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cide. Combien étoit-il éloigné de dire qu'il n'étoit pas question d'examiner la mission et la succession du ministère, puisque deux ou trois faisoient une église, et que chacun étoit prêtre pour soimême! Mais écoutons encore sa vraie doctrine.

» Pierre le corps des bons: car si la figure de >>> l'Église n'étoit pas dans la personne de Pierre, le Seigneur ne lui diroit pas : Je te donnerai les » clefs, etc...; car lorsque l'Église excommunie, » l'excommunié est lié dans le ciel... Si donc cela Suivant la règle que l'Église a reçue des apôtres,» se fait dans l'Église, Pierre, quand il a reçu les les apôtres de Jésus-Christ, et Jésus-Christ de» clefs, a représenté la sainte Église. Si, dans la Dieu, il ne faut point admettre les hérétiques à » personne de Pierre, les bons qui sont dans l'É⚫ disputer contre nous sur les Écritures, puis» glise ont été représentés, les méchants qui sont qu'ils n'ont point d'Écritures, et qu'elles ne » dans l'Église ont été représentés dans la per» leur appartiennent pas.... Ils n'ont aucun droit » sonne de Judas. » de se les approprier. Nous leur disons: Qui ⚫êtes-vous? quand et d'où êtes-vous venus? que » faites-vous dans notre bien, vous qui n'êtes pas ⚫ des nôtres ? L'Écriture est mon bien; j'en suis ⚫ de temps immémorial en possession; je la possède le premier; j'ai une origine assurée; je » suis héritier des apôtres. » C'est ce qui a fait dire à M. Jurieu que saint Cyprien tenoit de Tertullien son opinion cruelle sur l'unité de l'Église. Voilà donc, de son propre aveu, Tertullien qui, bien loin de donner les clefs aux laïques pour se conduire eux-mêmes dans les besoins, ne veut pas même écouter, sur la doctrine des Écritures,» à toute l'Église qu'il représentoit, comme ce qui quiconque n'est pas dans la parfaite unité de foi sous le ministère successif qui vient des apôtres sans interruption.

Enfin, quand même Tertullien auroit dit ce que les protestants lui font dire, ils n'auroient pour eux que Tertullien, contraire à lui-même, et tombé de sa première sagesse jusqu'aux plus monstrueuses visions; ils n'auroient point la consolation d'avoir pour eux un homme qui fût dans la communion de toutes les anciennes églises du christianisme ainsi ils n'en auroient pas moins contre eux la tradition universelle. Mais cet avantage même, si misérable et si indigne de leur être envié, ne leur reste pas, comme nous venons de le voir.

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Le but de saint Augustin est de montrer que quand Jésus-Christ dit : Vous ne m'aurez pas toujours, il parle à tous les méchants en la personne de Judas, comme il parle à tous les bons en la personne de saint Pierre, quand il dit: Je te donnerai les clefs, etc. Ainsi saint Augustin suppose, dans sa comparaison, que les clefs ont été données, non seulement à saint Pierre, mais encore à toute l'Église, et dans l'Église au corps des bons représentés par cet apôtre. Il parle encore dans le même sens sur le psaume CVIII, où il dit que ce qui a été dit à Pierre : « Je te donnerai, etc., a été dit

» est dit dans un Psaume à Judas est dit à toute » la société des méchants '. » C'est toujours la même comparaison. M. Jurieu nous cite encore le traité CXXIV de ce Père sur saint Jean, où il dit . L'Église qui est fondée en Jésus-Christ a reçu en » Pierre les clefs du royaume du ciel, c'est-à-dire » la puissance de lier et de délier les péchés 2. » Enfin M. Jurieu rapporte que saint Augustin, dans le septième livre du Baptême, a dit que « l'Église, » qui est la maison de Dieu, a reçu les clefs et la » puissance de lier et de délier; et que c'est d'elle » qu'il est dit: Si quelqu'un ne l'écoute lorsqu'elle >> reprend et qu'elle corrige, qu'il soit estimé » comme un païen et un péager 3. » Il y a quelques autres passages de saint Augustin où, parlant de l'Église, qui est la colombe, il dit que Dieu accorde toutes les graces qui soutiennent le corps de l'Église, à la voix de la colombe, c'est-à-dire au gémissement secret des bonnes ames.

Tous ces passages ne disent que ce que nous disons tous les jours. Les clefs n'ont pas été données à la seule personne de saint Pierre; elles ont été données à tous les pasteurs de tous les siècles qu'il représentoit; elles ont été données même à tout le corps de l'Église. S'ensuit-il de là que tout fidèle puisse user des clefs, et s'ériger en pasteur? M. Ju

· Enar. in Ps. cviu, n. 4; tom. IV.

2 In Joan. Ev., tract. cxxiv, n. 5.
De Bapt., lib. VII, cap. LI, n. 99; tom. ix.

rieu n'a garde de le dire. C'est donc nécessairement avec restriction, et dans un certain sens qui a besoin d'être expliqué, qu'il est vrai de dire que Jésus-Christ a donné les clefs à toute l'Église. Si ces paroles devoient être prises à la rigueur de la lettre, et sans aucune restriction, tous les fidèles, sans distinction, auroient également les clefs; chacun les auroit, non seulement pour les confier à un pasteur, mais encore pour les exercer soimêmes. On voit donc bien que, selon les protestants même, ces paroles ne peuvent souffrir toute l'étendue du sens littéral, qu'elles ont besoin d'étre expliquées, et que les clefs données à tout le corps de l'Église sont données inégalement aux particuliers. Selon les protestants, les clefs don-¦ nées à tout le corps sont données au peuple, afin qu'il les confie à des pasteurs; et aux pasteurs, afin qu'ils en exercent le ministère. Selon nous, les clefs données à tout les corps de l'Église sont données aux fidèles, afin qu'ils en reçoivent l'effet salutaire; et aux pasteurs, afin qu'ils en usent pour le salut des peuples. Ainsi ces paroles ne peuvent être prises dans un sens absolu, selon toute la rigueur de la lettre, non plus par les protestants que par nous. Il est naturel et ordinaire de dire qu'une chose est donnée à ceux en faveur de qui elle est donnée. C'est ainsi qu'on dit tous les jours que Jésus-Christ a donné les sacrements aux fidèles. Ce n'est pourtant pas à eux qu'il les a directement et immédiatement confiés, puisque les protestants croient qu'ils ne peuvent être administrés que par les pasteurs. Mais comme ils sont institués pour les fidèles, on dit fort naturellement qu'ils leur appartiennent. Il en est de même du ministère que des sacrements administrés. Nous disons tous les jours, nous qui croyons que le peuple n'a aucune puissance de faire des pasteurs Le peuple juif avoit un ministère et des cérémonies. Nous disons encore souvent: Le peuple chrétien a reçu un sacerdoce plus parfait. Cette manière de parler marque seulement que le ministère est dans le corps de l'Église pour le peuple fidèle, sans expliquer à qui il appartient d'en disposer. C'est ainsi que nous disons: La nation françoise a ses rois et son autorité souveraine, c'est-à-dire qu'elle est gouvernée par cette autorité, dont elle ne dispose point; car cette souveraineté est héréditaire. Il est certain que dans l'Église tout est pour les fidèles, et, parmi les fidèles, pour les élus. La question n'est pas de savoir si le ministère est à eux. On sait bien que Dieu ne fait rien que pour eux, que Jésus-Christ n'institue rien qu'en leur faveur et pour leur usage,

que tout est à eux, non-seulement le ministère, mais les ministres mêmes. Tout est à vous, disoit saint Paul', Apollo, Céphas, etc. Dieu a donné à son Église le ministère et les ministres, les clefs et ceux qui en sont les dépositaires: il a donné des prophètes et des apôtres, des pasteurs et des docteurs 2. Tout cela appartient à l'Église, et est renfermé en elle; tout cela est donné au peuple, et lui appartient en propriété pour son usage. Il n'y a rien, ni sur la terre ni dans le ciel, qui n'appartienne aux enfants de Dieu : mais il est question de savoir si ce qui leur est donné, et qui leur appartient par le titre de l'élection éternelle, est dans leurs mains pour en disposer; car une chose peut être à nous, sans que nous avons droit de la conférer à qui il nous plaît. Il y a le droit d'usage et le droit de dispensation. Le peuple, en tant que peuple, a le droit d'usage pour le ministère; car le ministère n'est institué que pour lui. Les pasteurs, au contraire, en tant que pasteurs, ont le droit de dispensation, et non celui d'usage; car, en tant que pasteurs, ils doivent exercer le ministère, et le conférer à leurs successeurs. Le corps de l'Église, composé de pasteurs et de peuples, renferme dans son tout la propriété du ministère en tout sens. Et c'est ainsi que saint Augustin a dit que les clefs avoient été données à l'Église. Elles ont été données à ce tout, c'est-à-dire aux pasteurs, pour les exercer et les confier à leurs successeurs, et au peuple pour en recevoir l'administration salutaire, comme on dit que Dieu a donné les remèdes au genre humain. Il les a donnés aux médecins pour les appliquer selon les besoins, et au reste des hommes pour être guéris par cette application. Les endroits où saint Augustin parle comme nous venons de voir, regardent les donatistes. Il veut seulement leur montrer que les sacrements, quoiqu'ils se trouvent dans toute leur validité chez les méchants, n'appartiennent néanmoins qu'aux bons, et que c'est la véritable Église des élus qui enfante par le baptême jusque dans les sociétés impies et schismatiques qui la condamnent. Par la société des élus à qui appartiennent les sacrements administrés chez les impies, il désigne l'Église catholique, mère de tous les élus.

Sérieusement M. Jurieu a-t-il pu croire que des auteurs catholiques, comme Tostat et d'autres, aient enseigné dans un autre sens que les clefs ont été données à l'Église? On peut juger du sens de saint Augustin par celui de ces auteurs catho

I. Cor., III, 22. 2 Ephes., w, 14.

liques auxquels M. Jurieu impute pareillement | sonne, à tous les autres pasteurs. Les clefs que les de croire que le ministère des clefs appartient au apôtres reçurent appartenoient donc au peuple peuple, et qu'il a droit d'en disposer. Ces auteurs fidèle, à la société des bons; et saint Pierre, qui ont pu penser tout au plus que les clefs, avec la les reçut, représentoit toute cette société à laquelle parole et les sacrements, ont été données d'abord les clefs étoient données. Ainsi voilà les clefs et le au corps universel de l'Église, afin que les clefs ministère des apôtres qui appartiennent au peufussent exercées, la parole et les sacrements dis- ple. S'ensuit-il que le peuple pût disposer de l'apensés par les membres de ce corps qui seroient postolat, et qu'il eût aucune puissance de dégrader ordonnés pasteurs. Mais, encore une fois, com- des apôtres, ou d'en ériger de nouveaux? Non sans ment peut-on s'imaginer que l'Église catholique doute. Les docteurs protestants reconnoissent que ait souffert, sans user d'aucune censure, que quel- le ministère des apôtres venoit de Dieu, et non ques uns de ses docteurs aient soutenu que le des hommes; qu'ils ne tenoient point leur puispeuple a le droit de faire ses pasteurs; ce qui est sance du peuple, mais qu'au contraire ils avoient renverser toute l'autorité de cette Église, et faire sur le peuple une puissance établie indépendamtriompher la protestante? Si Richer a dit que les ment de tout homme. Il est vrai que ces docteurs clefs sont radicalement dans le corps de l'Eglise ajoutent que cette puissance a tini avec le minipour être administrées par les pasteurs, il a pré- stère personnel des apôtres, et que leurs succestendu seulement que les clefs sont dans le corps de seurs n'ont eu qu'une puissance empruntée du l'Église comme la vue est radicalement dans le peuple. Mais enfin les voilà obligés à expliquer corps humain, quoiqu'elle ne puisse être exercée saint Augustin comme nous l'expliquons sur les que par les yeux. C'est ainsi qu'il s'est expliqué clefs. Ces mêmes clefs que les apôtres reçurent, lui-même pour prévenir l'objection des Protestants. et qu'ils ont transmises à leurs successeurs, sont Quoiqu'il suppose donc que les clefs sont radicale- celles dont saint Augustin dit qu'elles apparment dans le corps de l'Église comme les sensa- tiennent au peuple; car il assure que saint Pierre, tions dans le corps humain, il ne s'ensuit pas de en les recevant, représentoit le peuple même. Pencette comparaison que le peuple puisse faire des dant qu'elles étoient actuellement entre les mains. pasteurs tout au contraire, il ne le peut non des apôtres, elles appartenoient donc au peuple, plus que le corps humain ne sauroit se faire de et néanmoins le peuple n'avoit aucun droit de les nouveaux yeux et de nouvelles oreilles. C'est par transporter en d'autres mains que celles des apôla vie, dont il est la source et la racine, que ces tres. Il ne faut donc pas que M. Jurieu conclue organes exercent leurs sensations. Mais il ne peut que le peuple peut maintenant disposer des clefs par lui-même organiser aucun de ses membres; il à cause qu'elles lui appartiennent, puisque ces ne peut que se servir de ceux qui sont déja orga- mêmes clefs appartenoient également au peuple nisés. De même le corps de l'Église, quoiqu'il du temps des apôtres, et qu'il n'en avoit pourtant soit la racine de la vie qui anime ses pasteurs pas la disposition. Il faut par nécessité que cet aucomme ses organes, ne peut s'en faire de nou- teur avoue que les clefs étant données pour le peuveaux ; il ne peut que se servir de ceux que le ple, c'est-à-dire pour lui ouvrir le ciel, elles lui Saint-Esprit aura formés par une légitime impo- appartenoient comme un instrument de son salut. sition des mains. On voit bien que cette manière Mais le ministère ou exercice de ces clefs étoit, en de parler, quoique forcée, n'a rien de commun la personne des apôtres, indépendant du peuple, avec la doctrine des Protestants. De plus, la Faculté en faveur de qui Jésus-Christ l'avoit institué. Ce de Théologie de Paris n'a jamais voulu l'approu- que M. Jurieu ne peut donc éviter de dire pour ver. Si M. Jurieu insiste encore après l'éclaircisse- expliquer saint Augustin par rapport au temps des ment par lequel nous venons de montrer le sens apôtres, nous n'aurons qu'à le lui répéter mot à naturel des paroles de saint Augustin, voici ce qui mot pour la suite des siècles. Peut-on expliquer me reste à lui dire pour trancher sa difficulté. Il plus naturellement des passages qu'on nous obest constant que les clefs dont parle saint Augustin jecte, que de les expliquer, pour tous les temps, ne sont pas seulement celles que les pasteurs exer- comme ceux qui nous les objectent sont obligés cent dans tous les siècles, mais encore celles que eux-mêmes de les expliquer pour certains temps les apôtres ont reçues de Jésus-Christ, et qu'ils particuliers? N'est-il pas même plus simple et plus ont transmises à leurs successeurs; car il n'y a naturel de rendre cette explication générale et point deux sortes de clefs. Il n'y a que celles que uniforme, que de vouloir qu'elle soit tantôt bonne Jésus-Christ donna à saint Pierre, et, en sa per- et nécessaire, et tantôt absurde?

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Nous avons la même remarque à faire sur le sacerdoce d'Aaron. Sans doute ce ministère appartenoit au peuple juif, comme le ministère évangélique appartient au peuple chrétien. I faut avouer néanmoins qu'il n'étoit pas à la disposition du peuple. Il étoit attaché, par l'institution divine, à la succession charnelle d'une famille. Que M. Jurieu explique cette institution comme il lui plaira, il faut toujours qu'il avoue que le peuple juif n'avoit aucune puissance de transférer ce ministère, quoiqu'il lui appartint.

Ce que nous avons vu de saint Augustin sur les schismes et sur l'ordination des ministres, qui est un sacrement semblable au baptême, montre évidemment qu'il n'a pu penser, comme les Protestants, que les clefs sont à la disposition du peuple. Sa dispute contre les Donatistes, bien loin d'être la gloire de l'Église et le triomphe de la vérité, seroit un prodige d'extravagantes contradictions. Un seul mot l'auroit confondu, et toute l'Église avec lui. Les Donatistes lui auroient dit: Notre peuple étoit, selon vous, en plein droit de transférer le ministère sans ordination; à plus forte raison a-til pu perpétuer l'ancienne ordination dans la confédération qu'il a formée pour vivre dans une discipline plus pure et plus exacte.

Ainsi nous expliquons quelques passages de saint Augustin pour tous les temps, comme M. Jurieu est obligé de les expliquer pour un certain temps; et nous les expliquons naturellement par les principes fondamentaux de toute la doctrine de saint Augustin même, au lieu que M. Jurieu impute à ce Père de s'être contredit comme un insensé.

CHAPITRE XII.

De l'exemple des prètres de l'ancienne loi.

I. est temps d'examiner les exemples que M. Jurieu cite pour montrer qu'il y a eu des pasteurs sans ordination. Il soutient que le peuple de Dieu avant toujours donné aux chefs des familles la commission de sacrifier pour tous, ils donnèrent ensuite à Dieu, en sortant d'Égypte, la tribu de Lévi, à la place des premiers-nés. Mais il auroit dû observer que Dieu dit expressément à Moïse : « J'ai pris les Lévites d'entre les enfants d'Israël » pour tout premier-né1.» Et encore : « Iceux me » sont du tout donnés d'entre les enfants d'Israël.

Num., t, 12.

» Je les ai pris pour moi, au lieu de... tous les » premiers-nés'. » Si le peuple les donne, c'est qu'il consent à l'ordre de Dieu qui les demande, qui les prend, et qui décide par sa vocation expresse. Pour les premiers-nés qui avoient été sacrificateurs jusqu'à Moïse, nous savons qu'ils l'étoient, sans savoir comment. Il paroît seulement que Dieu autorisoit leur sacrificature, et nos frères ne sauroient prouver qu'elle leur avoit été donnée par le peuple seul sans aucune destination expresse de Dieu. Hâtons-nous d'examiner ce que M. Jurieu soutient touchant les Lévites. « La génération » charnelle, dit-il, faisoit tout dans l'ancien sa» cerdoce; et par conséquent la consécration et » l'ordination ne faisoient rien, ou ne faisoient » que fort peu de chose. » Dire que l'ordination ne faisoit rien, ou fort peu de chose, est une manière de parler bien vague et bien incertaine. Mais encore, comment prouve-t-il que l'ordination faisoit peu de chose2? Il le suppose, sans se mettre en peine de le prouver. Voici pourtant une espèce de preuve qu'il tâche d'insinuer. « Ces cé» rémonies, dit-il, dans la suite, s'observoient » quand on le pouvoit, mais on omettoit sans » scrupule celles qu'il étoit impossible de pra»tiquer, par exemple l'onction, qui étoit la principale cérémonie du second temple, parce qu'on n'avoit plus de cette huile sacrée, composée par

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Moïse, et que les Juifs ne se crurent pas assez >> autorisés pour en faire d'autre.» J'avoue que je ne sais point où est-ce que M. Jurieu a trouvé ce fait qu'il avance. Je ne connois point d'endroit de l'Écriture où il soit rapporté. Je n'ai pu le trouver dans Josèphe, seul historien digne de foi sur ces matières. Peut-être est-ce sur le témoignage de quelque rabbin, que M. Jurieu parle. Mais c'est un témoignage d'une autorité trop douteuse; et peut-être est-ce aussi par cette raison qu'il a supposé le fait, sans oser citer ses témoins. Mais quand ce fait seroit véritable, qu'en pourroit-on conclure pour l'inutilité de l'ordination? l'onction étoit-elle la seule cérémonie? n'y avoit-il pas la cérémonie de revêtir solennellement les prêtres de leurs habits, de leur faire mettre les mains sur la tête des victimes, de mettre du sang des victimes à l'oreille droite, au pouce de la main droite et du pied droit de ceux qu'on ordonnoit, de leur mettre en main la chair des victimes, avec les pains sacrés; enfin, d'arroser du sang des victimes leurs personnes et leurs habits? Ainsi, quand même la tradition et la nécessité auroient persuadé

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» par l'ordre de Dieu, avoit remis le droit de la »sacrificature à la famille d'Aaron et à la tribu de » Lévi1. » C'est pourquoi il conclut en ces termes avec la même certitude que s'il l'avoit lu dans la loi : « Aussi est-il indubitable que si dans la famille » d'Aaron la race masculine fût venue à manquer, » le peuple seroit rentré en possession de son » droit. » Mais où est donc cette cession de la sacrificature faite par le peuple, que M. Jurieu nous cite avec tant d'assurance? Dieu avoit-il besoin de cette cession pour faire des prêtres? Le sacrifice ne lui appartenoit-il pas plus qu'au peuple? Puisque c'étoit son culte, n'étoit-ce pas à lui qu'il appartenoit d'en confier les fonctions à ceux qu'il en vouloit honorer? Pourquoi donc ces détours forcés? pourquoi dire que Dieu a commandé au peuple de confier la sacrificature aux enfants d'Aaron, quoique ce commandement ne se trouve ni écrit ni insinué en aucun lieu? et pourquoi ne dire pas naturellement comme nous, selon l'Écriture, que Dieu a confié les fonctions de son culte à ceux qu'il a choisis lui-même? Nul ne donne à soimême l'honneur du sacerdoce; mais c'est celui qui est appelé de Dieu, comme Aaron2. Saint Paul ne dit pas, c'est celui qui est appelé des hommes pour exercer leur droit par le commandement de Dieu; mais absolument et immédiatement, qui est

aux Juifs que l'onction n'étoit pas essentielle à
l'ordination de leurs prêtres, et qu'ils auroient
pu la pouvoir omettre lorsque l'huile destinée
à cet usage leur manquoit absolument, l'ordina-
tion auroit été néanmoins essentielle au sacerdoce,
et elle auroit consisté dans les autres cérémonies
que Dieu avoit prescrites. Mais pourquoi conclure
comme fait M. Jurieu? « Si dans quelques circon-
» stances de temps, dit-il, on n'avoit pu avoir
» de bêtes pour faire la cérémonie du sacrifice
» d'inauguration, l'héritier du souverain sacer-
doce n'auroit pas laissé de se porter pour souve-
» rain sacrificateur. » A entendre une décision
si ferme, on croiroit que M. Jurieu sait, par des
témoignages authentiques, que le corps de la Sy-
nagogue avoit prononcé avant lui cette décision.
Pour moi, qui ne veux point deviner, je me con-
tente de dire que ce n'est point sur des conjectu-
res, pour des cas qui ne sont jamais arrivés, qu'il
faut décider. Il faudroit savoir quelle étoit la tra-
dition sur ce sacrifice, pour savoir s'il étoit essen-
tiel à la consécration des prêtres, ou non. Mais
enfin, tout cela ne va point à prouver qu'on pût
omettre entièrement la cérémonie de consacrer les
prêtres. Quoiqu'ils fussent désignés par la généra-
tion charnelle, il ne s'ensuit pas que la consécra-
tion ne fût point nécessaire. Parmi nous, outre
l'élection et la désignation des prêtres et des évê-appelé de Dieu.
ques, il faut encore une consécration. Qui a dit à
M. Jurieu que les Juifs ne raisonnoient pas sur la
succession charnelle comme nous raisonnons sur
les élections et sur les nominations qui désignent
des évêques? Enfin, quand même la génération
charnelle auroit tout fait pour le sacerdoce dans
l'ancienne loi, et que la consécration n'eût été
qu'une simple cérémonie (chose dont M. Jurieu
ne donnera jamais ombre de preuve), qu'auroit-il
gagné? Quand on supposeroit que tous les enfants
d'Aaron naissoient prêtres de cette alliance char-
nelle et typique sans avoir besoin d'aucune cé-
rémonie, cette doctrine, toute insoutenable qu'elle
est, prouveroit seulement que la chair faisoit tout
dans une alliance charnelle où Dieu avoit attaché
formellement par sa loi le sacerdoce à la naissance.
S'ensuivroit-il que dans l'alliance spirituelle et vé-
ritable, où l'Écriture n'attache jamais le sacer-
doce qu'à l'imposition des mains des pasteurs, on
puisse devenir pasteur sans cette imposition des
mains?

M. Jurieu ne se contente pas d'avoir voulu deviner ce qui n'est ni dans l'Écriture ni dans la tradition pour le sacrifice d'inauguration chez les Juifs; il veut encore supposer que « le peuple juif,

Je ne m'étonne pas que M. Jurieu ait eu recours à une explication si éloignée de toute preuve. Il a senti qu'il en avoit besoin; il lui a paru trop dangereux de reconnoître que le peuple juif n'avoit aucun droit de disposer de son ministère, quoique ce ministère fût pour ce peuple. Cet exemple est trop fort pour le ministère nouveau; l'ancien, qui n'étoit qu'une ombre de la vérité, a demandé une vocation immédiatement divine: et nous croirions que le ministère de Jésus-Christ ne seroit qu'une simple commission du peuple, que chaque confédération selon sa police, pourroit donner et révoquer à son gré? De telles idées font horreur. M. Jurieu tâche de les adoucir en disant que « le peuple juif, par >> l'ordre de Dieu, avoit remis le droit de sacrifi>> cature à la famille d'Aaron. » Mais comme il sent aussi qu'il est plus facile de supposer la chose d'un ton de confiance pour les gens qui le croient sur sa parole, que de la prouver, il emploie en cette occasion les termes les plus affirmatifs. « Aussi » est-il indubitable, dit-il, que si dans la famille » d'Aaron la race masculine fût venue à manquer, » le peuple seroit rentré en possession de son

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Syst., pag. 585 et 586.

a Hebr., V, 4.

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