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pas en chaînes d'or, car nous avons vû combien les chaînes d'or font méprifables; mais en bonheur & en liberté. A quoi nous fert cette liberté naturelle, dont nous fommes jaloux ? A fuivre nos inclinations mal réglées, même dans les chofes innocentes ; à fater notre orgueil, qui s'enyvre d'indépendance; à faire notre propre volonté, ce qui eft le plus mauvais ufage que nous puiffions faire de nous-mê

mes.

Heureux donc ceux que Dieu arrache à leur propre volonté, pour les atacher à la fienne. Autant que ceux qui s'enchaînent eux-mêmes par leurs paffions, font miférables; autant ceux que Dieu prend plaifir à enchaîner de fes propres mains, font-ils heureux & libres. Dans cette captivité aparente, ils ne font plus ce qu'ils voudroient; tant mieux; ils font depuis le matin jufqu'au foir ce que Dieu veut qu'ils faffent: il les tient comme pieds & mains liés dans les liens de fa volonté; il ne les laiffe jamais un feul moment à eux-mêmes; il eft jaloux de ce moi tyrannique qui veut tout pour lui-même; il mene fans relâche de fujétion en fujétion, d'impo runité en impar

tunité

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tunité, & nous fait acomplir fes plus
grands deffeins par des états d'ennuis,
de converfations pueriles, & d'inuti-
lités dont l'on eft honteux. Il preffe l'a-
me fidelle, & ne la laiffe plus refpirer.
A peine un importun s'en va, que Dieu
en envoie un autre pour avancer son
œuvre. On voudroit être libre pour
penfer à Dieu; mais on s'unit bien
mieux à lui en fa volonté crucifiante,
qu'en fe confolant
par des pensées dou-
ces, & afectueufes de fes bontés. On
voudroit être à foi pour être plus à Dieu;
& on ne fonge pas, que rien n'eft moins
propre pour être à Dieu, que de vou-
loir encore être à foi. Ce moi dans le-
quel on veut rentrer pour fervir Dieu,
eft mille fois plus loin de lui que la
bagatelle la plus ridicule; car il y a
dans ce moi un venin fubtil, qui n'est
point dans les amusemens de l'enfance.

Il eft vrai que l'on doit profiter de tous les momens qui font libres pour fe dégager. Il faut même, par préference à tout le refte, se réserver des heures pour fe délaffer l'efprit & le corps, dans un état de recueillement; mais pour le reste de la journée que le torrent emporte malgré nous, il faut fe laiffer entraîner fans aucun regret. Vous X

trouverez Dieu dans cet entraînement; & vous le trouverez d'une maniere d'autant plus pure, que vous n'aurez pas choifi cette maniere de le chercher.

La peine que l'on trouve dans cet état de fujétion, eft une laffitude de la nature, qui voudroit fe confoler, & non un atrait de l'efprit de Dieu. On croit regreter Dieu, & c'eft foi-même qu'on regrete; car ce que l'on trouve de plus pénible dans cet état gênant & agité, c'eft qu'on ne peut jamais être libre avec foi-même; c'eft le goût de moi qui nous refte, & qui demanderoit un état plus calme pour joüir à notre mode de notre efprit, de nos fentimens, & de toutes nos bonnes qualités dans la fociété de certaines perfonnes délicates, qui feroient propres à nous faire fentir tout ce que le moi a de flateur; ou bien on voudroit jouir en silence de Dieu, & des douceurs de la piété ; au lieu que Dieu veut jouir de nous, & nous rompre pour nous acommoder à toutes fes volontés.

par

Il mene les autres l'amertume des privations. Pour vous, il vous conduit par l'acablement des joüiffances des vaines profpérités. Il rend votre état

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dur & pénible, à force d'y mettre ce
que les aveugles croient, qui fait la
parfaite douceur de la vie. Ainfi il fait
deux chofes falutaires en vous ; il vous
inftruit par expérience, & vous fait
mourir par les chofes, qui entretiennent
la vie corrompue & maligne du refte
des hommes. Vous êtes comme ce Roi
qui ne pouvoit rien toucher qu'il ne le
convertît en or fous fa main. Tant de
richeffes le rendoient malheureux. Pour
vous, vous ferez heureux en laiffant
faire Dieu, & en ne voulant le trou-
ver que dans les chofes, où il veut être
pour vous.

En penfant à la mifere de votre état, à la fervitude dont vous gémiffez, les' paroles de JESUS-CHRIST à faint Pierre, me font revenues dans l'efprit; Autrefois tu marchois comme tu voulois; Joan.XXI. mais quand tu feras dans un âge plus 8. avancé, un autre plus fort que toi te ménera où tu ne voudras pas aller. Laiffezvous aller, & méner, n'hésitez pas dans la voïe; vous irez comme faint Pierre, où la nature jalouse de la vie & de la liberté, ne veut point aller; vous irez à l'amour de Dieu, au parfait renoncement, à la mort totale de votre propre volonté, en acompliffant celle de

Dieu qui vous mêne felon fon bon plaifir.

pour

Il ne faut pas atendre la liberté & la retraite fe détacher de tout, & pour vaincre le vieil homme. La vûë d'une fituation libre n'eft qu'une belle idée ; peut-être n'y parviendrons-nous jamais. Il faut fe tenir prêt à mourir dans la fervitude de notre état. Si la Providence prévient nos projets de retraite, nous ne fommes point à nous, & Dieu ne nous demandera que ce qui dépend de nous. Les Ifraëlites dans Babylone foupiroient après Jérusalem; mais combien y en eut-il qui ne revirent jamais Jérufalem, & qui finirent leur vie à Babylone? Quelle illufion, s'ils euffent toujours diféré jufqu'à ce tems de leur retour dans leur patrie à fervir fidelement le vrai Dieu, & à fe perfectionner! Peut-être feronsnous comme ces Ifraëlites.

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DE L'HUMILITE.

I

L faut imiter JESUS: vivre comme il a vêcu, penser comme il a penfé, & le conformer à fon image, qui

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