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ou 500 pauvres valides, mais absolument dépourvus de travail, et ils profitaient de la circonstance pour leur faire des instructions si touchantes et si efficaces, que la plupart de ces malheureux se confessaient et communiaient tous les mois. (Vous voyez, Messieurs, comment les disciples immédiats de notre glorieux patron ont su mettre en pratique, dans notre ville même, cette parole de vie que nous avons inscrite en tête de nos règles: Non in solo pane vivit homo, sed in omni verbo quod procedit ex ore Dei) (1). Quant aux malades, les prêtres de la congrégation les placèrent à l'hôpital Saint-Julien, auquel il fournirent du linge et de l'argent. L'hospice ne pouvant les héberger tous, les missionnaires en reçurent un certain nombre dans leur propre demeure. Ils firent aussi des distributions journalières à une cinquantaine d'infirmes domiciliés dans différentes maisons. Puis, ayant appris qu'il y avait dans la ville des mères dont les enfants, encore à la mamelle, étaient en danger de périr, ils leur donnèrent également des soins particuliers.

A Verdun, les missionnaires, pendant plus de trois ans, distribuèrent du pain à 4, 5 ou 600 malheureux; ils fournirent du potage et de la viande à une soixantaine de malade, à d'autres de l'argent; ils assistaient les pauvres houteux, et donnaient, à toute heure, du pain à une foule de gens de la campagne qui venaient leur en de-mander; ils fournirent des vêtements à ceux qui en manquaient.

A Bar-le-Duc, les missionnaires furent reçus et logés par les Pères jésuites, qui partagèrent leurs travaux. Ils pansèrent, pendant plusieurs mois consécutifs, les plaies et les ulcères de malheureux atteints d'une gale affreuse. Ils opérèrent à Bar, comme partout, de

(1) Vincent de Paul savait qu'habituellement les temps de calamités deviennent, dans les desseins de Dieu, des temps de miséricorde, et que souvent la souffrance ramène au Seigneur ceux qui s'en étaient éloignés dans la prospérité. Aussi il avait recommandé à ses prêtres de demeurer fidèles à leur vocation et d'avoir plus soin encore de la santé des âmes que de celle du corps. Ils obéirent à ses ordres et surent imposer aux mendiants, aux malades, et aux mourants une patience invincible, une parfaite résignation, et une soumission entière à la volonté de Dieu. «O Monsieur, écrivait un des missionnaires à Vincent, que d'âmes vont en paradis par la panvreté ! Depuis que je suis en Lorraine, j'ai assisté à la mort de plus de mille pauvres qui paraissaient tous y être admirablement disposés... Voilà bien des intercesseurs au ciel pour leur bienfai

teur..

merveilleuses conversions. La foule assiégeait les tribunaux de la pénitence. L'un des missionnaires, Germain de Montevit, âgé seulement de vingt-huit ans, entendit plus de 800 confessions générales dans l'espace d'un mois. Ce généreux athlète mourut à la peine, le 19 janvier 1610. Certes, c'était mourir au plus beau champ d'hon

neur!

A Pont-à-Mousson, la détresse était telle, lorsque les missionnaires arrivèrent, que bien des pauvres mouraient en mangeant les aumônes qu'ils recevaient, n'ayant plus la force d'avaler la nourriture qu'on leur présentait.

Le zèle du serviteur de Dieu pourvoyait à tout. Beaucoup de paroisses de la Lorraine n'avaient plus de pasteurs, et un grand nombre d'enfants y mouraient sans avoir été baptisés., Vincent, comprenant que ses fils étaient trop occupés déjà pour pouvoir se charger d'un nouvel emploi, rétribua deux prêtres étrangers et leur enjoignit de parcourir le diocèse de Toul, d'y baptiser ceux qui ne l'étaient point encore, et d'enseigner à toutes les personnes de chaque canton la manière d'administrer le sacrement de la régénération aux enfants qui y naîtraient dans la suite.

L'excès des misères de Saint-Mihiel est dépeint dans la correspondance d'un des missionnaires qui fait vraiment mal à lire: «Les pauvres, lui écrit-il, semblent des squelettes couverts de peau, et sont si affreux que si Notre Seigneur ne me fortifiait, JE N'OSERAIS LES REGARDER; ils ont la peau comme du marbre, et tellement retirée, que les dents leur paraissent toutes sèches et découvertes, et les yeux et le visage tout refrognés; enfin c'est la chose la plus épouvantable qui se puisse jamais voir. » Le même missionnaire loue beaucoup l'esprit de dévotion et de patience des habitants de Saint

Mihiel.

Vincent de Paul étendit ses soins et ses libéralités à beaucoup d'autres cités et bourgs des deux duchés. Nous n'en finirions pas si nous voulions dire toutes les merveilles de son inépuisable charité. Le défaut de temps ne nous permet pas d'entrer dans de plus longs détails ; ce que nous avons dit suffit pour faire connaître le degré de misère du pays, et pour donner une idée de la charité et de l'infatigable activité du serviteur de Dieu.

Aussi, de tous côtés, les magistrats des villes de Lorraine lui adres

saient des lettres de remerciment. «Puique nos péchés ont provoqué la colère de Dieu, lui écrivaient en 1642 ceux de Lunéville, nous baisons humblement la main qui les punit, et nous recevons aussi les effets de sa bonté avec des sentiments de reconnaissance extraordinaires. Nous bénissons les instruments de son infinie clémence, tant ceux qui nous soulagent de leur charité si opportune, que ceux qui nous les procurent et distribuent, et vous particulièrement, Monsieur, que nous croyons être, après Dieu, le principal auteur d'un si grand bien...>>

Ce que le saint homme faisait pour les villes de Lorraine, il le faisait également pour les communautés religieuses du pays, auxquelles il envoyait de l'argent, des vivres, des meubles, et des vête

ments.

Pour soustraire les jeunes personnes privées de leurs parents à la brutale insolence de la soldatesque qui occupait le pays, Vincent s'entendit avec les dames de l'assemblée de charité: un missionnaire choisit les filles qui avaient le plus à craindre, et en conduisit, en divers voyages, 160 à Paris; elles étaient reçues d'abord chez Louise Le Gras, puis placées à Paris le mieux qu'on pouvait. Bon nombre de jeunes garçons furent aussi recueillis à Saint-Lazare, puis placés en différentes maisons.

Durant les grandes misères de la Lorraine, une foule de gens de tout âge, de tout sexe, de toute condition, étaient forcés d'émigrer de leur trop malheureuse patrie. La plupart d'entre eux s'en allaient tout droit frapper à la porte de Saint-Lazare, où ils trouvaient un refuge assuré. Vincent pratiquait à la lettre ce que le Seigneur nous commande par la voie de son prophète : « Romps ton pain à celui qui a faim, et fais venir dans ta maison les affligés qui sont errants; et quand tu vois celui qui est nu, couvre-le...» (Isaïe, LVIII, 7). Ce consolateur des affligés eut soin aussi des âmes des malheureux émigrés lorrains; il les réunit au village de La Chapelle, à une demilieue de Paris, et leur fit deux missions, en 1641 et 1642, vers le temps de Pâques. Ils firent presque tous des confessions générales.

Vincent parvint à former une association pour soigner spécialement les nobles Lorrains réfugiés à Paris, et qui étaient pauvres honteux, afin de leur venir en aide sans toucher aux fonds qu'il destinait à être envoyés dans les duchés.

Lorsque les duchés commencèrent un peu à respirer, vers 1643, Vincent rappela la plupart de ses missionnaires; mais les distributions d'aumônes ne finirent pas pour cela; elles furent rendues à vingt-cinq villes, et continuées encore pendant cinq ou six ans, pour le soulagement de tous les malheureux.

Le missionnaire, chargé de transporter en Lorraine l'argent comptant (non compris les vivres, vêtements, meubles, etc.), estime le total des aumônes envoyées par Vincent à 1600,000 livres. Bien que cette somme soit équivalente à plus de 8 millions de nos jours, dit un biographe du saint, on ne saurait concevoir comment elle a suffi à tout ce qui a été fait.

Vincent envoya en outre aux villes réunies des deux duchés 14,000 aunes de draperies de différentes sortes pour vêtir ceux qui manquaient d'habits. Anne d'Autriche et la duchesse d'Aiguillon destinèrent à ce même usage les tentures et tapisseries de deuil qu'on acheta pour les funérailles de Louis XIII et de Richelieu. Le charitable prêtre envoya de plus du linge, des ornements, et des vases sacrés aux églises de Lorraine pillées par les Suédois et leurs cruels. alliés, afin qu'on pùt recommencer à y célébrer le service divin. Ainsi Vincent n'oublia rien: il pensa à tout, il pourvut à tout. Il sema les bienfaits là où ses compatriotes avaient amoncelé les ruines!

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Nous ne saurions terminer sans dire de quelle manière merveilleuse Dieu protégea le missionnaire chargé de porter l'argent en Lorraine c'était le frère Mathieu Renard, de Brienne, du diocèse de Troyes. Il fit en dix années plus de 150 voyages; sa besace renfermait chaque fois au moins 25 à 30,000 livres en or; une fois il en portait jusqu'à 150,000. Il y avait grand danger pourtant à parcourir un pays infesté de soldats ennemis, de bandes de pillards et de maraudeurs, qui traversaient la Lorraine en tous sens, et qui volaient ou massacraient sans pitié ceux qui tombaient entre leurs mains. Frère Mathieu passa toujours au milieu des troupes et des brigands sans être attaqué. Il était, a la vérité, fort leste et très-intelligent; mais il n'attribua jamais ses succès à son adresse, et il avait coutume de dire lui-même « que le Dieu de Vincent de Paul voyageait avec lui et le gardait dans ses voies.

Plusieurs fois il fit partie de convois qui furent pris, mais toujours il trouva moyen de s'échapper. D'autres fois il advint qu'il se sépara

de personnes avec lesquelles il voyageait : ces personnes étaient presqu'aussitôt volées, et lui ne faisait aucune mauvaise rencontre. Quelquefois aussi, quand il apercevait dans les bois des voleurs ou des soldats débaudés, il jetait sa bourse dans les buissons ou dans la boue, et s'avançait hardiment vers les maraudeurs, chargé de sa besasse déguenillée, et comme un homme qui ne craint rien; ils le fouillaient et le laissaient aller. Lorsqu'ils s'étaient éloignés, le bon frère reprenait sa bourse et continuait son voyage. Un soir, il ren-contra des voleurs qui le menèrent dans une forêt pour lui faire peur, le fouillèrent et lui demandèrent s'il ne paierait pas 50 pistoles de rançon. Frère Mathieu répondit, sans se déconcerter, que s'il avait mille vies, il ne pourrait les racheter d'un gros de Lorraine, et on le laissa aller. Un jour qu'il portait une somme de 34,000 liv., il se vit inopinément assailli par un homme à cheval qui, le pistolet à la main, le fit marcher devant lui pour le fouiller à l'écart. Le missionnaire, qui l'observait, le vit tourner la tête, et laissa tomber sa bourse. Cent pas plus loin, il fit au cavalier de grandes révérences, en imprimant fortement ses pieds dans une terre de labour, de façon à pouvoir retrouver son argent. Il vint le reprendre, en effet, après avoir été soumis à une visite des plus rigoureuses au bord d'un précipice. Une autre fois encore, il découvrit des Croates en rase campagne. Il n'eut que le temps de décharger son sac, de le couvrir de quelques herbes, et de placer un petit bâton à trois ou quatre pas de distance, pour avoir une marque; puis il passa hardiment au milieu de la horde indisciplinée. Durant la nuit, il revint sur place, et retrouva son trésor intact au lieu où il l'avait déposé.

L'ingénieux frère Mathieu variait ses stratagèmes à l'infini: jamais sa présence d'esprit ne lui fit défaut. On sut bientôt dans le pays que le missionnaire qu'on y voyait si souvent, était chargé habituellement de grosses sommes d'argent. Sa position n'en devint que plus dangereuse; on lui dressa des embûches, mais il sut toujours les éviter. Ceux qui voulaient le piller, voyant l'inutilité de leurs tentatives, finirent par le croire sorcier, tandis que les infortunés auxquels il distribuait des secours le considéraient comme un ange et un messager du Dieu des miséricordes. Anne d'Autriche voulut plusieurs fois voir ce bon frère; elle écoutait avec le plus vif intérêt le récit de ces pérégrinations et de ses périlleuses aventures.

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