que cette bénédiction soit la consécration, il s'ensuivra seulement qu'on a défendu aux sous-diacres d'envahir le ministère des prêtres.

Il se sert aussi d'un canon du concile in Trullo, qui dit : « Si le laïque s'est fait lui-même partici» pant des sacrés mystères en présence du prêtre » ou du diacre, qu'il s'abstienne pendant une se» maine 2. » L'eucharistie qu'on se donnoit soimême chez soi, comme nous l'avons dit, ne devoit être reçue dans les assemblées que des mains des prêtres ou diacres.

N'oublions pas l'exemple de sainte Pétronille, qu'il tire du Martyrologe. En voici les paroles: « Les mystères de l'oblation du Seigneur étant » célébrés, elle rendit l'esprit aussitôt qu'elle eut

Concil. Arel. Can. xv. Conc. tom. 1, p. 1428.

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>> reçu le sacrement de Jésus-Christ. » Est-il dit » blée des pasteurs; personne, après le jugement que ce fut sainte Pétronille qui célébra les mystè-» de Dieu, après le suffrage du peuple, après le res? Non; il est dit seulement qu'elle reçut le sacrement. N'ajoutons point aux actes ce qui n'y est pas. Supposons même ce qui est d'ailleurs certain par saint Cyprien, qui est que les prêtres alloient célébrer les mystères dans les prisons pour les confesseurs.

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Pour montrer que l'ordination n'est qu'une cérémonie, et que c'est l'élection qui fait les pasteurs, M. Jurieu dit : « Quand deux actions con» courent dans un établissement, celle qui est » fondée sur un droit naturel est proprement de » l'essence; ct celle qui est de droit positif, et qui » n'est qu'une cérémonie, ne peut être essen» tielle 1. » D'où il conclut que l'élection, qui selon le droit naturel appartient au peuple, est la seule essentielle à l'établissement des pasteurs. Mais, outre que nous avons déja montré que l'ordination seule fait les pasteurs, je vais lui montrer encore que sa preuve, quand même elle ne seroit point contredite, ne conclut rien pour lui. Laissons donc pour un moment l'ordination: attachonsnous à l'élection seule. Si M. Jurieu ne prouve que l'élection appartient au peuple, il n'aura rien prouvé. Cependant, au lieu de le prouver exactement, il le suppose comme une vérité manifeste dans saint Cyprien, à cause qu'il y est parlé des suffrages du peuple dans les élections.

Mais M. Jurieu veut-il de bonne foi apprendre, de saint Cyprien même, ce que signifie le mot de suffrage? C'est dans l'Epitre LV, à Corneille, que ce Père parle de sa propre élection. Ses paroles serviront de réponse à M. Jurieu. « Les hérésies » et les schismes ne naissent point d'ailleurs que » de ce qu'on n'obéit pas au pontife de Dieu, et » qu'on ne pense point qu'il ne peut y avoir en >> chaque temps dans une église qu'un seul évêque » et un seul juge vicaire de Jésus-Christ. Si, selon » les préceptes divins, tous les frères lui obéissoient, » personne n'entreprendroit rien contre l'assem

Syst., page 378.

» consentement des co-évêques, ne voudroit se » faire le juge, non pas de l'évêque, mais de Dieu » même ; personne, en rompant l'unité de Jésus>> Christ, ne déchireroit l'Église; personne, par » complaisance pour soi-même et par enflure de » cœur, ne formeroit dehors et séparément une » nouvelle hérésie, si ce n'est toutefois que quel» qu'un ait assez de témérité sacrilége et d'égare» ment d'esprit pour penser que l'évêque soit établi >> sans le jugement de Dieu. » Il ajoute, en parlant de lui-même: «Quand un évêque a été sub»stitué en la place du défunt, quand il a été choisi > en paix par le suffrage de tout le peuple, quand » il est protégé par le secours de Dieu dans la per» sécution, qu'il est fidèlement joint à tous ses » collègues, et que pendant quatre années d'épis» copat il a été connu de son peuple. » Vous voyez que saint Cyprien, pour montrer que son élection a été légitime, représente d'abord le jugement de Dicu: puis il ajoute qu'elle a été paisible, agréée du peuple, approuvée par les évêques voisins; que sa constance dans la persécution, et l'intégrité de ses mœurs reconnue de tout le peuple pendant quatre ans, ôtent tout prétexte aux schismatiques de le déposer pour élire un nouvel évêque. Ainsi le suffrage du peuple, qui ne signifie tout au plus que son consentement, est mis avec plusieurs autres circonstances que M. Jurieu ne regarde pas lui-même comme nécessaires à une élection.

Il faut encore montrer à M. Jurieu quelle idée saint Cyprien donne de ce suffrage du peuple dans les autres Épîtres qu'il a citées contre nous. La trente-troisième est écrite aux prêtres, aux diacres de Carthage, et à tout le peuple, sur l'ordination d'Aurélius. L'évêque absent l'avoit ordonné lecteur sans les en avertir. « Mes très chers frères, » leur dit-il, nous avons accoutumé, dans les or» dinations du clergé, de vous consulter aupara>>vant; mais il ne faut point attendre le témoignage » des hommes quand les suffrages divins les pré» viennent, etc. Sachez donc, mes très chers » frères, qu'il a été ordonné par moi, et par mes » collègues qui étoient présents. » Qu'on ne nous dise point que ce n'étoit qu'une ordination de lecteur. A l'occasion d'un lecteur ordonné, saint Cyprien parle généralement et sans restriction de toutes les ordinations du clergé. Remarquez qu'il ne dit pas, nous sommes obligés de compter vos suffrages; mais seulement, nous avons accoutumé de vous consulter. Ce n'étoit donc qu'une cou

tume de l'Église, qui use toujours d'une conduite douce pour faire aimer son autorité. Et quand on demandoit le suffrage du peuple, on ne faisoit que le consulter. Mais encore, pourquoi le consultoiton? C'est, dit saint Cyprien, qu'on attendoit les témoignages humains. Vous voyez que cette consultation se réduisoit à s'assurer des mœurs de l'élu par le témoignage du peuple; et que saint Cyprien, après avoir appelé le suffrage du peuple les témoignages humains, ajoute qu'il n'a pas été nécessaire de les attendre, parce que les suffrages divins ont précédé : c'est-à-dire, ou que ce Père avoit eu une révélation particulière sur ce choix comme il en avoit souvent sur les affaires de l'Église, ou qu'il avoit assez reconnu la vocation divines sur Aurélius par sa constance dans le tourment et par l'intégrité de ses mœurs.

Dans l'Epitre XXXIV, ce Père parle avec la même autorité sur une semblable ordination de Célerin.

Si M. Jurieu méprise ces élections de lecteurs, je le prie de remarquer que saint Cyprien choisit à la fin de cette Épître ces deux lecteurs avec la même autorité pour les élever au sacerdoce. Au reste, sachez, dit-il, que je les ai déja désignés pour les honorer du sacerdoce. Il ajoute qu'ils recevront dès ce jour-là les mêmes distributions que les prêtres; et qu'il les fera asseoir avec lui, lorsqu'ils auront atteint un âge plus mûr. Ainsi ce n'est point une désignation vague et incertaine; c'est un choix fixe et déterminé qui commence à s'exécuter sans attendre l'avis du peuple, et auquel il ne manque rien pour être une véritable élection. C'est encore ainsi que saint Cyprien mande au clergé de Carthage de recevoir au rang des prêtres Numidicus qu'il a élevé au sacerdoce. Quand je serai présent, ajoute-t-il, il sera encore élevé à une plus grande fonction, c'est-à-dire à celle de l'épiscopat. Vous voyez que le peuple n'est pas seulemeut consulté. Ainsi, lorsque saint Cyprien assure qu'il ne veut rien faire que par l'avis du clergé, et même du peuple, c'est qu'il veut profiter des avis de tous ; c'est qu'il veut, par cette condescendance paternelle, faire aimer son autorité mais il se réserve, comme il paroît par ces exemples, de décider seul quand il le juge convenable. Enfin l'assurance qu'il donne, de n'agir point d'ordinaire sans consulter, montre qu'il veut bien suivre une règle à laquelle il n'étoit pas assujetti en rigueur; et au contraire les cas où il décide seul font assez voir qu'il avoit le droit de le faire.

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M. Jurieu n'a rien dit de l'Épître LXVIII du même Père; mais comme il pourroit s'en servir dans la suite, il n'est pas inutile de lui montrer combien elle est contraire à ses sentiments. Elle est écrite au clergé et au peuple fidèle d'Espagne, sur Basilide et Martial, qui, étant tombés pendant la persécution, avoient été déposés. On avoit ordonné Sabin et Félix en leur place. Voici les paroles dont il semble d'abord que les protestants pourroient tirer quelque avantage : « Le peuple obéissant » aux préceptes divins, et craignant Dieu, peut » se séparer de son pasteur qui pèche, et ne doit » pas prendre de part aux sacrifices d'un prêtre » sacrilege; principalement puisqu'il a le pouvoir, » ou de choisir de dignes pasteurs, ou d'en refu» ser d'indignes: ce que nous voyons qui vient de » l'autorité divine. » Jusque-là, qui ne croiroit que saint Cyprien a jugé, comme les protestants, que les élections des pasteurs dépendent absolument du peuple? Mais cet exemple doit montrer combien il est facile de se tromper sur les sentiments des auteurs, quand on s'arrête à des passages qui semblent formels, et qu'ils sont détachés de la suite. Il faut se souvenir qu'il n'est question dans cette Epître que de montrer, non au peuple seul, mais au clergé et au peuple ensemble, qu'ils peuvent abandonner un pasteur légitimement déposé pour sa chute, et en la place duquel un autre aura été mis par une ordination canonique. La suite lève toute équivoque. «Principalement, dit saint » Cyprien, puisque le peuple a le pouvoir de choi» sir de dignes pasteurs ou d'en refuser d'indignes: >> ce que nous voyons qui vient de l'autorité di>> vine qui a voulu que le pasteur fût choisi en pré» sence du peuple aux yeux de tout le monde, et

qu'il fût reconnu digne et capable par le juge»ment et par le témoignage public, comme le » Seigneur, dans les Nombres, commanda à Moïse, » disant : Prenez Aaron votre frère, et Éléazar » son fils... Dieu commande d'établir le prêtre de»vant toute la synagogue, c'est-à-dire qu'il fait >> entendre que les ordinations de pasteurs ne doi» vent se faire qu'avec la connoissance du peuple » assistant, afin que, le peuple étant présent, on » découvre les crimes des méchants, et on publie >> les vertus des bons, et que l'ordination soit juste » et légitime, étant examinée par le suffrage et le » jugement de tous. » Il ajoute : « Ce qui se faisoit » avec tant de soin et de précaution, le peuple » étant assemblé, de peur que quelque indigne ne » se glissât dans le ministère de l'autel ou dans la » place épiscopale... C'est pourquoi il faut obser » ver, selon la tradition divine et l'usage aposto

» lique, ce qui s'observe chez nous et presque | avoit envoyée au Pape marquoit que l'élection s'étoit faite unanimement: mais comme elle n'étoit pas souscrite, et qu'il y avoit à Gênes beaucoup de citoyens de Milan qui s'y étoient réfugiés à cause des violences des Barbares, le Pape ordonna à Jean, son sous-diacre, d'y passer, « pour n'omettre » aucune précaution; afin que s'il n'y a point de

» dans toutes les provinces, que, pour bien faire » une ordination, les évêques de la province qui » sont voisins s'assemblent devant le peuple à qui » on doit ordonner un pasteur; et que l'évêque » soit élu en présence du peuple, qui connoît par» faitement la vie d'un chacun, et qui a observé > leur conduite. C'est ce que nous voyons qui a» division entre eux sur cette élection, et qu'il

» été fait chez vous dans l'ordination de notre col» lègue Sabin, etc. »

Il est manifeste que ce Père n'e représente cette convocation du peuple que comme une coutume de la part des églises ; et non pas comme une loi essentielle, suivie partout sans exception: l'exemple qu'il apporte de l'ordination d'Éléazar montre combien il étoit éloigné de penser que la présence du peuple lui donnât le droit d'élire, puisque les Israélites ne furent que les simples spectateurs de la transmission du père au fils, d'un ministère que Dieu avoit rendu successif et indépendant de toute élection. Il dit sans cesse qu'il faut appeler le peuple par précaution, pour s'assurer par son témoignage des mœurs de ceux qu'on élit.

reconnoisse que tous persévèrent à consentir, » etc. » Je crois n'avoir pas besoin de montrer que » tout cela se réduit manifestement aux règles que nous avons tirées de saint Cyprien pour la coutume d'appeler le peuple, de le consulter, et de s'accommoder autant qu'on le pouvoit à son inclination, afin qu'il obéît avec plus de confiance à un pasteur qu'il auroit lui-même desiré.

Le second chapitre est du pape Gélase, qui mande à Philippe et à Gérontius, évêques, qu'on lui a appris qu'une élection a été faite par un petit nombre des moins considérables du lieu dont le pasteur étoit mort. « C'est pourquoi, dit-il ', mes » très chers frères, il faut que vous assembliez sou» vent les divers prêtres et les diacres, et tout le Enfin il montre que toutes ces précautions ort» peuple de toutes les paroisses de ce lieu, afin que été observées pour Sabin, afin de donner plus d'autorité à son ordination; et d'engager plus fortement le peuple, ébranlé par les artifices du pasteur déposé, à reconnoître toujours le nouveau pasteur dont il avoit prouvé lui-même l'élection.

En voilà assez pour montrer que le droit d'élection réside, selon saint Cyprien, dans le corps des pasteurs et que les peuples n'y sont admis que comme témoins que l'on consulte en esprit de paix et d'union. C'est pourquoi, quand même l'élection feroit l'essence de l'établissement des pasteurs, ils ne tiendroient point leur ministère du peuple; et ainsi l'autorité que M. Jurieu emploie contre nous se tourneroit encore contre lui.

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CHAPITRE XV.

Suite sur l'élection des Pasteurs.

M. Jurieu nous cite quatre chapitres tirés de la dist. LXIII du Décret de Gratien, sans en rapporter aucune parole. Mais nous avons autant d'intérêt à les examiner en détail, qu'il en avoit de ne le faire pas. Le premier est de saint Grégoire pape'. Laurent, évêque de Milan, étant mort, on avoit élu Constance diacre. La relation qu'on en

Decret., dist. LXIII, cap. X.

» chacun étant libre, et les cœurs étant unis, etc.» Voilà une conduite paternelle. Il veut qu'on assemble le peuple avec le clergé, comme nous l'avons toujours reconnu, et qu'on tâche de les faire convenir. Est-ce là reconnoître dans le peuple un droit rigoureux de conférer la puissance pastorale?

Le troisième chapitre est de saint Léon, qui écrit aux évêques de la province de Vienne en ces termes 2: « Pour l'ordination des pasteurs, on attend » les vœux des citoyens, les témoignages des peu» ples, l'avis des personnes considérables, et l'é» lection du clergé. » Il ajoute : « Qu'on prenne » la souscription des clercs, le témoignage des per

sonnes considérables, le consentement des ma»gistrats et du peuple. » Voilà des termes décisifs qui ne souffrent aucune équivoque. La présence, le témoignage, le conseil, le desir des laïques est attendu; mais l'élection, et la souscription aux actes est réservée au seul clergé. N'est-il pas étonnant qu'on ait cru nous pouvoir faire une objection d'un passage qui en fait une si concluante contre les protestants?

Le quatrième chapitre Sacrorum3 est extrait des Capitulaires de Charlemagne et de Louis-leDébonnaire. Il y est marqué seulement que les évêques seront pris du diocèse même, au choix du clergé et du peuple, selon les règles cano

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niques. Ainsi ce choix doit être expliqué par ver, il en faut au moins trois assemblés; que les ables règles canoniques que nous avons déja éclair-sents ayant envoyé leurs suffrages par écrit, alors

cies.

on fasse l'élection et ordination, ce qu'il exprime par le terme zooloviz. Ainsi ce qu'il appelle en cet endroit ordination comprend l'élection même : car, encore qu'un seul évêque suffise pour ordonner, le concile veut qu'il y en ait au moins trois assemblés. Il dit qu'on recevra par écrit les suffrages des évêques absents. Il veut enfin que la décision pour ce choix appartienne principalement au métropolitain, qui étoit le consacrant. Si le peuple de chaque église avoit le droit de faire son pasteur, et de lui conférer le ministère, il étoit bien injuste qu'on lui ôtât ce droit sans le consulter, et qu'on le transférât à tous ces pasteurs étrangers.

Mais M. Jurieu, qui a cherché dans le Décret de Gratien ces endroits, comment a-t-il pu s'empêcher d'y voir une foule d'autorités qui accablent sa Réforme sur cet article? N'a-t-il pas vu, sans sortir de ce livre, que le concile de Laodicée, qui est si ancien et si autorisé dans l'Église, a parlé ainsi dans son canon troisième : « Il ne faut pas » permettre aux assemblées du peuple de faire l'é»lection de ceux qui doivent être élevés au sa» cerdoce?» Dire, comme du Moulin, que ce concile a voulu seulement que les élections ne fussent point abandonnées à la populace, c'est parler sans preuve. Il n'y a point de passage formel qu'on n'élude par ces explications. Le concile ne dit aucun mot qui marque que le droit du peuple lui est conservé. Il auroit fallu, selon le sens de du Moulin, recommander au peuple d'élire avec ordre et sans trouble, mais non pas ordonner aux pasteurs de ravir injustement au peuple les élections qui lui appartenoient de droit. Enfin il est manifeste que ce concile a voulu ordonner ce qui est réglé en tant d'autres lieux, c'est-à-dire qu'après avoir consulté le peuple pour les élections on ne lui laissera pas la décision, et qu'elle sera réservée au clergé. Si ce droit d'élection appartient au peuple, pourquoi le lui arracher? Quoi! la tyrannie dont on accuse les pasteurs catholiques étoit-elle déja établie dès ce temps si voisin de celui des apô-« tres? Si M. Jurieu ose le dire, il faudra au moins qu'il avoue que l'antiquité est pour nous. Il ne peut pas ignorer que toutes les églises ont suivi la règle de ce concile. L'Orient et l'Occident sont uniformes pour donner le droit de décider, dans les élections, aux évêques de la province qui doivent imposer les mains. De là vient que celui qui consacroit étoit aussi le principal électeur, et que ces deux termes grecs, ézλoyn et yɛɛpodoviz étoient pris indifféremment dans le langage ecclésiastique pour signifier tout ensemble l'élection et l'ordina-sance de conférer le ministère n'appartient pas au tion. Le quatrième canon du grand concile de Ni- peuple? Voici encore des paroles du concile VIII, cée veut que le nouvel évêque soit établi par tous qui se tint dans la ville impériale. C'est le concile les évêques de la province assemblés 2. Par ce ter- même qui parle : « Ce concile, se conformant aux me général d'établir, dont le concile se sert après» précédents conciles, ordonne que les consécrasaint Paul, il comprend l'élection et l'ordination. » tions et promotions d'évêques se fassent par l'élecTout est donné sans réserve aux évêques. Il ajoute » tion et le décret du collége des évêques, et déque si quelque nécessité pressante, ou la distance» fend que tout laïque, soit prince, soit noble, sel des lieux, empêche quelques évêques de s'y trou- » mêle des élections, etc..., puisqu'il ne convient

Decrel., dist. LXIII, cap. VI.

2 Labb. Concil., tom. 11, p. 28.

M. Jurieu a dû voir aussi, dans le Décret de Gratien qu'il nous cite, le pape saint Martin qui parle dans le même esprit. « Il n'est pas permis » au peuple, dit-il', de faire l'élection de ceux » qu'on élève au sacerdoce. » Remarquez qu'il ne dit pas : La coutume n'est point. Comme saint Cyprien, parlant de l'assistance du peuple aux élections, se contente de dire: «Nous avons accoutumé » de vous consulter; » ce pape dit absolument : » Il n'est pas permis au peuple; mais que cela soit » au jugement des évêques, afin qu'ils recon»> noissent eux-mêmes, etc. » Il a pu voir encore, chez Gratien, le pape Étienne qui dit à Romain, archevêque de Ravenne2: « Il faut l'élection des prêtres et le consentement du peuple fidèle; car » le peuple doit être instruit, et non pas suivi. » Le pape Célestin a employé les mêmes paroles, et il dit de plus : « Nous devons avertir le peuple de >> ce qui lui est permis, et de ce qui ne l'est pas, » s'il l'ignore; et non pas consentir à ce qu'il » veut 3. » Si nous avions à parler maintenant sur les témoignages et les oppositions du peuple, que l'Église admet encore dans les ordinations de ses ministres, pourrions-nous parler plus clairement et avec plus d'autorité pour montrer que la puis

'Decret., dist. LXII, cap. VIII. 2 Ibid.. cap. XII.
3 Epist. 1, cap. ; Conc., tom. 1, p. 4622.

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