DE LA CHINE, Par M. DE VOLTAIRE, Repréfentée pour la première fois à Le prix eft de trente fols. A PARIS, Chez MICHEL LAMBERT, Libraire, M. D C C. L V. A MONSEIGNEUR LE MARECHAL DUC DE RICHELIEU, PAIR DE FRANCE, Premier Gentilhomme de la Chambre du Roi, Commandant en Languedoc, l'un des Quarante de l'Académie. E voudrais, Monfeigneur, vous préfenter de beau marbre comme les Génois, & je n'ai que des figures Chinoises à vous offrir. Ce petit ouvrage ne parait pas fait pour vous. Il n'y a aucun Héros dans cette pièce qui ait réuni tous les fuffrages par les agrémens de fon efprit, ni qui ait foutenu une République prête à fuccomber, ni qui ait imaginé de renverser une colonne Anglaife avec quatre canons. Je fens mieux 1 que perfonne le peu que je vous offre; mais tout fe pardonne à un attachement de quarante années. On dira peut-être, qu'au pied des Alpes, & vis-à-vis des neiges éternelles, où je me fuis retiré, & où je devais n'être que Philofophe, j'ai fuccombé à la vanité d'imprimer que ce qu'il y a eu de plus brillant fur les bords de la Seine ne m'a jamais oublié, cependant je n'ai confulté que mon cœur; il me conduit feul; il a toujours infpiré mes actions & mes paroles; il fe trompe quelquefois, vous le favez; mais ce n'eft pas après des épreuves fi longues. Permettez donc que fi cette faible Tragédie peut durer quelque tems après moi, on fache que l'Auteur ne vous a pas été indifférent; permettez qu'on apprenne que fi votre Oncle fonda les beaux Arts en France, vous les avez foutenus dans leur décadence. L'idée de cette Tragédie me vint, il y a quelque tems, à la lecture de l'Orphelin de Tchao, Tragédie Chinoise traduite par le pére Brémare, qu'on trouve dans le recueil que le pére du Halde a donné au public. Cette piéce Chinoife fut compofée au quatorziéme fiécle, fous la Dynaftie même de Gengis Kan. C'eft une nouvelle preuve que les vainqueurs Tartares ne changèrent |