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SOMMAIRE: Exposé de la question des secours à domicile. Discussion sur les bureaux de bienfaisance.

M. le PRÉSIDENT présente un exposé de l'histoire des bureaux de bienfaisance, et signale les imperfections de la loi qui les régit.

Dans les développements successifs qu'a reçus l'assistance, le secours à domicile est venu le dernier; cela se conçoit. Lorsque le christianisme se fut répandu dans le monde, la religion se trouva naturellement investie du soin de faire la charité. Pour faciliter l'exercice de cette mission que l'Eglise accomplissait au nom de Dieu et de la société toute entière l'Etat avait constitué des priviléges qui assuraient à l'Église la possession de grands biens, desquels s'est formé peu à peu le patrimoine de pauvres. Aussi le devoir de visiter et de soulager les pauvres faisait-il partie intégrante de la mission du prêtre; l'exercice de la charité était presque exclusivement dans les attributions du sacerdoce catholique pendant tout le moyenâge.

Au 16e siècle, on vit apparaître une tendance marquée à reprendre sur l'Église plusieurs de ses attributions, et particulièrement la charité. Le protestantisme contribua beaucoup à exagérer cette tendance. Sous son inspiration, la société civile et politique reprit la mission que remplissait l'Église. En Angleterre, la charité légale se mit à la place de la charité religieuse; l'État se substitua à l'Église pour le soulagement de la misère, et institua cette taxe des pauvres qui les habitue à regarder le secours comme le paiement d'une dette, et qui va jusqu'à leur reconnaître le droit de réclamer judiciairement l'assistance publique.

En France, où le protestantisme ne parvint pas à s'emparer de 'État, comme en Angleterre, la taxe des pauvres ne put s'établir. Néanmoins, l'État chercha à partager avec l'Église le soin de soulager les pauvres. Ainsi François Ier, en établissant des bureaux de charité, y fit entrer l'élément civil pour une large part. Louis XIV organisa la répression de la mendicité comme un service d'administration et de police, en déclarant que c'était un devoir de l'Etat de veiller au soulagement des pauvres.

Mais une différence marquée distingua notre système de secours de la charité anglaise : d'abord, l'État se garda bien de toucher au patrimoine des pauvres; en second lieu, la charité civile ne prit pas chez nous le caractère de taxe forcée et de droit obligatoire.

La révolution arriva et s'efforça de réaliser complétement la sécularisation de la charité; elle créa une organisation qui ressemblait beaucoup au système protestant anglais.

Cette organisation répugnait tellement à nos mœurs, qu'elle ne put s'appliquer, et la loi de frimaire an V, dont nous avons à nous occuper aujourd'hui, fut une réaction contre ce système. On y trouve, en effet, un essai de conciliation entre les deux charités : les bureaux de bienfaisance empruntent à la charité privée le concours gratuit des administrateurs, et le dévouement des sœurs; ils empruntent à la charité publique sa comptabilité et son contrôle, en même temps qu'ils reçoivent une part des produits de l'impôt, et qu'ils prélèvent une taxe spéciale, l'impôt sur les spectacles, bals et

concerts.

Mais ce système de transaction n'en a pas moins soulevé de graves objections. On se demande d'où sont venus ces répugnances, ces préjugés, si l'on veut, qui séparent les deux charités, et les mettent trop souvent en désaccord. En Angleterre, cet antagonisme n'existe nullement; jamais la charité légale ne cherche à faire concurrence ou obstacle à la charité libre. C'est peut-être parce que les deux charités ne s'alimentent pas à la même source, et ne s'occupent pas des mêmes misères; tandis que, chez nous, la charité administrative remplit les fonctions de la charité libre, et semble avoir reçu de la loi le monopole de faire le bien.

M. de Melun fait remarquer que la loi, faute de ressources fixes', n'a pu recevoir d'application dans les trois quarts des communes

malgré l'article qui exige un bureau de bienfaisance par commune. Il demande si on ne pourrait pas trouver un moyen de désarmer la charité civile de ce qui la rend hostile à la charité libre, et de rendre à cette dernière une plus grande liberté d'action. Il résume l'exposé en posant les questions suivantes :

1o Y a-t-il lieu d'établir partout des bureaux de bienfaisance? 2o Comment concilier les droits respectifs de l'assistance publique et de la charité privée?

3o Faut-il accorder aux communes la faculté de déléguer le soin de soulager les pauvres aux congrégations charitables ou aux associations de charité libre?

M. MARTIN-DOISY. Il ne faut pas croire que les bureaux de bienfaisance n'existent dans ce pays que depuis la loi de frimaire an V; ils n'ont jamais cessé d'exister, ils n'ont fait que changer de nom.

On s'est plaint de l'isuffisance des secours publics; mais doit-on s'en rapporter, pour le soulagement des pauvres, à la bonne volonté des particuliers? Quand l'État n'intervient pas, le désordre finit toujours par s'introduire dans l'organisation financière des œuvres. Les œuvres privées ont l'irremediable inconvénient d'être éphémères; les institutions publiques ont seules l'avantage de se perpétuer à travers les siècles. Si les œuvres privées se multiplient trop: premièrement, elles portent préjudice aux hôpitaux et aux bureaux de bienfaisance dont elles diminuent indéfiniment les ressources, et qu'elles finiraient par détruire; secondement, si on leur accordait les priviléges qu'on sollicite pour elles, elles s'entre-détruiraient, elles deviendraient matière à de nombreuses et funestes spéculations.

Mais je suis de ceux qui désirent que les progrès des mœurs se réalisent dans la législation; je suis de ceux qui pensent que le clergé doit rentrer dans la charité publique, et notamment dans les bureaux de bienfaisance, d'où on l'a exilé à tort après la révolution de 1830.

Cela fait, je crois qu'il faudrait grouper toutes les forces, aujourd'hui disséminées, des œuvres de la charité privée autour de l'assistance publique, qui peut seule assurer la régularité et la perpétuité aux institutions charitables.

M. DE MELUN. L'expérience a démontré combien la charité légale était impuissante à soulager les misères qu'elle prend sous sa tutelle. La charité privée sait guérir les plaies qu'elles touche; elle sait trou

ver des ressources là où la charité légale demeure stérile. Il ne lui manque que ce caractère de durée qui fait la force de la charité publique. Mais il lui est facile de lui conférer les mêmes droits qu'aux bureaux de bienfaisance, sous le contrôle et la surveillance de l'autorité publique.

De même que, par la loi du 15 mars 1850, on a accordé aux communes le droit de confier leurs écoles aux institutions libres, il me paraît désirable qu'une loi permette aux communes de déléguer le soin de secourir leurs pauvres à la charité religieuse et privée.

La rentrée du clergé dans le bureaux de bienfaisance serait sans doute une justice et un progrès, comme le dit M. Martin-Doisy, mais cela n'atteindrait pas le but que nous nous proposons.

M. le duc d'Uzès déclare qu'il ne reconnaît pas d'autre bureau de bienfaisance que celui qui serait organisé et dirigé par le curé ou par le pasteur protestant dans chaque commune. A ses yeux, la charité est une attribution essentielle du clergé, et la charité religieuse est seule efficace.

M. DE SAINT-SEINE. Pour ma part, je ne puis être aussi absolu. Je crois que le bureau de bienfaisance doit exister pour recueillir certaines libéralités qui n'iraient point au curé, dans l'état actuel de la société; mais je ne veux pas non plus, comme M. Martin-Doisy, absorber la charité privée dans le bureau de bienfaisance. Quant à l'antagonisme dont on se plaint, le seul moyen de le détruire, c'est d'accorder à la charité privée les mêmes droits qu'à sa rivale. Lorsqu'un testateur pieux fait un legs à une œuvre non reconnue légalement, le bureau de bienfaisance vient réclamer le legs, en se portant comme seul apte à recueillir toutes les libéralités en faveur des pauvres. C'est ainsi que nous voyons si souvent des legs détournés de leur pieuse destination.

M. MAHUL. En théorie, je ne suis pas très-favorable à l'institution des bureaux de bienfaisance; je ne voudrais pas l'inventer, si elle n'existait pas. Mais cette institution a pour elle quelque chose d'assez rare par le temps qui court: la durée. Elle fonctionne passablement dans les grandes villes.

Un des inconvénients qu'on lui a reproché, celui de n'être pas établi partout symétriquement suivant les prescriptions de la loi, constitue précisément un avantage à mes yeux; car dans les com

munes trop peu importantes, le bureau de bienfaisance ne serait qu'une coûteuse inutilité. D'ailleurs, il n'est pas besoin d'une loi nouvelle pour multiplier les bureaux de bienfaisance, ils peuvent être créés partout par un simple arrêté du préfet, pris sur la demande du conseil municipal. Si vous entrepreniez de galvaniser légalement les communes pour y implanter des bureaux de bienfaisance, vous perdriez votre temps, votre papier, et votre argent par dessus le marché, sans arriver à aucun résultat sérieux; et l'expérience démontre que les institutions inutiles et stériles ne vivent pas longtemps.

Si le bureau de bienfaisance était, comme autrefois, une institution religieuse, il serait désirable de la voir se répandre partout, car cette institution aurait alors le double caractère de l'utilité et de la durée; mais telle qu'elle est, elle a bien dévié de son origine. Quand, par malheur, la charité publique d'un pays n'est qu'une institution civile, elle participe nécessairement de la mobilité des institutions politiques; et quand ce pays est le nôtre, c'est-à-dire le plus mobile qui existe, l'inconvénient s'accroît.

Et je vous prie de croire, messieurs, que ceci n'est pas une hypothèse. Vous vous rappelez qu'en 1830, au moyen de la formalité. odieuse du serment, on a chassé des commissions hospitalières et des bureaux de bienfaisance les hommes les plus éclairés et les plus dévoués. On en a fait autant en 1848. Comment voudrait-on, en présence de cette effrayante mobilité, enchaîner les hommes de cœur à une institution d'assistance qui varierait aussi souvent que les institutions politiques?

Accordez donc, par votre loi, la faculté de recevoir plus facilement les legs et donations, et vous aurez élargi le champ de la charité privée, sans que la charité publique ait le droit de se plaindre. L'essentiel, c'est de ne pas tarir, par des obstacles légaux, les diverses sources de la bienfaisance. Si la charité publique est vraiment la charité, que lui importe que les pauvres soient soulagés par ses mains ou par celles de la charité privée, pourvu qu'ils soient efficacement soulages? La charité privée ne réclame pas la destruction de la charité publique, elle ne demande que la liberté.

Je repousserai done tout projet qui aurait pour but de perfectionner et de fortifier le monopole des bureaux de bienfaisance, et j'ap

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