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entre Herode & Varus, dans laquelle je fis parler ce Prêteur avec la hauteur qu'on s'imagine que les Romains affectoient avec les Rois.

Qu'arriva-t'il de tout cet arrangement? Mariamne intraitable n'interessa point : Herode n'étant que criminel, revolta; & fon entretien avec Varus le rendit méprifable. J'étois à la premiere Reprefentation: je m'aperçus dès le moment où parut Herode, qu'il étoit impoffible que la Piece eut du fuccés ; & je compris que je m'étois égaré en marchant trop timidement dans la route ordinaire.

Je fentis qu'il eft des occafions où la premiere regle eft de s'écarter des regles prefcrites: & que (comme dit Monfieur Pafcal, fur un fujet plus ferieux) les veritez le fuccedent du pour au contre à mesure qu'on a plus de lumieres. Il eft vrai qu'il faut peindre les Heros tels qu'ils ont été ; mais il eft encore plus vrai qu'il faut adoucir des caracteres défagréables; qu'il faut fonger au Public pour qui l'on écrit, encor plus qu'aux Heros que l'on fait paroître ; & qu'on doit imiter les Peintres habiles, qui embelliffent en confervaut la reffemblance.

Pour qu'Herode reffemblat, il étoit neceffaire qu'il excitât l'indignation: Mais pour plaire il devoit émouvoir la pitié. Il falloit que l'on déteftat ses crimes, que l'on plaignit fa paffion, qu'on aimât fes remords ; & que ces mouvemens fi violents, fi fubits, fi contraires, qui font le caractere d'Herode, paffaffent rapidement tour-à-tour dans l'ame du Spectateur.

Si l'on veut fuivre l'Hiftoire; Mariamne doit haïr Herode, & l'accabler de reproches: mais fi on veut que Mariamne intereffe, fes reproches doivent faire efperer une réconciliation: fa haine ne doit pas paroître toûjours inflexible. Par-là le Spectateur eft attendri, & l'Histoire n'eft point entierement démentie.

Enfin je croi que Várus ne doit point du tout voir Herode & en voici les raifons. S'il parle à ce Prince avec colere & avec hauteur, il l'humilie, & il ne faut point avilir un Perfonnage qui doit intereffer. S'il lui parle avec politeffe, ce n'eft qu'une Scene? de complimens, qui feroit d'autant plus froide, qu'elle feroit inutile. Que fi Herode répond en juftifiant fes cruautez, il dément la douleur & les remords dont il eft pénétré

en arrivant: S'il avoue à Varus cette douleur & ce repentir qu'il ne peut en effet cacher à perfonne: Alors il n'eft plus permis au vertueux Varus de contribuer à la fuite de Mariamne, pour laquelle il ne doit plus craindre, De plus, Herode ne peut faire qu'un tres-méchant perfonnage avec l'amant de fa femme; & il ne faut jamais faire rencontrer enfemble fur la Scene des Acteurs principaux qui n'ont rien d'intereffant à se dire.

La mort de Mariamne, qui à la premiere Representation étoit empoisonnée & expiroit fur le Théatre, acheva de revolter les Spectateurs; foit que le Public ne pardonne. rien, lorfqu'une fois il eft mécontent, foit qu'en effet il eût raifon de condamner cet, te invention qui étoit une faute contre l'Hiftoire, faute qui peut-être n'étoit rachetée, par aucune beauté, 951

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J'aurois ne me pas rendre fur ce dernier article. Et j'avoue que c'eft contre mon goût que j'ai mis la mort de Mariamne en Recit, au lieu de la mettre en Action ; Mais je n'ai voulu combattre, en rien le goût du Public. C'est pour lui, & non pour moi que j'écris Cé font fes fentimens & non les miens. que je dois fuivre

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Cette docilité raisonnable; ces efforts que j'ai faits pour rendre interreffant un fujet qui avoit paru fi ingrat, m'ont tenu lieu du mérite qui m'a manqué, & ont enfin trougrace devant des Juges prévenus contre la Piece.

Je ne pense pas que ma Tragedie merite fon fuccès, comme elle avoit mérité fa chûte. Je ne donne même cette Edition qu'en tremblant. Tant d'Ouvrages que j'ai vûs applaudis au Theâtre, & méprisez à la Lecture, me font craindre pour le mien le même fort. Une ou deux fituations, l'art des Acteurs, la docilité que j'ai fait paroître, ont pû m'attirer des fuffrages aux Representations: Mais il faut un autre mérite pour foûtenir le grand jour de l'Impreffion. C'eft peu d'une conduite reguliere. Ce feroit peu même d'intereffer. Tout Ouvrage en Vers, quelque beau qu'il foit d'ailleurs fera néceffairement ennuieux,fi tous les Vers ne font pas pleins de force & d'harmonie, fi on n'y trouve pas une élegance continuë, fi la Piece n'a point ce charme inexprima ble de la Poëfie, que le genie feul peut don où l'efprit ne fçauroit jamais atteindre, & fur lequel on railonne fi mal, & fi inuti

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lement depuis la mort de Monfieur Defpreaux.

C'eft une erreur bien groffiere de s'imaginer que les Vers foient la derniere partie d'une Fiece de Theâtre, & celle qui doit le moins couter. M. Racine, c'est-à-dire, l'Homme de la terre, qui après Virgile a le mieux connu l'Art des Vers, ne penfoit pas ainfi. Deux années entieres lui fuffirent à peine pour écrire la THEDRE. Pradon fe vante d'avoir compofé la fienne en moins de trois mois. Comme le fuccez paffager des Reprefentations d'une Tragedie ne dépend point du file, mais des Acteurs & des fituations, il arriva que les deux Phedres femblerent d'abord avoir une égale deftinée ; mais l'impreffion regla bien-tôt le rang de l'un & de l'autre Pradon felon la coutume des mauvais Auteurs, cût beau faire une Préface infolente dans laquelle il traittoit fes Critiques de malhonnête gens: Sa piéce tant vanpar fa cabale & par lui, tomba dans le mépris qu'elle mérite, & fans la Phedre de Monfieur Racine, on ignoreroit aujourd'hui que Pradon en a compofé une.

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Mais d'où vient enfin cette distance fi prodigieufe entre ces deux Ouvrages! la con

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