Obrazy na stronie
PDF
ePub

2o Si nous envisageons le chant collectif comme une communauté de prières et de louanges, ses avantages sont manifestes et sa puissance est plus grande auprès de Dieu. Ce chant inspire à chacun de nous un sentiment plus vif de fraternité chrétienne; car il exprime l'union de tous les membres d'un même corps et de plusieurs voix en une seule.

3o Il y a aussi un argument historique qui a quelque valeur. Le chant collectif a toujours fait partie du culte divin, et là où existaient des chœurs de chantres, leur chant a été de nature à inviter souvent le peuple à y prendre part. C'est là un fait historique et positif (1). Le Psaume cxxxv a été composé pour être chanté en chœur. Les passages du livre des Psaumes où l'on invite les assistants à prendre part au chant collectif sont encore une preuve à l'appui de ce que nous avançons. Fleury, dans son Histoire des coutumes juives et chrétiennes, nous dit que le chant collectif était commun à ces deux religions. Il cite aussi saint Basile, qui rapporte que, de son temps, tout le peuple, hommes, femmes et enfants, chantaient à la fois, et il compare leurs voix au bruit de l'Océan. Saint Grégoire de Nazianze, de son côté, la compare au tonnerre. Dans le fait d'un chant commun aux deux religions, il est impossible de ne pas reconnaître le doigt de Dieu. 4° Cette pratique a été aussi approuvée par les Apôtres, par les Pères de l'Église et par des évêques modernes (2).

Disons maintenant que la Providence n'a pu vouloir partager la foule des fidèles en classes de chant et exiger qu'ils fussent initiés aux mystères des combinaisons multipliées de la musique, et qu'ils se perdissent dans les croches et les doubles croches.

(1) Voyez Erode, xv; Nombres, XXI, 17.

(2) Consultez à ce sujet :

1o Des auteurs anciens cités dans le premier volume de Gerbert, Scriptores musici¿ 2° S. Jérôme, Epist. 17, ad Marcellum;

3o Instruction pastorale de Mgr Parisis;

40 S. Augustin, Lettre à Januarius (vers la fin);

5 S. Jean Chrysostome;

6 S. Basile;

7° S. Ambroise;

8 Venantius, Vita S. Germani.

Or, le meilleur moyen de rendre familières à l'oreille par la seule audition les parties du chant ecclésiastique qui sont destinées au peuple, c'est d'encourager la pratique du chant religieux dont le système consiste à énoncer à la fois, sans qu'elles se nuisent l'une à l'autre, les paroles et la mélodie, de manière qu'il se grave plus facilement dans la mémoire. Nous voyons donc que la meilleure manière d'introduire dans l'Église catholique l'usage du chant collectif, c'est de populariser de plus en plus et de propager avec zèle l'exécution du plain-chant. L'expérience a prouvé clairement que l'art moderne avec ses mouvements rapides, ses fugues compliquées et ses combinaisons savantes, tend à étouffer la voix des fidèles, ce qui certes ne rentre pas dans les vues d'un Dieu de miséricorde.

S'il en est ainsi, nous sommes forcé de dire en terminant que les œuvres de la musique moderne rendent évidemment impraticable une grande et populaire pensée, celle d'associer au chant la masse des fidèles. Or le but que Dieu s'est proposé en instituant le chant religieux ne peut être réalisé que par l'emploi du plainchant, comme le prouve l'histoire des progrès de la foi. Ceux qui sont d'avis d'introduire les œuvres de l'art moderne dans le chant d'Église devront se reporter aux paroles de Mardochée: Ne claudas ora te canentium. (Esther, xiii, 17.)

V

Influence morale du plain-chant sur le caractère.

L'influence exercée sur l'esprit par les sons qui frappent les oreilles n'a pas échappé aux moralistes (1). Leurs remarques semblent prouvées de nos jours par le ton et les sentiments efféminés de la société européenne qui paraît tout à fait affadie par les romances langoureuses et la musique d'opéra.

Les Pères de l'Église, qui agissaient, comme nous devons le

(1) Voyez Platon, République, cité par Gerbert; Cicéron, de Legibus, II.

croire, d'après l'inspiration du Saint-Esprit et dans le but de remplir les desseins éternels de la Providence, ont remarqué cette puissance de la musique pour former et diriger en quelque sorte le caractère. Ils ont voulu que le chant religieux fût tout différent de la musique de l'homme du monde; qu'il fût, en un mot, non la musique du lâche qui évite le combat, mais celle du soldat de Jésus-Christ, du disciple prenant la croix pour suivre son divin maître. Que ceux donc qui ne partagent pas nos croyances cessent de s'étonner s'ils ne trouvent rien qui leur soit sympathique dans le chant du Rituel; qu'ils aient au moins assez de modération pour ne pas blâmer les Pères de l'Église de l'avoir appliqué à un but qu'ils ne sauraient comprendre (1).

Faut-il donc s'étonner que le chant chrétien de la croix paraisse étrange à des oreilles profanes? Faut-il donc nous arrêter à cette conclusion, qu'il n'y a que les choses gracieuses et séduisantes, en un mot, que ce qui peut ressembler autant que possible aux choses mondaines qui doive plaire à un peuple chrétien ? Tout au contraire nous ne saurions croire que la multitude qui, après tout, forme la masse du troupeau confié aux pasteurs soit tellement efféminée et tellement dégénérée qu'elle repousse avec dégoût l'énergie si forte, si touchante et si originale du chant grégorien (2).

VI

Valeur du plain-chant comme moyen de répandre la vérité divine parmi le peuple.

Les chants populaires et nationaux ne sont ni de savantes compositions ni des œuvres d'art classique. L'art, dans ses données les plus élevées, ne saurait devenir populaire et doit toujours rester le partage de quelques initiés. Cependant non-seulement les chants nationaux caractérisent un peuple, alimentent et en

(1) Voyez Fleury, Mœurs des chrétiens, p. 14. (2) Mgr Parisis, Instruction pastorale, p. 45.

tretiennent l'esprit national, mais ils servent encore à perpétuer la tradition de l'histoire des ancêtres, des hauts faits et des belles actions des grands hommes. En un mot, les chants populaires exercent une influence positive pour l'amélioration du caractère moral. On ne saurait trop tenir compte de cette influence qui faisait dire à un homme d'État : « Ceux qui font la musique des peuples sauront bien aussi faire leurs lois. » Pensée qui répond à ce proverbe si connu : « Qui mutat cantus mutat mores . »

On doit conclure des remarques précédentes, beaucoup trop courtes pour faire ressortir les idées qu'elles contiennent, que le chant religieux doit différer entièrement des œuvres de l'art musical en général.

Quand notre divin Rédempteur, levant les yeux, vit la multitude éparse comme un troupeau sans pasteur, il éprouva un mouvement de pitié. Nous pouvons donc croire en toute sûreté, si nous cherchons à pénétrer ses pensées sur le chant sacré, que ce chant remplit la mission qui lui est dévolue quand il se vulgarise chez le peuple, quand il pénètre dans la chaumière du pauvre, quand il enseigne aux enfants la vie et les souffrances de leur Sauveur, leur propre rédemption du péché et le but final du monde créé. Le chant sacré remplit les vues du Dieu de miséricorde, quand il adopte les paroles de la Sagesse éternelle et les met dans la bouche du peuple comme un charme contre les séductions du monde que Dieu déclare plongé dans le péché, et comme un bouclier contre les attaques du tentateur « qui va sans cesse cherchant quelqu'un à dévorer. » Ce chant reste fidèle à sa mission quand il pénètre dans l'âme et dans le cœur du peuple; quand il accompagne les morts avec un Requiem, lorsque l'homme se rend à sa dernière demeure, suivi de ses parents affligés qui le conduisent au cimetière; quand il console les vivaħts, quand il leur dit que ceux qui ne sont pas sans espoir ne doivent pas pleurer; enfin, quand il verse des larmes avec ceux qui pleurent et qu'il se réjouit avec ceux qui sont joyeux. Que l'on ne dise pas que c'est là une opinion par trop romanesque, et que nous faisons de la terre un paradis. La réalisation de tels effets au moyen du chant religieux se rattache à la mission du Fils de Dieu en

voyé par son Père pour établir l'ordre, la piété et la sainteté sur la terre. Mais y aurait-il lieu de se plaindre si cette idée qui était familière aux Pères de l'Église recevait son développement et son accomplissement parmi nous (1).

Du reste nous avons dans une Collecte du Samedi saint une reconnaissance formelle et vénérable par son antiquité de ce principe d'enseignement par le chant.

Si nous avons ici un aperçu juste et vrai de la mission du chant sacré parmi les pauvres et les ignorants, selon la pensée divine; s'il est vrai, comme nous le supposons, que personne ne voudra nier que le chant religieux est non-seulement propre à réaliser plus tard cette idée, mais qu'il l'a réalisée dans le passé et la réalise encore dans certains pays; si les ouvrages de l'art moderne, par le caractère trop savant de la musique, ne sont pas propres à faire pénétrer la vérité divine parmi le peuple (car les compositeurs modernes attachent plus d'importance à la beauté des sons qu'à l'expression des sentiments); nous dirons en terminant que le chant du Rituel est le seul moyen que l'on possède pour répandre la révélation divine dans la foule et pour remplir la mission imposée par le Créateur. En outre, les grandes productions de l'art, si prisées des musiciens, ne sauraient être un moyen pratique d'arriver au même but, peut-être même, à dire vrai, n'ont-elles jamais été envisagées sous ce point de vue, soit par ceux qui en sont les auteurs, soit par ceux qui les admirent.

VII

Vertu médicinale comparative du plain-chant.

Les Écritures (2) nous apprennent que le divin médecin des âmes, veut voir dans son Église un système musical qui ait réellement une vertu médicinale. On en peut d'autant moins douter que nous

(1) S. Jean Chrysostome, Homélie sur les Psaumes, IV.

(2) S. Marc, 11, 17. Isaïe, LXI.

« PoprzedniaDalej »