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BRIEVE INSTRUCTION

POUR ARMER TOUS BONS FIDELES CONTRE LES ERREURS

DE LA SECTE COMMUNE

DES

ANABAPTISTES.

PAR M. IEHAN CALVIN.

A GENEVE

PAR IEHAN GIRARD.

15 4 4.

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IEHAN CALVIN AUX MINISTRES 1) DES EGLISES DU CONTÉ DE NEUF-CHASTEL.

[page 3] Si quelcun s'ebahit, mes treschers freres et compagnons en l'œuvre du Seigneur, comment ie m'amuse à respondre à un livre, qui n'est pas digne qu'on en parle, ne qu'on en face quelque mention: veu que ie me pourrois employer, comme il semble, à choses meilleures, et de plus grand fruict: il me suffiroit bien pour toute excuse, d'alleguer que c'est à la requeste et instance de plusieurs bons fideles, qui me l'ont envoyé de bien loing, avec tesmoignage, qu'il estoit bien mestier, pour le salut de beaucoup de povres ames, que i'y misse la main. Car ie pense bien, que cela doit estre assez, pour contenter ceux qui voudront prendre raison en payement: 2) que i'aye voulu acquies

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tant au iugement, [page 4] qu'au desir de ceux ) que ie congnois estre zelateurs de la gloire de Dieu et de l'edification de son peuple. Mais encor, i'ay une autre response, pour me excuser envers ceux qui pourroyent penser que c'est folie à moi de m'occuper à chose si maigre et frivole, comme à ce livret, lequel il appert avoir esté composé par gens ignorans: c'est que nous n'avons pas plus de privilege qu'ont eu les Prophetes de Dieu, et que nostre peine n'est pas plus precieuse que la leur. Or, nous voyons que Ezechiel (13, 17) à esté contrainct de parler et escrire; non seulement contre les seducteurs de nul savoir, ou reputation: mais aussi contre les femmes, qui vouloyent faire des prophetesses. Puis que le prophete ne s'est pas espargné à disputer contre les femmes; et mesme qu'il luy a esté commandé par nostre Seigneur de ce faire, d'autant que en induisant le peuple par leurs mensonges à superstition et erreur elles empeschoyent [page 5] le cours de la verité: ce seroit une presumption à nous de ne daigner nous soubmettre à faire le semblable. Il est vray que ce

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livre, lequel on m'a prié et exhorté de reprouver, n'auroit mestier envers gens savans et bien entendus, d'aucune resolution: veu que de soymesme il se redargue suffisamment, tant il est inepte et sotement escrit. Mais d'autant qu'il a quelque couleur, pour abuser et circonvenir les simples, qui n'ont pas le iugement pour discerner: nostre devoir est de leur ayder, et les advertir des cauteles malicieuses de Sathan, à ce qu'ilz ne soyent pas seduictz par imprudence. Nous sommes debteurs aux uns et aux autres, dit sainct Paul (Rom. 1, 14). Pourtant il nous faut servir à tous, entant qu'en nous est, quand la necessité le requiert. Ie proteste donc, que mon intention est seulement de remonstrer en brief à tous povres fideles, qui sont rudes et sans lettres, quelle et combien dangereuse poison c'est que la doctrine des [page 6] Anabaptistes: et de les armer par la parolle de Dieu 1) alencontre d'icelle, afin qu'ilz n'en soyent point surprins. Ou bien s'il y en avoit quelques uns, qui desia fussent enveloppez en leurs filetz, de les ramener au droit chemin. Pourtant, ie prie tous ceux qui ont desir de s'entretenir en la pure congnoissance de Iesus Christ, et en l'obeissance de son Evangile, d'avoir la patience de lire attentivement ce present livret, comme il leur est desdié de par moy: et mettre peine de bien poiser les raisons que ie leur allegueray; afin de s'arrester à la verité, quand elle leur sera declairée. La raison qui m'a esmeu de vous adresser ce present traicté, est double. Premierement, afin qu'il soit comme un tesmoignage publiq de la conionction que i'ay, et desire tousiours avoir, avec vous: et que chacun congnoisse comment nous sommes unis tant en doctrine, comme en affection de cueur. Secondement afin que la lecture en soit plus [page 7] recommandée à tous ceux ausquelz vous avez la charge de porter la parolle de Iesus Christ: tellement que les

1) Le traducteur ajoute: tanquam certissimo antidoto.

Eglises, ausquelles ce prince des pasteurs vous a commis ministres, soyent entretenues en pure doctrine, et preservées de toutes perverses opinions, contrevenantes) à la verité du sainct Evangile. Il est vray, que vous eussiez bien peu, mes treschers freres, me descharger de ceste peine. Et mesme desia nostre frere, maistre Guillaume Farel, selon la grace qu'il a du Seigneur, 2) et comme il est exercé de long temps, et par continuel usage, à batailler contre tous les ennemis de verité, et resister à toutes faulses doctrines, pour maintenir le regne de Iesus Christ, avoit bien satisfaict en partie) à ce que vous requerez à present de moy,

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comme l'ay veu par les actes d'une conference faicte à la bonne ville. 1) Tellement que des poinctz qui sont là traictez, nul n'en pourroit demander plus suffisante declaration, pour se resoudre [page 81 en sa conscience, qu'elle est là donnée. Mais puis que ceux ausquelz ie desire et suis tenu d'obtemperer, me font à croire, qu'il faut que ie prenne ceste charge; i'acquiesceray à leur demande, sans faire plus longues excuses. Le Seigneur Iesus vous ait tousiours en sa saincte protection, et ses Eglises, qu'il vous a commises: vous conduise tousiours par son sainct Esprit, pour se servir de vostre ministere à son honneur, et au salut de son povre peuple. De Geneve. Le premier de Iuing 1544.

1) à la Bonneville 1611; colloquii Bonevillani. G. Bonneville (Neuenstadt) est un bourg du canton de Berne situé sur la rive gauche du lac de Bienne.

BRIEVE INSTRUCTION POUR ARMER TOUS BONS FIDELES CONTRE LES ERREURS

DE LA SECTE COMMUNE DES ANABAPTISTES.

[page 9] D'escrire contre toutes les faulses opinions et erreurs des Anabaptistes, ce seroit une matiere trop longue: et quasi un abysme, dont ie ne pourrois sortir. Car ceste vermine differe en cela d'avec toutes les autres sectes d'heretiques: qu'elle n'a pas erré seulement en certains poinctz, mais a engendré comme une mer de folles resveries. Tellement qu'à grand' peine sauroit-on trouver une teste d'Anabaptiste, laquelle n'ait quelque phantasie à part. Ainsi de vouloir esplucher, ou mesme raconter toutes les meschantes doctrines qui ont esté en ceste secte, ce ne seroit iamais faict. Mais en la fin, tout est revenu en deux sectes principalles: dont l'une, combien qu'elle soit pleine de beaucoup d'erreurs mauvais et pernicieux: toutesfois elle se contient en plus grande simplicité. Car pour le moins, elle reçoit l'Escriture saincte, comme nous. [page 10] Si on vient à traicter avec les sectateurs d'icelle, on sait en quoy on differe d'avec eux: ilz donnent à entendre leur conception: et en la fin on sait en quoy on est demeuré d'accord, et quelle controversie il y reste. La seconde est un labyrinthe non pareil de resveries tant absurdes, que c'est merveille, comment creatures qui portent figure humaine, peuvent estre tant deprouveues de sens et de raison, que de se laisser ainsi decevoir, iusqu'à tomber en des phantasies plus que brutalles. Ceste secte se nomme des Libertins. Et contrefont tant les spirituelz, qu'ilz ne tiennent conte de la saincte parolle de Dieu, non plus que de fables, sinon quand bon leur semble, et quand ilz la peuvent depraver, pour la faire servir par force à leurs opinions diaboliques. D'avantage, ilz ont un gergon, comme gueux de l'hostiere, 1) qu'on ne sait

1) habent praeterea peculiare quoddam genus sermonis (eorum more quos gallice Guess hostiariae vocamus). D'après Littré le mot français gueux vient de coquus, mais a fini par signifier: mendiants, notamment dans la phrase de notre texte qui parle de mendiants allant de porte en porte (ostium).

que c'est qu'ilz veulent dire, et aussi ne s'entendent-ilz pas: sinon qu'ilz ont bien ceste astuce, de couvrir par ce moyen la turpitude de leur doctrine. Car leurs principes sont de confondre toute difference de bien et de mal: de mesler Dieu avec le Diable, tellement, qu'on ne sache discerner entre l'un et l'autre, et de rendre les hommes non seulement stupides devant Dieu en leurs consciences: [page 11] mais aussi effrontés devant le monde. Voila donc pourquoy ilz se cachent en ces cavernes de parolles obscures et douteuses: afin qu'on n'apperçoyve pas leur villainie, pour les avoir en horreur et execration. Comme de faict le sens humain repugne à ces monstres qu'ilz mettent en avant. Ainsi pour escrire en somme contre les orreurs des Anabaptistes, le plus court et le plus expedient est de tenir ceste division: et de recueillir à part en un traicté les erreurs de ceux qui ne sont pas du tout si enragez et desesperez: en un autre descouvrir la malice venimeuse de ces malheureux, qui soubz couleur de spiritualité, veulent faire les hommes semblables aux bestes brutes. Or est-il bien vray, qu'encore ceux de la premiere secte ne sont pas si accordans ensemble, qu'on puisse aisément faire un recueil de leurs erreurs, pour les reprouver par certain ordre. Mais pource que les principaux docteurs, et comme les patriarches de toute la Synagogue, apres avoir bien ravaudé, ont faict une conclusion finale, où ilz ont enclos la somme de ce qu'ilz tiennent aucontraire, tant de nous, que des Papistes, en sept articles, ausquelz tous Anabaptistes adherent communement: et aussi qu'ilz ont trouvé moyen de faire imprimer ceste belle [page 12] resolution qu'ilz ont prins ensemble, pour somer leur poison par tout, et infecter le povre peuple: ie me contenteray pour le present, et me semble aussi qu'il suffira, de remonstrer la faulseté contenue en la pluspart de ces sept articles: afin qu'ilz ne se plaignent pas, que ie leur impose à tous la faute d'aucuns particuliers, pour diffamer

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