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Ils ont sur les contre-poids sociaux des idées confuses; ils raisonnent sans cesse de balance, contre-poids, garanties, équilibre; mais héritiers des travers de la philosophie ancienne, ils veulent introduire dans l'administration ces contre-poids qu'il faudrait placer dans l'industrie. Cette fausse marche ne peut amener que des désordres: les gouvernemens qu'on veut enchaîner par des constitutions, résisteraient toujours avec plein succès. La réforme ne doit porter que sur l'industrie. Dès qu'elle sera organisée en mécanisme de garantie ou d'association, tout gouvernement trouvera son intérêt à réprimer les abus qu'il protége en civilisation.

C'est donc sur l'industrie seule que les réformateurs auraient dû porter leurs vues; et pour se diriger dans cette carière, il aurait fallu faire usage de l'une des deux boussoles:

Ou du monopole à double contre-poids, qui existe déjà en germe, et qui, par son extension, aurait conduit à la période des garanties sociales.

Ou des Séries passionnées : dont l'invention plus difficile aurait conduit à l'association, destin ultérieur de l'humanité. (Les garanties ne sont qu'une transition, un état mixte entre la destinée malheureuse dite civilisation et la destinée heureuse ou état sociétaire).

L'invention du monopole composé était mieux adaptée à l'esprit de notre siècle, qui se bat les flancs pour lutter contre un monopole simple exercé par l'Angleterre sur le commerce maritime. Cette tyrannie industrielle serait tombée comme toutes les autres devant le monopole composé, et l'Angleterre même y aurait trouvé du bénéfice. Cette invention eût illustré la science dite économie ou économisme, qui préfère lâcher pied, et prétend que sa tâche se borne à l'analyse de l'ordre existant: que n'a-t-elle tenu au moins cet engagement, en donnant l'analyse du commerce qui nous aurait révélé d'étranges turpitudes! (Voyez chap. 43 et 44). On en aurait conclu à la réforme de ce cloaque de vices, de ce mécanisme

inepte qui, par le concours de soixante caractères malfaisans, tels que les cinq déjà cités, consommation inverse, circulation inverse, concurrence inverse, etc., fait de l'industrie un trébuchet pour les peuples, et augmente à la fois leur misère et leur dépravation. L'on prétend que les hommes ne sont pas plus faux qu'ils n'étaient jadis; cependant on pouvait, il y a un demisiècle se procurer à peu de frais des étoffes de bon teint et des comestibles naturels; aujourd'hui l'altération, la fourberie dominent partout. Le cultivateur est devenu aussi fraudeur que l'était jadis le marchand. Laitages, huiles, vins, eaux-de-vie, sucre, café, farines, tout est falsifié impudemment. La multitude pauvre ne peut plus se procurer de comestibles naturels; on ne lui vend que des poisons lents, tant l'esprit de commerce a fait de progrès jusque dans les moindres villages.

Lorsque le parti obscurant s'autorise de ce résultat pour motiver ses vues de rétrogradation, il peut se croire bien fondé, surtout depuis la crise pléthorique de 1826. Toutefois c'est une ressource méprisable et dangereuse que l'obscurantisme dans les conjonctures présentes; il était un rôle brillant dont les adversaires du libéralisme n'ont pas su s'emparer; ils auraient dû faire ce que les libéraux ne savent pas faire, avancer en échelle sociale, opérer un progrès réel par la réforme du système commercial, opération très-facile qui, en France, donnerait un revenu de deux cents millions au fisc, et d'un milliard à la nation; puis un avantage plus précieux encore, la garantie de vérité et d'économie dans le mécanisme de circulation que l'anarchie actuelle complique au degré scandaleux depuis un demi-siècle, le commerce a élevé au quadruple le nombre de ses agens, pour un travail qui n'a que peu ou point varié ; la fourberie s'est accrue en même rapport ainsi que l'absorption de capitaux.

Si les obscurans avaient su inventer cette opération, appliquer au commerce le système monétaire, le monopole composé ou régie fiscale à double contre-poids, ils

auraient enlevé aux libéraux la faveur de l'opinion, et auraient pu leur dire : « C'est nous qui conduisons l'état » social au perfectionnement: vous ne saviez que le faire rétrograder en vous prosternant aux pieds du veau d'or, >> en prostituant votre faconde à encenser un régime » d'anarchie et de fourberie mercantile, au lieu de vous » évertuer à chercher le mode commercial véridique.

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Terminons en remarquant que les sophistes qui prétendent fonder l'association ou qui écrivent sur ce sujet, n'ont aucune connaissance des deux boussoles, pas même de la deuxième dite monopole à double contre-poids, qui est au milieu de nous comme un diamant inaperçu et foulé aux pieds.

D'autre part ces praticiens et théoriciens tombent tous dans le vice d'irréligion scholastique, l'erreur d'attendre de la raison humaine dite législation, des connaissances qu'il faut demander à la raison divine, par étude de l'attraction ou loi naturelle.

Au lieu d'incliner à cette étude, on voit les réunions soi disant sociétaires s'engager dans la controverse politique et religieuse. Quelques-uns en viennent presqu'à faire scission avec Dieu; tels sont les Owénistes qui lui retranchent le culte public. Il suffirait de cette pitoyable innovation pour prononcer, même avant de connaître leurs dogmes et méthodes, qu'ils n'ont aucune connaissance en association.

S'ils avaient entrevu en quelque point ce mécanisme, ils sauraient que dans l'état sociétaire, l'amour de Dieu devient passion ardente chez tous les humains: jouissant à chaque instant de nouveaux plaisirs, et voguant sur un océan de délices, ils éprouveront le besoin d'adresser à toute heure des hommages au créateur d'un si bel ordre. Loin de se ralentir dans l'exercice du culte divin, ils s'en feront un charme habituel. Les assemblées religieuses dans les temples ne suffiront pas à leur gratitude; ils voudront encore dans les groupes de travail ou de plaisir, voir au milieu d'eux quelque emblême du bienfaiteur

du monde, l'associer en quelque façon à leur bonheur, et entonner dans toute réunion un hymne à sa louange.

Les athées mêmes, en voyant le chef-d'œuvre de la sagesse divine, l'harmonie des passions et des caractères antipathiques, l'industrie devenue attrayante pour les Sybarites même; les enfans, dès le plus bas âge, entraînés constamment au bien; l'excellence 'des impulsions données par l'attraction; les athées, dis-je, en voyant ces merveilles, feront trophée de se rallier à l'esprit religieux ; ils seront les plus ardens à proclamer la gloire de Dieu et l'opprobre des lois civilisées; elles paraîtront ce qu'elles sont réellement, une œuvre de l'esprit infernal. Ces lois, qui n'ont su qu'avilir la vertu, en assurant au vice tous les succès, ont fait naître les doutes sur la Providence dont on ne voyait aucune empreinte dans les perfidies du régime civilisé, dans les honteux résultats d'une industrie qui fait le supplice des êtres condamnés à l'exercer, et rabaisse l'homme policé bien au-dessous du sauvage et de l'animal.

Je regrette que la nécessité d'abréger m'oblige à supprimer beaucoup de notions préliminaires : il aurait surtout convenu de donner aux savans et artistes un exposé des immenses richesses et du lustre dont ils jouiront dans le nouvel ordre. Ils sont fort enclins à s'ombrager des découvertes, ils craignent qu'une science neuve ne nuise à leur commerce de systèmes. Obligés de ramper pour obtenir quelque chétif émolument, ils traitent de vision l'idée d'un ordre où les savans et artistes figureront aux rangs supérieurs, et gagneront aisément les trésors que l'état civilisé ne donne qu'aux agioteurs et aux intrigans.

Quelle est leur duperie de se passionner pour un ordre de choses où ils occupent le dernier rang, car il n'est rien de plus asservi, baillonné, humilié que les savans et artistes! Ils vantent l'auguste vérité comme la meilleure amie des humains; elle n'est guère amie des philosophes; car, s'ils osent la faire entendre, ils sont dépouillés ou persécutés, comme les Villemain, Lacretelle,

Michaud, les Legendre, Tissot, Lefevre-Gineau, etc. Je m'engage à leur démontrer que, dans l'état sociétaire où ils jouiront d'une pleine liberté, il leur sera plus aisé de gagner des millions qu'aujourd'hui des mille francs, et que le moindre magister de village y deviendra un homme précieux, à plus forte raison les hommes capables de diriger en quelque branche l'école normale d'une province. Il faut, dans l'état sociétaire, que le peuple soit éclairé, initié aux sciences et aux arts; c'est un moyen de fortune générale : dès-lors les obscurans actuels seront empressés de répandre l'instruction.

Les tableaux de cette fortune prochaine des savans seraient trop éblouissans pour des hommes façonnés au mal-être; ils soupçonnent toujours de l'exagération, et croient que je mets, comme les financiers, des zéros de trop; il n'en est rien, tout sera bien arithmétiquement démontré : loin d'enfler les comptes, je suis dans l'usage de réduire de moitié la somme, et l'on verra qu'une seule des nouvelles sciences, l'analogie, doit rendre aux auteurs un bénéfice de cinq à six millions de francs par feuille de 16 pages: elle contiendra au moins trois mille volumes de la dimension de celui-ci, et paraîtra feuille par feuille pour satisfaire l'impatience générale: ce ne sera qu'une branche des profits énormes que l'état sociétaire assure aux savans et artistes.

Ils ont bonne grâce après cela de s'accrocher à leur mesquin budget de 400,000 francs dans Paris! C'est imiter un misérable qui, appelé à recueillir un brillant héritage, habiter un hôtel et renoncer à sa cabane, penserait qu'il va mourir de faim, quand il n'aura plus ses pots de terre et ses cuillers de bois.

On peut excuser les médecins de s'alarmer du magnétisme, parce qu'il réduirait dans divers cas leur domaine sans présenter de compensation; il n'en est pas ainsi du calcul de l'attraction, qui est un Pactole pour tous les

savans et artistes.

En passant à cette théorie, je ne puis mieux fixer

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