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malgré l'article qui exige un bureau de bienfaisance par commune. Jl demande si on ne pourrait pas trouver un moyen de désarmer la charité civile de ce qui la rend hostile à la charité libre, et de rendre à cette dernière une plus grande liberté d'action. Il résume l'exposé en posant les questions suivantes :

1o Y a-t-il lieu d'établir partout des bureaux de bienfaisance? 2o Comment concilier les droits respectifs de l'assistance publique et de la charité privée?

3o Faut-il accorder aux communes la faculté de déléguer le soin de soulager les pauvres aux congrégations charitables ou aux associations de charité libre?

M. MARTIN-DOISY. Il ne faut pas croire que les bureaux de bienfaisance n'existent dans ce pays que depuis la loi de frimaire an V; ils n'ont jamais cessé d'exister, ils n'ont fait que changer de nom.

On s'est plaint de l'isuffisance des secours publics; mais doit-on s'en rapporter, pour le soulagement des pauvres, à la bonne volonté des particuliers? Quand l'État n'intervient pas, le désordre finit toujours par s'introduire dans l'organisation financière des œuvres. Les œuvres privées ont l'irremediable inconvénient d'être éphémères; les institutions publiques ont seules l'avantage de se perpétuer à travers les siècles. Si les œuvres privées se multiplient trop : premièrement, elles portent préjudice aux hôpitaux et aux bureaux de bienfaisance dont elles diminuent indéfiniment les ressources, et qu'elles finiraient par détruire; secondement, si on leur accordait les priviléges qu'on sollicite pour elles, elles s'entre-détruiraient, elles deviendraient matière à de nombreuses et funestes spéculations.

Mais je suis de ceux qui désirent que les progrès des mœurs se réalisent dans la législation; je suis de ceux qui pensent que le clergé doit rentrer dans la charité publique, et notamment dans les bureaux de bienfaisance, d'où on l'a exilé à tort après la révolution de 1830.

Gela fait, je crois qu'il faudrait grouper toutes les forces, aujourd'hui disséminées, des œuvres de la charité privée autour de l'assistance publique, qui peut seule assurer la régularité et la perpétuité aux institutions charitables.

M. DE MELUN. L'expérience a démontré combien la charité légale était impuissante à soulager les misères qu'elle prend sous sa tutelle. La charité privée sait guérir les plaies qu'elles touche; elle sait trou

ver des ressources là où la charité légale demeure stérile. Il ne lui manque que ce caractère de durée qui fait la force de la charité publique. Mais il lui est facile de lui conférer les mêmes droits qu'aux bureaux de bienfaisance, sous le contrôle et la surveillance de l'autorité publique.

De même que, par la loi du 15 mars 1850, on a accordé aux communes le droit de confier leurs écoles aux institutions libres, il me paraît désirable qu'une loi permette aux communes de déléguer le soin de secourir leurs pauvres à la charité religieuse et privée.

La rentrée du clergé dans le bureaux de bienfaisance serait sans doute une justice et un progrès, comme le dit M. Martin-Doisy, mais cela n'atteindrait pas le but que nous nous proposons.

M. le duc d'Uzès déclare qu'il ne reconnaît pas d'autre bureau de bienfaisance que celui qui serait organisé et dirigé par le curé ou par le pasteur protestant dans chaque commune. A ses yeux, la charité est une attribution essentielle du clergé, et la charité religieuse est seule efficace.

M. DE SAINT-SEINE. Pour ma part, je ne puis être aussi absolu. Je crois que le bureau de bienfaisance doit exister pour recueillir certaines libéralités qui n'iraient point au curé, dans l'état actuel de la société; mais je ne veux pas non plus, comme M. Martin-Doisy, absorber la charité privée dans le bureau de bienfaisance. Quant à l'antagonisme dont on se plaint, le seul moyen de le détruire, c'est d'accorder à la charité privée les mêmes droits qu'à sa rivale. Lorsqu'un testateur pieux fait un legs à une œuvre non reconnue légalement, le bureau de bienfaisance vient réclamer le legs, en se portant comme seul apte à recueillir toutes les libéralités en faveur des pauvres. C'est ainsi que nous voyons si souvent des legs détournés de leur pieuse destination.

M. MAHUL. En théorie, je ne suis pas très-favorable à l'institution des bureaux de bienfaisance; je ne voudrais pas l'inventer, si elle n'existait pas. Mais cette institution a pour elle quelque chose d'assez rare par le temps qui court: la durée. Elle fonctionne passablement dans les grandes villes.

Un des inconvénients qu'on lui a reproché, celui de n'être pas établi partout symétriquement suivant les prescriptions de la loi, constitue précisément un avantage à mes yeux; car dans les com

munes trop peu importantes, le bureau de bienfaisance ne serait qu'une coûteuse inutilité. D'ailleurs, il n'est pas besoin d'une loi nouvelle pour multiplier les bureaux de bienfaisance, ils peuvent être créés partout par un simple arrêté du préfet, pris sur la demande du conseil municipal. Si vous entrepreniez de galvaniser légalement les communes pour y implanter des bureaux de bienfaisance, vous perdriez votre temps, votre papier, et votre argent par dessus le marché, sans arriver à aucun résultat sérieux; et l'expérience démontre que les institutions inutiles et stériles ne vivent pas longtemps.

Si le bureau de bienfaisance était, comme autrefois, une institution religieuse, il serait désirable de la voir se répandre partout, car cette institution aurait alors le double caractère de l'utilité et de la durée; mais telle qu'elle est, elle a bien dévié de son origine. Quand, par malheur, la charité publique d'un pays n'est qu'une institution civile, elle participe nécessairement de la mobilité des institutions politiques; et quand ce pays est le nôtre, c'est-à-dire le plus mobile qui existe, l'inconvénient s'accroît.

Et je vous prie de croire, messieurs, que ceci n'est pas une hypothèse. Vous vous rappelez qu'en 1830, au moyen de la formalité odieuse du serment, on a chassé des commissions hospitalières et des bureaux de bienfaisance les hommes les plus éclairés et les plus dévoués. On en a fait autant en 1848. Comment voudrait-on, en présence de cette effrayante mobilité, enchaîner les hommes de cœur à une institution d'assistance qui varierait aussi souvent que les institutions politiques?

Accordez donc, par votre loi, la faculté de recevoir plus facilement les legs et donations, et vous aurez élargi le champ de la charité privée, sans que la charité publique ait le droit de se plaindre. L'essentiel, c'est de ne pas tarir, par des obstacles légaux, les diverses sources de la bienfaisance. Si la charité publique est vraiment la charité, que lui importe que les pauvres soient soulagés par ses mains ou par celles de la charité privée, pourvu qu'ils soient efficacement soulagés? La charité privée ne réclame pas la destruction de la charité publique, elle ne demande que la liberté.

Je repousserai done tout projet qui aurait pour but de perfectionner et de fortifier le monopole des bureaux de bienfaisance, et j'ap

puierai toute mesure favorable à l'émancipation de la charité religieuse ou privée.

M. DE CAMBRAY. Je ne crois pas qu'il soit utile de faire une loi nouvelle sur les bureaux de bienfaisance, tout en reconnaissant que la charité officielle a exagéré ses droits, en gênant parfois l'acceptation des dons et legs faits à la charité privée. Mais je ne suis pas d'avis non plus de laisser aux œuvres libres la faculté qu'on demande pour elles de recevoir les legs et donations au même titre que les établissements publics. Cette faculté dégénérerait bien vite en licence. La surveillance et le contrôle de l'administration sont absolument indispensables pour prévenir les abus. Du reste, je crois qu'on exagère lorsqu'on parle des entraves mises par l'administration des secours publics à l'acceptation des donations faites à l'Eglise en faveur des pauvres. Le droit du curé à recevoir les dons et legs charitables n'est nullement contesté. L'intervention du pouvoir civil se borne à l'encaissement des sommes données par des bienfaiteurs aux pauvres de la paroisse, et toute liberté est laissée au curé pour la distribution de ces libéralités par ses mains.

M. Bioche conteste l'exactitude de cette dernière assertion, et déclare, qu'en qualité d'ancien administrateur du bureau de bienfaisance du 11e arrondissement, il lui serait facile de citer des faits pour établir que les prétentions de l'administration vont jusqu'à vouloir arrêter elle-même la liste des pauvres auxquels le curé doit distribuer les dons.

M. l'abbé DE LA BOUILLERIE confirme ces faits, en disant que des curés sont venus se plaindre à lui-même que des sommes, données à leurs paroisses, avaient dû être versées dans la caisse du bureau de bienfaisance et distribuées par ses agents.

M. DELANNOY. Il est bon de faire remarquer que l'intervention de l'administration, dans les cas auxquels on a fait allusion, avait pour but d'assurer l'exécution des volontés des testateurs, droit qu'il est impossible de refuser à l'autorité publique. Mais j'ai été aussi administrateur d'un bureau de bienfaisance, et ma propre expérience m'autorise à affirmer que la distribution des deniers charitables, par les mains du curé, n'est jamais soumise aux entraves dont il est question, à moins que l'intervention du contrôle administratif n'ait été réclamée par le testateur lui-même

M. l'abbé DE LA BOUILLERIE. La question est de savoir si les bureaux de bienfaisance doivent continuer à être administrés par l'État, ou s'ils ne doivent pas plutôt être remis aux mains du clergé. J'avoue que je suis très-nettement prononcé pour ce dernier parti. Un des arguments, qui m'ont le plus frappé, c'est que les institutions de charité, abandonnées au pouvoir civil, sont par là même soumises à toutes les vicissitudes politiques. Cette considération seule suffirait pour me décider à demander que la charité soit placée dans une sphère qui ne change pas au gré des révolutions et des constitutions.

M. Amédée HENNEQUIN. Je laisse à mes honorables collègues le soin de trouver le meilleur mode d'acceptation des legs et donations, et je veux envisager la question des secours à domicile sous un autre point de vue. Je désirerais voir établir une distinction entre les villes et les campagnes: on conçoit que dans les villes il soit nécessaire d'établir des bureaux pour recueillir et centraliser les fonds destinés aux secours et en régler la répartition; mais dans les campagnes, une pareille institution serait trop souvent de nature à jeter la peren habituant tous les paresseux à s'en turbation dans les mœurs, rapporter, comme dans les villes, aux aumônes de la charité publique, au lieu de chercher leur existence dans le travail.

Lors de la disette de 1846-1847, on a institué, d'urgence, des bureaux de bienfaisance dans un grand nombre de communes qui s'en trouvaient dépourvues; mais c'était là une formalité nécessaire pour faire profiter ces communes des ressources allouées sur le budget à titre de secours extraordinaires; ces bureaux n'ont subsisté qu'autant que le besoin temporaire pour lequel ils avaient été institués.

Si d'autres besoins analogues se reproduisaient, on suivrait la même marche. Je vois de grands avantages à cette manière de procéder, à cette latitude laissée par la loi, et je verrais un véritable inconvénient à créer partout d'une manière uniforme l'institution des bureaux de bienfaisance.

M. DE THURY. Il est peut-être moins difficile qu'on ne semble le croire, de créer de nouveaux bureaux de bienfaisance. Je me souviens d'avoir vu un rapport du préfet de la Moselle qui établissait la possibilité d'en instituer dans chaque commune, en créant des ressources au moyen des quêtes à l'église et à domicile, au moyen des

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