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Deux seuls intendants manquent à cette liste : ceux du Languedoc et de l'île de Corse; l'un, M. de Saint-Priest, que le pamphlétaire traite favorablement dans d'autres passages de son livre, et l'autre M. de Bouchepont. Auroit-il été arrêté par la crainte d'en dire du bien? Car on a pu remarquer que tous les autres, à l'exception de MM. Senac de Meilhan et d'Aine (1), sont outrageusement traités dans sa diatribe. Quand on songe que ces traits envenimés partoient de la main d'un homme que des actions déshonorantes avoient fait rayer de la liste des

(1) Ce digne successeur de M. Turgot à Limoges mériteroit d'être plus connu. Il n'a qu'un article insignifiant dans chacune des Biographies de MM. Michaud et Didot.

maîtres des requêtes, on reste stupéfait devant l'impudence du personnage, qui savoit très bien que si la calomnie orale ne laisse pas inévitablement de traces après elles, il reste toujours quelque chose de la diffamation écrite. On peut consulter, pour plus de détails concernant Baudouin de Guémadeuc, l'article que nous avons donné sur lui dans la Biographie universelle (Tome 66, page 205).

J.-L.

PUBLICATIONS NOUVELLES.

Documents inédits sur Montaigne, recueillis et publiés par le docteur J.-F. Payen. N° 3. Paris, Jannet, 1855, in-8.

On ne peut désormais parler de l'auteur des Essais, de sa vie, de sa personne, sans que le nom du docteur Payen ne se présente aussitôt. Cette association, qui dans le passé a fait la gloire de l'ami de Montaigne, de sa fille d'alliance, protégera aussi le labeur de son biographe; elle attirera sur ses écrits, sinon l'éclat de la célébrité littéraire, du moins une notoriété des plus honorables, et comme un reflet de la lumière qu'il s'est plu à répandre sur les moindres traits de la grande physionomie, objet de son culte. Voici une troisième série de Documents inédits sur Montaigne, qui, malgré son peu d'étendue, 40 pages, ne le cède en intérêt à aucune de celles qui l'ont précédée.

Signalons d'abord des notes autographes inscrites par l'auteur des Essais, sur un exemplaire des Éphémérides de Beuther, qui lui a appartenu. Ce volume, Michaëlis Beutheri Ephemeris historica. Paris, Michel Fezandat, 1551, in-8 de 16-432 et 16 pages, est disposé typographiquement par mois et par jour, de manière que la moitié de la page reste libre pour que le possesseur y inscrive ses propres éphémérides. Il y a d'autres ou

vrages propres à recevoir des annotations du même genre, et qui, à raison de cette circonstance, sont recherchés des curieux. Nous avons vu de ces souvenirs personnels consignés sur les calendriers qui précèdent les anciens Alman ichs royaux, et l'on sait qu'Antoine Bruneau, avocat au Parlement de Paris, mort vers 1720, a écrit sur des feuillets blancs intercalés dans l'Almanach historial, Paris et Troyes, une espèce de journal sur ce qui s'est passé de son temps au Palais (1). Les Ephémérides de Beuther ont particulièrement servi à cet usage. « Tous les exemplaires que j'ai vus, nous dit le docteur Payen, sont ainsi utilisés par exemple celui de Franciscus Rassius, chirurgicus parisiensis, porte, entre autres annotations, celle-ci qu'on pourroit dire confidentielle : « Anno D. 1551, uxorem duxi mariam Le Prestre, INTER PRIMAM ET 2am A MEDIA NOCTE. Id sit fælicibus auspiciis. »

Qu'on nous permette encore une petite digression à propos de ce Franciscus Rassius, que M. le docteur Payen nomme ici sans autre désignation, et que nous prenons la liberté de recommander à son attention comme médecin et comme bibliophile. François Rasse des Nœuds, et non pas Ransse ou Rance, comme a quelquefois écrit ce nom, en latin Franciscus Rassius Noëus, ainsi qu'il est porté sur le volume en question, est qualifié par Formey, dans le Ducatiana, de « Chirurgien de robe longue. On a de lui, dit-il, des recueils entiers manuscrits de toutes sortes de pièces, en vers et en prose, sur les affaires publiques de son temps. Sa bibliothèque, composée pour la plupart de nos vieux romans gothiques, étoit si nombreuse, qu'aujourd'hui même, dans les plus curieuses bibliothèques, et dedans et dehors le royaume, il s'en trouve des volumes ou il a mis son nom. » Dans la célèbre collection de Maurepas, les plus anciennes pièces sont indiquées comme transcrites de ces recueils manuscrits de Rasse des Nœuds, qui paraissent aujourd'hui perdus. C'est un point sur lequel nous appelons les investiga

(1) Voy. dans le Bulletin du Bibliophile de décembre 1836 une notice de M. J. Ch. Brunet sur ce journal.

tions des curieux, et pour consigner ici tout ce qu'il nous a été possible de rattacher à ce nom, nous dirons qu'il est question, dans Palma Cayet, d'un Deneur, chirurgien de Jeanne d'Albret, qui fut chargé, après la mort de cette princesse, de faire l'ouverture de son corps. Nous trouvons aussi la trace d'un Desnœuds, chirurgien, qui, lors de la lutte engagée en juillet 1562, à Orléans, entre les protestants et les catholiques, prenoit parti contre ces derniers, au moins par des épigrammes.

Revenons à l'exemplaire de Montaigne et aux notes autographes que le docteur Payen a relevées, au nombre de quarantesix, dans sa nouvelle publication. Ces notes sont relatives aux faits importants de la vie de l'auteur, à des événements de famille, naissances, mariages de lui et des siens, honneurs à lui conférés, etc., le tout consigné en quelques mots et accompagné de dates précises. Ce serait déjà beaucoup que d'avoir le témoignage personnel de Montaigne lui-même, sur des faits que les recherches des biographes, et notamment du docteur Payen, avaient déjà établis d'une manière plus ou moins certaine. Mais il est quelques-unes de ces notes qui sont de nature à piquer encore plus vivement la curiosité. En voici une, par exemple, qui justifie certain passage des Essais où l'on avoit soupçonné un peu de vanterie gasconne de la part du seigneur de Montaigne. « La majesté royale, dit-il en parlant de son château, У a logé plus d'une fois en sa pompe. »

« December 19, 1584. Le roy de Navarre me vint voir à Montaigne, où il n'avoit jamais esté, et y fut deux jours servi de mes gens sans aucun de ses officiers; il n'y souffrit ny essai ni couvert et dormit dans mon lit. Il avoit avec luy le prince de Condé, de Rohan, de Turenne, etc., (suit une énumération que nous supprimons), qui coucharent céans, et environ dix autres, outre les valets de chambre, pages et soldats de sa garde. Environ autant alarent coucher aux villages. Au partir de céans, je lui fis eslancer un cerf en ma forêt, qui le promena deux jours. »

Qui n'aime à se figurer le Béarnois soupant sans cérémonie

avec Montaigne, devisant sous le manteau de la cheminée seigneuriale, courant le cerf dans les bois d'alentour; et enfin, dormant dans ce lit où ne manquoit pas sans doute « l'oreiller à reposer une teste bien faicte! »

Après nous avoir montré Montaigne hébergeant le roi de Navarre, les Nouveaux documents nous le représentent prisonnier à la Bastille. épisode entièrement neuf et pour la vie de l'auteur des Essais, et pour l'histoire de l'ancienne prison d'Etat. M. le docteur Payen, afin de relever encore le haut goût de cette curiosité historique et littéraire, nous donne, à la fin de sa brochure, le fac-simile du récit que Montaigne en a tracé de sa main, à la page 201, recto, des Éphémérides de Beuther.

« Le 20 juillet 1588, entre trois et quatre après midi, estant logé au faubourg Saint-Germain, à Paris, et malade d'une espèce de goutte, je fus pris prisonier par les capitenes et peuple de Paris; c'estoit au temps que le roy en estoit mis hors par M. de Guise, et fus par eux mené à la Bastille sur mon cheval, et me fut signifié que c'estoit à la sollicitation du duc d'Elbeuf, et par droit de représailles au lieu d'un sien parant, gentilhomme de Normandie, que le roy tenoit prisonnier à Roan. La roine-mère du roy avertie de mon emprisonnement, obtint de M. de Guise qui estoit lors de fortune avec elle, et du prévost des marchands, vers lequel elle envoya, que sur les huit heures du soir un maistre d'hôtel de Sa Majesté me vint faire mettre en liberté moiennant les rescrits du dict seignur duc et du dict prévost adressans au Clerc (Bussy-le-Clerc), capitene pour lors de la Bastille. >>

Nous n'avons pas besoin de faire ressortir l'importance du fait en lui-même pour l'appréciation du rôle politique de Montaigne, et pour l'éclaircissement de certains points qui n'avaient pas jusqu'ici passé sans contestation, à savoir qu'il n'étoit pas ligueur, et qu'il avoit néanmoins quelques obligations aux Guise.

La brochure de M. le docteur Payen, renferme encore d'autres documents provenant de diverses sources, entre autres un

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