Christ sera-t-elle utile? Qui donc d'entre les chrétiens aura part à la rédemption qu'il a opérée par son sang? Hélas! Combien s'en trouve-t-il peu en qui le péché ne règne point, et qui n'en soient pas les esclaves? Combien peu y en a-t-il qui ne commettent point de crimes? Où sont ceux qui sont morts au péché, au monde et à eux-mêmes? Combien peu par conséquent y en a-t-il qui en-. trent dans les desseins du Sauveur, et qui se conforment à ses intentions? Que chacun s'examine là-dessus de bonne foi, se juge sur ces importantes maximes, et rentre un peu en soi-même. Que ceux qui reconnoîtront, que par la grâce de Dieu, ils suivent les intentions de Jésus-Christ et qu'ils accomplissent fidèlement l'obligation qu'il leur a imposée de mourir au péché, au monde et à eux-mêmes, l'en remercient, l'en glorifient au pied de sa croix ; qu'ils lui demandent par la vertu de. son sang, de persévérer dans les bonnes dispositions où sa grâce les a mis, et d'avancer de plus en plus dans cette mort spirituelle. Que ceux au contraire qui reconnoîtront, que jusqu'ici ils ont anéanti les desseins du Sauveur, qu'ils vivent encore dans le péché, et n'ont de vie que pour le péché, pour le monde et pour eux-mêmes, qu'ils gémissent devant Jésus-Christ mourant, qu'ils lui confessent leur égarement, qu'ils le supplient de former dans leur cœur, pour toujours, une haine implacable contre le péché, et un désir dominant de le combattre dans eux, avec toutes les inclinations qui les y portent, en sorte qu'ils le haïssent mortellement, non par des raisons humaines et interressées, ni même seulement par la vue de leur salut éternel, mais parce que leur Sauveur le hait lui-même, et qu'il a mieux aimé mourir sur une croix, que de le laisser vivre et règner dans le monde ; et que son Père, ayant une haine si extrême du péché, et trouvant son Fils chargé des péchés du monde, il a poursuivi le péché dans sa personne, il a déchargé sur sa tête tous les traits de sa vengeance, et enfin l'a brisé et écrasé dans sa fureur contre le péché, quoiqu'il fût ses délices éternelles, et qu'il eût mis en lui toute sa tendresse et sa complaisance : qu'enfin ils le conjurent avec larmes de faire mourir le péché en eux, et de leur faire mener une vie digne de cette mort qu'il a endurée pour eux. Prosternons-nous tous, qui que nous soyons, aux pieds de Jésus-Christ attaché à la croix, reconnoissons vivement sa charité ineffable, publions ses miséricordes, et demandons-lui instamą ment de nous attacher à la croix avec lui, de nous y tenir jusqu'au dernier moment, afin de mourir au péché, au monde et à nous-mêmes, pour ne plus vivre qu'à lui, qu'en lui et que pour lui, afin que nous soyons trouvés dignes de participer à sa gloire. CHAPITRE XII I. DE LA SÉPULTURE DE JÉSUS-CHRIST. §. I. Circonstances de la sépulture de JésusChrist. JÉSUS-CHRIST étant mort, son corps resta sur la croix jusqu'à six heures du soir, que Joseph d'Arimathie obtint de Pilate la permission d'enlever le corps et de l'ensevelir. Quelques desseins qu'eussent les Juifs de déshonorer et de diffamer Jésus-Christ, Dieu ne permit pas qu'ils lui fissent aucune indignité après sa mort, pas même celle qu'on faisoit ordinairement à ceux qui étoient expirés sur un gibet, qui étoit de les priver de la sépulture. Dieu empêcha qu'on fit souffrir à Jésus-Christ aucune humiliation après sa mort, pour montrer que toutes ses humiliations étoient finies par cette mort, et qu'il étoit entré par elle dans un état de gloire, de grandeur et de puissance. C'est pourquoi, au moment qu'il fut mort, il déclara l'innocence et fit éclater la majesté et la puissance de celui qui venoit de finir sa vie d'une manière si honteuse, par des prodiges surprenans. Il commence même à effacer la honte et l'ignominie de la mort de son Fils par les honneurs qu'il lui fait rendre dans sa sépulture. Dieu signale sa grandeur et sa puissance, en donnant à Joseph d'Arimathie, homme riche et sénateur, disciple de Jésus, quoiqu'en secret, le courage de demander à Pilate le corps du Sauveur; et à Nicodême, autre disciple de Jésus, celui de se joindre avec lui, pour lui rendre conjointement les honneurs de la sépulture,en rendant Pilate facile à accorder cette permission, en arrêtant - tout d'un coup la fureur des Juifs si animés contre lur et en les empêchant de s'opposer à cette demande, ou à l'exécution de la volonté qu'avoient ces deux saints hommes de marquer lear respect à Jésus-Christ, en lui rendant tous les honneurs de la sépulture. On ne peut trop admirer ici les effets merveilleux de la mort du Sauveur et l'efficace de son sang, dans le changement que Dieu opéra dans le cœur de ces deux personnes, qui prirent soin de la sépulture de Jésus-Christ. Joseph d'Arimathie aimoit le Sauveur à la vérité, et étoit son disciple, mais c'étoit en secret; et jusques ici il n'avoit pas osé se déclarer pour lui, et il s'étoit contenté de ne pas consentir et de ne prendre aucune part à tout ce que les Juifs avoient fait contre lui. Mais dès que Jésus-Christ est mort, la grâce qui est le fruit du sang qu'il venoit de répandre, embrase tout d'un coup du feu de la charité, le cœur de ce disciple auparavant si timide, en bannit toute crainte, |