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duite en eft à peu prés la même : Phedre eft mourante dans l'une & dans l'autre. Thesée est absent dans les premiers Actes: Il paffe pour avoir été aux enfers avec Pirrithous: Hippolite fon fils veut quitter Trezene: il veut fuïr Aricie qu'il aime. Il déclare fa paffion à Aricie, & reçoit avec horreur celle de Phedre, il meurt du même genre de mort, & fon Gouverneur fait le recit de fa mort.

Il y a plus. Les Perfonnages des deux Pieces fe trouvant dans les mêmes fituations difent prefque toûjours les mêmes choses Mais c'eft là qu'on diftingue le grand Homme, & le mauvais Poëte. C'est lorfque Racine & Pradon penfent de même, qu'ils font les plus differens. En voici un exemple bien fenfible ; dans la déclaration d'Hippolyte à Aricie. Monfieur Racine fait ainfi parler Hippolite.

Moi qui contre l'amour fierement révolté,
Aux fers de fes Captifs ai long-temps infulté ;
Qui des foibles mortels déplorant les naufrages.
Penfois toûjours du bord contempler les orages,
Affervi maintenant fous la commune Loi,
Par quel trouble me voi-je emporté loin de moi ?

Un moment a vaincu mon audace imprudente.
Cette ame fi fuperbe eft enfin dépendante.
Depuis près de fix mois honteux, désesperé,
Portant par tout le trait, dont je fuis déchiré,
Contre vous, contre moi, vainement je m'éprouve,
Prefente je vous fuis, abfente je vous trouve.
Dans le fonds des Forêts vôtre image me suit.
La lumiere du jour, les ombres de la nuit.
Tout retrace à mes yeux les charmes que j'évite;
Tout vous livre à l'envi le rebelle Hippolyte.
Moi-même pour tout fruit de mes soins superflus,
Maintenant je me cherche, & ne me trouve plus.
Mon Arc, mes Javelots,mon Char, tout m'importune,
Je ne me fouviens plus des leçons de Neptune.
Mes feuls gémiffemens font retentir les Bois,

Et mes Courfiers oififs ont oublié ma voix.

Voici comment Hippolyte s'exprime dans Pradon.

Affez & trop long-temps, d'une bouche profane,
Je méprifai l'amour, & j'adorai Diane ;

Solitaire, farouche, on me voïoit toûjours
Chaffer dans nos Forêts, les Lions & les Ours.
Mais un foin plus preffant m'occupe & m'embarrasse.
Depuis que je vous vois, j'abandonne la chaffe.
Elle fit autrefois mes plaisirs les plus doux,

Et quand j'y vais, ce n'eft que pour penser à vous.

On ne fçauroit lire ces deux pieces de comparaison, fans admirer l'une, & fans rire de l'autre. C'eft pourtant dans toutes les deux le même fonds de fentimens, & de penfées. Car quand il s'agit de faire parler les paffions, tous les hommes ont prefque les mê mes idées, Mais la façon de les exprimer, diftingue l'homme d'efprit, d'avec celui qui n'en a point; l'homme de genie, d'avec celui qui n'a que de l'efprit, & le Poëte d'avec celui qui veut l'être.

Pour parvenir à écrire comme M. Racine, il faudroit avoir fon genie, & polir autant que lui fes Ouvrages. Qu'elle défiance ne dois-je donc point avoir, moi qui né avec talens fi foibles, & accablé par des maladies continuelles, n'ai ni le don de bien imaginer, ni la liberté de corriger par un travail affidu les défauts de mes Ouvrages. Je fens avec déplaifir toutes

les fautes qui font dans la contexture de cette Fiece, auffi-bien que dans la diction. J'en aurois corrigé quelques-unes, fi j'avois pû retarder cette Edition; mais j'en aurois laiffé encore beaucoup. Dans tous les Arts il y a un terme par-delà lequel on ne peut plus avancer. On eft refferré dans les bornes de fon talent: on void la perfection au-delà de foi, & on fait des efforts impuiffans pour y atteindre.

Je ne ferai point une Critique détaillée de cette Piece, les Lecteurs la feront affez fans moi. Mais je crois qu'il eft neceffaire que je parle ici d'une Critique generale qu'on a faite fur le choix du fujet de Mariamne. comme le genie des François eft de faifir vivement le côté ridicule des chofes les plus ferieuses on difoit que le fujet de Mariamne n'étoit autre chofe qu'un vieux mary amou reux & brutal, à qui fa femme refuse avec aigreur le devoir conjugal. Et on ajoûtoit qu' une querelle de ménage ne pouvoit jamais faire une Tragedie. Je fupplie qu'on faffe avec moi quelques refléxions fur ce préjugé,

Les pieces tragiques font fondées ou fur les interêts de toute une Nation, ou fur. les interêts particuliers de quelques Princes.

De ce premier genre font l'Iphigenie en Aulide, ou la Grece affemblée, demande le fang du fils d'Agamemnon : les Horaces, où trois combattans ont entre les mains le fort

de Rome: l'Oedipe, où le Salut des Thebains dépend de la découverte du meurtre de Laïus. Du fecond genre font Britanicus, Phedre, Mithidate, &c.

Dans ces trois dernieres tout l'interêt eft renfermé dans la Famille du Heros de la Piece: Tout roule fur des paffions que des Bourgeois reffentent comme les Princes. Et l'intrigue de ces Ouvrages eft auffi propre à la Comédie, qu'à la Tragedie, Otez les noms, Mithridaten eft qu'un vieillard amoureux d'une jeune fille: Ses deux fils en font amoureux auffi ; & il fe fert d'une rufe affez baffe pour decouvrir celui des deux qui est "ai

mé.

Phedre eft une Belle-mere, qui enhardie par une intriguante, fait des propofitions à fon beaufils, lequel eft occupé ailleurs.

Neron eft un jeune homme impetueux qui devient amoureux tout d'un coup: qui dans le moment veut se séparer d'avec sa femme, & fe cache derriere une Tapisserie pour écouter les difcours de fa Maîtreffe. Voilà des fujets que

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