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l'homme ne peut aimer que ce qui a quelque de- | vérant dans cet amour; les autres en y rentrant

gré de bien; et il aime Dieu nécessairement, dès qu'il le connoît en pleine évidence. D'un autre côté, Dieu, infiniment supérieur à tout bien distingué de lui, se trouve, par cette supériorité infinie, pleinement libre de choisir tout ce qui lui plaît entre tous ces biens subalternes, lesquels, quoique inégaux entre eux, ont une espèce d'égalité en ce qu'ils sont infiniment inférieurs à P'Être suprême. Ainsi aucun d'eux n'est assez parfait pour déterminer Dieu, et chacun d'eux le laisse à sa propre détermination. L'homme a quelque chose de cette liberté. Aucun des biens qu'il connoît ici-bas ne surmonte sa volonté ; aucun ne le détermine invinciblement; tous le laissent à sa propre détermination. Il est à lui, il délibère, il décide, et il a un empire suprême sur son propre vouloir. Il est certain qu'il y a dans cet empire sur soi un caractère de ressemblance avec la divinité qui étonne. Ce trait de ressemblance est digne de la complaisance de celui qui se doit à soi-même de faire tout pour soi.

XH. N'est-il pas digne de Dieu qu'il mette l'homme, par cette liberté, en état de mériter? Qu'y a-t-il de plus grand pour une créature que le mérite? Le mérite est un bien qu'on se donne par son choix, et qui rend l'homme digne d'autres biens d'un ordre supérieur. Par le mérite, l'homme s'élève, s'accroît, se perfectionne, et engage Dieu à lui donner de nouveaux biens proportionnés, qu'on nomme récompense. N'est-il pas bien beau, et digne de l'ordre, que Dieu n'ait voulu lui donner la béatitude qu'après la lui avoir fait mériter? Cette succession de degrés par où l'homme monte n'est-elle pas convenable à la sagesse de Dieu, et propre à embellir son ouvrage? Il est vrai que l'homme ne peut point mériter sans être capable de démériter: mais ce n'est point pour procurer le démérite que Dieu donne la liberté; il ne la donne qu'en faveur du mérite; et c'est pour le mérite, qui est son unique fin, qu'il souffre le démérite auquel la liberté expose l'homme. C'est contre l'intention de Dieu, et malgré son secours, que l'homme fait un mauvais usage d'un don si excellent, et si propre à le perfectionner.

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par le repentir de leurs égarements; les autres par le juste châtiment de leur impénitence finale. Ainsi l'ordre prévaut en tous les hommes ; il est inviolablement conservé dans les innocents, réparé dans les pécheurs convertis, et vengé par une éternelle justice, qui est elle-même l'ordre souverain, dans les pécheurs impénitents. Qu'il est glorieux à cette sagesse de tirer ainsi le bien du mal même, et de tourner le mal en bien ! En permettant le mal, Dieu ne le fait pas. Tout ce qui est de lui dans son ouvrage demeure digne de lui mais il souffre que son ouvrage, qui est toujours infiniment imparfait en soi, puisse diminuer le degré de bonté qu'il y avoit mis. Il souffre qu'il défaille un peu, pour avoir la gloire de le réparer par miséricorde, ou de le punir par justice, s'il méprise cette miséricorde offerte. Qu'il est beau à Dieu de glorifier ainsi ces deux diverses parties de son ordre et de sa bonté ! L'une est de récompenser le bien; l'autre est de punir le mal. S'il n'eût pas fait l'homme libre, il n'eût pu faire éclater ni sa miséricorde ni sa justice; il n'auroit pu récompenser le mérite ni punir le démérite, ni convertir l'homme égaré. Il se devoit en quelque façon ces différents genres de gloire. Il se les donne sans blesser sa bonté, qui ne manque à nul homme. Faut-il s'étonner qu'il se doive glorifier en tant de façons? Si on regarde la profondeur du conseil de Dieu dans la permission du péché, on n'y trouve rien d'injuste pour l'homme, puisqu'il ne souffre son égarement qu'en lui donnant tous les secours nécessaires pour ne s'égarer jamais. Si on regarde cette permission par rapport à Dieu même, elle n'a rien qui altère son ordre et sa bonté, puisqu'il ne fait que souffrir ce qu'il ne fait ni ne procure. Il oppose au péché tous les secours de la raison et de la grace. Il ne reste que sa seule toute-puissance absolue qu'il n'y oppose pas, parce qu'il ne veut point violer le libre arbitre qu'il a laissé à l'homme en faveur du mérite; et ce qui échappe à l'ordre du côté de la bonté et de la récompense y rentre en même temps du côté de la justice et du châtiment. Ainsi l'ordre, qui a deux parties essentielles, subsiste inviolablement par cette alternative de la miséricorde ou de la justice à laquelle chacun doit appartenir.

Que peut-on donc conclure sur les trois questions proposées ?

L'être infiniment parfait nous a créés pour lui; c'est-à-dire afin que nous soyons occupés de son admiration, de sa louange et de son amour. Voilà son culte. Les signes qu'on en donne au-dehors sont nécessaires pour annoncer ce culte à ceux qui

ne l'ont pas; pour l'affermir et le perfectionner dans ceux qui l'ont déja imparfaitement ; et pour le rendre uniforme en tous, puisque tous doivent être réunis dans cette adoration publique.

L'ame est immortelle, puisqu'elle n'a aucune cause de destruction en soi, que Dieu n'anéantit aucun être jusqu'au moindre atome, et qu'il nous promet la vie éternelle.

Le libre arbitre est incontestable. Ceux qui le nient n'ont pas besoin d'être réfutés, car ils se démentent eux-mêmes. Il faut ou le supposer sans cesse, ou renoncer à la raison, et ne vivre pas en homme. Ce que la nature nous persuade invinciblement nous est encore certifié par l'autorité de Dieu parlant dans les Écritures. Que tardons-nous à croire? D'où vient que l'homme, si crédule pour tout ce qui flatte son orgueil et ses passions, cherche tant de chicanes contre ces vérités, qui devroient le combler de consolation? L'homme craint de trouver un Dieu infiniment bon, qui veuille son amour, et qui exige de lui une société qui le rend bienheureux. Il craint de trouver que son ame ne mourra point avec son corps, et qu'après cette courte et malheureuse vie Dieu lui prépare une vie céleste sans fin. Il craint de trouver un Dieu qui le laisse maître de son sort pour le rendre heureux par sa vertu, ou malheureux par son vice, et qui veuille être servi par des volontés libres. D'où vient une crainte si dénaturée et une incrédulité si contraire à tous nos plus grands intérêts? C'est que l'amour-propre est un amour fou, un amour extravagant, un amour égaré qui se trahit lui-même. On craint beaucoup plus de gêner un peu ses passions et sa vanité, pendant le petit nombre de jours qui nous sont comptés icibas, que de perdre le bien infini, que de renoncer à une vie éternelle, que de se précipiter dans un éternel désespoir. Que doit-on attendre des raisonnements d'un esprit si malade, et si ombrageux contre toute guérison? Voudroit-on écouter sérieusement un homme qui seroit, en toute autre matière, dans des préjugés si incurables contre son véritable bien? Il n'y a qu'un seul remède à tant de maux, qui est que l'homme rentre au fond de son cœur, non pour s'y posséder soi-même, mais pour s'y laisser posséder de Dieu; qu'il le prie, qu'il l'écoute, qu'il se défie de soi, qu'il se confie à lui, qu'il condamne son orgueil, qu'il demande du secours dans sa foiblessé pour réprimer toutes ses passions, et qu'il reconnoisse que l'amour-propre étant la plaie de son cœur, il ne peut trouver la santé et la paix que dans l'amour de Dieu.

LETTRE III.

SUR LE CULTE INTÉRIEUR ET EXTÉRIEUR, ET

SUR LA RELIGION JUIVE.

Comme je sais que vous lisez Abbadie sur la vérité de la religion, je ne puis m'empêcher de vous proposer quelques réflexions sur cette matière. Je vous supplie de les bien peser.

Dieu a fait toutes choses pour lui. Il ne peut jamais rien devoir qu'à lui seul, et il se doit tout. Tous les êtres sans intelligence ne se meuvent que suivant les règles du mouvement qu'il leur a données. Tous ces êtres sont dans sa main, et obéissent, pour ainsi dire, à sa voix toute puissante: ils n'ont ni être ni mouvement que par lui seul. Mais il a fait d'autres êtres, qui sont intelligents et qui ont une volonté. Ces êtres, qui connoissent et qui veulent, n'appartiennent-ils pas autant au Créateur que les autres ? lui doivent-ils moins? peut-il moins sur eux? ne les a-t-il pas faits pour lui-même aussi bien que les autres? ne doit-il pas régler selon son bon plaisir toutes leurs pensées et toutes leurs volontés, comme il règle les mouvements des corps? n'a-t-il pas créé les êtres capables de reconnoissance et d'amour, afin qu'ils connoissent et qu'ils aiment sa vérité et sa bonté infinie? Le rapport de la créature au Créateur est la fin essentielle de lä création; car Dieu se doit tout à lui-même, et il n'a pu rien créer que pour lui. Ce rapport est ce que nous appelons sa gloire. Ce rapport est différent suivant les différentes natures des êtres. Dieu rapporte à soi-même, par sa propre volonté, les êtres qui n'ont pas une volonté propre pour s'y rapporter eux-mêmes librement. Voilà le genre le moins noble des créatures; mais pour le genre supérieur des êtres intelligents, comme ils sont libres et voulants, Dieu les rapporte à soi, en exigeant d'eux qu'ils s'y rapportent eux-mêmes volontairement. Le rapport de la matière, c'est d'être souple, et, pour ainsi dire, patiente dans les mains de Dieu, pour toutes les figures et pour tous les mouvements qu'il lui plaît de lui donner; car le rapport d'une créature au Créateur suit toujours la nature de cette créature même. La matière ne peut avoir que des figures et des mouvements; elle ne peut donner à Dieu que ce quiest en elle, c'est-à-dire des mouvements et des figures : encore même ne peut-elle pas les lui donner; elle les lui laisse prendre. C'est lui qui se donne lui-même à lui-même tout ce qu'il veut dans ces êtres inanimés; mais pour les êtres intelligents et voulants, qui sont d'un ordre bien supérieur, il ne fait rien

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temps que je crois les posséder, il les possède seul, et je ne puis les lui donner. Il n'a que faire de mes souhaits pour sa grandeur, car elle est au comble; et il ne peut rien recevoir dans sa plénitude, qui est l'infini. Que puis-je donc? ce qu'il me donne de pouvoir. Je puis vouloir tout ce qu'il veut, et préférer sa volonté à tout ce qui s'appelle mes intérêts. Voilà mon rapport essentiel conforme à mon être; voilà la fin de ma création, voilà l'amour de Dieu; voilà le culte en esprit et en vérité qu'il exige de ses créatures; voilà ce que l'on nomme religion. L'encens le plus exquis, les cérémonies les plus majestueuses, les temples les plus augustes, les assemblées les plus solennelles, les hymnes les plus sublimes, la mélodie la plus touchante, les ornements les plus précieux, l'ex

nistres de l'autel, ne. sont que des signes extérieurs et corporels de ce culte tout intérieur qui est la conformité de notre volonté à celle de Dieu. Voilà tout l'homme; ce n'est qu'un être entièrement relatif à Dieu, il n'est rien que par-là ; il n'est plus rien dès le moment qu'il déchoit de cet ordre essentiel.

en eux qu'il ne leur fasse vouloir avec lui : le vouloir est en eux ce que le mouvoir est dans la matière. Comme Dieu, cause de tout ce qui est bon, donne le mouvoir aux êtres mobiles, il donne le vouloir aux êtres voulants: il leur donne un vouloir libre, quoique dépendant de lui. Tout ce qui est donc est essentiellement dépendant; une liberté donnée est donc une liberté essentiellement dépendante. Cette liberté n'a donc rien de commun avec l'indépendance: c'est une liberté subordonnée d'un être qui n'a rien en aucun genre par soi. En cet état, l'être libre et voulant doit se regarder sans cesse comme un demi-néant; comme un don toujours passager, et qui ne dure qu'autant qu'il se renouvelle; comme un demi-être qui n'est que prêté; comme un je ne sais quoi sans connoissance, qui échappe dès qu'on le veut trou-térieur le plus grave et le plus modeste des miver; comme un être fluide et successif qui ne subsiste jamais tout entier; dont les parties, pour ainsi dire, ne sont jamais ensemble, non plus que les flots d'une rivière, dont les uns ne sont plus devant moi quand les autres y arrivent. Je ne sais comment pouvoir m'assurer que le moi d'hier est le même que celui d'aujourd'hui. Ils ne sont pas nécessairement liés ensemble : l'un peut être sans l'autre. Peut-être que le moi de demain ne suivra jamais celui d'aujourd'hui : comme mon corps d'hier avoit d'autres parties et d'autres dispositions ou arrangements que celui d'aujourd'hui; de même le moi qui pense et qui veut a aujourd'hui d'autres pensées et d'autres volontés que celui d'hier. O Dieu ! que suis-je ? je n'en sais rien, tant je suis peu de chose. Mais je pense et je veux, et c'est là tout ce que je puis donner à celui qui m'a fait. Il faut que je rapporte uniquement à lui seul tout ce que je suis; car je dois lui rendre tout ce qu'il m'a donné. Il n'a mis en moi rien pour moi il n'a mis rien en moi que pour lui seul. Tels sont ses droits essentiels, dont il ne peut jamais rien relâcher. Ce qu'il a mis en moi, c'est la pensée et la volonté. Je lui dois donc tout ce que j'ai de pensée et de volonté. En chaque moment il me donne tout; en chaque moment je lui dois tout sans réserve. Il me donne moi-même à moi-même : je me dois donc à lui; je suis à lui, et non pas à moi. Mon rapport suit mon être; mon être est la pensée et la volonté; mon rapport est un rapport de pensée et de volonté. Le rapport de pensée est de connoître Dieu, vérité suprême. Le rapport de volonté est d'aimer Dieu, bonté infinie: mais qu'est-ce que l'ai-mité dans leur culte extérieur. Voilà ce qu'on mer? c'est vouloir sa volonté. Il n'a besoin ni de -moi ni des choses viles que je possède. Dans le

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Il est vrai que ce qu'on nomme religion demande des signes extérieurs qui accompagnent le culte intérieur. En voici les raisons. Dieu a fait les hommes pour vivre en société. Il ne faut pas que leur société altère leur culte intérieur; au contraire, il faut que leur société soit une communication réciproque de leur culte; il faut que leur société soit un culte continuel il faut donc que ce culte ait des signes sensibles qui soient le principal lien de la société humaine. Voilà donc un culte extérieur qui est essentiel, et qui doit réunir les hommes. Dieu a sans doute voulu qu'ils s'aimassent, qu'ils vécussent tous ensemble comme frères dans une même famille, et comme enfants d'un même père. Il faut donc qu'ils puissent s'édifier, s'instruire, se corriger, s'exhorter, s'encourager les uns les autres, louer ensemble le père commun, et s'enflammer de son amour. Ces choses si nécessaires renferment tout l'extérieur de la religion. Ces choses demandent des assemblées, des pasteurs qui y président, une subordination, des prières communes, des signes communs pour exprimer les mêmes sentiments. Rien n'est plus digne de Dieu, et ne porte plus son caractère, que, cette unanimité intérieure de ses vrais enfants, qui produit une espèce d'unifor

appelle religion, qui vient du mot latin religare, parce que le culte divin rallie et unit ensemble

les hommes, que leurs passions farouches rendroient sauvages et incompatibles sans ce lien sacré. De là vient que les peuples qui n'ont point eu de vraie et pure religion ont été obligés d'en inventer de fausses et d'impures, plutôt que de manquer d'un principe supérieur à l'homme, pour dompter l'homme et pour le rendre docile dans la société. De là vient que Numa, Lycurgue, Solon et les autres législateurs ont eu besoin de paroître divinement inspirés pour pouvoir policer les peuples. De là il est arrivé que les impies, tels que Lucrèce, ont osé dire que la crainte des dieux n'est qu'une invention des tyrans politiques, qui ont voulu consacrer ce joug de leur tyrannie pour tenir les peuples dans une servitude pleine de lâcheté et de superstition: aveugles, qui ne voient pas que le plus grand des biens, qui est la subordination et la paix, ne peut nous venir par l'erreur ! Les inventeurs des fausses religions sont comme les charlatans et les faux monnoyeurs. On ne s'est avisé de débiter de la fausse monnoie qu'à cause qu'il y en avoit déja de véritable. Les imposteurs n'ont donné de mauvais remèdes qu'à cause que les hommes avoient déja quelques remèdes qui les avoient guéris. Le faux imite le vrai, et le vrai précède toujours le faux. Le culte simple et pur, qui est essentiellement dû à l'être suprême, a dû être de tous les temps et naître avec le genre humain. C'est lui qui a fait sentir aux hommes ce qu'ils se doivent les uns aux autres par rapport à celui à qui ils doivent tout. C'est lui qui a modéré, policé, uni les hommes. Ce lien unique, ce lien si puissant a manqué à tous les peuples qui ont oublié Dieu. Il a fallu par politique y revenir; et les hommes égarés, faute de la vraie religion qu'ils avoient perdue, n'ont pu se passer d'en inventer de ridicules et d'affreuses. Une religion monstrueuse étoit un moindre mal dans la société que l'irréligion. Mais revenons au fond du culte de Dieu. Il demande également deux choses: l'une, d'être unanime, c'est-à-dire le même dans les cœurs des hommes; l'autre, d'être exprimé par des signes sensibles, qui le perpétuent dans la société et qui en soient le lien le plus inviolable. Pour l'unanimité intérieure du culte, en voici la preuve. Dieu, suprême vérité, ne se tient point honoré du mensonge. La pensée ne peut l'honorer par l'erreur. La volonté ne peut l'honorer par le vice ni par aucun mal. Le vrai culte se réduit donc essentiellement à croire le vrai et à aimer le bon souverain. Donc toutes les religions qui ne se réduisent point à connoître et à aimer souverainement un scul Dieu infiniment parfait, par qui

seul toutes choses sont, ne sont point des cultes dignes de ce Dieu. Donc toute religion qui renferme, ou des erreurs sur ce Dieu infini, ou des dérégléments de volonté contre son amour dominant, est manifestement fausse. Donc toutes les philosophies particulières, qui se contredisent les unes les autres sur le premier être, sur la fin dernière de l'homme, etc., ne sont point ce culte et ce corps de religion que nous devons trouver. Dieu n'est non plus l'auteur de la confusion que du mensonge. Ceux qui lui rendent le vrai culte ne peuvent le faire qu'autant qu'ils sont animés et inspirés par lui. L'esprit de Dieu n'est jamais ni variant ni contraire à lui-même. Ce qu'il inspire à l'un, il l'inspire à l'autre, ou du moins il ne lui inspire rien de contraire. L'esprit de vérité est donc un esprit d'unanimité, et qui fait que tous ceux que Dieu inspire pour son culte pensent et veulent tous les mêmes choses pour l'essentiel de ce culte. Il faut trouver cette unanimité invariable dans tous les pays et dans tous les siècles. Donc il n'y a rien de plus indigne de Dieu que la diversité des philosophies et des religions. Comment Dieu pourroit-il se tenir honoré de ce mélange monstrueux de tant d'opinions impies, dont les unes condamnent les autres avec exécration, et dont aucune ne renferme ni la véritable idée de Dieu, ni le culte intérieur d'amour qui lui est dû? Les philosophes ont disputé tant de fois les uns contre les autres : les uns ont mis la divinité dans le feu, les autres dans l'air, d'autres dans la machine entière de l'univers. Aucun n'a connu un être infini, qui fût tout ce qu'il y a de parfait dans les autres êtres, et rien de restreint à une nature particulière ou bornée. Aucun n'a connu un être qui est essentiellement par lui, et par qui sont tous les autres êtres qu'il a tirés du néant. Donc aucun de tous ces philosophes n'a rendu le vrai culte au vrai Dieu. Donc l'assemblage confus de toutes ces philosophies n'est qu'un amas énorme d'opinions extravagantes, qui se combattent et se confondent réciproquement sans rien établir. Ne cherchons donc plus aucune trace du vrai culte dans cette multitude de sectes philosophiques. Nous trouverons encore moins cette unanimité invariable dans les différentes religions. Écoutons les Grecs et les Égyptiens; ils nous nommeront les douze grands dieux, les uns d'une façon, les autres d'une autre, comme Hérodote le déclare. Écoutons les Perses; ils diront tout autre chose c'est le feu sous le nom de Mithra; c'est le soleil qui est la véritable divinité. Écoutons les Romains; ils nous fourniront d'autres

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dieux inconnus à ces premiers peuples. Les brachmanes et les gymnosophistes des Indes nous en donneront encore d'une autre mode. Chaque pays, chaque ville prétend mettre les siens en honneur. Il n'y a que le Dieu créateur du ciel et de la terre qui n'est point connu hors de la Judée. Des dieux anciens et nouveaux se présentent en foule. Partout la divinité est dégradée: on la multiplie, on la met dans les êtres les plus vils; on lui attribue les passions les plus injustes, les plus basses, les plus infames. Le culte de ces monstrueuses divinités est aussi monstrueux qu'elles. On ne connoît d'autres moyens de les apaiser en faveur des hommes les plus coupables et les plus impénitents, que de l'encens, des hécatombes, des mystères puérils qui couvrent des cruautés et des impuretés abominables. Le paganisme n'a jamais fait un corps ni de doctrine ni de culte; tout étoit changeant, arbitraire, incertain. Rien n'est si rempli de contradictions extravagantes que les fables des poëtes qui étoient leurs prophètes. Chaque pays, chaque ville, chaque homme avoit sa religion. On ne peut donc trouver aucune trace d'unanimité, ni dans les philosophies ni dans les religions des gentils. Donc il est clair que Dieu ne les a point inspirés, pour leur donner ni son idée véritable ni le culte digne de lui. Donc il ne faut point chercher chez eux ce rapport de pensée et de volonté de la créature au Créateur, qui est la fin essentielle des êtres libres et intelligents; il ne faut pas même s'imaginer qu'on puisse trouver cette unanimnité dans un petit nombre d'hommes obscurs et inconnus les uns aux autres, qui ont pu, en divers pays et en divers temps, connoître l'être infini, et l'aimer intérieurement d'un amour dominant. C'est ce que les déistes peuvent alléguer mais ce système se renverse en deux mots; et c'est par-là que j'entre dans ma seconde preuve sur la nécessité d'un culte extérieur.

Les vrais adorateurs ressemblent aux élus des protestants, qu'ils supposent avoir été cachés dans l'Église catholique avant leur réforme. Ces vrais adorateurs devoient au vrai Dieu un culte extérieur. Il ne suffisoit pas de le croire et de l'aimer; il falloit le confesser de bouche, l'enseigner aux autres hommes, faits aussi bien qu'eux pour le connoître et pour l'aimer; il falloit rejeter les idoles, la multitude des dieux, et tout culte contraire à l'idée du Créateur. L'ont-ils fait? s'ils l'avoient fait, on le sauroit; car de tels hommes auroient été bien singuliers. Ou ils auroient converti le monde idolâtre, comme les apôtres; ou ils auroient succombé dans la persécution du monde

entier, qu'ils auroient soufferte en défendant la vérité. Dans l'un et dans l'autre cas ils seroient les plus célèbres de tous les hommes; les histoires en seroient pleines mais nous n'en voyons aucune trace. Nous trouvons bien que Socrate méprisoit les dieux d'Athènes, et entrevoyoit, par l'ouvrage de la nature, un être plus parfait que les dieux vulgaires inventés par la fable; mais il ne voyoit rien qu'à demi; il n'osoit parler; et il est mort lâchement en adorant les dieux qu'il ne croyoit pas. Il ne peut donc point y avoir parmi les gentils certains philosophes plus philosophes que les autres, qui aient conservé en secret la pure idée et le pur culte du vrai Dieu avec unanimité entre eux. De tels gens épars çà et là, et inconnus les uns aux autres, ne peuvent remplir la fin que l'être parfait s'est proposée dans notre création, qui est de se faire un culte digne de lui dans la société des hommes, pour faire de cette société même un vrai culte de son infinie sainteté. Il n'auroit été honoré que par des lâches dont la croyance auroit été trahie par le culte. En jetant les yeux de toutes parts d'un bout de l'univers à l'autre, je ne vois qu'un seul peuple qui arrête mes regards, et qui peut former cette société religieuse. Ce peuple est le peuple juif, à qui le Créateur est connu. C'est là que son nom est grand, c'est là qu'on l'appelle Celui qui est; c'est là qu'on reconnoît qu'il a tiré l'univers du néant par sa volonté féconde et toute puissante; c'est là qu'on pose pour premier principe qu'il faut servir comme esclave ce Dieu unique et souverain; qu'il faut l'aimer de tout son cœur, de toute son ame, de toutes ses pensées et de toutes ses forces. Cette idée est la seule qui renferme le vrai culte. et elle n'est que chez ce peuple. Cette idée ne peut venir que de Dieu seul, tant elle est sublime et au-dessus de l'homme. Cette idée est en nous le plus grand de tous les miracles. Quiconque n'a point cette idée ne peut parler de Dieu qu'en blasphémant, ne peut penser à Dieu qu'en le dégradant de son infinie perfection, ne peut le servir que par des apparences vaines, ne peut l'aimer plus que le monde entier et que soi-même, comme il doit essentiellement être aimé. Donc le vrai culte n'est qu'en un seul lieu, et chez un seul peuple à qui le Seigneur a enseigné ce qu'il est. C'est chez ce peuple que se trouve l'unanimité constante et invariable. Tous les Israélites descendent d'un seul homme dont ils ont reçu ce culte, conservé sans interruption depuis l'origine de l'univers. Ce peuple, qui n'est qu'une seule famille, n'a qu'un seul livre, qui réunit toutes

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