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même en mangeant, en écoutant parler les autres. Des hiftoires inutiles & ennuieufes, au lieu de fatiguer, foulagent en donnant des intervales, & la liberté de fe recueillir. Ainfi tout tourne à bien, pour ceux qui aiment Dieu.

Il faut fouvent faire des lectures proportionnées à fon goût, & à fon befoin; mais fouvent interrompuës pour faire place à l'efprit intérieur qui met en recueillement. Deux mots pleins de l'efprit de Dieu, font la manne cachée. On oublie les paroles, mais elles operent fecretement. L'ame s'en nourrit, & en eft engraiffée.

Il faut tâcher d'avoir un continuel commerce avec Dieu. Perfuadons-nous que l'état le plus avantageux de cette vie & le plus défirable, c'eft celui de la perfection chrétienne, qui consiste dans l'union de l'ame avec Dieu; union qui renferme en foi l'abondance de tous les biens fpirituels, une familiarité fi grande avec Dieu, qu'il n'y a point d'amis fur la terre qui converfent enfemble, ni plus fouvent, ni plus ten drement, ni avec plus de facilité, de franchife, & d'ouverture de cœur. C'est une merveilleufe liberté d'efprit

L

qui nous éleve au-deffus de tous les événemens de la vie, qui nous afranchit de la tyrannie du refpect humain; une force extraordinaire pour bien faire toutes nos actions, & nous bien aquiter de nos emplois ; une prudence vraiment chrétienne, dans toutes nos entreprises; une paix & une tranquilité profonde en toutes fortes d'états; & enfin une victoire continuelle fur no

tre amour propre & fur nos paffions.

C'eft à cet heureux état que nous fommes apellés ; nous, que Dieu a féparés de la corruption du monde. Si nous ne participons pas à ces biens céleftes, c'eft notre faute, puifque l'efprit de Dieu nous y difpofe, & nous excite continuellement à y afpirer : mais nous lui réfiftons fouvent, ou par une répugnance ouverte, ou par un refus fecret, ou manque de réfolution & de courage, ou pour nous laiffer volontairement tromper par les prétextes, & par les artifices de notre amour propre, qui nous infpire mille lâchetez & mille faux ménagemens. Ne nous y laiffons plus féduire, & devenons fages, comme dit l'Apôtre, afin de ne nous détourner jamais du bien.

DE

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DE L'EMPLOI DU TEMS.

JE

comprends que ce que vous défirez de moi, n'eft pas feulement d'établir de grands principes pour prouver la néceffité de bien emploïer le tems; il y a long- tems que la grace vous en a perfuadé. On eft heureux, quand on trouve des ames, avec qui il y a, pour ainfi dire, plus de la moitié du chemin de fait; mais que cette parole ne paroiffe pas vous flater; il en refte encore beaucoup à faire, & il y a bien loin. depuis la perfuafion de l'efprit, & même la bonne difpofition du cœur, jufqu'à une pratique éxacte & fidelle.

Rien n'a été plus ordinaire dans tous les tems, & rien ne l'eft plus encore aujourd'hui, que de rencontrer des ames parfaites, & faintes en fpéculation. Vous les connoîtrez par leurs œuvres, Matth. VII. par leur conduite, dit le Sauveur du 16. monde. Et c'eft la feule régle qui ne trompe point, pourvû qu'elle foit bien dévelopée. C'est par-là que nous devons juger de nous-mêmes.

&

Il y a plufieurs tems à diftinguer dans notre vie; mais la maxime qui fe doit répandre univerfellement fur tous

T

les tems, c'eft qu'il ne doit point y en avoir d'inutiles; qu'ils entrent tous dans l'ordre & dans l'enchaînement de notre falut; qu'ils font tous chargés de plufieurs devoirs, que Dieu y a atachés de fa propre main, & dont il nous doit demander compte : car depuis les premiers inftans de notre être, jufqu'au dernier moment de notre vie, Dieu n'a point prétendu nous laiffer de tems vuide, & qu'on puiffe dire qu'il ait abandonné à notre difcretion, ni pour le perdre. L'importance eft de connoître ce qu'il défire que nous en fasfions, & on y parvient, non par une ardeur empreffèe & inquiéte, qui feroit plutôt capable de tout brouiller, que de nous éclairer fur nos devoirs; mais par une foumiffion fincere à ceuxqui nous tiennent la place de Dieu. En fecond lieu, par un cœur pur & droit, qui cherche Dieu dans la fimplicité, & qui combat fincerement toutes les duplicités, & les fauffes adreffes de l'amour propre, à me fure qu'il les découvre; car on ne perd pas feulement le tems en ne faifant rien, ou en fair fant le mal; mais on le perd auffi en faifant autre chofe que ce que l'on devroit, quoique ce que l'on fait, foit

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bon. Nous fommes étrangement ingénieux à nous chercher nous mêmes perpétuellement; & ce que les ames mondaines font groffierement & fans fe cacher, les perfonnes qui ont le défir d'être à Dieu, le font fouvent plus finement, à la faveur de quelque prétexte qui leur fert de voile, les empêchant de voir la diformité de leur conduite.

Un moien général pour bien emploïer le tems, c'eft de s'acoûtumer à vivre dans une dépendance continuelle de l'efprit de Dieu, recevant de moment en moment ce qu'il lui plaît de nous donner; le confultant dans les doutes, où il faut prendre notre parti fur le champ; recourant à lui dans les afoibliffemens, où la vertu tombe comme en défaillance; l'invoquant & s'élevant vers lui, lorfque le cœur entraîné par les objets fenfibles, fe voit conduit imperceptiblement hors de fa route, & fe furprend dans l'oubli, & dans l'éloignement de Dieu.

Heureufe l'ame qui par un renoncement fincere à elle-même, fe tient fans ceffe entre les mains de fon Créateur, prête à faire tout ce qu'il voudra, & qui ne fe laffe point de lui dire cent

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