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jours le même, et toujours nouveau dans sa course continue et variée sans cesse, il nous promène de merveille en merveille! Quelle vivacité, quelle vérité dans les peintures! Quelle entente dans le choix et l'enchaînement des preuves, dont la lumière réfléchit de l'une sur l'autre! Quel art dans le coloris !! C'est le pinceau de Virgile et d'Homère ; ou, pour parler plus juste, c'est la flamme qui embrâsa Moise, David et les prophètes. Ce feu divin croissant toujours, le poète saisi d'enthousiasme dans les der niers vers de son poëme, nous transporte à la fin des temps: il nous montre les débris de l'univers qui s'écroule, les portes de l'Eternité qui s'ouvrent avec un bruit effrayant, et qui découvrent à notre vue les supplices des méchans et les récompenses dėst justes. Entre les beautés dont ce poëme est rempli,} il a encore ce rare mérite, que le poète uniquement fixé sur son sujet, n'en détourne jamais les yeux pour se regarder lui-même, ni pour observer son lecteur : tous les ornemens naissent du fond de la matière. Il n'attendoit de couronnes que des mains de la Religion; il étoit pénétré de cette maxime¦ par laquelle il termine le discours qui précède sa! traduction du Paradis perdu: «Un poète qui >> chante la religion dans la vue d'être récompensé » par les hommes, a mal choisi son sujet. »>

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M. Racine contribua aussi par ses avis et par une sage critique, à l'édition des Lettres de Rousseau ; il estimoit ce grand poète, il consultoit ses lumières, il gémissoit de ses malheurs. Sans s'ériger en juge d'une cause si souvent débattue, son cœur, ami des hommes, se plaisoit à les trouver innocens; ami de

la vertu, il l'embrassoit où elle se montroit, et ne cherchoit pas à la chicaner par des soupçons.

Tel étoit l'usage que M. Racine faisoit de son loisir, sans rien dérober des soins qu'il devoit à ses emplois. C'est ainsi que dans une sorte d'exil, il entretenoit son ancien commerce avec les lettres, et l'on pourroit bien lui appliquer ces paroles qu'Horace adresse au directeur des fermes d'Agrippa.

Cùm tus inter scabiem tantam et contagia lucri

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Nil parvum sapias et adhuc sublimia cures. (1) tion's Aussi les Académies l'appeloient-elles de toutes parts: il fut associé à celles de Lyon, de Marseille d'Angers et de Toulouse.joer. (©);

Commis de finance pendant vingt-quatre ans, jamais financier puisqu'il n'eut jamais le moindre intérêt dans aucune affaire de finance, s'il se trouva enfin en état de se retirer d'un emploi où son protecteur l'avoit laissé, il en fut uniquement redevable à son mariage, Il avoit épousé à Lyon en 1728, mademoiselle Marie Presle, fille de M. Presle secrétaire du roi. Cette alliance fut heureuse, plus encore par la conformité de vertu, et par la parfaite union des deux époux, que par la fortune de l'épouse, qui mit ensuite Louis Racine dans une situation plus commodernse in a ruck je 200 Rendu à sa patrie et à l'Académie des BellesLettres, qu'il ne perdit jamais vue, il se renferma tout entier dans ses occupations chéries. Il donna én 1752, trois volumes, dont les deux premiers contiennent des remarques sur les tragédies de son

de

(1) Epist. XII, ad Iccium. (Note de l'Ed,)

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père: il examine chaque pièce; il en développe le plan, les caractères, la conduite, les beautés générales et celles de détail; il s'en permet même la critique; et se portant pour héritier des droits de l'au teur, il censure ce que son père auroit lui-même censuré, s'il eût daigné revoir ses ouvrages. Le troisième volume est un Traité de la poésie dramatique ancienne et moderne. 19 wil us cien

Il forma ensuite une entreprise plus difficile : c'étoit de rendre en français le Paradis perdu de Milton. Ce poëme avoit déjà dans notre langue une traduction admirée, dont Louis Racine reconnoissoit l'élégance; (1) mais il avoit entendu, dit-il, plusieurs Anglais se plaindre de ce que le traducteur s'écartoit quelquefois de l'original, et avoit jeté des ornemens en quelques endroits, où ils auroient préféré la simplicité de Milton. Rolli traducteur italien, avoit porté le même jugement. Louis Racine admiroit Milton: il le plaçoit au troisième rang entre les poètes épiques, au-dessous d'Homère et de Virgile. Après avoir fait une étude particulière de la langue anglaise, il entreprit d'en donner une nouvelle traduction, qu'il crut plus conforme à l'original. Il y ajouta des notes, la Vie de l'auteur et deux disl'un sur l'ouvrage même, l'autre sur le poëme épique en général. Il traduisit aussi les remarques d'Addisson. Il ne m'appartient pas de mettre en ba

cours,

(1) Cette traduction est de Dupré de Saint-Maur. Elle est élégamment écrite, mais très - infidelle, et peut d'autant moins donner une idée juste du poëme de Milton, que le traducteur s'est permis des changemens et des retranchemens considérables. (Note de l'Ed.)

lance le mérite des deux traductions: Milton est grand dans toutes les deux ; mais dans Louis Racine c'est une grandeur plus sombre et plus sauvage. Le poète anglais y conserve toute la fierté britannique, sans aucune complaisance pour les oreilles françaises.

Ce fut là le dernier fruit de ses veilles peu de temps après l'édition de cet ouvrage, un accident funeste éteignit son ardeur pour l'étude, et versa sur ses jours un poison mortel. Il perdit ce qui lui étoit plus cher que la vie : il perdit un fils unique, qu'il avoit élevé avec le soin le plus tendre. Ce fils étoit le reste précieux d'un nom si cher aux lettres: il avoit été nourri dans leur sein; il promettoit d'en être l'honneur. Son caractère doux, honnête, plein d'une aimable simplicité, retraçoit celui de son père et de son aïeul, et lui avoit dès sa jeunesse procuré un grand nombre d'amis. Etant en Espagne pour quelques affaires, il eut le malheur de se trouver à Cadix dans le temps de cet horrible tremblement de terre qui abyma Lisbonne et consterna toute l'Europe. Comme il passoit en chaise de poste le long du rivage, pour se rendre à la fête d'un mariage auquel il étoit invité la mer se gonflant tout-à-coup, et s'élançant avec fureur bien au-delà de ses bornes naturelles, l'entraîna et l'engloutit dans ses eaux; et ce même flot ensevelit toutes les joies et toutes les espérances de son père. Louis Racine plongé dans la plus amère douleur, put à peine survivre à cette affreuse nouvelle. Il abandonna ses études ; il vendit sa bibliothèque, et un recueil d'estampes qu'il avoit pris plaisir à rassembler; il ne conserva que les li

vres saints, et ceux qui pouvoient entretenir en lui le goût de l'autre vie, après laquelle il soupiroit. Détaché de tous les amusemens, il n'eut pas besoin de renoncer aux spectacles; il s'en étoit interdit l'entrée dès que son poème de la Religion fut achevé. La conversation de quelques amis, les assemblées de notre Académie, un petit jardin qu'il avoit loué dans le faubourg Saint-Denis, où il alloit tous les jours dans la belle saison cultiver des fleurs et des plantes; c'étoient là tous ses plaisirs. Il s'occu→ poit dans sa retraite à retoucher ses deux poëmes, dont il vient de paroître une édition nouvelle de-, puis sa mort, et à composer quelques ouvrages de piété qui n'ont pas encore été donnés au public. Deux ans avant sa mort, il ressentit quelques atteintes d'apoplexie, et

se préparer à bien mons-lors il ne songea plus qu'à

Il parloit de sa mort pro

chaine comme d'un voyage, non pas avec cette indifférence aveugle qui s'honore du nom de philosophie, mais avec une résignation chrétienne. Il fut frappé du coup mortel sans être surpris, et termina sa vie dans les sentimens de la plus sincère piété, le 29 janvier de cette année (1763).om na morgange

Il avoit eu un frère aîné, qui étoit mort long-temps avant lui (1) sans avoir été marié. Ce frère, dans sa jeunesse, avoit suivi en Hollande M. de Bonnac, notre ambassadeur, dont il étoit aimé et dont il mérita toute la confiance. Peu de temps après son retour, il se défit de la charge de gentilhomme ordinaire qu'il avoit possédée après son père, et

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(1) Le 31. janvier 1747. (Note de l'Ed.).

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