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la vraie association tant de défaveur que je n'ai pas cru convenable de placer dans le titre de mon abrégé ce mot Association, devenu vide de sens depuis qu'il sert de manteau à toutes les intrigues.

Plus on a abusé du mot, plus il importe de donner sur la chose des notions préliminaires, et disposer le lecteur à concevoir que la vraie association, l'art d'appliquer à l'industrie toutes les passions, tous les caractères, goûts et instincts, étant un nouveau monde social et industriel, il doit s'attendre à trouver dans cette théorie des principes tout opposés à ses préjugés, qui lui dépeignent l'état civilisé comme voie de perfection et destinée de l'homme, quand il est évident que le peuple des pays les plus civilisés est aussi malheureux aussi pauvre que les populaces barbares de la Chine et de l'Indostan ; et que l'industrie morcelée ou ménage de famille n'est qu'un labyrinthe de misères, d'injustice et de fausseté.

Fixons d'abord l'attention sur le résultat le plus saillant du régime sociétaire, le quadruple produit. Une grande réunion n'emploierait dans diverses fonctions que le centième des agens et machines qu'exige la complication de nos petits ménages. Au lieu de 300 feux de cuisine et 300 ménagères, on n'auraitque 4 ou 5 grands feux préparant des services de divers degrés, assortis à 4 ou 5 classes de fortune, car l'état sociétaire n'admet point d'égalité. Il suffirait d'une dixaine de personnes expertes, pour remplacer les 300 femmes qu'emploie le régime civilisé dépourvu des nombreuses mécaniques dont on ferait usage dans une cuisine préparant pour 1800 personnes (c'est le nombre le plus convenable). Cette réunion abonnerait chacun à des tables et services de divers prix, sans aucun assujétissement contraire aux libertés individuelles,

Le peuple, dans ce cas, dépenserait bien moins pour faire bonne chère, qu'aujourd'hui pour vivre pitoyablement. L'épargne de combustible serait immense, et assurerait la restauration des forêts et climatures, bien

mieux que ne feront cent codes forestiers inexécutables. Le travail de ménage serait tellement simplifié, que les sept huitièmes des femmes de ménage et des domestiques deviendraient disponibles et applicables aux fonctions productives.

Notre siècle prétend se distinguer par l'esprit d'association; comment se fait-il qu'en agriculture il adopte la distribution par familles, qui est la moindre combinaison possible? On ne peut pas imaginer de réunions plus petites, plus anti-économiques et plus anti-sociétaires que celles de nos villages, bornées à un couple conjugal, ou une famille de cinq ou six personnes; villages construisant 300 greniers, 300 caves, placés et soignés au plus mal, quand il suffirait, en association, d'un seul grenier, une seule cave, bien placés, bien pourvus d'attirail, et n'occupant que le dixième des agens qu'exige la gestion morcelée ou régime de famille.

Par fois des agronomes ont inséré dans les journaux quelques articles sur les énormes bénéfices que l'agriculture obtiendrait des grandes réunions sociétaires, si l'on pouvait concilier les passions de deux ou trois cents familles exploitant combinément, et effectuer l'association en passionnel comme en matériel.

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Ils en sont restés sur ce sujet à des vœux stériles, à des doléances d'impossibilité qu'ils motivent sur l'inégalité des fortunes, les disparates de caractère, etc. Ces inégalités, loin d'être un obstacle, sont au contraire le ressort essentiel; on ne peut pas organiser des Séries passionnées sans une grande inégalité de fortunes, caractères, goûts et instincts si cette échelle d'inégalités n'existait pas, il faudrait la créer, l'établir en tous sens, avant de pouvoir associer le passionnel.

. Nous voyons dans le régime civilisé des lueurs d'association matérielle seulement, des germes qui sont dus à l'instinct et non à la science. L'instinct apprend à cent familles villageoises qu'un four banal coûtera beaucoup moins, en maçonnerie et combustible, que cent petits

fours de ménage, et qu'il sera mieux dirigé par deux ou trois boulangers exercés, que les cent petits fours, par cent femmes qui manqueront deux fois sur trois le juste degré de chaleur du four et cuisson du pain.

Le bon sens a appris aux habitans du nord, que si chaque famille voulait fabriquer sa bière, elle coûterait plus cher que les bons vins. Une réunion monastique, une chambrée militaire, comprennent par instinct qu'une seule cuisine, préparant pour trente convives, sera meilleure et moins coûteuse que trente cuisines séparées.

Les paysans du Jura voyant qu'on ne pourrait pas, avec le lait d'un seul ménage, faire un fromage nommé Gruyère, se réunissent, apportent chaque jour le lait dans un atelier commun, où l'on tient note des versemens de chacun, chiffrés sur des taillons de bois; et de la collection de ces petites masses de lait, on fait à peu de frais un ample fromage dans une vaste chaudière.

Comment notre siècle, qui a de hautes prétentions en économisme, n'a-t-il pas songé à développer ces petits germes d'association, en former un système plein, appliqué à l'ensemble des sept fonctions industrielles ; savoir :

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fonctions qu'il faut exercer cumulativement dans la plus grande réunion possible. On verra, par la théorie suivante, qu'elle doit être de 1800 personnes. Au-dessus de 2000, elle dégénérerait en cohue, tomberait dans la complication; au-dessous de 1600, elle serait faible en liens, sujette aux fautes de mécanisme, aux lacunes d'attraction industrielle.

Cependant on pourra faire à peu de frais une épreuve

réduite au tiers du nombre, à six ou sept cents personnes; les résultats seront moins brillans, moins lucratifs, mais ils suffiront à prouver qu'une réunion, élevée au nombre suffisant, à mille huit cents, réaliserait en plein les bénéfices et les accords décrits dans la théorie suivante.

Dès qu'il aura été constaté par cet essai, que le mécanisme nommé phalange de Séries passionnées, crée l'attraction industrielle, on verra l'imitation aussi rapide que l'éclair : tous les sauvages, tous les nègres d'Afrique embrasseront l'industrie: on aura, deux ou trois ans après, le sucre à échange, poids pour poids, contre le blé, et proportionnément les autres denrées de la Zone Torride.

Un autre avantage entre mille, sera d'éteindre subitement les dettes publiques en tous pays, par suite du quadruple produit: lorsque celui de France, qu'on estime six milliards, sera élevé à vingt-quatre, le fisc percevra bien plus aisément deux milliards sur vingt-quatre qu'aujourd'hui un sur six. Il y aura dégrèvement relatif de moitié, malgré le doublement effectif de l'impôt.

Il convient de présenter d'abord cette perspective aux lecteurs français et anglais, surtout à l'Angleterre où le fardeau de la dette est si accablant. La France marche rapidement à cet écueil, et a d'autant plus besoin de la découverte que je publie.

Doit-on s'étonner que l'invention d'une théorie qui va changer la face du monde, ait été retardée jusqu'à nos jours? On ne l'a jamais cherchée, elle a dû rester inconnue. On peut bien trouver par hasard un trésor, une mine d'or; mais une théorie qui exige des calculs ne se découvre pas tant qu'on ne la cherche point, et qu'on ne la propose pas au concours.

D'ailleurs ce n'est guères que depuis un siècle qu'on s'occupe de théories industrielles. L'antiquité ne fit sur

ce sujet aucune étude; elle était entravée par l'esclavage qui aurait mis beaucoup d'obstacles à l'invention du mécanisme sociétaire impraticable avec des esclaves.

Les modernes qui n'étoient plus gênés par la coutume de l'esclavage, auroient pu spéculer sur l'association agricole et domestique, mais leurs économistes ont été arrêtés par un préjugé qui persuade que le morcellement ou culture subdivisée par familles, est nature de l'homme, destinée immuable. Toutes leurs théories reposent sur cette erreur primordiale, fortement étayée par la morale qui ne voit la sagesse que dans les relations de famille, dans la multiplication des chaumières.

Les économistes ont donc sanctionné comme nécessaires les deux vices radicaux qu'ils ont trouvés établis, le morcellement de l'agriculture et la fausseté du commerce livré à la concurrence individuelle qui est toute mensongère et complicative, élevant le nombre des agens au vingtuple de ce qu'emploierait le régime véridique.

Sur ces deux vices repose la société qu'on nomme civilisation, qui loin d'être la destinée du genre humain, est au contraire la plus vile des sociétés industrielles qu'il peut former; carc'est la plus perfide, à tel point qu'elle excite le mépris des barbares mêmes.

Du reste la civilisation occupe en échelle du mouvement un rôle important, car c'est elle qui crée les ressorts nécessaires pour s'acheminer à l'association; elle crée la grande industrie, les hautes sciences et les beaux arts. On devait faire usage de ces moyens pour s'élever plus haut en échelle sociale, ne pas croupir à perpétuité dans cet abîme de misères et de ridicules, nommé civilisation, qui avec ses prouesses industrielles et ses torrens de fausses lumières, ne sait pas garantir au peuple du travail et du pain.

Sur d'autres globes comme sur le nôtre, l'humanité est obligée de passer environ une centaine de générations en mécanisme faux et morcelé, comprenant les quatre périodes, sauvage, patriarchale, barbare et civilisée; et

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